25 mars 2006

Guerre coloniale et luttes sociales

En Israël, Ehoud Olmert fait campagne électorale à la tête de Kadima pour succéder à Sharon, toujours dans le coma. Loin d'offrir aux israéliens un programme susceptible de sortir de la politique suicidaire conduite par Sharon, il imite son prédécesseur.
Il a multiplié les attaques contre les Palestiniens : raid à Jéricho pour détruire la prison et capturer Ahmad Saadat, raid à Gaza et surtout renforcement du blocage des territoires pour faire payer à la population la victoire électorale du Hamas.

Ce comportement criminel n'est pas dénoncé et les faits sont à peine cités par les médias ou retournés à l'avantage du terrorisme de l'État d'Israël. L'insensibilité face aux drames quotidiens de cette guerre coloniale, qui enferme les israéliens dans le rôle de bourreau des palestiniens, est écœurante. Se taire, c'est être complice des crimes perpétués depuis 58 ans.

La population israélienne est lasse de cette guerre, qui ne profite qu'à quelques milliers de colons instrumentalisés par les partis de droite et d'extrême-droite. Le prétexte sécuritaire devient de moins en moins crédible alors que le Hamas a cessé, depuis un an, sa politique suicidaire des attentats.
La question sociale a donc brusquement refait surface dans cette campagne des législatives. Car si la guerre coloniale touche d'abord la population palestinienne, réduite à la lutte quotidienne pour sa survie, elle touche aussi les millions d'israéliens condamnés à la pauvreté.

L'économie israélienne est une économie de guerre qui ne profite qu'à quelques uns et engendre la précarisation et la pauvreté de la majorité de la population. Cette ségrégation sociale touche surtout les israéliens originaires du Maghreb et du Machrek - appelés les juifs orientaux par opposition à ceux originaires des pays d'Europe centrale.
Les conflits sociaux furent longtemps masqués par les discours guerriers et sécuritaires d'une politique coloniale aussi cruelle qu'inefficace. Car, maintenir les Palestiniens dans les prisons à ciel ouvert des bantoustans, crée plus de problèmes qu'il n'en résout.

Il est réconfortant qu'une partie de la gauche israélienne fasse campagne sur la question sociale. C'est un premier pas, certes timide, pour modifier la manière de résoudre la question politique - celle de la colonisation, dont la majorité des israéliens sont aussi les victimes.
Alors que les nationalismes israélien et palestinien sont dans l'impasse, il est en effet temps d'envisager la création d'un État démocratique dans lequel les deux peuples pourront vivre à égalité de droits et de devoirs sur la même terre.

Ce fut le sens du combat d'Edward Saïd [1], mort en 2003 d'une leucémie, et c'est celui de Marwan Bishara [2] et de l'Initiative Nationale Palestinienne [3], groupe qu'il est urgent de découvrir et de soutenir.
Nous devons soutenir toutes les initiatives israéliennes et palestiniennes qui veulent mettre un terme à la guerre coloniale et partager le même État entre les deux peuples [4].

Serge LEFORT
25 mars 2006


[1] SAÏD Edward, D'Oslo à l'Irak, Fayard, 2005.
[2] BISHARA Marwan, Palestine/Israël - La paix ou l'apartheid, La Découverte, 2001.
[3] INP sur Google. Voir aussi les dossiers :
Le Monde diplomatique.
Libération.
Le Monde.
BARGHOUTI Moustapha, Rester sur la montagne - Entretiens sur la Palestine avec Éric Hazan, La Fabrique, 2005.
[4] Lire les articles d'israéliens :
France Palestine.
Protection Palestine.
Sur la question sociale au Moyen-Orient : COSME Théo, Moyen-Orient 1945-2002 - Histoire d'une lutte de classes, Senonevero, 2002.

22 mars 2006

L'opacité de l'Associated Press

Au beau milieu de la « Semaine de Transparence » du journalisme - et pendant que l'AP et d'autres organismes discourent vaillamment sur « le droit de savoir » de l'opinion publique - l'AP continue de travailler dans l'opacité et refuse de répondre même à de simples questions sur sa façon de publier les informations internationales. Surtout, elle refuse d'expliquer pourquoi elle a effacé la pellicule montrant un soldat israélien tirant, intentionnellement, sur un garçon palestinien.

« La tendance au secret est la pire menace pour la démocratie » (le CEO de l'Associated Press, dans un discours sur l'importance de la transparence).
« La réponse officielle est que nous refusons de répondre » (le directeur des relations avec les médias de l'Associated Press répondant aux questions sur l'AP).

L'AP, selon son site, est l'organisme d'informations le plus ancien et le plus important du monde. C'est l'hippopotame pour la publication d'infos que ses rédacteurs sélectionnent et qui parviennent à un milliard de personnes chaque jour. Alimentée par des milliers de journalistes, de stations de radio et de télévision, l'AP est un support décisif pour que les Américains puissent lire, entendre et voir... et pour qu'ils ne le puissent pas.

Et ce dont ils ne peuvent pas prendre connaissance est profondément important. J'ai travaillé sur une telle carence lorsque j'étais dans les Territoires palestiniens, l'an dernier, pour un documentaire, avec ma collègue (et ma fille) qui filmait mes entretiens.

Le 17 octobre 2004, les forces militaires israéliennes ont pénétré à Balata, une communauté dense, misérable au cœur de la Cisjordanie en Palestine. (Israël fait fréquemment des incursions dans ce secteur, et d'autres). Selon des témoins, les véhicules sont restés pendant une vingtaine de minutes, l'armée montrant son pouvoir sur la population palestinienne. Les témoins déclarent qu'il n'y avait aucun résistant palestinien, ni « accrochage », ni « fusillade », ni même de lancement de pierres. A un moment, après que la plupart des véhicules se soient finalement éloignés, un soldat israélien a calé son arme contre le blindé, visé un enfant tout proche, et a appuyé sur la détente.

Nous sommes allés à l'hôpital et avons rencontré Ahmed, le petit garçon, ses docteurs, sa famille et d'autres personnes. Ahmad avait des bandages tout autour du bas de l'abdomen, les chirurgiens l'avaient opéré à la vessie. Il dit qu'il avait peur des soldats israéliens, il a relevé la jambe de son pantalon pour nous montrer là où il avait déjà été blessé.

A l'hôpital, il y avait un second garçon, lui avait le fémur brisé ; et un troisième, en état critique, avec une balle dans un poumon. Un quatrième garçon, pas un blessé, visitait un ami. Il nous a montré sa lèvre balafrée et des dents qui lui manquaient, des soldats israéliens l'avaient touché à la bouche.

Ce n'était pas une situation inhabituelle. Lorsque j'avais visité des hôpitaux palestiniens lors d'un séjour précédent, j'avais vu beaucoup de victimes identiques, certaines avec des blessures pire encore. Pourtant, très peu d'Américains savent ce qui se passe. Les comportements de l'Associated Press dans le cas précis du tir contre Ahmad peuvent expliquer pourquoi.

Dans ce cas, nous avons découvert qu'un caméraman d'AP avait filmé tout l'incident. Ce caméraman a ensuite suivi ce qui, apparemment, est la routine. Il a envoyé sa cassette vidéo - un document extrêmement précieux étant donné qu'il contenait la preuve filmée d'un crime de guerre - au bureau de la régie de l'AP pour la région. Ce bureau est en Israël.

Ce qui s'est passé ensuite est incompréhensible. L'AP a-t-elle diffusé la cassette ? non. L'AP l'a-t-elle confiée à la bonne personne, disponible pour enquêter sur ce crime ? non.
Selon son caméraman, AP l'a effacée.

Nous avons été étonnés. Nous sommes allés au bureau de la régie de l'AP en Israël. Avec notre propre caméra-vidéo, parfois en filmant, nous avons interrogé le chef du bureau, Steve Gutkin, sur cet incident. Notre information était-elle correcte, ou avait-il une autre version ? Le bureau détenait-il la vidéo, ou l'avaient-ils effectivement effacée ? et si oui, pourquoi ?

Gutkin, jetant un regard répété sur notre caméra et visiblement agité, nous dit que l'AP ne permettait pas à ses journalistes de faire des interviews. Que toutes les questions doivent aller à la Corporate Communications, à New York. Il m'explique qu'ils sont pressés par les délais et qu'ils ne peuvent pas me parler. Je lui dis que je comprends sa contrainte des délais, et je m'assoies pour attendre qu'il ait fini. Quand il a appelé la police israélienne pour nous faire arrêter, nous sommes partis.

Plus tard, de retour aux USA, j'ai appelé la Corporate Communications et ai obtenu le directeur des relations avec les médias, Jack Stokes, porte-parole des relations publiques de l'AP. J'avais déjà discuté avec Stokes précédemment.

Pendant les années passées, j'avais déjà noté des défauts troublants dans la couverture par AP d'Israël et de la Palestine : des faits médiatiques non couverts, des publications envoyées à la presse internationale mais pas à la presse américaine, des récits omettant ou présentant de façon déformée des faits significatifs, des phrases critiques retirées des déclarations.

Je téléphone alors à l'AP proposant la rectification appropriée ou faisant une nouvelle mise en garde. Une fois, j'ai eu comme résultat à propos d'une info viciée qu'elle soit légèrement rectifiée en dernières nouvelles. Dans beaucoup de cas, cependant, il faut que j'appelle la Corporate Communications. Je leur téléphone, leur laisse un message, et j'attends une réponse. Le plus souvent, rien ne vient.

Plusieurs fois, pourtant, j'ai pu avoir une longue conversation avec le porte-parole de l'AP, Stokes. Aucune de ces discussions n'a abouti à ce que l'AP prenne des mesures. Voici quelques réponses typiques :

  • le récit non paru n'était « pas médiatique » ;
  • il a été considéré par les rédacteurs de l'AP comme médiatique pour le reste du monde - par exemple l'arrestation violente par Israël de 300 jeunes Palestiniens - mais pas pour les USA (le principal allié d'Israël) ;
  • enterrer une déclaration selon laquelle les forces israéliennes ont tiré dans la bouche d'une vieille femme palestinienne est justifié ;
  • la relation inexacte d'un incident où un officier israélien crible de balles une fillette de 13 ans à bout portant est sans importance.

En dépit de cette relation peu réceptive, quand j'ai appris, de première main, que le bureau de l'AP avait effacé le film d'une atrocité, j'ai encore appelé la Corporate Communications. Je n'avais plus beaucoup d'espoir pour que l'AP fasse le moindre rectificatif, mais je comptais recevoir quelque information. J'ai donné à Stokes, le porte-parole, les nombreux détails de l'incident que nous avions recueillis sur place et lui ai posé les mêmes questions qu'à Gutkin. Il m'a dit qu'il regarderait et qu'il me tiendrait au courant.

Après plusieurs jours sans nouvelles, je l'ai rappelé. Il a indiqué qu'il avait regardé à propos de l'incident, et que l'AP avait décidé qu'il s'agissait d'une « question interne » et qu'ils ne donneraient aucune réponse.

Alors que j'aurais dû m'en douter, je fus encore surprise. Car l'AP violait ouvertement les règles journalistiques fondamentales de notre déontologie, et elle ressentait clairement qu'elle en avait le pouvoir.

Le journalisme, selon la Déclaration de principe de la Société américaine des rédacteurs de presse, est une « parole inviolable ». Elle est une protection pour une société de libertés, elle est si nécessaire au fonctionnement d'une démocratie que nos ancêtres ont affirmé sa primauté dans la Déclaration des Droits.
Selon la Société des Journalistes professionnels, l'un des quatre principaux fondements de l'éthique journalistique est « d'être responsable ». Selon le code d'éthique de la SPJ :

  • les journalistes sont responsables de leurs lectrices et lecteurs, de leurs auditrices et auditeurs, de leurs téléspectatrices et téléspectateurs et réciproquement ;
  • les journalistes doivent :
    - éclaircir et expliquer le reportage et inviter le public au dialogue sur la tenue journalistique ;
    - encourager le public à exprimer ses observations contre la presse d'information ;
    - admettre leurs erreurs et les corriger promptement ;
    - dénoncer les pratiques contraires à l'éthique des journalistes et de la presse d'information ;
    - respecter les mêmes règles de valeur qu'ils attendent des autres.

Enfin, cette semaine, en dernière minute sur un article couvrant Israël et la Palestine, j'ai encore essayé de conforter certaines de mes déclarations à l'AP. C'est vrai, j'ai senti que pendant la « Semaine de Transparence », l'AP allait répondre. Partie prenante de cette campagne sur la transparence, le CEO de l'AP et son Président, Tom Curley, se déplacent partout dans le pays, faisant des discours sur la nécessité de transparence et de responsabilité (pour le gouvernement) et insistant sur « la franchise qu'une démocratie efficace requiert ».

« La tendance au secret, a fait remarquer le président de l'AP, est la plus grande menace contre la démocratie ».

J'ai adressé par mail mes questions à l'AP, j'ai parlé à Stokes au téléphone, et je lui ai dit encore de me répondre. Une nouvelle fois, je suis allée le voir. Et là, dans un échange surréaliste, il m'a fait part de la réponse de l'AP : « La réponse officielle est que nous refusons de répondre ». Comme je lui posais question sur question - beaucoup étant aussi simples que la confirmation du nombre de bureaux que l'AP avaient en Israël et Palestine - sa réponse fut le silence ou alors il me répétait : « la réponse officielle est que nous refusons de répondre ».

Le jour suivant, j'ai essayé de téléphoner au président Curley directement. Je n'ai pu l'avoir étant donné qu'il était sur la route, faisant ses discours de la Semaine de Transparence (« Le secret, disait Curley, c'est pour les perdants »), j'ai laissé un message pour lui à son assistante. Elle a dit que quelqu'un me répondrait.
J'attends toujours.

Il est grand temps d'aller voir les supérieurs de l'AP. En effet, l'AP est une coopérative. Elle n'est pas la propriété du porte-parole de la Corparate Communications ou de son CEO, ni même de son conseil d'administration. Elle est la propriété des milliers de journalistes et de stations dans tous les Etats-Unis qui se servent des infos de l'AP. Ces journalistes et stations de radio et télévision sont les vrais dirigeants de l'AP, et ils sont responsables de ses couvertures d'informations.

Finalement, il apparaît que la seule façon pour que les Américains puissent être complètement informés, avec des reportages impartiaux de l'AP sur Israël et sur la Palestine, c'est que tous ceux qui sont ses propriétaires demandent une telle couverture de l'info de la part de leurs employés, au Moyen-Orient et à New York. Aussi longtemps que les propriétaires de l'AP se sentiront trop occupés ou seront trop négligents pour remplir leur fonction et assurer une juste couverture Israël-Palestine, la poignée de personnes dans l'AP qui déforment les informations sur cette question tragique, cruciale et déstabilisante pour le monde entier, continueront probablement à agir.

En fin de compte, il nous appartient à nous tous, - le public - d'intervenir. Toute personne croyant que les Américains ont le droit et le besoin d'être informés, sans dénaturer l'information sur toutes ces questions, notamment sur Israël et la Palestine, doit agir. Nous devons exiger de notre presse d'informations qu'elle remplisse son devoir extrêmement important, et nous devons nous-mêmes apporter les informations cruciales et décisives que nos médias ont laissées.

Si nous n'agissons pas, personne d'autre ne le fera.

Alison Weir
20 mars 2006
Publié par CCIPPP selon IMEMC News.


Alison Weir, ancienne journaliste, est directrice exécutive de "Si les Américains savaient", elle travaille actuellement à une analyse statistiques de la couverture par l'AP de l'information sur Israël et la Palestine, qui sera communiquée dans quelques mois. L'organisation a créé des cartes faisant part des agissements de l'AP pour que les gens les diffusent dans les communautés.

21 mars 2006

Uri Avnery : Un acte répugnant

C'était odieux, avant tout parce que c'était une manœuvre de propagande électorale. Pour un homme politique, envoyer l'armée pour récolter des voix est un acte répugnant. Dans cette action, trois personnes ont été tuées. On a risqué beaucoup d'autres vies, palestiniennes et israéliennes.

LE THÈME CENTRAL de cet article est le dégoût. Donc, je m'excuse par avance pour l'usage fréquent de ce mot et de mots semblables.

Dans le dictionnaire j'ai trouvé un grand nombre de synonymes : exécration, révulsion, nausée, rejet, aversion, antipathie, abomination, répulsion, horreur, répugnance, réprobation, détestation, et d'autres encore. J'éprouve tous ces sentiments à propos de ce qui s'est passé à Jéricho mardi.

C'ÉTAIT ODIEUX, avant tout parce que c'était une manœuvre de propagande électorale. Pour un homme politique, envoyer l'armée pour récolter des voix est un acte répugnant. Dans cette action, trois personnes ont été tuées. On a risqué beaucoup d'autres vies, palestiniennes et israéliennes.

Le cynisme horrible de la décision était visible pour tous. Même les électeurs l'ont remarqué : dans un sondage il y a deux jours, 47% ont dit que la décision était influencée par des considérations électorales, seulement 49% pensaient le contraire.

Ce n'est pas la première fois qu'Ehoud Olmert marche sur des cadavres pour parvenir au pouvoir. Quand il était maire de Jérusalem, il a poussé à l'ouverture d'un tunnel dans la zone des lieux saints musulmans, provoquant (comme on pouvait s'y attendre) des dizaines de victimes. Benjamin Netanyahou, son complice à l'époque, est du même acabit.

Netanyahou, au moins, a été à un moment un combattant qui a risqué sa propre vie dans l'action. Il est encore plus dégoûtant de voir un homme politique envoyer les autres risquer leur vie mais qui prend grand soin de ne pas risquer la sienne. George Bush et Dick Cheney, deux fauteurs de guerre en série font aussi partie de la même bande.

Olmert avait un problème. Son parti déclinait lentement dans les sondages. Le temps passant, un certain nombre de fans de Kadima ont commencé à remarquer que, décidément, Olmert n'est pas Sharon. La gloire de Sharon tenait principalement au fait qu'il était un général victorieux qui se promenait pendant la guerre du Kippour la tête bandée (jusqu'à aujourd'hui on ne sait pas trop pourquoi). Olmert avait un besoin urgent d'une action militaire qui lui apporterait les lauriers d'un rude commandant militaire et l'aiderait à se défaire du surnom qui lui a été donné dans le Likoud : Smolmert (Smol, en hébreu, signifie gauche).

Le stratagème a payé. Dans le même sondage, 20,70% des électeurs ont dit que l'action de Jéricho les a persuadés de voter pour Kadima, ou, au moins, qu'elle les a confortés dans leur décision de le faire.

En général, on devrait se méfier d'un civil qui succède à un dirigeant couronné de lauriers militaires. Il suffit de mentionner le cas classique d'Anthony Eden, l'héritier de Winston Churchill, qui a lancé la guerre de Suez d'octobre 1956.

QUE NOUS RAPPELLE cette guerre ? La collusion.

Les Britanniques voulaient faire tomber Gamal Abdel Nasser parce qu'il avait eu l'audace d'exproprier les actionnaires britanniques de la Compagnie du Canal de Suez. Les Français voulaient le faire tomber à cause de son soutien à la guerre de libération algérienne. Ils s'étaient mis d'accord avec David Ben Gourion, qui voulait détruire l'armée égyptienne nouvellement rééquipée. Le principal intermédiaire de la collusion était Shimon Pérès, aujourd'hui n°2 sur la liste de Kadima.

Voilà comment les choses se sont passées : les parachutistes israéliens, commandés par Ariel Sharon (fondateur de Kadima), ont été largués près du canal de Suez. La Grande-Bretagne et la France ont publié un faux ultimatum, appelant l'Egypte et Israël à retirer leurs forces du Canal - une demande absurde étant donné que le Canal est en plein territoire égyptien. Comme cela avait été préalablement concocté, Israël a refusé, et alors les forces britanniques et françaises ont envahi la zone du Canal, laissant l'armée israélienne prendre le contrôle de toute la péninsule du Sinaï. La collusion était si primaire et évidente qu'elle a été tout de suite démasquée. J'en ai fini pour Eden.

Pour en revenir à l'affaire de Jéricho, elle est étonnamment semblable : les Britanniques et les Américains ont prétendu qu'ils avaient des craintes pour la sécurité de leurs surveillants stationnés à Jéricho en application d'un accord dont nous allons parler plus loin. Ils ont à dit à Mahmoud Abbas qu'ils pouvaient les retirer. A une date décidée en secret avec le Premier ministre israélien, les surveillants britanniques et américains sont partis et l'armée israélienne est arrivée. L'action avait été préparée pendant des semaines.

Il y a une chose que l'on peut dire de George Bush et de Tony Blair (et son malheureux ministre des Affaires étrangères, Jack Straw) : ils ont ramené la plus vieille profession du monde dans la plus vieille ville du monde. Le fil écarlate de Rahav la Prostituée (Josué, 2) conduit à cet acte de prostitution.

LE GÉNÉRAL Dan Halutz peut être fier de cette victoire. Dans le passé, il est devenu célèbre pour avoir dit que tout ce qu'il ressent quand il largue des bombes sur un quartier d'habitation est une légère secousse sur l'aile de l'avion, même si des femmes et des enfants sont tués. Après cela, il dort bien, dit-il. Maintenant il a gagné une vraie gloire : avec l'aide de dizaines de tanks, de canons et de lourds bulldozers, il a réussi à capturer six prisonniers sans armes dans la petite ville tranquille non violente qui vit du tourisme.

Au cours de l'action, les soldats de Halutz ont donné un tableau dégoûtant qui a souillé l'image de l'armée israélienne aux yeux des centaines de millions de personnes qui l'ont vue sur leurs écrans. Ils ont ordonné aux policiers et aux prisonniers palestiniens de retirer leurs vêtements et ensuite de se laisser photographier encore et encore - et encore et encore - en sous-vêtements. Il n'y avait aucun besoin de faire cela. Le prétexte, qu'il aurait pu y avoir des ceintures d'explosifs cachées sur eux, était ridicule dans de telles circonstances. Et même si cela avait été nécessaire, on aurait pu le faire loin des caméras. Aucun doute : l'intention était d'humilier, d'avilir, de satisfaire des tendances sadiques.

Une personne peut, peut-être, passer outre aux coups, ou même à la torture. Mais elle ne peut jamais oublier l'humiliation, particulièrement quand elle est montrée à sa famille, à ses collègues et au monde entier. Combien de nouveaux terroristes se sont-ils révélés à ce moment-là ?

Ce jour-là, il s'est trouvé que je rendais visite à des amis dans un village palestinien de Cisjordanie. Nous - mes hôtes et moi - étions rivés à l'écran de TV (principalement Al Jézira). Quand ces images sont apparues, je n'ai pas pu regarder mes hôtes dans les yeux tant j'avais honte.

LES MÉDIAS ISRAÉLIENS s'amusaient comme des fous. Non seulement ils s'amusaient, ils étaient fous de joie. Ils ont pris leur part dans cet événement répugnant et se sont mis au garde-à-vous derrière le gouvernement. Comme une bande de perroquets, répétant à l'unisson la version officielle mensongère.

On a assisté à un festival de lavage de cerveau. Les « assassins de Zeevi » ont été capturés ! C'était notre devoir national ! Nous ne pouvions pas ne rien faire jusqu'à ce qu'ils tombent entre nos mains, morts ou vifs !

Ces trois mots - « Assassins de Zeevi » - sont devenus une litanie. Ils ont été répétés sans arrêt à la radio et à la télévision, et publiés dans la presse écrite (tous les journaux !) et dans les discours des hommes politiques (de tous les hommes politiques !). Et voilà : les Israéliens sont « assassinés », les Palestiniens sont « éliminés ».

Pourquoi, grands dieux ? Rehavam Zeevi, ministre à l'époque, défendait jour et nuit l'idée du « transfert », un euphémisme pour l'expulsion des Palestiniens hors de Palestine. Comparés à lui, Jean-Marie Le Pen en France et Georges Haider en Autriche sont des libéraux au grand cœur. Son assassinat ciblé n'est pas différent de l'assassinat ciblé du Cheikh Ahmed Yassine et de quantité d'autres dirigeants palestiniens, y compris Abou Ali Moustapha, le chef du Front Populaire qui a été autorisé par Israël à revenir de Syrie en territoire palestinien après Oslo.

Cet assassinat fait partie d'une chaîne interminable de violences : l'armée israélienne a tué Abou Ali Moustapha. La succession de celui-ci a été assurée par Ahmed Saadat qui, d'après les services de sécurité israéliens, a ordonné, pour le venger, l'assassinat de Rehavam Zeevi, et dont la capture était l'objectif de l'action de Jéricho. Et ainsi de suite.

Soyons clairs : je suis opposé à tous les assassinats. Les leurs et les nôtres. L'assassinat de Abou Ali Moustapha et l'assassinat de Rehavam Zeevi. Mais quiconque répand le sang d'un dirigeant palestinien ne peut se plaindre qu'il coûte le sang d'un dirigeant israélien.

IL Y A encore un autre aspect de l'affaire, qui n'est pas moins dégoûtant : l'attitude envers le respect des accords.

Saadat et ses compagnons ont été détenus à Jéricho selon les termes d'un accord signé par Israël. En vertu de celui-ci, ils ont quitté la Mouqataa à Ramallah, pendant le siège de Yasser Arafat, et ont été conduits dans la prison palestinienne de Jéricho. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont garanti leur sécurité et entrepris de surveiller leur détention.

Ce qui est arrivé à Jéricho est une violation flagrante de cet accord. Les misérables prétextes inventés à Jérusalem, Londres et Washington sont une insulte à l'intelligence d'un enfant de 10 ans.

Les gouvernements israéliens considèrent souvent la violation d'un accord comme un acte patriotique si elle sert notre projet. Les accords ne sont contraignants que pour l'autre côté. Ceci n'est pas seulement d'une moralité primaire, c'est également dommageable pour nos intérêts nationaux. Qui signera un accord avec nous, sachant qu'il n'engage que lui ? Comment Israël peut-il convaincre les dirigeants du Hamas d'« accepter tous les accords » signés par l'Autorité palestinienne ?

De nombreux Israéliens croient que l'action de Jéricho était une opération brillante. Je la trouve simplement dégoûtante.

Uri Avnery
19/03/2006
Publié par CCIPPP.

20 mars 2006

Ilan Pappé : Le sionisme et l'occupation coloniale

Au mois d'octobre dernier, lorsque le Professeur Ilan Pappé était en visite à San Fransisco, il a été interviewé par Steve Zeltzer pour le compte de son programme de télévision Labor Video Project cable TV program. Ceci correspond à l'enregistrement audio de 57 minutes dans lequel Pappé parle de l'histoire du sionisme, de la Nakba palestinienne, des relations sociales israélo-palestiniennes, de la nécessité d'une solution à un seul Etat, du désinvestissement, et du soutien manifesté par le public israélien à la guerre contre l'Irak.

Question : Comment avez-vous décidé de devenir un expert, ou d'étudier la question des Palestiniens et de la formation d'Israël ?

J'ai compris très tôt que la recherche historique dans le cas de personnes comme moi, ou de quiconque en Israël ou en Palestine, n'est pas une simple activité intellectuelle ; la réalité, les réalités du conflit sont inscrites dans ce qui est survenu dans le passé. Et par conséquent je pensais que non seulement les historiens, les historiens professionnels, mais la société dans son ensemble devrait regarder ce passé en profondeur si l'on souhaitait mieux comprendre le passé. Et j'ai aussi compris que la façon dont l'Histoire est enseignée et étudiée dans les universités israéliennes est tout à fait subordonnée à l'idéologie sioniste, et il est devenu très clair pour moi, depuis le tout début de ma carrière professionnelle, qu'écrire des ouvrages historiques, donner des cours d'histoire sur le passé palestinien est aussi un acte politique, un acte idéologique, et non pas juste un acte intellectuel.

Depuis lors, je suis toujours convaincu que mon type de militantisme, qui fait la liaison avec mon activité d'écrivain historique et mon activité politique actuelle sont étroitement liés, et c'est pourquoi je persiste à vouloir étudier le passé en poursuivant mes recherches et en étant actif dans le présent.

Q : Lorsque vous avez commencé à étudier ce sujet, à quelles conclusions êtes-vous arrivé concernant l'Etat d'Israël et la situation faite aux Palestiniens ?

Je pense que ce qui est sorti de tout cela, beaucoup, beaucoup de Palestiniens l'avaient réalisé avant moi, mais pour moi cela nécessitait ce voyage individuel dans le passé. Comme universitaire israélien, j'avais pensé que cette histoire était très complexe, et en fait ce que j'ai trouvé c'est une histoire très simple, une histoire de dépossession, de colonisation, d'occupation et d'expulsion. Et plus je m'investissais dans cela, plus évidente devenait cette histoire, tout en devenant plus simple, et cela m'a aussi amené à considérer l'Etat d'Israël, et de sa majorité juive, dans les mêmes termes que ceux que j'utilisais pour caractériser l'Afrique du Sud et le régime de suprématie blanche. Je pense donc que c'est cela la conclusion naturelle et principale.

Q : La théorie du sionisme consiste à affirmer que le fait que les Juifs aient leur propre Etat serait une solution à l'anti-sémitisme, et qu'ils ont besoin d'un Etat pour défendre réellement les Juifs. Quelle est la réalité aujourd'hui ?

La première réalité est que si vous créez un Etat Juif, même si, et j'y reviendrai dans un instant, un Etat juif serait la seule solution à l'anti-sémitisme, cela ne peu définitivement pas être une solution si cet Etat est construit aux dépends de la population native. Je veux dire que le fait que les Palestiniens aient été ethniquement nettoyés de leur terre natale, dépossédés, n'a pas permis qu'Israël devienne un endroit sûr, ou le fait que les pères fondateurs du sionisme aient décidé de créer un Etat juif au milieu du monde arabe n'était pas la bonne formule pour assurer la sécurité. Donc l'époque et le lieu choisis pour construire un Etat juif sont eux-mêmes aux racines de l'insécurité. Cela ne peut pas réellement résoudre le problème de l'anti-sémitisme, et comme nous le constatons, cela a contribué à développer l'anti-sémitisme après la seconde guerre mondiale.

Mais plus grave encore, je pense qu'une des principales conclusions auxquelles sont arrivées les Juifs qui n'étaient pas sionistes, après la seconde guerre mondiale, était que les Juifs devaient prendre une part active dans la construction d'un monde où non seulement l'anti-sémitisme, mais fondamentalement le racisme et les idéologies du même ordre, n'auraient plus de place dans les esprits et les cœurs des gens. Et je pense que c'est pourquoi vous voyez, après la seconde guerre mondiale, beaucoup de Juifs actifs dans des mouvements tels que le mouvement pour les droits civiques, le mouvement socialiste et d'autres ; tout à fait motivés par l'idée que la bonne réponse à l'anti-sémitisme n'était pas le sionisme mais plutôt un mouvement moral international.

Bien sûr, il y a différentes versions. L'une vient du camp libéral, l'autre du camp socialiste, mais je pense que fondamentalement il s'agit de la même idée. Je pense cependant que ces deux alternatives ont été pénalisées par la domination que le sionisme a exercée sur l'histoire juive, si vous voulez. Ou sur la représentation juive dans la période qui a suivi la seconde guerre mondiale.

Q : Comment Israël a-t-il été affecté par le sionisme, ou par l'idéologie du sionisme, et comment la classe ouvrière en Israël se voit-elle elle-même ?

Il y a un parallèle. Ce n'est pas le bon terme, je cherche... L'origine ethnique de la classe ouvrière en Israël est très distincte. La plus grande partie des travailleurs en Israël, depuis la création de l'Etat, sont/étaient soit Juifs venant des pays arabes, soit Palestiniens. Ces Palestiniens n'avaient pas été expulsés en 1948 et sont devenus la minorité arabe en Israël. Cette correspondance entre l'origine ethnique des gens et leur classe [sociale], leur position socio-économique dans la société, illustre leur rôle dans l'Etat au contraire de leur conscience de classe, pour ainsi dire.

Donc, d'un côté, il était facile, relativement facile, de se saisir de la classe ouvrière palestinienne et de l'enrôler dans par exemple le Parti communiste, lequel était le parti le plus populaire parmi les Palestiniens en Israël dans les années 60 et 70. D'un autre côté, l'échec a été très grand avec les Juifs venant des pays arabes, car il leur a été signifié que leur seule voie pour être intégrés dans la société juive était d'être anti-arabe. Et ils ont fait le choix du nationalisme, du nationalisme plutôt que du socialisme, comme meilleur moyen d'amélioration de leurs conditions de vie. Cela signifie que la gauche socialiste, pour ainsi dire, en Israël, avait été très affaiblie par le fait qu'elle était constituée uniquement de citoyens arabes et d'un nombre non significatif de Juifs.

Q : Dans quelle lutte avez-vous été récemment engagé à l'université - pourquoi ne parleriez-vous pas de la façon dont cela a commencé et de ce qui s'est produit ?

J'avais commencé par dire que j'estimais que le plus important, la condition préalable pour une véritable réconciliation en Israël et en Palestine est la disposition israélo-juive à reconnaître le nettoyage ethnique de 1948. Je pense que les Israéliens disposent d'un mécanisme de négation qui fait partie de l'éducation de toute la société de façon à enlever de sa mémoire les crimes terribles que les Juifs ont commis contre les Palestiniens en 1948, et encore après. Je suis totalement convaincu qu'une telle reconnaissance, qui s'apparenterait pour beaucoup à la commission pour la Réconciliation et la Vérité en Afrique du Sud, est une précondition pour une réelle réconciliation, et partant de cela, mon principal combat dans les universités israéliennes est de faire en sorte que les universités deviennent un endroit où l'on puisse apprendre sur ce passé occulté.

J'ai encouragé les étudiants à aller de l'avant et à pousser leur recherche sur 1948, et un de ces étudiants dans ses travaux de recherche a exposé un massacre que nous ne connaissions pas et qui a été perpétré en 1948 ; il s'agissait d'une nouvelle brique importante dans l'histoire que nous tentions de reconstruire. C'était un étudiant très courageux ; la plupart de mes étudiants et ceux d'autres enseignants n'osent pas écrire sur 1948, et il a été disqualifié pour cela. Donc, je me suis battu contre l'université, et à cause de cette lutte, et à cause de mes autres activités politiques, qui concernent aussi l'appel pour le boycott et le désinvestissement contre Israël, l'université à tenté de me chasser en mai 2002. Et s'il n'y avait pas eu un soutien international, ils auraient probablement réussi.

Je pense que c'est un mauvais signe, mais c'est en même temps un bon signe. C'est un bon signe dans la mesure où cela signifie qu'il y a un sentiment dans l'université israélienne que si quelqu'un dit la vérité sur ce qui s'est produit dans le passé, les gens ne sont pas stupides et ils ne sont pas moralement corrompus, et ils feront alors quelque chose. Et je pense qu'un des premiers problèmes en Israël est d'empêcher les gens comme moi d'arriver jusqu'au public, et le principal combat de gens comme moi est de trouver des chemins de traverse pour arriver à ce public. Et pour plusieurs raisons, qui ne sont pas toujours positives, ceci est la réalité. Les Juifs israéliens, comme les Juifs américains, préféreraient l'entendre venant d'un Juif israélien plutôt que d'un Palestinien. Car ce que je dis, les Palestiniens le disent depuis de nombreuses années, mais pour des raisons compréhensibles il est plus facile pour le public israélien de m'écouter moi.

Q : Quel était le massacre que votre étudiant a décrit ? Et quelle a été l'excuse ou la justification pour disqualifier son travail ?

Bien. Le massacre a eut lieu dans le village de Tantura, qui est au sud d'Haïfa, et a été le plus grand massacre de cette guerre. L'armée israélienne avait l'habitude d'occuper les villages arabes de façon à laisser un flanc ouvert de façon à ce que les gens puissent être expulsés par cette voie. Dans plusieurs cas, comme dans le cas de Tantura, ceci ne s'est pas produit. Ils ont commis une erreur, ce n'était pas leur intention première, et ils fermèrent le village sur tous les côtés. Une des raisons était qu'à l'ouest du village il y avait la mer, et les bateaux israéliens bloquaient le village. Donc, dans une situation de ce genre, les soldats israéliens massacraient les gens plutôt que de vider le village. Et environ 230 personnes, surtout des jeunes gens et des hommes mûrs ont été massacrés et les femmes et les enfants ont été expulsés vers la Jordanie. C'est cela qu'il a exposé.

Pourquoi a-t-il été éliminé ? L'étudiant n'avait pas trouvé suffisamment d'archives car l'armée israélienne voulait cacher ces évènements. Donc il a procédé en faisant quelque chose que nous appelons une historiographie professionnelle, une histoire orale. Il a interviewé deux soldats juifs qui avaient participé au massacre et des survivants palestiniens. Et tous ont confirmé que le massacre avait eu lieu. Maintenant, ils avaient trouvé 6 endroits dans son document où, après qu'ils aient vérifié, ce qui était dit dans les enregistrements ne correspondait pas exactement à ce qu'il avait transcrit. Mais aucun de ces éléments des interviews ne remettait en cause les conclusions. Et comme nous le savons tous, même des professeurs expérimentés, si vous fouillez vraiment leurs sources dans le détail, font quelques écarts entre leurs sources et les évènements. Et sur cette base, il a été éliminé alors que des étudiants et d'anciens professeurs qui sont connus pour des erreurs beaucoup plus importantes dans leurs travaux, n'ont été jamais été évalués de cette manière.

Q : De telle sorte que c'était un prétexte ?

Oh oui, bien sûr que c'était un prétexte. Les autorités universitaires ont voulu envoyer un message, et elles ont réussi malheureusement. Elles ont interpellé les étudiants diplômés en leur disant : ne touchez pas à cette question car vous risquez de gâcher vos chances de carrière.

Q : Ainsi c'est un sujet interdit ?

Oui, c'est un sujet interdit en Israël. Beaucoup de mes étudiants, qui étaient en pleins travaux sur 1948, ont décidé, après cet incident, de changer leur sujet.

Q : Et sur quelle base les autorités ont-elles essayé de vous chasser de votre fonction ?

Et bien, elles avaient toute une liste d'accusations, mais pour récapituler, elle se ramène à trois points principaux :

Premièrement : mon accusation contre l'université sur cette affaire. J'avais accusé l'université de corruption morale, et on m'a dit que c'était une façon d'agir déloyale à l'égard de l'institut ; ils ont trouvé avec ça une raison pour m'expulser.

Deuxièmement : j'ai fait, contre leur avis, un cours sur la Nakba de 1948, la Catastrophe, la catastrophe palestinienne. Ce fut une autre raison.

Et troisièmement : mon soutien à l'idée de boycott, de sanction et de désinvestissement, contre Israël.

Ils ont voulu, dans le contexte que vous imaginez, saisir les tribunaux pour non loyauté envers l'Etat, pas seulement envers l'institution. Et je pense que mon procès - ou plutôt la tentative de procès, car il n'a pas eu lieu - a montré comment se comporte l'Israël non démocratique quand son caractère sioniste est mis en cause. C'est une démocratie dans le sens où, une fois que vous avez l'état d'esprit sioniste, vous pouvez vraiment dire ce que vous voulez, et on protègera même votre droit à le dire. Mais une fois que défiez le sionisme lui-même, alors la démocratie cesse d'exister et vous êtes considéré comme un traître.

Q : Vous vous êtes positionné déjà contre l'idée d'un Etat juif ; quand vous dites que vous êtes hors de la structure sioniste, est-ce de cela que vous parlez ?

Oui, oui, sans aucun doute. C'est une chose bizarre parce que, comme je le pense, au lieu d'Israël nous devrions avoir un Etat démocratique laïc, et dire ceci équivaut à une trahison en Israël. C'est considéré comme une trahison. Mais d'un autre côté, il est très difficile pour eux de mener quelqu'un devant les tribunaux, comme cela et de soutenir : « Ce type est dangereux parce qu'il est pour la démocratie et le laïcisme. » Je pense qu'ils ont cru pendant des années que l'endoctrinement était à ce point efficace que les Juifs n'en arriveraient jamais à cette conclusion, mais nous en arrivons là et ils s'en arrangent difficilement.

Vous savez, si un Palestinien dit qu'il est pour un Etat démocratique laïc, ils disent « Oui, mais ce n'est pas ce qu'ils veulent, nous savons ce qu'ils veulent ». Mais si c'est quelqu'un qui est un produit du système israélo-juif qui le dit, alors ils se mettent à vérifier tout son cheminement ! Comment en est-il arrivé là ? C'est vraiment une aberration et je pense qu'ils sont alors complètement déconcertés.

Q : Et quelle était la position des médias en Israël à propos de votre procès, quelles furent leurs tentatives pour vous faire chasser de votre fonction à l'université ?

Bien. Malheureusement, les médias, et surtout dans les cinq dernières années, ne soutiennent pas vraiment les démarches critiques, et ce fut vraiment tragique que les médias et l'université, qui sont supposés êtres les éléments les plus critiques dans une société laïque, comme les institutions religieuses, ont justement cessé de remplir ce rôle. Je me souviens qu'ils ne l'ont jamais vraiment rempli, mais manifestement, dans les cinq ou dix dernières années, ils se sont alignés totalement et ils soutiennent le gouvernement, il y a eu très peu de voix dissidentes avec la mienne qui ont été mises en cause dans les médias.

Q : Vous êtes passé à la télévision nationale ?

Oui, mais j'ai compris très vite que la seule chose qu'ils voulaient quand ils m'invitaient - j'ai donc arrêté - c'était me faire un procès public. Personne ne m'a donné l'occasion de parler, ils me faisaient venir sur le plateau pour me faire un procès public. J'ai compris que c'était une embuscade et j'ai arrêté d'aller dans les studios de télévision, cela ne servait à rien, ils ne me permettaient pas de parler.

Le côté encourageant de l'histoire est dans la société elle-même : j'ai reçu beaucoup de messages e-mails, de lettres, d'appels téléphoniques de gens qui me soutenaient, beaucoup, beaucoup de Juifs israéliens que je n'avais jamais vus, et même dans la ville où j'habite, des gens m'ont arrêté pour me serrer la main. Et j'ai ressenti - beaucoup de gens n'en sont pas conscients - que pèsent une sorte de terreur, une pression sur les Juifs en Israël. Ils ont peur de dire à haute voix ce qu'ils ressentent, c'est une société si fermée que vous êtes presque ostracisé. Ce n'est pas comme en Amérique où vous pouvez partir ailleurs, c'est vraiment une société fermée, et votre famille, votre carrière s'en trouvent affectées si vous faites quelque chose jugée facilement comme une trahison.

Mais je pense que les gens ont compris vraiment que je disais, et d'autres avec moi, nous disions ce qu'eux-mêmes ressentaient. Cela depuis de nombreux mois maintenant ; mais ils n'osent toujours pas parler car le prix serait trop élevé.

Q : Quel a été le rôle d'Histadrut, le syndicat israélien, et celui de votre propre union à l'université ?

Votre question nous ramène à l'histoire du socialisme et du sionisme en Palestine, dont nous devons être conscients. Le socialisme, dans le cadre du sionisme précisons-le ; Histadrut, qui est la principale organisation, réunit ces deux idéologies ensemble, socialisme et sionisme. Il y a eu une interprétation très limitée du socialisme, un socialisme en réalité au service du mouvement colonialiste. Le socialisme a permis au mieux, au mieux, de soutenir les salariés arabes, mais le plus souvent, il les a sortis du marché du travail. Ce fut vrai pendant la période mandataire, entre 1918 et 1948, et je ne pense pas que cela ait changé.

Histadrut, comme syndicat, ne soutient pas les salariés, ni les unions d'entreprises, mais l'idéologie sioniste. Sans Histadrut, il aurait été impossible de coloniser les territoires occupés comme marché du travail. Sans Histadrut, il aurait été impossible de monter un marché du travail en Israël pendant les années d'occupation qui ont transformé les Palestiniens en esclaves, des salariés esclaves plutôt que des salariés sur pieds d'égalité avec les autres. Quant aux unions de professeurs, ou aux unions universitaires, à ce niveau c'est encore pire. Je veux dire, Histadrut n'ose pas prendre n'importe quelle position contre l'occupation, contre la politique gouvernementale. Il se déclare pour l'égalité sociale et tout ça. Mais il ne fait en réalité rien contre. C'est une triste histoire.

Q : Comment les salariés palestiniens, les salariés arabes en général, sont-ils traités en Israël ?

Très injustement, très injustement. Je veux dire qu'ils souffrent de deux sortes de discrimination. Jusque dans les années 1980, ils ont constitué une partie très importante des salariés non qualifiés disponibles sur le marché du travail, et des salariés qualifiés aussi mais dans des secteurs comme la construction et les services, pour faire simple, on peut dire dans les emplois que les Juifs ne voulaient pas exécuter. Mais ils étaient mal payés comparés aux salariés juifs, il y avait une sorte de système institué qui les discriminait dans tous les domaines du droit du travail, depuis les salaires très bas, jusqu'au système d'assurances et d'assistance sociale, et tout le reste. Cela va même empirer vers la fin des années 80, car à cette époque, il y a eu une grande immigration russe vers Israël, plus d'un million de Russes. Certains d'entre eux ont remplacé les salariés palestiniens sur le marché du travail dans les emplois qui leur étaient permis. Ainsi, à un moment, vous avez eu un plafond transparent qui a empêché les salariés palestiniens d'obtenir les emplois les plus intéressants pour ainsi dire, et depuis les années 80, même ces emplois limités ne leur ont plus été accessibles et il ont été donnés par les employeurs privés et publics aux immigrants russes.

Q : Ainsi, l'avenir pour les Palestiniens, dans l'Etat d'Israël, n'est pas brillant ?

Absolument. En fait, il est même risqué. Israël contrôle la vie des deux groupes de Palestiniens : les citoyens palestiniens d'Israël et les Palestiniens sous occupation. Il s'agit de deux groupes très différents. Je pense que les Palestiniens sous occupation sont soumis à une grave menace, il y a toujours une possibilité sérieuse pour que ces gens subissent un nettoyage ethnique, une fois encore, et qu'un massacre n'ait lieu contre eux.

Ici, nous parlons presque d'un génocide pour l'avenir. Bien que je ne pense pas qu'il se produise réellement, et j'espère que le monde ne resterait pas à l'écart. Mais pour les Palestiniens en Israël, où ce danger n'est pas imminent, l'avenir signifie moins de droits, de droits sociaux, de droits civiques, de droits humains qu'ils en ont actuellement. Ils en ont encore, quoique limités, mais cela va réduire. L'Etat juif deviendra plus ethnique, plus raciste, plus exclusif, et quiconque n'est pas Juif, ou n'est pas considéré comme Juif, souffrira dans l'avenir plus qu'il ne souffre aujourd'hui.

Q : Quand vous avez engagé ce débat sur le boycott et le désinvestissement en Israël, pour la première fois, quelle sorte de soutien avez-vous obtenue ? Peut-être pouvez-vous parler de l'Angleterre et de la réaction du gouvernement, et de l'Etat d'Israël ?

Je ne veux pas m'attribuer le mérite de cela. Ce n'est pas moi qui ai commencé. Je pense qu'il est très important que l'on sache que des parties conséquentes de la société civile, aux USA et en Europe, depuis beaucoup d'années maintenant, pensent que trop c'est trop en ce qui concerne la politique israélienne en Palestine. Je crois que beaucoup de gens bien attendent une action de leur gouvernement, car tout le temps, il est question de discussions pour un « processus de paix », d'efforts diplomatiques, et ils ne veulent pas les interrompre. Mais je pense que maintenant on réalise que l'effort diplomatique ne fait qu'aider l'occupation et ne nous conduit pas au terme. Avec cette prise de conscience, il existe une force, surtout en Europe, surtout en Grande-Bretagne, des gens qui veulent faire quelque chose. Et eux font partie de ceux qui ont lancé cette idée de boycott, et d'autres de la même manière ont lancé l'idée de désinvestissements en Amérique ; je crois que ce sont des vétérans de la campagne anti-apartheid de l'Afrique du Sud. Je pense que c'est de là que l'idée est partie. Mais quand nous en avons entendu parler en Israël, la gauche la plus progressiste a décidé de la soutenir. Ce soutien a donné beaucoup d'impulsion, beaucoup d'encouragement à l'étranger pour continuer, et quand la société palestinienne sous l'occupation a appelé la solidarité internationale à soutenir cette idée comme étant la meilleure stratégie, alors elle fut vraiment lancée dans les autres pays.

En Angleterre, un groupe très important appartenant à l'Association des enseignants d'universités (AUT), un très grand syndicat, a ressenti - à juste titre - que dans les campus des universités, parce que vous savez, l'Angleterre était proche d'Israël. La plupart des Israéliens sont anglophones, ils aiment vraiment l'Angleterre, nos universitaires aiment aller en Angleterre et nous avons une très bonne organisation qui leur permet de s'y rendre. Les instituts universitaires encouragent les gens à partir à l'étranger pour développer leurs connaissances. Et l'AUT apprécie que tous ces Israéliens viennent sur les campus britanniques, pour des courts ou des longs séjours. Ils sont pour eux des spécialistes du monde arabe, ceux des droits humains et des droits civiques. Je veux dire que la divergence entre les idéologies qu'ils représentent et dont ils débattent, était telle qu'on aurait pu croire que l'ambassade israélienne avait pris le pouvoir dans les universités de Grande-Bretagne. Et le groupe à l'AUT a décidé, - en voulant commencer en Angleterre - d'un boycott officiel auprès de quelqu'un qui représente officiellement l'université israélienne. Je ne pense pas qu'ils voulaient empêcher les citoyens israéliens de venir et de dialoguer, d'échanger. Je pense qu'ils avaient raison de cibler les universités israéliennes, comme étant les premiers porte-parole pour diffuser cette cause. Ils ont proposé une motion pour le boycott qui a été acceptée. Mais le lobby sioniste s'est réveillé et a fait de très fortes pressions...

Q : Qu'ont-ils fait ?

Ils ont engagé un cabinet juridique très important en Angleterre qui a menacé le comité exécutif de l'AUT de poursuites pour anti-sémitisme s'il continuait. Naturellement, je ne pense pas que le cabinet aurait gagner ce procès, mais vous devinez les discussions au comité exécutif de l'AUT, que cela n'avait pas de valeur, que nous ne céderons pas, que c'est une pitié, qu'ils devraient montrer plus de solidarité. Mais ils avaient été quand même impressionnés. Il y avait ce qu'il fallait pour un bon procès en diffamation ; si vous connaissez la loi anglaise, il est encore plus difficile de faire condamner quelqu'un en Angleterre qu'ici en Israël. Mais néanmoins, ils étaient intimidés d'autant qu'étaient mobilisés tous les historiens juifs de l'Holocauste et tout ça. La décision de l'AUT était comparée à une négation de l'Holocauste. Ceci bien sûr est très stupide, et bien d'autres choses encore, mais les gens ont été remués.

Mais je dois vous dire que ceux de l'AUT n'ont pas renoncé, ils préparent une autre motion, ils essaient une autre stratégie, ils travaillent sur une autre approche pour convaincre les gens, et ce qui est le plus intéressant est que le boycott est en cours, de fait. Je veux dire, la décision de l'AUT de se rétracter a mis les gens tellement en colère que la plupart des membres britanniques de l'AUT ont pensé en fait qu'ils ne seraient pas inquiétés, qu'une décision officielle soit prise ou non, ils pensent que c'est la bonne manière d'avancer.

Q : Maintenant, les sionistes dans l'Etat israélien, ont-ils un passé pour accuser les gens qui critiquent le sionisme d'être des antisémites ou des juifs qui se haïssent ?

Oh oui ! Je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup, de moments dès le début du sionisme, de sources différentes, où des juifs ont critiqué l'idée, d'un point de vue de colon ou d'un point de vue orthodoxe. Je pense que l'un des points les plus explicites à ce sujet est celui sur le combat, dans une certaine mesure malchanceux malheureusement, du sionisme contre le Bund dans le mouvement socialiste international juif de l'Europe de l'après Seconde Guerre mondiale. Comme vous le savez, les juifs qui ont survécu à l'Holocauste étaient dans des camps, qu'on appelait des camps de déportés. En fait, beaucoup des juifs survivants ont apprécié l'idée de deux approches internationalistes, comme nous l'avons dit précédemment, ou même d'une approche socialiste.

Et les sionistes ne se sont pas seulement disputés avec ces gens, ils ont usé de beaucoup de violence. Il y a un livre écrit pas un historien, Yossi Gussinsky, sur ces luttes ; en fait, ce que les sionistes ont fait, ils ont recruté des jeunes juifs qui étaient dans la clandestinité, à la Haganah, de sorte qu'ils ne soient pas détournés de l'action, ni gagnés par des idéologies internationales ou qui relieraient le judaïsme à un projet international. C'est juste un exemple historique, mais vous savez que nous avons de nombreux exemples de groupes non sionistes en Israël qui ont été isolés - comme le Maspen - et espionnés par les services secrets, plus tard il y a eu un autre groupe qui a été emprisonné. Certainement, c'est quelque chose contre laquelle les sionistes sont disposés à combattre de toutes leurs forces.

Q : Avez-vous entendu parler du rôle de l'AFT (Fédération des professeurs américains) dans l'opposition à ce boycott ?

Oui, et il y a aussi le rôle joué par toutes sortes d'associations de professionnels dans les universités américaines, comme l'association des Sciences politiques. Et je n'ai pas été surpris. Je n'ai pas vraiment pensé qu'il y aurait quelqu'un dans les syndicats étasuniens ou dans les mouvements de salariés, qui suivrait les collègues britanniques. Je pense que nous avons besoin d'un plus, de beaucoup de travail de terrain, ici, avant que cela se produise. Mais les questions sont vraiment posées, ce que j'espère ; c'estunautreaspectdela campagne que les genstendentà ignorer. La question n'est pas seulement que l'argent arrête d'affluer en Israël pour soutenir l'occupation. Je pense qu'il y a une question d'éducation ; elle faut en discuter avec les contribuables américains, avec les salariés américains, avec les activistes des droits civils et des droits de l'homme : pourquoi, le seul cas au monde sur lequel ils n'ont pas de position claire - alors que sur tous les autres ils sont nets - est-ce le cas d'Israël ? Qu'est-ce qui justifie cette différence ? Et je pense que nous entendrons davantage les Juifs poser ces questions. J'espère que ceci les convaincra qu'ils ont eu tort toutes ces années, de ne pas affecter à Israël les mêmes critères de jugement que pour les autres situations dans le monde.

Q : Quel a été le rôle d'Israël et du sionisme par rapport à l'impérialisme ?

Bien, je pense qu'il commence avec le colonialisme, avant l'impérialisme. Il est très clair que sans l'adoption du sionisme comme projet colonialiste par l'Empire britannique, il n'y aurait pas d'implantation juive en Palestine. C'est très clair. Ils ont eu besoin de la puissance militaire des Britanniques, de leur poids politique afin de faire démarrer leur projet, c'est vraiment clair. Sans eux, ça ne serait pas produit. Et puis, je pense qu'il est juste de dire que sans l'impérialisme américain comme élément de pointe, je doute qu'Israël aurait existé ou survécu. Aussi, je pense que c'est l'une des leçons importantes que les Israéliens ont toujours à apprendre : s'ils restent si étroitement liés à un empire comme celui des Etats-Unis, et qu'ils ne réfléchissent pas à d'autres façons d'exister dans telle ou telle type de société, telle ou telle région, alors lorsque l'empire chutera, ils chuteront probablement avec. C'est quelque chose que la plupart des Israéliens ne soupçonnent pas, malheureusement.

Q : Le rôle des Etats-Unis est-il aussi décisif pour Israël ?

Oh oui ! Absolument, il est décisif. De quelque façon que vous l'observiez, du côté de l'aide financière - pas seulement les subventions mais aussi les prêts -, du côté de l'aide militaire, de l'immunité diplomatique que l'Amérique accorde à Israël par son veto à l'ONU. Nous l'avons vu dans des périodes comme lors de la guerre de 1973, où vraiment les Américains étaient prêts à lancer une guerre nucléaire pour sauver Israël.

Q : Des partisans d'Israël aux Etats-Unis diraient que ce n'est pas juste de comparer Israël à l'Etat d'apartheid d'Afrique du Sud, et qu'Israël est un Etat démocratique ; quel est le rapport de l'apartheid d'Afrique du Sud avec Israël ?

Je pense, comme dans beaucoup de situations dans l'histoire, qu'il y a des similitudes et des différences. Je crois que, globalement, il y a plus de similitudes que de différences. La ségrégation en Afrique du Sud était de petit niveau ; elle a eu un côté abusif en ce qu'elle séparait les gens dans les autobus, dans les services ; naturellement il y a eu des dépossessions, des tortures et ainsi de suite. Ce côté d'apartheid mesquin n'existe pas en Israël, il n'y a pas de ségrégation à ce niveau. Mais si vous comprenez l'occupation dans la notion d'apartheid en Israël, alors il est pire que celui de l'Afrique du Sud.

Donc il y a plusieurs aspects à l'apartheid israélien ; disons que l'aspect extérieur peut se juger moins menaçant et plus « démocrate, mais l'essence du régime est aussi mauvaise, sinon plus, en bien des manières. Et je pense que le plus important, c'est la question de la terre. Le dispositif de fond sur lequel se base l'apartheid en Israël, c'est la question de la terre, de refuser aux Palestiniens toute idée de possessions de la terre, de transactions, et ainsi de suite. Beaucoup de gens ne savent pas que la terre en Israël appartient aux juifs, et à ce titre, elle ne peut être cédée ou faire l'objet de transaction avec des non juifs.

Q : Est-ce légal ?

C'est légal, cela fait partie de la loi constitutionnelle israélienne : 93 % de la terre d'Israël appartiennent aux juifs. De ce fait, les Palestiniens, qui représentent 20 % de la population, n'ont accès qu'à 7 % de la terre simplement, sur lesquels, naturellement, ils doivent se défendre contre la pression et l'argent du secteur privé juif. Pour ce qui est de la terre, propriété de l'Etat, celui-ci s'est approprié la plus grande partie du territoire. Pour cette raison, depuis 1948 des centaines de nouvelles colonies et de quartiers juifs se construisent mais aucun village ou quartier arabe. Nous parlons là d'une population arabe qui a une croissance normale trois fois supérieure à celle des juifs, et encore, elle est confinée dans un espace où il ne lui est pas permis de se développer. C'est, je pense, le pire aspect de l'apartheid dans cette partie d'Israël. Naturellement, l'occupation - et le régime de l'occupation - en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, sont certainement pires qu'un système de ségrégation.

Q : Quel est le rôle du Fonds national juif ?

Très important. Le Fonds national juif a un double rôle. Un rôle historique en 1948, où il a servi à transformer en biens juifs les villages et les terres dont les Palestiniens étaient été dépossédés. Ce fut la plus grand fonction, historique, de cette organisation : faire que chaque terre, chaque maison, que tous les biens aux Palestiniens, n'aillent pas à l'Etat mais au peuple juif si je puis dire, afin qu'ils ne soient jamais ré-arabisés, si vous voulez. Aujourd'hui, le FNJ remplit une autre fonction. D'une certaine manière, il continue à jouer ce rôle en Cisjordanie, en tant qu'organisme gouvernemental actif qui essaie de spolier les Palestiniens, qui se saisit de leur terre et la transfert aux juifs. L'intérieur d'Israël est une immense propriété foncière ; chaque terre qui devient propriété du FNJ est une terre que seuls des juifs peuvent acquérir. Par exemple, en Galilée, où il possède des terres, il y a beaucoup de colonies, et le FNJ peut obliger la colonie - et oblige - la colonie à ne pas y accepter d'Arabe en application de cette loi. Celle-ci est un outil très important pour la colonisation, dans le passé comme dans le présent. Et dans le présent, elle est une sorte de gardien qui préserve le caractère juif de la terre, avec beaucoup de conséquences pour les Palestiniens.

Q : Renforce-t-il le régime ségrégationniste ?

Je dirais qu'il est le principal organisme de l'apartheid en Israël.

Q : Les Américains sont intéressés pour développer leurs politiques économiques, de privatisations, de zones de libre-échange au Moyen-Orient, et aussi en Iraq. Quel est le rôle d'Israël dans la mise en œuvre de ces orientations et de leur développement au Moyen-Orient ?

Je pense que son rôle est double. D'abord, les responsables de l'économie israélienne, il y a environ une dizaine d'années, ont décidé d'appliquer en Israël le modèle très extrémiste de l'économie reaganienne. Ce choix a par lui-même beaucoup servi les intérêts américains. Mais le plus important, je crois, c'est qu'Israël a rempli, à travers l'intervention américaine en Iraq mais aussi dans des pays comme l'Egypte et les Etats du Golfe et d'autres, un rôle très important pour consolider le système capitaliste pour le futur Moyen-Orient. La raison qui permet à Israël de remplir cette mission si importante et pour un tel avenir, est qu'il est parvenu à passer aux yeux des Américains comme un pays « orientaliste ». C'est-à-dire, un pays qui connaît bien les Arabes. Ainsi, si vous voulez faire des affaires dans le monde arabe, vous feriez mieux d'avoir quelques conseillers israéliens, ou d'avoir les sièges de vos entreprises en Israël, parce que nous vous comprenons, et nous comprenons le monde arabe. C'est à sens unique.

Le second rôle est rempli par les instituts financiers israéliens, ceux de l'industrie de pointe et d'autres, qui sont si avancés dans cette voie qu'ils profiteront - et sont en train déjà de profiter - de cette forme d'économie capitaliste, tandis que les formes traditionnelles de l'économie du monde arabe vont souffrir. C'est comme si on prenait deux sociétés ayant des potentialités économiques très différentes et qu'on leur impose l'idéologie de la liberté du marché, une liberté qui ne donne pas de chances égales mais plutôt : ‘nous partons tous de la même ligne, mais évidemment, nous ne sommes pas à égalité de ressources et de capacités'. Et dans cette optique, le système économique israélien possède un tel avantage que je crains, étant donné ses chances, qu'il puisse vraiment exploiter la situation d'une telle manière qu'Israël serait repoussé encore plus loin du monde arabe.

Q : Etes-vous au courant du rôle d'Intel qui construit une usine sur la terre palestinienne ?

Oui, je pense que c'est l'une des raisons pour laquelle le mouvement de désinvestissement aux USA cible plusieurs projets, afin de lancer un message à l'opinion américaine, à savoir que ce n'est pas seulement une politique américaine seulement pour soutenir l'occupation israélienne, mais que des gens font beaucoup d'argent hors de l'occupation israélienne. Caterpillar en est un exemple avec ses engins énormes qui sont utilisés depuis 48 ans pour détruire les maisons, supprimer des villages et construire un mur d'apartheid.

Et Intel en est un autre cas. Il faut comprendre que l'espace est très limité dans les Territoires occupés. Et quand cet espace est confisqué pour une implantation industrielle, ces usines industrielles servent deux objectifs. L'un est d'employer des salariés palestiniens à des conditions bien plus favorables pour leurs employeurs qu'en Israël, car Histadrut ne peut leur apporter aucune aide à ces ouvriers. Et l'autre objectif, c'est d'utiliser une terre très bon marché, et quand vous avez une terre comme Intel dans les Territoires occupés, cela veut dire qu'on ne paie aucun impôt. Aussi, les profits sont très, très élevés si vous investissez dans les Territoires occupés. Ceci constitue un précédent, mais il y en aura d'autres à l'avenir. Ceci représente, je crois, un part très importante du soutien direct américain à l'occupation.

Q : Y a-t-il chez les salariés juifs une opposition au sionisme ?

Pas vraiment malheureusement. Ils devraient. Quand le Parti communiste était actif et influent, dans les années 50 et 60, il avait réussi à convaincre les salariés qu'il y avait un lien direct entre le sionisme et leurs intérêts. Cependant, comme je l'explique, le monde du travail s'est trouvé composé de juifs et de non juifs qui pensent toujours que leur intégration passe par le nationalisme, et non pas par leur conscience de classes. je pense qu'il nous faut admettre qu'ainsi, il n'y a rien de bon à dire.

Q : Les partisans d'Israël, les partisans de gauche d'Israël, fondamentalement, disent que la solution à deux Etats est la seule solution possible réellement pour Israël, et que c'est la raison pour laquelle ils soutiennent les USA. Que répondez-vous à cela ?

J'ai vu un soutien se faire jour à la solution à deux Etats aussitôt après la guerre des Six Jours, quand Israël n'avait pas encore annexé Jérusalem-Est, qu'il n'y avait pas encore construit de colonies juives. Il y avait beaucoup de logique à dire - bien que 20 % seulement de la Palestine formeraient l'Etat palestinien, proche d'Israël - que ces deux Etats, dans l'avenir, pourraient se développer de manière à devenir un seul Etat, et même à trouver le moyen de régler le problème des réfugiés. Mais depuis l'eau a coulé sous le pont.

En 2005, avec le nombre de colonies juives, avec le Grand Jérusalem qui va représenter le tiers de la Cisjordanie, et l'équilibre des forces, local, régional et global, je pense qu'une solution à deux Etats ne peut qu'être le moyen indirect de poursuivre l'occupation. Et je l'ai dit précédemment, nous pensons que l'effort diplomatique a intensifié l'occupation, il n'a rien apporté pour la faire cesser, et cela, dans une recherche pour une solution à deux Etats, nous devons nous débarrasser de ce paradigme. Il ne peut qu'aider l'occupation et la colonisation sionistes, il n'y a qu'en partant pour une solution à un Etat qu'on peut créer un avenir différent ici.

Q : Le gouvernement US a un grand nombre de néo-cons, les sionistes, Wolfowitz ... Tout d'abord, que pensez vous du rôle de ces gens au sein du gouvernement US et de l'ensemble de la situation jusqu'à l'expansion de la guerre US au Moyen-Orient ?

Je pense que le néo-conservatisme est principalement un produit de la Guerre froide, et je pense, comme cela s'est produit en Israël, ainsi aux Etats-Unis, que beaucoup de gens profitent économiquement, sociologiquement, politiquement, d'une situation de conflit, profit qui commence avec la production d'armement, et qui finit avec les gens qui ont prise sur les décisions de l'appareil au nom de la sécurité nationale. Et naturellement, ils perdaient tout d'une certaine façon quand l'Union soviétique s'est effondrée et que la Guerre froide s'est terminée. Et je pense que ce groupe de personnes attendait un nouvel épouvantail, une nouvelle menace pour la sécurité nationale des USA, et qu'ils les ont trouvés grâce à l'influence très forte d'Israël ; je pense, entre autres choses, dans le monde arabe et dans le monde islamique. Naturellement, les mouvements comme la al-Qaïda islamique n'ont pas aidé. Ils ont recherché le prétexte, et le contexte pour faire avancer leurs idées. Et ce que nous avons maintenant, ce sont les mêmes personnes - dans une nouvelle génération - qui feront tout ce qu'elles peuvent pour perpétuer le conflit, car elles profitent du conflit. Elles profitent des situations de guerre, de conflits, etc. Et je pense que c'est comme cela qu'elles renforcent leur main mise sur la politique américaine mis en oeuvre dans le monde en général et au Moyen-Orient en particulier.

Bien sûr, au Moyen-Orient, ces personnes sont aidées par d'autres groupes, les sionistes chrétiens qu'il ne faut pas sous-estimer, et qui portent une idéologie religieuse fondamentale plus profonde ; quand ces forces fusionnent ensemble, vous obtenez une politique américaine très agressive au Moyen-Orient, qui a tous les aspects de la politique colonialiste du 19è siècle, et qui finira de la même manière, je pense. Les gens apprendront que vous ne pouvez pas occuper et coloniser indéfiniment. Mais cela est très perturbant car toute action américaine au Moyen-Orient complique les relations entre les USA et le monde musulman dans son ensemble, et je pense, déstabilise le monde. Et quand nous parlons de déstabilisation, cela veut dire que les sociétés humaines ne peuvent plus régler leurs problèmes majeurs, mais doivent plutôt s'occuper des problèmes avec les néo-cons. Des difficultés qui n'existeraient pas normalement ; je veux dire, il n'y a pas vraiment de clash culturel entre les musulmans et les Américains, mais cela sert très bien les néo-cons, avec l'aide de spécialistes politiciens comme Samuel Huntington, de dire qu'il un clash fondamental. Mais nous ne parlons plus ici de sociétés humaines, plutôt d'« extraterrestres et d'humains ». Vous savez, vous allez à Hollywood, à la télévision américaine, et vous pouvez voir comment la production culturelle s'est créée, comment la production culturelle renforce ces images qui servent les intérêts capitalistes des néo-cons et de leurs alliés.

Q : Etes-vous surpris par les médias US, de la façon dont ils présentent la situation palestinienne et la situation israélienne ?

Oui, je suis surpris parce que je me souviens de différents sujets couverts par les médias américains sur le Moyen-Orient dans les années 50 et 60 et, je pense que c'était mieux. Mais ce qui réellement me surprend n'est pas tant les partis pris, je m'y m'attendais, mais je ne m'attendais pas à leur stupidité. Vous savez, c'est presque comme une insulte à l'intelligence la façon dont ils présentent les choses ici. Ils ne prennent même pas position. Je comprendrais une prise de position, par exemple disant : nous la décrivons la situation comme elle est, mais nous nous plaçons du côté israélien. J'aurais été contre cela - je ne pense pas que ce soit une information honnête par les médias - mais au moins, c'était une position. Mais ce que nous avons ici fut simpliste, enfantin, on décrit les choses comme si c'était une sorte de guerre entre les forces du diable et les forces du bien. Je dirais même, il n'y a eu aucune différence entre la Guerre des Etoiles d'Hollywood et la manière dont les principales chaînes de télévision ici montrent la situation de là-bas sur le terrain. C'est, je l'ai dit, une insulte à l'intelligence.

Q : La majorité des Américains ont été, au début, pour soutenir la guerre en Irak. Quelle était la situation en Israël : y a-t-il une opposition qui grandit contre cette invasion ?

Je pense que le soutien en Israël était même plus fort que celui aux USA. J'ai été complètement stupéfait de lire la presse israélienne, et de voir l'enthousiasme des Israéliens avant l'invasion de l'Iraq, et après l'invasion. Si vous voulez, on peut définir le sentiment israélien comme « Maintenant, les Américains comprendront. » Aussi, n'attendez ici aucune opposition contre la guerre en Iraq. Il n'y a pas la moindre opposition, il y a seulement un soutien, beaucoup plus fort qu'aux USA. Naturellement, je ne parle pas des Palestiniens d'Israël qui étaient à fond contre la guerre ainsi que de quelques juifs. Il y un groupe intéressant de juifs iraquiens qui ont signé une pétition contre la guerre, montrant leur solidarité avec les Iraquiens, étant Iraquiens eux-mêmes ils savent qu'une guerre allait causer beaucoup de morts en Iraq, mais, malheureusement, la pétition n'a pas suivi. J'étais parmi les quelques dizaines de signataires, nous avons manifesté contre la guerre, mais c'était tellement un nombre pathétique, ce n'était pas imposant.

Q : Est-ce que la crise économique, la privatisation, les impôts sur le monde du travail, ont une quelconque résonance politiquement ?

Il est surprenant de voir comme nous sommes tous en attente de ce qu'il va arriver. Les Israéliens connaissent, en matières d'inégalités économiques et sociales, l'écart entre les extrêmes le plus grand du monde occidental, si je puis dire, il est le n° 1. Vous vous attendez donc à ce que cela produise quelque protestation sociale qui pourrait évoluer, comme c'est arrivé de temps en temps à l'époque des Panthères israéliennes, le mouvement des Panthères noires, et encore avant cela. Mais à chaque fois que cela se produit, le gouvernement israélien a une ou deux solutions. Il crée une situation de guerre de telle sorte que les protestations sociales ne mûrissent pas ; et c'est l'une des raisons pour laquelle l'armée israélienne a réagi si durement au soulèvement de la seconde Intifada, en 2000, dans les Territoires. A cause d'un calme relatif, les protestations sociales étaient autorisées, surtout dans les villes industrielles où vivent et travaillent la plupart des juifs africains - ou ne travaillent pas parce que le chômage y est très élevé. Et c'est ce que font les Israéliens.

Ou alors, la seconde solution, ils reprennent cette technique électoraliste, avec des mesures économiques qui donnent beaucoup d'avantages aux gens pendant une courte période, juste avant les élections, pour obtenir leur silence. Mais je pense que ça ne les aidera pas à la longue. 25 % des Israéliens ont un très acceptable, et même un haut niveau de vie, ce qui est beaucoup comparé à beaucoup de sociétés du Tiers-monde. Cela donne au système politique israélien une sorte de stabilité. Mais 75 % vivent très près, si ce n'est pas en dessous, de ce qu'on appelle en Israël, le seuil de pauvreté. Et cet écart entre les extrêmes, à l'avenir, va être pulvérisé. A l'heure actuelle, l'une des raisons pour laquelle cela n'a pas encore explosé, je l'ai dit, c'est qu'Israël est capable de créer une situation continuelle de conflit, de sorte que vous n'êtes pas amenés à traiter vos problèmes économiques et sociaux. Mais je ne pense pas que ça tienne le coup encore très longtemps.

Q : Quel est le rôle du Parti travailliste dans la coalition gouvernementale ?

Il y a un bon article aujourd'hui dans Ha'aretz de Gidéon Lévy qui dit - et je suis d'accord - que ceux qui sont électeurs du Parti travailliste, le sont pour voter pour les plus mauvaises personnes qu'ils peuvent. Il y a maintenant une compétition réelle pour le pouvoir. Et Gidéon dit : « Ne votez pas pour quelqu'un qui pourrait garder ce parti en vie » ; il donne les noms. « Votez pour ceux-là, ils vont sûrement détruire le parti, une bonne fois et à jamais ; c'est la seule chance de construire, sur les ruines, un Parti travailliste authentique. » C'est une caractéristique de Lévy de savoir toujours comment articuler les choses, bien mieux que nous tous, de savoir résumer vraiment les situations du Parti travailliste. Ce parti, c'est l'ombre du Likoud, c'est un parti qui défend le capitalisme, la liberté de marché de la plus mauvaise manière, il soutient l'occupation, il n'a rien à proposer. Chaque jour que vit ce parti est un obstacle à l'émergence d'une véritable force politique socialiste en Israël, comme alternative.

Q : Cela ressemble à un parti Démocrate.

Oui. Je ne suis pas un grand expert de l'Amérique, mais oui, c'est mon sentiment. J'observe les démocrates et les républicains, qui restent dans un prisme très limité, comme en Israël, mais finalement c'est la vérité aussi, malheureusement, pour certains partis sociaux-démocrates en Europe.

Ilan Pappé / Steve Zeltzer
04/03/2006
Publié par CCIPPP.