7 octobre 2006

La liberté d'expression... du racisme

C'est reparti ! Libération a pris la tête d'une nouvelle croisade contre la barbarie des arabo-musulmans au nom de la civilisation judéo-laïco-chrétienne, qui représenterait le monde libre... libre d'exprimer sa haine raciste.

Dans "l'affaire Redeker", on retrouve les mêmes signatures et les mêmes cris d'indignations médiatiques que dans "l'affaire des caricatures". Le péril de l’islam est la bannière sous laquelle se rassemble une coalition hétéroclite qui s'est alignée sur les visions terroristes de George W. Bush [1].
Toute cette agitation politico-médiatique ne vise pas à combattre l'intolérance religieuse et encore moins à instaurer un débat démocratique sur la place des religions dans la société, mais à instrumentaliser le droit à la liberté d'expression pour imposer l'idéologie guerrière du capitalisme néo-libéral.

Une fois de plus, les médias sont partis en guerre avant même que les faits soient établis. Comme dans l'affaire du RER D, les journalistes et les commentateurs ne se soucient pas de l'authenticité des déclarations du plaignant pour construire un récit conforme à leurs fantasmes sécuritaires.
Les détails de ce fait divers sont pauvres, mais tout le monde les répète sans les vérifier [2]. Redeker serait victime de menaces. On n'en sait guère plus. Parler de "menaces de mort" sans préciser ni leur nombre, ni leur fréquence ni surtout les mots exacts utilisés est suspect. On ne sait pas non plus si Redeker a porté plainte - il serait troublant qu'il ne l'ait pas fait - et si une enquête est en cours.


Tribune de Robert Redeker, "Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ?", Le Figaro du 19/09/2006


Alors que les faits restent encore vagues et non circonstanciés, les maîtres-à-penser ont déjà découvert le coupable et, en procureurs populistes, ils le livrent au lynchage médiatique. Pire encore, ils rendent responsables collectivement des millions de musulmans pratiquants ou non pratiquants.
Presque personne ne s'étonne de la méthode, en tous points identique à celle que l'on prétend dénoncer. Malgré les précautions oratoires de quelques-uns, cela revient à cautionner les propos provocateurs d'un Redeker : Exaltation de la violence : chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran.

Quand le pape éructe contre l'islam, il défend sa part de marché dans un monde où les pratiques religieuses reculent. Quand les gardiens de la foi laïque se transforment en apôtres de la civilisation judéo-chrétienne, on ne peut que rire.
La liberté d'expression n'est pas un droit absolu, mais un droit réglementé par la loi. Or, tous ceux qui participent au chœur hystérique d'une "menace permanente" du "fascisme vert" [3] la bafouent allègrement car ils prônent non seulement la censure, mais la guerre contre tous ceux qu'ils suspectent de préférer Allah à Dieu ou à Jéhovah. Les imprécations de ces adeptes du meurtre sacrificiel signent leur mépris de la démocratie et de la laïcité.

Serge LEFORT
7 octobre 2006


[1] Discours de George W. Bush du 29 août 2006 :
Malgré leurs différences, ces groupes forment un mouvement unique, un réseau mondial de radicaux qui utilisent la terreur pour tuer ceux qui se mettent sur le chemin de leur idéologie totalitaire. Et les caractéristiques unificatrices de leur mouvement, le lien qui surmonte les divisions confessionnelles et les revendications locales, est la conviction ferme que les sociétés libres sont une menace pour leur visions déformées de l’islam. La guerre que nous livrons aujourd’hui est plus qu’un conflit militaire. C’est la lutte idéologique décisive du XXIe siècle.
D’un côté, il y a ceux qui croient aux valeurs de la liberté et de la modération, au droit des gens de parler, de croire et de vivre en liberté. D’un autre, il y a ceux qui sont poussés par les valeurs de la tyrannie et de l’extrémisme, le droit d’un petit groupe de gens auto-désignés d’imposer leur point de vue fanatique aux autres. Comme des vétérans, nous avons connu ce type d’ennemi avant. Ils sont les successeurs des fascistes, des nazis, des communistes et des autres totalitarismes du XXe siècle, et l’histoire montre quelle sera l’issue de cette lutte. Cette guerre est difficile, elle sera longue et elle se terminera par la défaite des terroristes, des totalitaires, et une victoire pour la cause de la liberté.
in Alain Gresh, Tous unis contre « le fascisme islamique » ?, 02/09/2006, Blog du Monde diplomatique.
[2] Il paraît presque incongru de poser les questions classiques : qui, quoi, où, quand et comment. Ce qu'aucun journaliste n'a fait.
Voir : Analyse d'une dérive – Le cas Libération, Monde en Question.
[3] Cette expression, reprise à gauche comme à droite, fut signée par Alexandre Del Valle dans l'article «Pourquoi traiter avec les intégristes ?», Le Figaro du 22 août 2002.
Issu des cercles de la Nouvelle droite, il est parvenu à se construire une notoriété dans le champ médiatique. Voir : MONZAT René, «L'étonnant parcours d'Alexandre Del Valle, Ras l'front, n°87, 2002.

Les révoltés des sondages

Ils sont quatre. quatre députés socialistes – deux partisans de Dominique Strauss-Kahn et deux de Laurent Fabius – et en ont marre de ces sondages sur les présidentiables PS qui donnent tous Ségolène Royal gagnante. Paul Quilès, Didier Mathus, Pierre Bourguignon et René Rouquet ont donc saisi le CSA le 5 octobre pour lui demander de «rappeler solennellement et publiquement les médias à leur devoir d'objectivité et de rigueur» sur les sondages. Trois questions au député PS de Seine-Maritime, le strauss-kahnien Pierre Bourguignon.

Vous dénoncez les sondages. Sont-ils selon vous utilisés pour orienter la campagne interne du PS ?
On est pour l'utilisation des sondages. Ce que nous dénonçons, ce sont l'étroitesse des échantillons. Ça ne correspond plus à rien. Les instituts de sondages sont en dehors de la réalité de leur travail. Nous avons saisi le CSA sur ce constat. Le problème est que les militants du parti socialiste n'ont rien à voir avec les sympathisants. Or les sondages sont faits sur les sympathisants. Mais ce ne sont pas les militants qui sont influencés par ces sondages, c'est l'opinion publique. Nous voulons donc rappeler les médias à leur devoir de rigueur nécessaire.

Pourquoi saisir le CSA maintenant alors qu'il ne s'agit pas du premier sondage favorable à Ségolène Royal ?
Oui, mais il y a ce sondage Ipsos paru le 5 octobre ne reposant que sur 245 sympathisants PS. On atteint le ridicule absolu. Cela devient un peu trop énorme. On arrive à se demander si les journalistes se rendent compte de ce qu'ils manipulent, pas dans le sens psychologique, mais dans l'utilisation qu'ils ont des sondages. On a l'impression qu'ils ne savent plus de quoi ils parlent. J'ai aussi l'impression d'entendre des fabricants de tabac qui disent «vous vivrez plus vieux si vous fumez.» Plus c'est gros, plus ça passe.

Le CSA saisi conjointement par des députés strausskahniens et fabiusiens, est-ce le front anti-ségo qui se met en place ?
Pas du tout. Comme disait François Mitterrand, «Je me lève le matin, je regarde par la fenêtre et constate qu'il fait beau. Valéry Giscard d'Estaing aussi. Ça ne veut pas dire que je suis d'accord avec lui.» Il nous a juste semblé que c'était important. Pour cela, il fallait être au-delà du choix partisan.

Source : Marianne

Sur son site Internet, Ipsos précise que ce sondage, réalisé pour l'hebdomadaire Le Point, «a été réalisé auprès d'un échantillon de 245 sympathisants du PS issus d'un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus comprenant 956 personnes.»