9 décembre 2006

Comment vaincre en Irak

Après mon dernier article qui expliquait les défaut de la guerre asymétrique (Asymmetrical warfare) de nombreux lecteurs m’ont écrit pour me demander, « Bon d’accord, mais alors COMMENT vaincre la guerrilla urbaine ? » C’est une bonne question, mais pour l’instant il n’y a pas vraiment de réponses. Comme je l’ai déjà dit, nous vivons en ce moment une période où les anciens modèles militaires - établis et efficaces jusqu’ici - ont atteint leurs limites.

Le rouleau compresseur militaro-industriel qui nous a permis de gagner la Deuxième Guerre mondiale (tant du côté capitaliste que du côté soviétique) était certes une machine impressionnante et glorieuse, mais la même chose pouvait être dite en son temps de la phalange gréco-romaine, de la cavalerie lourde du moyen âge et de la formation en carré de l’armée coloniale britannique. Tous ces modèles ont fini un jour par taper dans un mur, et nous sommes dans le même cas, aujourd’hui.

Un des signes clairs qu’un modèle militaire est entrain de taper dans un mur est le fait que les petits gars qui ont passé leur vie à le pratiquer se mettent soudain à se plaindre que le camp d’en face triche. Si vous avez prêté attention aux interviews de soldats US ces derniers temps, vous aurez remarqué que c’est ce qu’ils font. L’autre jour j’ai entendu un officier dire à un journaliste, « Je suis désolé, mais les Irakiens ne respectent rien, ce sont des tricheurs. » Ca m’a soufflé. Je comprends tout à fait qu’un combattant régulier éprouve une profonde aversion pour un guérillero. Après tout, on ne peut pas leur demander d’admirer des gens qui plantent une mine sur votre route et ensuite prétendent être d’innocents civils quand vous les alignez contre un mur après l’explosion qui a tué votre meilleur copain. Bien sûr qu’ils les détestent. Bien sûr qu’ils ont envie de les tuer tous. Eux, et tout le foutu voisinage avec, étant donné que tout le monde dans le quartier est probablement complice des poseurs de bombes. C’est comme ça qu’on se retrouve avec des incidents du genre Haditha.

Mais, comme tout le monde sait, les incidents de type Haditha sont exactement ce que recherche la guérilla. Ils veulent que vous pétiez les plombs, que vous noyiez le quartier sous un déluge de feu. Comme ça tout le monde détestera encore plus l’envahisseur honni, ça leur permettra de recruter des nouveaux combattants. C’est ça la règle de leur jeu.

Pour commencer, arrêtez de vous plaindre que l’ennemi ne se bat pas « selon les règles », ne respecte pas les lois de la guerre. La bonne blague ! Vous avez déjà consulté ces « lois de la guerre » ? Moi je les ai étudiées à l’Académie Militaire et elles sont totalement incohérentes. Ainsi, par exemple, dans ces « lois », il est dit que les balles dum-dum sont interdites. Par contre le napalm, lui, est autorisé. Les balles creuses qui explosent dans le corps du soldat sont indignes d’un champ de bataille civilisé, mais les nuages de feu qui brûlent et défigurent les enfants et les vieillards ne le sont pas. Allez comprendre.

La raison pour cela est simple : les balles dum-dum étaient utilisées par les guérilleros Boers dans leur lutte contre l’envahisseur britannique en Afrique du Sud. Ça énervait tellement les Anglais qu’ils firent des pieds et des mains pour obtenir l’interdiction de cette arme simple et pas chère à fabriquer. Eux par contre, pendant ce temps-là, déportaient des milliers d’hommes, femmes et enfants Boers dans des camps de concentration qui n’avaient rien à envier à ceux des nazis et dans lesquels un quart de la population Boer fut assassiné.

Le célèbre gangster Butch Cassidy a dit un jour : « Des règles ? Dans une bagarre au couteau ? »

Il n’y a pas de « lois de la guerre ». Il y a juste des règles à deux vitesses qui sont imposées par les vainqueurs du moment. Exiger d’un guérillero qu’il signale sa position et affronte « loyalement » un hélicoptère de combat est aussi stupide que de demander à un Boer de ne pas violer la loi en limant la pointe de ses balles tandis qu’il regarde sa famille mourir - en toute légalité - de faim et de fièvre typhoïde derrière des barbelés. Comme le dit notre grand stratège néo-con Donald Rumsfeld : « On mène la guerre avec l’armée qu’on a, pas avec celle qu’on aimerait avoir ». La guérilla mène une guerre avec ce qu’elle a à sa disposition : des armes de petit calibre et des bombes sur le bord de la route. Elle n’a pas d’autre choix que de « tricher ».

Néanmoins, il existe des méthodes pour vaincre une insurrection. Mais elles ne sont pas jolies-jolies et aucune n’est défendable devant l’opinion publique. Sans parler du fait qu’elles sont assez risquées. Vous pouvez toujours tenter le coup, mais c’est à vos risques et périls.

La première solution la plus évidente est le génocide. J’en ai déjà parlé et j’ai même prédit que cette stratégie allait revenir à la mode - en effet, il y a un écart énorme entre la force militaire dont dispose une super-puissance comme les États-unis et la force qu’elle est véritablement autorisée à utiliser. Nous avons un problème dans le Triangle sunnite et nous l’affrontons avec des armes qui n’ont pas beaucoup changé depuis le milieu du XXè siècle - des chars, des canons, des frappes aériennes. Bien sûr, nos chars, nos canons et nos avions sont bien meilleurs que ceux que nous avions en 1944, mais ce ne sont que des petites améliorations techniques apportées à des armes très anciennes. Cela fait 600 ans que nous utilisons le canon dans nos guerres. Aussi sophistiquées que soit notre armement, on est toujours dans le principe des vieilles « bouches à feu » en bronze qui écroulèrent les murs de Constantinople en 1453.

Les seules « nouvelles armes » sont précisément celles que nous n’avons pas le droit d’utiliser : ABC - atomique, biologique, chimique - et tout particulièrement les armes biologiques. La seule précaution à prendre - quand vous ouvrez la fiole - est de vérifier que le vent souffle bien dans le bon sens et que vous évitez de respirer l’air du coin... pendant le restant de votre vie. Si nous avions eu la volonté d’ouvrir cette boite de Pandore, la ville de Ramadi serait aujourd’hui aussi calme et paisible qu’une station de sports d’hiver en été.

Bien sûr, il existe de solides arguments qui devraient vous faire réfléchir avant que vous ne débouchiez l’éprouvette pleine de spores. Le premier de ces arguments est qu’il est difficile de contrôler qui va mourir. Anthrax ne fait pas de différence entre les sunnites, les chiites... ni même les Américains d’ailleurs. Et puis, si vous commencez à sortir les diffuseurs de poisons, vous perdez pas mal de réputation dans le domaine moral. Moi cela ne me gêne pas, mais l’opinion publique et électorale semble apporter de la valeur à ce genre de choses.

Les armes chimiques sont un cran en dessous des armes biologiques et ne risquent pas d’entraîner une contamination de cibles non-voulues. Elles sont simples à utiliser : vous tirez un obus, le nuage s’étend, tout le monde qui le respire meurt presque immédiatement d’une mort horrible... et quelques kilomètres plus loin cela n’est plus qu’une vague odeur de curry brûlé. Mais - encore une fois, - si elles sont efficaces, ces armes sont aussi très mal vues d’un point de vue éthique. Nettoyer le Triangle sunnite à grandes doses de Formule 409 ressemblerait trop aux méthodes utilisées par Saddam contre les Kurdes - une stratégie que nous avons violemment condamnée.

De fait, quand on commence à se lancer dans des opérations génocidaires, on tombe dans un ennui après l’autre.

C’est pour cela qu’on finit toujours par revenir à cette bonne vieille option du nucléaire stratégique. Outre le fait que nous sommes quelques-uns seulement à avoir les moyens de nous la payer (et que le camp adverse ne peut donc pas riposter), l’option nucléaire tactique a l’avantage de régler proprement (enfin presque) et durablement tous les problèmes. Imaginez un instant que nous commencions à tracer des petits cercles rouges au compas autour des zones habitées entre Kirkuk et Kerbala, Tal Afar et Najaf et que nous vaporisions tout ce que se trouve dans ces périmètres ?

En plus, les choses sont bien plus simples aujourd’hui qu’il y a encore quelques années. À l’époque la population était mélangée. On risquait donc de vaporiser des familles chiites (qui sont censés être nos copains) en même temps que leurs voisins sunnites (qui nous tirent dessus). Mais aujourd’hui les commandos de nettoyage ethnique ont tellement bien fait leur boulot que si nous lâchions une petite bombe nucléaire sur Ramadi nous aurions la garantie que les cendres projetées dans l’atmosphère seraient à 99 % Sunnites.

Bon, je sens que je m’enthousiasme. Je vais donc revenir à des stratégies anti-insurrectionnelles qui sont plus acceptables quand on parle à des enfants et à des membres du Parti démocrate. Il y a trois autres méthodes pour lutter contre une résistance populaire pratiquant la guerilla urbaine : a) les assassinats ciblés, b) la corruption, c) la guerre intestine entre les factions de la résistance. Chacune de ces trois stratégies a déjà été utilisée avec beaucoup de succès au cours de l’histoire. Et chacune d’entre elles a également lamentablement foiré.. quand elle n’engendrait pas un nouveau problème encore pire que celui qu’elle était censée régler. C’est ce qu’on appelle l’effet Frankenstein.

La méthode la plus simple est la corruption. Je ne comprends pas pourquoi nous faisons si peu usage de cette arme. C’est à croire que les gens qui tirent les ficelles sont aussi sanguinaires que moi, car sinon ils l’utiliseraient tout le temps pour éliminer des régimes "voyous" qui nous dérangent dans nos projets.

Faites le calcul vous même. Au jour d’aujourd’hui, le 12 novembre 2006, le coût officiel de notre aventure en Irak est de 340 milliards de dollars US. Maintenant imaginez un instant que nous ayons bombardé l’Irak avec l’équivalent de cette somme en billets verts. Nous serions les héros du monde arabe et du monde tout court. Chaque famille en Irak aurait reçu 70 000 dollars US - oui, vous avez bien lu. L’Irak serait devenu un des pays les plus riches du monde. Je vous garantis que ces chameliers pouilleux passeraient leur journée à autre chose qu’à se massacrer l’un l’autre avec des perceuses électriques. Tout le monde nous dirait merci. Pas seulement les Irakiens mais n’importe quel orfèvre en Égypte, n’importe quel tenancier de bordel et de bar à Amsterdam, n’importe quel concessionnaire Mercedes à Bagdad. La population irakienne serait plongée dans un tourbillons de commerce, de consommation et de frivolité, jusqu’à ne plus savoir où donner de la tête.

Par ailleurs cela aurait des retombées fort intéressantes pour notre commerce extérieur et celui de nos amis. Quand à Saddam ? Il aurait été renversé en 10 minutes quand il tenterait d’interdire aux gens de rouler bourrés dans leur nouvelle décapotable sur l’avenue centrale de Bagdad. C’était bien ce qu’on voulait non ? Libérer le pays de Saddam et rendre les gens heureux ? A coût égal, on y serait déjà.

Les Irakiens n’allaient pas se révolter pour la démocratie - honnêtement, vous en connaissez beaucoup qui sont prêts à risquer leur vie et celle de leur famille pour un objectif aussi fumeux ? Par contre, si c’est pour une nouvelle bagnole et une vie de luxe... Et puis, une fois qu’ils auraient tous leur voiture, nous viendrions négocier avec eux des droits d’exploitation du pétrole et leur vendrions des raffineries... l’opération aurait été rondement menée et tout le monde serait content.

Deuxième option, pour ceux qui ne veulent pas filer tout ce fric aux Irakiens. C’est un peu tard pour cela, vu qu’on l’a déjà dépensé. Mais bon... il reste les méthodes plus sanglantes. Il y en a deux : l’une rapide, sanglante et risquée et l’autre moins rapide, tout aussi sanglante et tout aussi risquée.

La méthode moins rapide et sanglante consiste à procéder à des assassinats ciblés effectués par des escadrons de la mort composés de soldats US et locaux. Nous avons appliqué cette méthode au Vietnam et cela a fonctionné d’un point de vue tactique, elle nous a permis d’éliminer un certain nombre de réseaux du Vietcong dans les provinces. Par contre cela n’a pas permis de combler la gigantesque absence de stratégie générale qui a marqué cette guerre. En d’autres termes, nous avons durement frappé le VietCong avec nos tueurs de l’opération Phoenix, mais cela n’a pas empêché les colonnes blindées de l’armée nationale vietnamienne de débouler sur Saigon quelques années plus tard.

Les néo-cons ne se vantent plus tellement des opérations Phoenix au Vietnam, vu le résultat final désastreux. Et pourtant la totalité des stratèges militaires qui avait mis en place ces commandos d’assassins se retrouve aujourd’hui au Pentagone autour de Rumsfeld. Par contre il sont très fiers de ce qu’ils ont fait au Salvador, où les petits gars de Reagan ont fait du bon boulot et éliminé en quelques années l’insurrection communiste locale. J’ai toujours admiré le fait que ces opérations aient été menées sans fanfares ni trompettes. À l’époque, sous Reagan, personne n’a jamais entendu parler de ce qui se passait dans les campagnes du Salvador. Il a fallu qu’un pauvre idiot perde les pédales et flingue quatre bonnes soeurs pour que le voile se lève un peu sur les massacres. Dans son ensemble, cette stratégie a été payante au Salvador. Mais il faut savoir garder la mesure. Au Salvador, la population ne dépasse pas 4 millions et l’insurrection était dirigée par une petite clique de bourgeois communistes. Une fois qu’on a éliminés les gauchistes meneurs, le reste du peuple, les paysans et les indigènes, sont revenus à leurs anciens maîtres.

Les Irakiens sunnites ne sont pas des indigènes dociles. Ils ont l’habitude de tuer des gens et ils aiment ça. Nous ne pouvons pas « assassiner leurs leaders de manière ciblée » parce qu’ils n’ont pas de leaders, en dehors du potentat local de leur quartier.

Parmi les autres exemples de lutte anti-insurrectionnelle qui a bien marché, il y a eu les Anglais contre les communistes chinois en Malaisie, dans les années 1950. Mais ici encore cela ressemblait beaucoup au Salvador et pas du tout à l’Irak. En Malaisie, on avait des petits groupes ethniques chinois noyés dans la masse des Malais et qui n’avaient rien d’autre que leur idéologie pour les soutenir. Mais l’idéologie ne pèse rien comparée à la loyauté tribale du système irakien. Les communistes chinois ne s’enroulaient pas des explosifs autour du ventre comme le font les jihadistes. En Irak nous affrontons un clan, un clan vaste et puissant qui se fera tuer jusqu’au dernier s’il le faut. Éliminer les leaders ne suffira pas à ramener le calme.

Il ne nous reste donc que la dernière et meilleure stratégie, mais aussi la plus risquée : encourager une guerre civile au sein de l’insurrection afin qu’elle passe plus de temps à s’autodétruire qu’à nous attaquer. Sans trop entrer dans les détails, grosso modo vous identifiez les personnes parmi les leaders de l’insurrection qui sont susceptibles d’être corrompus, vous les aidez a à prendre de l’importance dans l’organisation par rapport aux intransigeants (et c’est là qu’il est bon de disposer d’un ou deux commandos d’exécuteurs qui éliminent les plus radicaux parmi les leaders). Une fois que le maillon faible a pris le pouvoir au sein de l’organisation, vous le forcez à signer un accord avec vous.

Bien évidemment, les durs dans l’organisation n’accepteront jamais cet accord, mais de l’autre côté les modérés que vous avez mis en selle n’accepteront pas non plus de rendre le pouvoir - parce que (a) ils y ont pris goût, et (b) ils n’ont pas envie de se faire torturer et massacrer avec toute leur famille en cas de victoire de l’autre faction. Bingo. Très vite vous aurez une jolie petite guerre civile entre camarades résistants et vous pouvez pimenter la chose en montant une faction contre l’autre afin de les affaiblir tous les deux. Bien sûr, dans un tel scénario, vous ne pouvez pas ouvertement rester en place comme puissance d’occupation. Mais vous pouvez en profiter pour porter des coups terribles à la résistance, étant donné que ce genre de guerre est généralement un grand et long bain de sang. Les principaux bénéficiaires sont les quincailleries étant donné que les ventes de perceuses électriques, de cordes, de fers à souder, de crochets de boucherie explosent, vu le nombre de gens à « traiter » d’une faction à l’autre. Les terroristes et leurs amis se tuent entre eux. Tout bénef pour nous.

Le meilleur exemple de cette stratégie est l’attitude britannique vis-à-vis de l’IRA en Irlande dans les années 1920. Les rebelles irlandais avaient quasiment éliminé la présence britannique dans les campagnes et faisaient appel à des équipes de tueurs locaux - à l’image des « moineaux » du VietCong - pour éliminer les officiers anglais et leurs complices dans les quartiers. Les Anglais finirent par trouver un accord avec Michael Collins, le chef des brigades urbaines de l’IRA, et lui firent signer un texte dont les termes étaient étudiés pour mettre en rage les durs de l’IRA. Le résultat fut magnifique : l’IRA flingua Collins, se privant ainsi de son meilleur stratège et les Irlandais passèrent 15 ans à se tirer dessus les uns les autres. Pendant ce temps les Anglais n’eurent presque pas de problèmes à « gérer » la province rebelle... du moins jusqu’en 1960 et l’arrivée d’une nouvelle génération de durs à l’IRA.

Les Israéliens ont tenté de faire exactement la même chose quand ils ont cédé Gaza et des bouts de la Cisjordanie à l’OLP. Ils savaient que le Hamas - bien plus radical et dynamique que le Fatah - ne marcherait pas dans la combine et ils espéraient que les Palestiniens s’entretueraient. Ils savaient que le Hamas était prêt à attaquer le Fatah pour une raison très simple, les services secrets israéliens avaient quasiment fabriqué le Hamas pour faire contre-poids à l’OLP. A l’époque on se disait que les islamistes cul-bénits seraient faciles à manipuler pour qu’ils harcèlent l’OLP et gênent le fonctionnement de l’Autorité Palestinienne (comme si l’OLP avait besoin de cela pour être inefficace). Le plan a très bien fonctionné... trop bien même. Deux Intifadas plus tard, Israël se retrouve avec un gouvernement Hamas légitimement élu et se met à regretter l’époque Arafat. Il était lamentable et lâche, le vieux renard, mais au moins c’était plus facile de discuter avec lui qu’avec ces tarés du Hamas avec leurs 17 enfants chacun et qui ne rèvent qu’au martyre.

Vous voyez, c’est ça le problème : vous montez les factions rebelles les unes contre les autres et soudain vous vous retrouvez dans un tournoi de salopards où ce sont les plus méchants et les plus déterminés qui gagnent à la fin. Et ensuite vous vous retrouvez avec ces mecs là comme voisins. C’est pas vraiment ce que vous vouliez obtenir. Les Israéliens avaient pourtant remporté quelques succès avec cette stratégie par le passé. Bon, d’un autre côté ce n’est pas très compliqué de provoquer les Arabes à s’entretuer. Le plus dur dans cette affaire - et c’est là que les Israéliens n’ont pas su garder leur calme - c’est de ne pas s’impliquer dans la bagarre tant que le gouvernement fantoche que vous avez mis en place n’est pas suffisamment fort pour entraîner les radicaux dans une vraie guerre civile sanglante et incapacitante pour les deux côtés.

Dans les années 1920, en Irlande, les Britanniques détestaient Michael Collins plus que tout. Mais ils lui ont quand même donné des armes - et pas seulement des fusils, non, de l’artillerie lourde. Ça c’est de la discipline ! Et bien sûr, à peine les canons débarqués dans le port de Dublin, les partisans de Collins se sont empressés de bombarder les quartiers ou étaient retranchés les factions plus radicales de l’IRA.

Les Israéliens ne pouvaient pas rester dans les coulisses à ne rien faire étant donné que régulièrement un gamin du Hamas ou du Djihad Islamique venait se faire sauter dans une pizzeria de Tel-Aviv et que l’opinion publique exigeait alors que Tsahal aille faire sauter quelques maisons dans les territoires palestiniens. Cela faisait plaisir à l’opinion publique, mais l’opinion publique, c’est bien connu, est constituée d’un grand nombre de crétins. Sur le long terme cela voulait dire que les Palestiniens avaient toujours une nouvelle raison pour détester les Israéliens et ne trouvaient jamais le temps de consacrer le meilleur de leurs énergies à mettre en place une vraie guerre civile entre factions adverses.

En conclusion, la guerre intestine est une stratégie qui peut marcher. Mais il faut avoir les nerfs pour le faire. Et même les Anglais de la vieille école n’y arriveraient pas aujourd’hui en Irak. En effet, en 1920, ils avaient en face d’eux une organisation verticale et disciplinée avec des chefs qui savaient se faire obéir. Aujourd’hui, en Irak, qui avons-nous en face de nous ? Vous aurez probablement plus de succès à tenter de manipuler les cafards dans votre cuisine.

Personne ne dirige vraiment l’insurrection, et personne ne dirige les milices chiites non plus, du moins pas au niveau national. Sadr ? Il restera en place aussi longtemps qu’il gesticule dans le sens où les durs du mouvement veulent qu’il le fasse, mais s’il tente quoi que ce soit de modéré, il connaîtra le sort de Sistani. Les petits gars là-bas sont plus que motivés. Ils n’ont pas besoin d’aide. Ils ne veulent pas se modérer. Ils s’amusent comme des petits fous. La guerre en Irak n’est pas très drôle pour les autres groupes de la population, du genre les femmes et les hommes de plus de 25 ans. Mais pour les garçons irakiens entre 15 et 25 ans, ces dernières années ont été les plus forts moments de leur vie, des années d’or. Alors allez leur dire qu’il faut se calmer et négocier...

Quand vous avez affaire à une insurrection, le facteur clé est le leadership. C’est lui qui détermine vos options. Cela va de l’organisation pyramidale du Vietcong jusqu’au chaos total de l’Irak d’aujourd’hui. C’est en fonction de la manière dont les insurgés sont organisés que vous décidez quelle stratégie anti-insurrectionnelle adopter. Plus la pyramide de commandement est verticale, plus vous avez de chances de faire jouer des stratégies d’élimination ciblée et de négociation avec des modérés. Mais quand la pyramide de commandement est plate voire inexistante, quand l’insurrection est chaotique et géographiquement localisée, alors soudain vous commencez à regarder d’un autre oeil vos amies les ogives nucléaires tactiques et les jolis petits périmètres propres et dégagés qu’elles permettent de créer.

Gary Brecher
Voltaire

Lire aussi :
• 09/12/2006, Dahr Jamail et Ali Al-Fadhily, Irak : tout doit disparaître, IPS News
• JONES Terry, Ma guerre contre la "guerre au terrorisme", Flammarion, 2006.

• Présentation, Le Monde diplomatique
• Extrait, Le magazine de l'Homme Moderne
• Extrait, Michel Collon
• Damien-Guillaume et Marie-Blanche Audollent, Revue de presse
• Terry Jones, Powell a la langue fourchue, LMSI
• Damien-Guillaume et Marie-Blanche Audollent, Un Monty Python contre « la guerre au terrorisme », LMSI
• Damien-Guillaume et Marie-Blanche Audollent, Un Monty Python contre l’axe du bien, AgoraVox
• Terry Jones, un Monty Python contre l’Axe du Bien, DavDuf
• Terry Jones, un Monty Python contre l’Axe du Bien. Extrait : « Péril en la grammaire », DavDuf
• Arme de dérision massive, CQFD
• La croisade des charlatans, CQFD
• Anthologie de la War on Terror, CQFD
• Terry Jones, Articles, Voltaire
• Guerre contre le terrorisme, Wikipédia
• Dossier documentaire & Bibliographie Irak, Monde en Question

8 décembre 2006

Revue de presse Palestine/Israël (2)

Lætitia BUCAILLE, Israël face aux attentats-suicides : le nouvel ethos de la violence, Cultures & Conflits n°63 (automne 2006).

06/12/2006, Lettre de Jérusalem, Le Monde diplomatique

07/12/2006, Ashoka, Palestine Israël : L’état des lieux, Oulala

08/12/2006, Akiva Eldar, Sachez-le, les enfants : ceci est la Ligne Verte, CCIPPP

08/12/2006, Samar Al-Gamal, L’entracte des doutes, CCIPPP

7 décembre 2006

Société israélienne : un consensus nationaliste

La récente agression israélienne au Liban a fait l'objet d'un consensus quasi-général en Israël. Ni le spectacle des destructions, des morts de civils, des centaines de milliers de réfugiés sur les routes, ni même la perte de ses propres soldats et la riposte contre ses villes frontalières et Haïfa ne l'ont fait vaciller. La majorité des intellectuels, en particulier « de gauche », ont soutenu la guerre pendant au moins trois semaines. Et ce qui, finalement, a bouleversé la majorité de la société israélienne, c'est de n'avoir pas « gagné la guerre ». Aujourd'hui en Israël, le débat ne porte pas sur la légitimité du lancement de l'offensive, ni sur la légalité des moyens utilisés ou sur les énormes dommages causés, mais sur les défaillances des services de renseignement et sur la mauvaise conduite de la guerre. Pourquoi ce consensus ? Il y a plusieurs niveaux d'explication, les unes relevant de la réaction immédiate, d'autres renvoyant à l'histoire ancienne et plus récente.

Le 25 juin 2005, un soldat israélien en uniforme est capturé dans un camp militaire à Gaza. Israël en profite aussitôt pour se déchaîner sans réelle réaction de la communauté internationale. C'était la grande répétition avant le Liban. Le 12 juillet, une action militaire du Hezbollah se solde par plusieurs morts militaires et l'enlèvement de deux soldats à la frontière libanaise côté israélien. La réaction est immédiate et si massive qu'il est impensable qu'elle n'ait pas été préparée longtemps à l'avance.

Car bien sûr, tout ne commence pas à Gaza le 25 juin et au Liban le 12 juillet. Ces agressions font partie de la longue chaîne d'événements qui voudraient aboutir à l'impossibilité de l'établissement d'un Etat palestinien souverain sur les frontières d'avant la guerre de 1967 et, au-delà, au remodelage du Moyen-Orient et à sa vassalisation à la puissance américaine. Dès le début néanmoins, il y a eu des Israéliens qui se sont élevés contre l'attaque du Liban. Ils ont manifesté presque tous les jours devant les bureaux du Premier ministre et du ministre de la Défense. Mais, peu visibles car occultés par la presse, ils étaient bien peu nombreux : au début quelques centaines ; petit à petit leur nombre est passé à un millier, puis à plusieurs milliers. Ce nombre reste très faible si on le compare aux mobilisations qu'avait provoquées en 1982 l'invasion israélienne du Liban après les massacres de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et de Chatila. Comment expliquer un tel consensus ?

De la peur existentielle à la « guerre juste »

En premier lieu, la peur. Tant le succès de l'action armée qui a déclenché la riposte israélienne que la résistance inébranlable d'un petit groupe de guérilla et le fait que des missiles peu sophistiqués aient pu atteindre des villes à l'intérieur d'Israël ont sapé la confiance que les Israéliens avaient dans leurs capacités militaires et dans l'effet de dissuasion de leur puissante armée. « Habitués à l'usage unilatéral de la violence, les citoyens de l'Etat d'Israël sont, ces jours-ci, totalement désorientés et, comme d'habitude, ont un fort sentiment d'être des victimes, victimes de la haine en tant que Juifs », écrit Michel Warschawsky [1]. Jusqu'à quelle distance ces missiles peuvent-ils frapper Tel-Aviv ? L'Israélien moyen s'est senti en danger, ce qui a renforcé son réflexe nationaliste, « tribal ». Il a senti plus ou moins confusément que la mort était au coin de la rue et pouvait frapper en tout lieu. Ce sentiment a renforcé la paranoïa nationale et s'est traduit d'une part par un soutien plus fort à la guerre, y compris de la mouvance « de gauche », et d'autre part à un glissement vers la droite plus extrême incarnée par Benyamin Netanyahou. De ce point de vue, les roquettes du Hezbollah ont encore avivé ces réflexes instinctifs qui mènent à soutenir l'unité nationale et à légitimer, aux yeux d'une opinion publique persuadée que l'Autre veut le détruire, le terrorisme militaire de l'Etat israélien et son action destructrice. D'autant plus que les adversaires sont présentés comme n'étant que les islamistes, dont l'image est diabolisée et terrorisante. Donc une peur profonde, intériorisée, existentielle. Un sentiment d'avoir été attaqués sans raison. Dans ce contexte, les incursions israéliennes quotidiennes, terrestres, maritimes, aériennes, dans l'espace libanais qui n'ont jamais cessé même après le retrait israélien de 2000, de même que l'enlèvement et l'assassinat de ressortissants libanais en territoire libanais les mois précédents sont passés sous silence. Les Israéliens ont le droit de « se défendre » par tous les moyens...

Quelles qu'en soient les raisons, se sentant attaqués au sud par des éléments du Hamas, au nord par le Hezbollah, des groupes islamistes, qualifiés de terroristes alors même qu'ils visent des cibles militaires et qu'ils respectent de longues périodes de trêve en demandant l'application du droit international, les Israéliens ont le sentiment qu'ils ont le devoir de participer à la « guerre contre le terrorisme » de leur ami et allié américain, leurs dirigeants s'en présentant comme les fers de lance. Qu'en attaquant sans pitié les peuples dont ces combattants sont issus, ils sont dans une « guerre juste », le bras armé d'une croisade du bien contre le mal. Quand on diabolise l'ennemi, celui-ci n'est plus considéré comme humain. Le droit et la compassion ne sont alors plus de mise.

Ce sentiment de légitimité de la violence utilisée a été conforté par l'attitude de la communauté internationale [2]. Le refus de celle-ci de condamner l'agression israélienne s'inscrit, en adoptant les concepts lancés par Israël [3], dans la relecture du sens du conflit : les causalités sont inversées et les agresseurs deviennent les agressés, ce qui aboutit à sanctionner les occupés. Cela contribue à nourrir le double sentiment israélien d'impunité et de légitimité.

Tout cela n'explique pas le consensus devant le spectacle de l'horreur infligée, ni le manque de réflexion qu'il traduit sur l'isolement tragique d'Israël dans la région que ce déchaînement de violence va immanquablement entraîner. Mais quelle information reçoivent les Israéliens ?

Le rôle des médias dans la formation du consensus

Quelques journalistes courageux ont essayé de faire entendre leur voix. Leurs articles ont parfois été publiés dans les pages « opinions » de journaux comme Ha'aretz, mais ils ont été noyés dans l'écrasante machine de propagande de l'armée. Celle-ci a envahi les grands médias audiovisuels et même la presse écrite. Les généraux, en uniforme ou non, s'y succédaient du matin au soir, pour commenter, expliquer et justifier en donnant des communiqués de victoire et en minimisant les échecs et les pertes israéliennes. Tous les médias (sauf certains sites internet comme celui de Gush Shalom) ont totalement occulté les nouvelles sur les manifestations contre la guerre. Il est souvent trop facile d'accuser les médias quand l'opinion s'enflamme. Mais en l'occurrence il est intéressant de lire sur ce sujet Uri Avnery, journaliste professionnel passionné qui, depuis le début de la guerre, a publié sur le site internet de son organisation, Gush Shalom, une chronique bi-hebdomadaire rendant compte de la situation en Israël et plus particulièrement de l'état de l'opinion [4]. Il a expliqué, dans son article du 2 septembre, ce phénomène de mise au pas des médias derrière le gouvernement et l'armée (voir à la fin de l'article).

La faillite des intellectuels du « camp de la paix » ?

Dans de telles périodes, les intellectuels jouent généralement le rôle de réveilleurs de conscience. D'intellectuels, en particulier « de gauche », Israël n'en manque pas. Malheureusement, la majorité d'entre eux ont soutenu la guerre avec enthousiasme. Dès le début et presque jusqu'à la fin, nombre d'écrivains internationalement connus comme Amos Oz, A.B. Yehoshua et même David Grossman ou Yoram Kaniuk ont justifié la guerre et ont écrit des communiqués de soutien. Amos Oz a écrit un article en sa faveur qui a été diffusé dans de grands journaux étrangers. Uri Avnery a analysé ces faits dans son article du 6 septembre. Il commente : « Je ne pense pas que la guerre aurait atteint des proportions aussi monstrueuses sans le soutien massif des gens "de gauche-mais" [5] qui a rendu possible la formation d'un consensus général, sans entendre la protestation du camp de la paix cohérent. Ce consensus a emporté le parti Meretz, dont le gourou est Amos Oz, et La Paix Maintenant. (...) »

Pourquoi cet unisson ? Ces personnes se réclamant de la gauche étaient-elles gênées de critiquer un gouvernement dans lequel un dirigeant travailliste, Amir Peretz, jouait un rôle majeur ? L'argument aurait expliqué au plus le silence mais pas un soutien aussi actif. Et, quoiqu'il en soit, devant des enjeux aussi importants, cette explication politicienne n'aurait pas suffi.

Les raisons de fond du consensus israélien

A cette question Tamar Pelleg, Israélienne d'origine polonaise rescapée du nazisme, avocate de prisonniers palestiniens, nous a répondu : « Cette partie, large, du « camp de la paix » appartient à la majorité sioniste d'Israël. Globalement elle soutient aussi l'actuelle politique mondiale américaine et ses initiatives. En termes israéliens, elle est préoccupée par le " problème démographique" c'est-à-dire qu'elle a peur d'avoir trop de Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés. Cette obsession est à la base de ses idées politiques et de ses actions. »

Cette réponse rattache les raisons du consensus israélien pour la guerre à toute l'histoire du conflit israélo palestinien. Elle rejoint en cela Uri Avnery quand, dans sa chronique du 6 septembre, il revient sur le rôle de la « gauche » israélienne : « (...) Depuis le début du mouvement travailliste juif dans le pays, la gauche a souffert d'une contradiction interne : elle était à la fois socialiste et nationaliste. De ces deux composantes, le nationalisme était de loin la plus importante. » et, après avoir donné des exemples sur l'organisation syndicale israélienne, la Histadrout, et sur l'idéologie des kibboutz, il conclut : « Dans toutes les vraies épreuves, cette contradiction interne de la "gauche sioniste" (comme ils aiment s'appeler eux-mêmes) devient évidente. C'est la racine de la double personnalité des "de gauche-mais". Quand les canons grondent et que les drapeaux sont hissés, les « de gauche-mais » se mettent au garde-à-vous et saluent. »

On peut distinguer trois niveaux d'explication. Le premier en référence à l'esprit des fondateurs de l'Etat d'Israël : « L'Etat d'Israël, quand il a été établi,a choisi de se présenter en Asie occidentale comme des conquérants européens qui se considèrent comme une tête de pont de la "race blanche" et un maître des "autochtones" ».(...). Ce n'était pas inévitable (...). Mais, après chaque énorme pas en avant (des Palestiniens et des Arabes), il y a eu un pas en arrière israélien. (...) [6]» Le deuxième niveau d'explication s'inscrit dans le contexte de la politique américaine actuelle de guerre des civilisations. Tout se passe comme si la société israélienne, dans sa majorité juive, avait intériorisé toute la rhétorique de la droite américaine de la croisade contre le terrorisme (islamique) et elle consolide aujourd'hui son statut d'élément étranger à la région [7]. Enfin un troisième niveau d'explication relève de la spécificité du conflit israélopalestinien : l'intégration par la société israélienne des arguments donnés par les dirigeants israéliens pour expliquer l'échec de Camp David et pour enraciner l'idée que les négociations avec les Palestiniens sont impossibles faute d'interlocuteurs puisqu'ils refuseraient même le principe de la paix.

La société israélienne n'a pas entendu l'avertissement du regretté professeur Yechayahou Leibovitz qui avait prévu ce qui allait arriver à Israël si celui-ci ne rendait pas les territoires occupés à l'issue de la guerre. Dès 1967 : l'occupation « transformera le peuple israélien en un peuple de policiers et de barbouzes. » En 1973 : « S'il n'y a pas de chances de paix, il n'y a pas non plus de "sécurité" possible. S'il n'y a pas de frontières sur lesquelles on s'entende, il n'y a pas de frontières sûres. L'idée que des lignes fortifiées, prônées par les raisonnements de la géographie militaire, garantissent la sécurité, est réfutée par l'Histoire. (...) La possession de territoires (occupés) ou de "lignes" ne garantit en rien la sécurité ». Plus tard, parlant du Hezbollah à propos de l'invasion du Liban du début des années 80 qu'il qualifie de « folie criminelle » : « Le phénomène Hezbollah lui-même est le produit du fait que le peuple palestinien vit sous notre domination et que nous occupons une partie du territoire libanais. » Et à propos de l'échec d'une solution du conflit avec les Palestiniens : « C'est de notre faute. Nous nous obstinons à vouloir dominer le peuple palestinien. [8

Aujourd'hui un vif débat traverse Israël que Sylvain Cypel résume ainsi [9] : « Deux tendances se dégagent des vigoureux débats qui s'engagent. La première vise à remédier aux principales incuries "logistiques". Si Israël n'a pas gagné, c'est qu'il était mal préparé et s'y est mal pris. La seconde remet en cause la logique même de la force comme réponse spontanée à toute situation conflictuelle avec ses voisins. Selon que l'on adopte l'une ou l'autre des deux attitudes, les leçons à tirer sont diamétralement opposées. » Les premiers sont, souligne l'auteur, très majoritaires. La société israélienne, en faisant le choix de la force, se met elle-même en danger. Elle crée les conditions d'une violence accrue contre elle et en son sein. La société internationale peut l'aider à ouvrir les yeux en obligeant, y compris par des sanctions, son gouvernement à choisir la voie du droit à la place de celle de la force. Pour cela les forces qui s'opposent à la logique du conflit des civilisations doivent arriver à faire de cette région, non le centre de gravité de ce prétendu « conflit » mais celui, pour lequel elle est particulièrement bien placée, du dialogue des civilisations.

Sylviane de Wangen

Quand Napoléon a gagné à Waterloo
par Uri Avnery, 2 septembre 2006 (extraits)

« Quand la guerre a éclaté, les gens des médias se sont mis en rang et ont marché au pas comme un bataillon de propagandistes. Tous les médias, sans exception, sont devenus des outils de l'effort de guerre, encensant Olmert, Peretz et Halutz, s'enthousiasmant à la vue de la destruction du Liban et chantant les louanges de la "ténacité de la population civile" du nord d'Israël. Les gens étaient soumis à un déluge incessant de communiqués victorieux, sans discontinuer du matin tôt au soir tard. Le gouvernement et les porte-parole de l'armée, en liaison avec l'entourage d'Olmert, décidaient ce qu'il fallait publier et quand, et, plus important, ce qu'il fallait supprimer. Cela s'est traduit dans des euphémismes et des manipulations de langage. Au lieu des mots appropriés on employait des expressions trompeuses : quand de violentes batailles faisaient rage au Liban, les médias parlaient d'"échanges de tirs". Le trouillard Hassan Nasrallah "se cachait" dans son bunker, alors que notre courageux chef d'état-major dirigeait les opérations de son poste de commandement souterrain (appelé "le trou"). Les "terroristes" peureux du Hezbollah se cachaient derrière les femmes et les enfants et opéraient depuis l'intérieur des villages, contrairement à notre ministère de la Défense et à notre quartier général qui se trouvent au coeur de la zone la plus densément peuplée d'Israël. Nos soldats n'ont pas été capturés dans une action militaire, mais "enlevés" comme des victimes de gangsters, alors que notre armée "arrête" les dirigeants du Hamas. Le Hezbollah, c'est bien connu, est "financé" par l'Iran et la Syrie, au contraire d'Israël qui "reçoit un soutien généreux" de notre grand ami et allié, les Etats-Unis. (...) »

Publié par AFPS.


[1] Michel Warschawski, « La guerre préventive permanente d'Israël et les limites de l'unilatéralisme », 20 juillet 2006, France-Palestine.
[2] cf. article dans ce même numéro page 38.
[3] Témoins sa réaction à l'annonce du plan de désengagement unilatéral de Gaza, sa qualification du parti Kadima de parti modéré, son acceptation de l'Etat d'Israël dans le groupe des pays occidentaux à l'ONU.
[4] L'ensemble des chroniques d'Uri Avnery se trouve sur le site internet de l'AFPS. Le lecteur nous pardonnera de construire cet article à partir essentiellement de ces chroniques. Mais c'est l'auteur parmi les rares ayant pris immédiatement et le plus nettement position contre la guerre, qui a le plus observé l'évolution de l'opinion israélienne pendant cette période et qui l'a analysée avec ses presque 70 ans de participation à la vie politique sur place.
[5] Faisant référence au début de son article : « Durant la récente guerre, j'ai souvent entendu des phrases commençant par : "Je suis de gauche, mais...". Ces mots étaient invariablement suivis de propos de droite. »
[6] Uri Avneri « Le rottweiler de l'Amérique », 26 août 2006.
[7] Meron Benvenisti, « Le retournement n'est pas loin », juillet 2006, France-Palestine.
[8] Joseph Algazy, La Mauvaise conscience d'Israël, entretiens avec Yechayahou Leibovitz, Le Monde éditions, 1994.
[9] Sylvain Cypel, « L'impuissance de la puissance », Le Monde, 20-21 août 2006.

4 décembre 2006

MSR soutient la guerre coloniale contre les Palestiniens

Ségolène Royal et Ehud Olmert se sont trouvés énormément de points en commun... Fidèle à son passé colonialiste, le parti socialiste français a confirmé, si besoin était, son engagement pro-israélien.


Ségolène Royal et Ehud Olmert sont en "parfaite harmonie" sur la question du nucléaire civil iranien, a déclaré Jean-Pierre Masseret, président de la région Lorraine, qui a assisté à leur rencontre à la Knesset.

Lors de cet entretien qui a clôturé la tournée de la candidate présidentielle socialiste au Proche-Orient, elle a également évoqué avec le Premier ministre israélien le sort des deux militaires israéliens enlevés en juillet par des miliciens libanais.

"Elle a absolument rappelé sa position, disant que le nucléaire civil iranien pouvait très naturellement aboutir au nucléaire militaire et qu’il fallait trouver d’autres solutions énergétiques pour l’Iran", a expliqué à des journalistes Jean-Pierre Masseret, ancien secrétaire d’Etat à la Défense chargé des anciens combattants dans le gouvernement de Lionel Jospin.

"C’était net, carré, direct et en parfaite harmonie entre les deux positions", a-t-il ajouté.

Ségolène Royal s’est démarquée de la majorité des personnalités politiques françaises en s’opposant à l’accès de l’Iran aux technologies nucléaires civiles.

Elle s’est ainsi attirée les moqueries de certains élus de l’UMP et du PS qui ont estimé qu’elle ignorait les termes du Traité de non prolifération nucléaire.

Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste a confirmé une "convergence de vues" entre les deux interlocuteurs sur ce sujet.

Quelques jours après la visite de la candidate au Liban, la situation très tendue entre les deux pays été évoquée.

"C’était très intéressant d’entendre ce qu’elle avait à dire sur sa visite" au Liban, a déclaré Ehud Olmert, qui s’est dit "très heureux de l’accueillir ici".

La question des survols du Sud-Liban par les avions de chasse israéliens, évoquée dimanche par Ségolène Royal avec la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni, n’a pas été abordée lors de son entretien avec le Premier ministre.

"Je crois que c’est très utile et très fructueux de pouvoir ainsi, de façon très directe et très simple, donner la vérité d’une parole, une impression de contenu, de rencontre", a déclaré Ségolène Royal.

"Si je peux contribuer par cet échange d’informations à faire en sorte que les choses soient comprises sous d’autres facettes, je crois que c’est très utile", a-t-elle ajouté.

Reuters-Yahoo

Revue de presse Palestine/Israël (1)

29 novembre 1947 : Le partage et l’occupation de la Palestine, France-Palestine.

60 années après la partition de la Palestine, Protection-Palestine.

Derrière le mur : chroniques de la vie quotidienne dans les Territoires palestiniens, par Karim Lebhour :
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