26 octobre 2008

Les États-Unis désirent l'aide de la Chine, mais pour faire quoi ?

Après l’effondrement de l’Union soviétique, en 1991, il n’y eut plus de grands pays à oser contredire ces gens. Sauf la Chine, peut-être. Et encore, sans donner de la voix. N’empêche que Rice a quand même estimé que la Chine constituait un danger et qu’il fallait donc la traiter en tant que telle. Durant la campagne électorale de 2000, qui allait amener Bush Jr pour le première fois à la Maison-Blanche, Rice avait dit : « La Chine est pour nous une rival stratégique et non une partenaire stratégique. »

Mais, à partir de septembre 2005, la politique de confrontation est mise au point. Robert Zoellick tient un discours à l’adresse de la commission parlementaire américaine qui suit les relations entre les États-Unis et la Chine. Il dit : « Nous devons encourager la Chine à se muer en coparticipante qui se comportera de façon responsable. En tant que coparticipante responsable de la communauté internationale, la Chine serait plus qu’un membre, elle soutiendrait avec nous le système international qui a permis son succès. » De rivale stratégique à coparticipante responsable, c’est là toute une transition.

En décembre 2007, alors que le ciel au-dessus du système financier et industriel de l’Occident est chargé de sombres nuées d’orage, Zoellick déclare : « La Chine est un moteur de croissance dans le monde. Elle peut nous aider à éviter une récession mondiale. L’économie chinoise et l’économie mondiale sont liées l’une à l’autre. Nous devons dès maintenant agir conformément à notre concept de coparticipante responsable. »

Le 6 octobre de cette année 2008, Zoellick dit encore : « La crise financière mondiale est un appel à une collaboration plus étendue entre un plus grand nombre de pays. Le G7 ne fonctionne pas. » Le G7, c’est le club des sept pays les plus riches, sous la direction des États-Unis. Les autres États membres sont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Japon, la France, l’Italie et le Canada. D’après Zoellick, la Chine devrait en être, mais aussi l’Inde, l’Afrique du Sud, la Russie, l’Arabie saoudite et le Brésil. Zoellick d’ajouter : « Le nouveau multilatéralisme doit s’adapter à la présente époque. Il doit assembler la force des divers acteurs et institutions. »

Les Américains sont dans une impasse en Afghanistan. Voilà sept ans qu’ils y font la guerre, sans la moindre perspective de victoire. En Irak, la situation n’offre pas la moindre perspective non plus. Les États-Unis injectent sans succès des centaines de milliards de dollars dans une guerre qu’on a justifiée par une série de mensonges à propos d’armes de destruction massive. La guerre a balayé Saddam Hussein, mais bien plus encore l’autorité morale des États-Unis dans le monde.

L’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie en ont soupé, du concept de Washington. C’est la recette du Fonds monétaire international : dérégulation, démantèlement du secteur social, diminution des salaires et des allocations sociales, liberté maximale et impôts minimaux pour les entreprises occidentales. Cette recette n’a amené aucune amélioration à la situation économique de ces pays. C’est l’inverse, qui s’est produit : l’Argentine a presque connu la faillite et, dans plusieurs pays asiatiques, une crise dévastatrice a éclaté en 1997.

Ainsi, ces cinq dernières années, la Chine a-t-elle été de plus en plus aux premières loges, sur le plan international. De ce fait, la tactique de Robert Zoellick et consorts visant à faire de ce pays un coparticipant responsable n’a cessé de gagner des partisans, aux États-Unis.

Maintenant que le monde politique et les milieux des affaires des États-Unis regardent avec effroi et désespoir les tableaux des cours de Wall Street, c’est encore davantage le cas. Le 1er octobre dernier, la Chine avait une réserve de 1.900 milliards de dollars en devises étrangères. La majeure partie, 1.300 milliards, était constituée de dollars. (Ce sont d’ailleurs ces réserves qui, en grande partie, protègent la Chine contre la crise qui sévit en Occident.) Cette masse d’argent viendrait bien à point pour aider les autorités américaines et ouest-européennes via des injections de centaines de milliards de dollars dans le système financier.

Le 9 octobre, le chroniqueur Philip Stephens écrivait dans le Financial Times : « L’actuelle crise financière annonce le début d’un nouvel ordre politique mondial. Durant deux siècles, les États-Unis et l’Europe occidentale ont pu dominer sur le plan économique, politique et culturel. Ce temps est révolu. »

Maintenant que l’unipolarité américaine est révolue, une autre approche des États-Unis est nécessaire afin de sauver leur position de leader mondial. D’où le concept de « coparticipant – ou acteur – responsable ».

Qu’attendent les Américains de la Chine ? En bref, ceci : les États-Unis veulent que la Chine s’intègre dans les organisations et les règles du jeu qui déterminent l’ordre international actuel. Cela se concrétise sur de nombreux terrains.

L’objectif, de la sorte, est formulé : le concept de « coparticipation responsable » veut se servir de la Chine afin de renforcer l’ordre international existant, un ordre placé sous la direction des États-Unis et qui fonctionne selon les règles énoncées par les États-Unis et l’Europe. Comme l’écrit le vice-ministre Thomas Christensen : « La Chine ne peut réussir que si elle contribue à la bonne marche du système mondial, auquel elle doit tant. Je pense que la Chine se rend compte et se rendra compte de plus en plus que, plus elle deviendra une composante du système mondial, plus ses intérêts coïncideront avec ceux des autres acteurs, tels les Etats-Unis. »
Les Chinois se rendent compte que les Américains changent de politique afin de pouvoir garder leur propre rôle et ne pas modifier le caractère des relations économiques Nord-Sud. Wang Yiwei, de la section des Études internationales de l’université de Fudan, déclare : « Le concept de ‘coparticipation responsable’, c’est comme une longue ligne de pêche avec laquelle on veut attraper un gros poisson. Ce gros poisson, c’est le rapport à la Chine dans le cadre de l’ordre international dirigée par les États-Unis. » De son côté, Ruan Zongze, de l’Institut chinois des Études internationales écrit dans le quotidien du Parti communiste : « Le concept montre clairement que Washington ne veut toujours pas renoncer à ses efforts en vue de faire valoir partout dans le monde sa propre conception de la démocratie. En quel sens s’agit-il alors d’un changement fondamental de la politique étrangère américaine ? Peut-être ne sont-ce après tout que des mots dans le vent, comme Bob Dylan l’a chanté jadis… »

Les trois principes fondamentaux de la politique étrangère chinoise sont : tous les pays sont égaux, pas d’ingérence dans les affaires internes les uns des autres, des relations qui sont basées sur l'avantage mutuel. Il va de soi que ces trois principes vont carrément à l’encontre des objectifs et de la pratique de la politique étrangère américaine. Du point de vue américain, il y a les grandes puissances (et une puissance exceptionnellement grande étant les États-Unis eux-mêmes), tous les pays du monde doivent respecter les valeurs et les normes définies par la « communauté internationale » et les relations doivent avant toute chose servir les intérêts américains.

La Chine entend renforcer au maximum les relations avec les États-Unis, mais sur un pied d’égalité, sans que les États-Unis mettent le nez dans la politique intérieure chinoise, et en partant d’un avantage mutuel.

En avril 2006, Hu Jintao disait : « La toute première priorité de la Chine est son propre développement économique et l’amélioration de la prospérité et du bien-être de sa population. Ce faisant, la Chine sert au mieux les intérêts fondamentaux, tant de la population chinoise que des peuples du monde. Et, de la sorte, la Chine sert au mieux le rôle responsable et constructif consistant à promouvoir au mieux de ses possibilités le développement à l’échelle mondiale et la paix planétaire. »

Aujourd’hui, la Chine dit : notre contribution à la solution de la crise financière et économique consiste en nos efforts maximaux pour pousser vers l’avant le développement socioéconomique de la Chine. Le pays entend encore accroître considérablement la consommation interne en réduisant les tarifs de la TVA (alors que, pendant ce temps, le gouvernement belge augmente les accises sur l’essence), en doublant le revenu des 700 millions de paysans, en augmentant le salaire minimal, en améliorant la sécurité sociale… Cette année, l’économie chinoise va croître de plus de 9 pour cent. De la sorte, l’économie chinoise est le numéro un incontesté en tant que locomotive de l’économie mondiale.

FRANSSEN Peter
24 octobre 2008
Publié par Mondialisation

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