7 février 2009

Guerre d'Israël contre le peuple Palestinien (9)



Dépêches des 5 et 6 février 2009, Info-Palestine - Toutes les dépêches.

Des milliers d'Israéliens se sont rendus dans des parcs d'attractions situés dans la région de Gaza, ce samedi. 4000 d'entre eux ont visité le parc national d'Eshkol.
Guysen International.

La Cour suprême israélienne autorise une nouvelle démolition du village de Khirbet Tana, CCIPPP.
Lundi dernier (26 janvier 2009), la Cour suprême [israélienne] a décidé de rejeter la requête qu’avaient déposée les habitants du village palestinien de Khirbet Tana, l’Association pour les Droits civils en Israël (ACRI) et les Rabbins pour les Droits de l’Homme, et qui demandait qu’on ne démolisse pas leurs maisons et qu’on établisse un plan directeur permettant de construire légalement dans le village. Les quelque 25 familles vivant dans le village se sont vu notifier qu’elles seraient prochainement obligées de quitter leurs maisons. Les requérants ont insisté sur le fait que l’Administration civile ne leur permettait pas d’obtenir de permis de bâtir et les contraignait à choisir entre deux options fâcheuses : bâtir sans permis ou rester sans toit.

ACRI (Association pour les droits civils en Israël)


Appel international contre Carmel Agrexco, EuroPalestine.
La Campagne de Boycott des Produits Israéliens (Boycott Israeli Goods Campaign) lance un appel international contre Carmel-Agrexco notamment en ce mois de février. Carmel-Agrexco est la compagnie nationale israélienne d’export de fruits et légumes, et exporte une quantité importante de produits en provenance de colonies illégales israéliennes implantées en Palestine occupée.


Gaza : rien n'aura été épargné, Des bassines et du zèle.
La population de 1,5 million d'habitants de Gaza risque d'avoir à affronter une crise alimentaire à la suite de la destruction d'une grande partie des terres agricoles au cours de l'invasion israélienne.
Selon le Programme alimentaire mondial (le PAM), l'organisme d'aide alimentaire de l'ONU, et les autorités palestiniennes, entre 35% et 60% du secteur agricole ont été détruits au cours des trois semaines d'agression israélienne, qui est survenue après deux ans de siège économique.


Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.

Israël doit être jugé par la CPI



Israël doit être jugé par la Cour pénale internationale




Pétition universelle - Textes

"La barbarie d'Israël est au-delà de la cruauté"



Modérateur : Je suis David Ignatius, chroniqueur au Washington Post et je vais modérer la discussion de cet après-midi sur Gaza. Notre discussion sur Gaza fait suite à une guerre qui nous a rappelé à tous le poids de l'histoire au Moyen-Orient et nous a aussi rappelé la fragilité du processus de paix. J'espère que ce soir, nous allons mettre un peu plus de substance dans ce processus en discutant où nous allons maintenant, comment remettre ensemble les morceaux. Nous avons un panel extrêmement distingué avec nous ce soir pour discuter de ces questions. Permettez-moi de les présenter brièvement. À ma droite immédiate, le Premier ministre de Turquie, Recep Tayyip Erdoğan. À sa gauche le Président d'Israël, Shimon Peres. À sa gauche le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon et à sa gauche le secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Moussa. Je vais demander au secrétaire général Ban Ki-moon des Nations Unies, qui s'est concentré particulièrement sur les aspects humanitaires de la crise de Gaza d'ouvrir al séance de ce soir avec ses remarques pendant cinq minutes. À vous, M. le secrétaire général.

Ban Ki-moon : Merci, Monsieur le modérateur. Excellences, Mesdames et Messieurs; c'est un grand plaisir de participer à ces discussions très importantes sur le processus de paix au Moyen-Orient. Le mot-clé de ce Forum de Davos semble être "crise", une crise multiple, nos avons parlé de crise financière, de crise climatique, de crise alimentaire, mais pour les plus d'un million et demi de Palestiniens de Gaza,  ces crises semblent bien distantes, en comparaison avec la crise quotidienne qu'ils ont à subir, à souffrir, particulièrement après ce conflit militaire de trois semaines, qui continue encore. C'est très triste. Quand j'ai visité Gaza, j'ai vu de mes propres yeux le niveau de destruction, le niveau de difficultés tragiques que ces gens ont à subir du fait de cette crise. Je suis revenu avec une résolution renforcée, qu'en tant que secrétaire général des Nations Unies, je dois faire quelque chose de toute urgence pour aider ces gens à soulager les souffrances de ces questions humanitaires (sic). Ce matin, j'ai lancé un appel urgent se montant à 613 million de dollars pour une assistance humanitaire d'urgence, seulement de secours d'urgence. Nous parlons maintenant de reconstruction à moyen et à long terme. C'est ce dont j'aimerais discuter avec vous. Actuellement, j'ai quatre priorités. Je pense que ce n'est pas moi en tant que secrétaire général, c'est toute la communauté internationale qui doit affronter quatre questions prioritaires, pour aborder le processus de paix du Moyen-Orient de manière globale. Deux questions immédiates et prioritaires : comment rendre le cessez-le-feu durable et soutenable et qu'il soit respecté par toutes les parties concernées. Ce cessez-le-feu unilatéral est très fragile. Comme nous l'avons vu il y a deux jours, un soldat israélien a été tué et un autre au point de passage de Rafah, si bien que le moindre incident peut amener à une rupture du cessez-le-feu. Les efforts de la communauté internationale doivent se concentrer sur la prévention de toute introduction en contrebande d'armes illicites à Gaza et le gouvernement israélien doit ouvrir tous les points de passage pour permettre le passage libre et fluide de l'assistance humanitaire et autres matériaux de reconstruction. Il est très important que ce cessez-le-feu soit durable et soutenable.. Il y a des questions humanitaires urgentes, les écoles et les routes, l'électricité, l'assainissement et les égouts, tout a été détruit. Les gens ont perdu leurs proches, leurs amis et plus de 5000 personnes ont été blesses, et 1300 tués. C'est une tragédie humaine. J'ai visité le complexe des Nations Unies, qui a été bombardé lors d'une attaque des forces israéliennes. C'était très choquant, alarmant et inacceptable. Ce sont donc les deux priorités les plus urgentes que nous avons à affronter. Les deux autres questions ont à voir avec le processus à moyen et à long terme, c'est l'unité des Palestiniens. Avec cette division du peuple palestinien vivant à Gaza et en Cisjordanie, divisé entre Fatah et Hamas, ce sera très difficile pour la communauté internationale d'envisager une reconstruction en douceur, un bien-être en douceur pour le peuple palestinien. C'est très triste et je pense, j'espère que les pays arabes, tous les pays arabes – nous avons actuellement le secrétaire de la Ligue Arabe ici pour faciliter cette unité des Palestiniens d'une manière unie (sic). La quatrième priorité, qui est fondamentale, c'est le processus de paix. Le processus de paix du Moyen-Orient devrait être mis en route sur une base urgente et là nous avons eu…Je suis très encouragé par le nouveau Président des USA, le Président  Obama, qui a déjà pris des mesures décisives en nommant son Envoyé Spécial le Sénateur George Mitchell; qui est déjà en voyage dans la région. Les Israéliens et les Palestiniens ont accomplis des progrès substantiels Durant l'année dernière (sic), ils doivent construire là-dessus, je voudrais donc prier instamment les Nations Unies à continuer à participer et à apporter leur appui à cela. Maintenant, comment assurer tout ce processus de paix, comment le rendre durable ? Le Hamas doit cesser de lancer des fusées, il ne doit pas provoquer les Israéliens, et les Israéliens devraient faire preuve du maximum de modération pour entretenir ce processus de paix, ce processus vraiment fragile. Depuis que la crise a éclaté, j'ai téléphoné et rencontré les leaders de la région et de la communauté internationale, dont les trois distingués leaders qui sont à nos côtés. Cela a été très difficile, mais l'ONU ne peut agir seule. Toute la communauté internationale, en particulier tous les pays arabes et les leaders des principaux pays, en particulier les USA, devraient  prendre un rôle dirigeant et nous devons engager le processus de paix au Moyen-Orient sur une base urgente et immédiate, et je voudrais de nouveau lancer un appel urgent aux donateurs internationaux, à être généreux et positifs dans la fourniture l'assistance fin… humanitaire nécessaire. Merci beaucoup.

Modérateur : Merci, Monsieur le secrétaire général. [Applaudissements]. Permettez-moi de donner la parole au Premier ministre  Erdoğan de Turquie. M. Le Premier ministre,  votre gouvernement a joué un rôle-clé comme intermédiaire dans les négociations directes entre Israël et la Syrie, qui étaient en train d'avancer quand la guerre de Gaza a commencé. Permettez-moi de vous poser la même question qu'au secrétaire général des Nations Unies, et à la quelle je voudrais que tous nos hôtes répondent : que faut-il faire plus particulièrement pour empêcher le processus de paix du Moyen-Orient de faire marche arrière de nouveau ?

Recep Tayyip Erdoğan : (interprétation simultanée du turc) Avant tout, avant de répondre à la question sur ce qu'on a besoin de faire, il me paraît également important d'analyser la situation actuelle, parce que nous avons besoin d'une analyse adéquate afin de définir les mesures nécessaires.
 
Je ne vais pas remonter 40 ans en arrière dans l'analyse, je veux seulement revenir à juin 2008. Si nous partons de cette date, juin 2008, nous verrons qu'il avait été décidé un cessez-le-feu et il n'y avait eu aucun problème avec cette décision qui devait durer six mois ; mais lorsque le délai du cessez-le-feu prit fin, six mois après, il n'y avait eu aucune attaque avec des missiles et Israël devait lever le blocus, les choses devaient changer en Palestine. Cependant, les territoires palestiniens sont comme une prison à l'air libre, car ils sont complètement isolés du reste du monde, c'est un isolement total, un siège, et si quelqu'un essaye d'entrer une caisse de tomates en Palestine par n'importe quel passage frontalier, il est nécessaire d'avoir l'autorisation du côté israélien, d'une autre manière c'est impossible. Je le vois d'un point de vue humanitaire et je veux dire également quelques mots en tant que Premier ministre : il y a un certain temps j'ai visité Israël et ensuite je suis allé en Palestine, et en ma qualité de Premier ministre j'ai attendu en compagnie de mon épouse pendant une demi-heure dans la voiture pour pouvoir entrer dans les territoires palestiniens depuis Ramallah.
 
Jamais un diplomate israélien n'a dû attendre tant de temps à nos frontières. Je crois que nous devons tenir compte de ces aspects de la situation. J'ai aussi demandé à Monsieur Olmert s'il y avait eu des morts à cause des attaques avec des missiles. Il m'avait répondu que non, mais que les attaques étaient un fait, donc des missiles étaient utilisés sans qu'ils ne tuent personne, j'ai alors compris que l'affaire était que ces missiles n'étaient pas de très bonne qualité; d'autre part plus de 24 Palestiniens avaient été assassinés pendant le cessez-le-feu depuis juin dernier, l'électricité avait été coupée, il n'y avait pas de nourriture, les hôpitaux manquaient d'énergie électrique, la situation était difficile et la Turquie avait déjà commencé à envoyer de l'aide humanitaire à la Palestine, c'est-à-dire, il y avait déjà une situation à caractère humanitaire à partir ce moment-là. Je voudrais ajouter que je suis un dirigeant qui a toujours déclaré de manière explicite que l'antisémitisme constitue un crime contre l'humanité. L'islamophobie constitue également un crime contre l'humanité.
 
Pour moi, l'important n'est pas qu'une personne soit chrétienne, juive ou musulmane mais c'est quand elle est soumise à une situation de stress ; pour moi, le dénominateur commun est qu'il s'agit d'êtres humains, et d'après cela l'objectif humanitaire doit primer. Ceci a inspiré mes propres efforts; par exemple, nous essayons d'envoyer de l'aide humanitaire, le Croissant Rouge turc a essayé d'offrir de l'aide, mais cela nous a pris beaucoup de temps, jusqu'à deux semaines, pour obtenir que les camions traversent les passages frontaliers. Je ne sais pas si le président Peres est au courant, mais cela nous a pris beaucoup de temps, nos diplomates ont dû travailler dur pour s'assurer que l'aide arrive jusqu'aux territoires palestiniens. Plus intéressant encore, est le fait que le Premier ministre israélien a été en Turquie, Monsieur Olmert a été en Turquie quatre jours avant le début de la guerre à Gaza. Comme il a déjà été dit, la Turquie a assumé le rôle de médiateur entre Israël et la Syrie pour des échanges indirects ; il y avait déjà eu quatre rencontres, des échanges indirects, et de fait la cinquième rencontre a été réalisée en présence du Premier ministre Olmert et de moi-même, et avec nos envoyés spéciaux à Ankara ; nous sommes restés ensemble pendant cinq ou six heures pour discuter des sujets qui sont de la compétence de la Syrie et d'Israël. J'ai eu une conversation téléphonique avec le président Assad tandis qu'un de mes envoyés spécial s'entretenait avec le ministre des Affaires étrangères Moallem afin de voir s'il était possible de passer à la phase suivante, qui consisterait en des discussions directes entre Israël et la Syrie, donc c'est cela que nous étions en train d'essayer. Notre objectif tout au long du processus a été d'obtenir la paix dans la région et nous avons essayé de réunir des fonctionnaires des deux pays qui jusqu'à aujourd'hui ne se sont pas rencontrés. Nous avions si bien avancé, que nous n'avions des problèmes seulement avec quelques mots, c'est-à-dire, avec des questions de langage. On avait décidé qu'il était nécessaire de laisser passer quelques jours pour pouvoir prendre une décision finale et, pendant ce temps, j'ai parlé avec Monsieur Olmert en présence de mon ministre des Affaires étrangères et de notre envoyé spécial ; le premier ministre Olmert était aussi accompagné de ses conseillers et a dit que nous pourrions travailler ensemble à la libération du soldat israélien capturé et retenu par le Hamas, mais j'ai dit, et j'ai moi aussi posé la demande, j'ai dit que le Parti du changement et de la réforme avait gagné les élections en Palestine. Nous parlons de démocratie, nous aimerions voir que la démocratie fasse des racines ; s'il en est ainsi, nous devons alors respecter, avant tout, ces personnes choisies par le vote du peuple devant lequel elles se sont présentées, peut-être ne sont-elles pas de notre goût, mais nous devons respecter le processus. J'ai dit au Premier ministre Olmert qu'ils retenaient les ministres et les membres du Parlement palestinien ; j'ai suggéré qu'on pourrait faire un geste semblable à celui qui avait été fait en direction du président Abbas, peut-être en libérant ces personnes. Mais le Premier ministre Olmert a affirmé que ceci compliquerait beaucoup les choses pour le président Abbas. Alors j'ai répliqué qu'il serait peut-être possible de libérer quelques femmes et les enfants, que cela pourrait être un geste. M. Olmert m'a dit qu'il parlerait avec ses collègues et qu'il me donnerait une réponse le jour suivant, mais la réponse n'est pas arrivée et presque quatre jours après, le 27 décembre, nous avons vu la guerre à Gaza. Ce qui s'est passé c'est que plus de 1.200 personnes ont été assassinées, parmi elles des femmes et des enfants. Plus de 5.000 ont été blessés à cause d'un usage disproportionné de la force ; si nous voyons les faits dans une perspective humanitaire et nous réfléchissons à la puissance militaire d'Israël, qui comprend des armes de destruction massive, et que nous examinons s'il y a ou pas quelque chose de comparable à Gaza, si les Palestiniens ont ce type de puissance militaire, mais c'est évident qu'il ne l'ont pas. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies s'était réuni et avait émis une résolution, mais Israël n'a pas reconnu cette résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies ; comme l'a dit le secrétaire général Ban Ki-moon, le centre des Nations Unies a été aussi bombardé pendant cette guerre. Des écoles et des mosquées ont été bombardées, mais surtout, l'humanité dans son ensemble n'a pas agi avec la rapidité nécessaire pour essayer d'aider la population. Dans le cas de la Géorgie les gens ont agi avec hâte, y compris mon pays, dans cet effort parce que nous avons beaucoup travaillé pour aider la population géorgienne dans ces moments difficiles. Ce que je veux dire c'est que nous ne devons juger personne pour sa race ou sa religion dans une situation de souffrance. Notre objectif, l'objectif de tous, est d'essayer d'aider les personnes qui traversent des difficultés. J'ai visité la Syrie, la Jordanie, l'Arabie Saoudite, l'Égypte et j'ai discuté avec beaucoup de dirigeants, j'ai conversé par téléphone avec des dirigeants européens; malheureusement, ceci a duré trois semaines et a eu une couverture médiatique dès le début. Les chaînes de télévision, par exemple la BBC, avaient prédit que cela durerait environ trois semaines et, en effet, tout le processus ou toute la guerre a duré trois semaines, ce qui a causé la destruction des infrastructures. Et les chiffres que le Secrétaire Général des Nations Unies a mentionné ne suffisent pas pour résoudre le problème : nous avons besoin de beaucoup plus, un milliard ou deux milliards de dollars ne suffiront pas pour reconstruire les structures là-bas, car ce peuple ne dispose d'aucun moyen pour réhabiliter son infrastructure et maintenant ils doivent à nouveau se sacrifier.
 
On parle beaucoup du Hamas, mais le Hamas ne constitue pas toute la population de Gaza ; il y a aussi des civils. Le Hamas est aussi une face distincte du Parti du changement et de la transformation. Le problème est que ses droits démocratiques n'ont pas été reconnus, respectés. Nous sommes maintenant au point dans lequel Israël a annoncé unilatéralement un cessez-le-feu et le jour suivant c'est le Hamas qui a annoncé à son tour un cessez-le-feu de manière unilatérale. Un côté parle d'un processus de cessez-le-feu d'une durée d'un an, l'autre côté propose un an et demi. Une autre question est, évidemment, de mettre fin à l'isolement du peuple palestinien. Sera t-il possible à Israël de le faire, c'est-à-dire, ouvriront-ils les passages frontaliers pour les gens ? Car il n'y a aucune chance qu'ils survivent où qu'ils se trouvent maintenant et dans les conditions dans lesquelles ils sont. Si nous respectons la Déclaration Universelle des Droits Humains et les conventions internationalement acceptées, la première chose est que ces passages frontaliers soient ouverts pour que les gens puissent bénéficier de leurs droits, les droits de la vie. Il y a aussi le sujet des armes qui entrent clandestinement dans la zone. Si une des extrémités du tunnel se trouve en Égypte, alors l'Égypte doit arrêter le flux illicite des armes. Mais si nous considérons la Palestine comme un État, chose qui, me semble, être aussi un sujet en lui-même, ou peut-être une affaire contestable pour certaines personnes, il s'agit du sujet de la division à l'intérieur de la Palestine et de comment régler les différences entre le Fatah et le Hamas. Si nous essayons de fermer cette blessure, nous devons alors prendre en considération toutes les parties. Ceci je l'avais aussi discuté avec Monsieur Olmert, parce que si la seule partie présente du côté palestinien est le Fatah, cette présence ne sera pas suffisante pour la projection des résultats sur tout le peuple palestinien; il est également indispensable de prendre en considération le Hamas, parce que ses membres font partie de cette société, ils ont remporté un processus électoral et, par conséquent, nous devrons les inclure dans l'équation. Si ce sont les Nations Unies qui assument la direction, hé bien qu'il en soit ainsi, et j'espère que les Nations Unies orientent tous leurs efforts en ce sens ou que les USA avec le gouvernement d'Obama puissent assumer un rôle important. J'ai l'espoir et la perspective que le président Obama soit la voix des masses silencieuses et qu'il mette tout son poids,  le poids de son gouvernement dans la quête d'une solution. Il doit le faire en dehors du cadre des accords passés par l'administration précédente précédent, y compris le dernier passé entre la Secrétaire de d'État d'alors Condoleezza Rice et Madame Livni. Nous devons ouvrir une nouvelle possibilité et prendre en considération le Hamas dans le processus. Si on demandait à la Turquie de participer de quelque manière, nous serions également disposés à le faire, mais nous devons être prudents et penser au processus comme un tout quand nous essayons de définir les parties impliquées et, nous devons parvenir définitivement à la paix au Proche-Orient comme un élément important et nécessaire pour la paix mondiale. Si le processus de paix au Proche Orient ne conduit pas à un résultat positif, il n'y aura pas de paix dans le monde. Je pense alors que ce Parti de la réforme et du changement doit être présent dans le gouvernement d'Unité Nationale qui devra être établi en Palestine, et c'est ainsi que le gouvernement d'Unité Nationale devra ensuite s'instaurer afin d'organiser des élections et, une fois que le nouveau gouvernement sera établi, indépendamment de la sympathie qu'il éveille en nous, nous devrons le reconnaître comme le gouvernement du peuple palestinien, car nous devons respecter la volonté du peuple palestinien.
 
Modérateur : Merci Monsieur le Premier Ministre Erdoğan pour votre réponse très complète et qui, je dois dire, apporte du nouveau. Je m'adresse maintenant à M. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, pour lui poser la même question : comment pouvons nous revenir à un processus de paix après Gaza ?  Et peut-être pourriez-vous également parler des deux points soulevés par le Secrétaire Général des Nations Unies, M. Ban Ki-Moon.
 
Donc, d'abord, comment parvenir à une unité au sein des Palestiniens ? Et deuxièmement, que peut faire la nouvelle administration américaine, alors que l'émissaire de M. Barack Obama, au Proche Orient, M. George Mitchell, commence une tournée dans la région ?
 
Amr Moussa : Merci beaucoup. Je tiens tout d'abord à remercier le secrétaire général des Nations Unies pour la position ferme qu'il a prise et pour les actions qu'il exige afin de rétablir la situation à Gaza, pour sauver Gaza après le carnage qui a été commis contre sa population. Je veux également louer le rôle joué par la Turquie, un rôle très positif, courageux et clair. Je remercie la Turquie, un membre de la famille des nations du Moyen-Orient, du rôle qu'elle veut bien jouer pour rétablir la paix et aider à traiter des fautes majeures qui ont été commises contre les Palestiniens, et pour demander que soit instaurée une paix juste et équitable afin que la paix soit durable.
Maintenant, David, vous me demandez de parler du futur et de la façon dont nous devons l'aborder. Les choses ne doivent pas être balayées sous le tapis, car ces choses appartiennent au futur proche et peut-être aussi à un avenir plus éloigné. La situation à Gaza ne s'est pas produite en réaction, l'agression contre les Gazaouis n'était pas juste une réaction aux roquettes lancées contre le sud d'Israël. Et là, j'ouvre une parenthèse pour dire que nous sommes contre tout ce qui affecterait enfants, femmes, civils qu'ils soient palestiniens ou israéliens. Je ferme la parenthèse. Cette situation à Gaza et en Palestine est une situation d'occupation militaire étrangère. Et les gens (...) et un siège, un blocus. Gaza vit une situation de blocus, un très grave blocus. La Cisjordanie est sous occupation militaire avec des barrières, des colonies, ce sont les territoires, ainsi les Palestiniens essayent de manifester leur besoin d'avoir un avenir. Vous ne pouvez pas demander aux gens à Gaza qui vivent avec la famine et la faim à cause du blocus, un blocus très sinistre, de rester calmes et leur demander : « pourquoi jetez-vous des pierres contre vos occupants ? ». C'est contre la nature humaine, vous les étranglez, vous les affamez puis vous leur demandez de rester tranquilles ? Et, comme il en a été discuté, la question de la contrebande : bien sûr, la contrebande est illégale, c'est un commerce illicite, un mouvement illicite des choses, des denrées et autres, peut-être du trafic d'armes. Vous les étranglez sans une seule issue d'opportunités et vous leur parlez de commerce illégal ? Si vous voulez empêcher cela, vous devez ouvrir  les points de passage, vous devez leur donner de la nourriture, vous devez leur donner de l'eau, leur donner des médicaments. C'est une vie misérable que les Palestiniens ont vécu et qu'ils vivent aujourd'hui à Gaza à cause du blocus qu'Israël leur a imposé depuis maintenant 3 ans. Deuxièmement, un autre fait : les Palestiniens croient à la nécessité de la démocratie. Il y a eu des politiques, des politiques internationaux, à une certaine période, qui ont demandé au Moyen-Orient : « Appliquez la démocratie, la démocratie est la solution à tout ! », et il se trouve que je suis d'accord avec ça. Les Palestiniens ont cru ces conseils et ont organisé des élections que le Hamas a gagné et une demi-heure, 25 minutes après l'annonce des résultats de l'élection, le Hamas a reçu une notification comme quoi l'aide serait suspendue puis vint le blocus, un grave blocus, et c'est à partir de là que le Hamas s'est mis sur la défensive. Mais tout comme l'a dit le Premier Ministre, M. Erdoğan, le peuple de Gaza n'est pas que le Hamas, ce n'est qu'une organisation parmi d'autres organisations, mais les gens, 1,5 millions de gens, de femmes, d'enfants, toute une population de gens, furent attaqués et ils ont payé le prix de ce jeu qui se déroule entre Israël et le Hamas et le jeu a été causé, et est encore causé aujourd'hui par l'occupation militaire.
 
Pourquoi le Hamas a été écouté dans les territoires occupés, dans les rangs palestiniens, au Moyen-Orient, au sein du monde arabe ? Parce qu'il a une logique. Ils ont dit d'accord, Président Aobu Mazen, allez négocier et si quelque chose d'utile sort de vos négociations, nous vous soutiendrons assurément. Et en fait, ils ont dit nous sommes prêts à accepter l'État palestinien dans les frontières de 1967 mais nous n'allons pas rien signer avant de savoir quelle en sera la conséquence. Ainsi, le Président Abou Mazen n'a rien ramené. Il n'a rien ramené. D'une année entière de négociations avec le gouvernement israélien actuel. C'est ce qu'il a dit. Il a été enregistré lorsqu'il a dit cela et en fait, il l'a dit, ici même, l'année dernière. Je crois que c'était le Premier Ministre Salam Fayyad. Alors voilà la situation. La question n'est pas qu'Israël a réagi à des tirs de roquettes, c'est plus profond que cela, c'est une action d'occupation, une action de blocus, puis une réaction de résistance suivie d'une réaction de destruction menée par Israël. D'accord, c'est arrivé. Devons-nous en rester là et attendre la fin du monde ? Non. Peut-être sommes-nous tous maintenant sollicités pour sauver la situation. Comme le secrétaire général vient de le dire, il y a trois ou quatre choses qui doivent être faites : un cessez-le-feu, un cessez-le-feu solide, un cessez-le-feu durable, ouvrir les passages, arrêter le trafic illégal et une médiation entre les Palestiniens. Voilà ce que nous devons faire et je veux que vous sachiez que je ne nous absous pas, du côté arabe, des erreurs que nous avons commises mais aucune erreur, aucune erreur que nous ayons commise ne peut rivaliser avec la faute grave qui a été commise par Israël en détruisant Gaza et en tuant tous ces gens en seulement vingt jours. Nous avons essayé d'impliquer les Nations Unies plutôt que d'engager plus de meurtres et plus de carnages. Malheureusement, ces dernières années avant ce mois de janvier, et c'était avant le 28 janvier, la philosophie était « non », laissez le Conseil de Sécurité en dehors de ça, donnez une chance à Israël pour qu'il fasse ce qu'il s'était fixé». Nous en avons été témoins en 2006 au Liban, et nous en avons été témoins à nouveau en janvier à New York, mais c'est une longue histoire, je ne crois pas que nous aurons le temps de la raconter maintenant, de l'expliquer intégralement. Maintenant, que devrions-nous faire ? Nous avons une nouvelle administration aux USA. Ce qu'a déclaré le Président Obama est rassurant. Le changement. Il s'est adressé au monde arabe à travers une de nos plus importantes chaîne de télévision, Al Arabiya, depuis Dubai.  Il s'est adressé à nous. Et nous l'avons écouté, nous avons entendu, nous avons compris. Il a envoyé son émissaire, le sénateur Mitchell, qui est un homme très raisonnable, nous avons parlé avec lui, il y aura de nouvelles discussions et je crois qu'il y a des perspectives pour que les USA reviennent à un rôle d'intermédiaire honnête, ce dont nous avons manqué ces dernières années. C'est un point essentiel pour l'avenir, que les USA reviennent au rôle d'intermédiaire honnête qui écoute les différents camps et disent : « Oui, vous avez raison pour cela mais vous avez tort sur ceci », et disent la même chose à l'autre camp. Nous n'avons pas vu ce discours ces dernières années. Oui, c'est le premier point positif, nous espérons avoir raison dans notre appréciation et dans nos espoirs. Le deuxième point positif est l'initiative arabe. Nous sommes prêts. Officiellement, au plus haut niveau, nous sommes tous engagés pour instaurer la paix avec Israël. Pour reconnaître Israël, pour normaliser la situation avec Israël, et pour poursuivre tous nos engagements en accord avec les résolutions du Conseil de Sécurité, avec les décisions de la Conférence de Madrid et avec tous les engagements que nous avons pris, qui ont été signés entre tout pays arabe et Israël. Nous sommes prêts à cela. Mais le fait est que nous n'avons reçu aucune réponse de la part d'Israël durant ces sept dernières années. Le Président Peres est un homme très éloquent, il déclare : « Nous acceptons », mais ce ne sont que des mots, aucune décision officielle n'a été prise par le gouvernement d'Israël en réponse au message officiel envoyé lors d'un sommet arabe qui s'est tenu en 2002. Alors que notre position est totalement officielle, nous n'avons eu aucune réponse, aucune réponse en tous cas à part des communications que nous avons lu dans des journaux ou dans des traductions. Donc nous demandons à Israël maintenant : quelle est votre position au sujet de cette initiative ? Une position officielle. Une position officielle et pas juste une déclaration. Une position officielle. De même notre position était officielle. S'il y a une adhésion de la part d'Israël, une adhésion officielle alors nous sommes sur la bonne voie. Ainsi le second point est pour nous de recevoir une réponse officielle sur l'adhésion à l'initiative arabe qui demande à nous, Arabes, de tourner la page, tourner la page du conflit, reconnaître Israël, normaliser la situation avec Israël et qu'Israël fasse partie de la famille des nations du Moyen-Orient dont elle ne fait pas partie à l'heure actuelle. Mais si Israël se retire, permet l'établissement de l'État palestinien, se retire des autres territoires, nous ne voyons pas d'obstacle pour que nous et les Israéliens vivions ensemble et agissions ensemble. Quand allons-nous recevoir ce message ? Point d'interrogation. Le troisième point...
 
Modérateur : Secrétaire général, nous avons l'occasion d'avoir une réponse de la part du Président d'Israël et c'est peut-être le bon moment de le faire car nous n'avons plus beaucoup de temps...
 
Amr Moussa : Je sais que le Président va prendre tout son temps. Alors donnez-moi encore deux minutes, s'il vous plaît.
 
Modérateur : Je ne veux pas marchander (nous devons faire un cessez-le-feu). Nous serons tout oreilles pour écouter le Président Peres... Nous vous laissons conclure.
 
Amr Moussa : Maintenant, en 2009. L'année 2008 a été pleine de promesses. Et elle s'est terminée dans un bain de sang. Pour nous, passer d'une administration à une autre, de l'année 2000 à l'année 2008, puis 2009, 2010 et 2011, c'est une manoeuvre que nous n'allons pas accepter. C'est pourquoi : aujourd'hui nous sommes en 2009, s'il existe une intention réelle, si un travail réel est fait par un médiateur honnête, si la volonté politique d'Israël s'exprime en faveur de la paix et du progrès, alors nous sommes sur la bonne voie. Si à la fin de cette année, nous arrivons au 31 décembre sans résultat, comme cela s'est passé en 2008, alors nous devrons reconsidérer notre proposition. Il y a beaucoup d'autres alternatives. Mais je crois en ce que dit la Turquie, en ce qu'a déclaré le Premier ministre, M. Erdoğan, nous ne pouvons pas et Israël ne peut pas non plus, atteindre nos objectifs par des moyens militaires. Nous avons besoin d'un accord politique mais d'un accord juste durant l'année 2009. Merci beaucoup.
 
Modérateur : Merci, M. le secrétaire général Moussa et maintenant le Président Peres d'Israël. Personne n'a travaillé aussi longuement et aussi durement que vous sur ce que nous appelons le processus de paix. Dites-nous comment vous pensez que nous puissions revenir à ce processus de paix ?
 
Shimon Peres : Bien, merci Monsieur le Président [Une femme arrange les cheveux de Peres. Rires. Ses cheveux tombent ?], j'ai écouté les distingués orateurs parler d'Israël et je n'ai pu reconnaître l'image du pays qu'ils présentent. Je veux commencer par le début. C'est très difficile pour un pays démocratique de faire face à un groupe terroriste illégal. Tout ce que nous faisons est photographié, quoi que nous fassions, mais personne ne voit ce qu'ils font. Par exemple, quand ils lancent un missile sur une ville en Israël, ce n'est pas photographié. Vous ne pouvez pas voir la mère qui tente de défendre son enfant la nuit entière, ni ses nuits d'insomnie. Avez-vous déjà vu à la télévision une nuit sans sommeil ?
 
Je vous dois le respect Monsieur le Premier ministre, mais je dois dire les choses comme elles sont réellement. Laissez-moi commencer par la démocratie. En premier lieu, qui les Palestiniens ont-ils élu, pas le Hamas mais Monsieur Abbas, celui qu'ils appellent Abou Mazen. Soixante-deux pour cent des Palestiniens votèrent pour lui pour être Président du peuple palestinien et nous négocions avec lui. Le Hamas a participé aux élections mais a une idée très spéciale de la démocratie. Ils pensent que la démocratie est l'histoire d'un jour tous les quatre ans, quand ils se présentent aux élections. Après les élections vous pouvez commencer à tirer, à tuer et à menacer. C'est fini. La démocratie n'est pas une question d'élections. C'est une civilisation et je veux entrer en conflit avec leurs mots en citant le Hamas ; je ne vais pas interrompre l'histoire mais le Hamas nous concerne ; le Hamas a publié des statuts ; laissez-moi lire 2 ou 3 lignes des statuts du Hamas : "Le jour du jugement final ne surviendra pas tant que les musulmans n'auront pas tué les juifs, quand les juifs se cacheront derrière les pierres et les arbres, il n'y a aucune solution pour une initiative de paix, des propositions, les conférences internationales sont une perte de temps". Cela est le statut officiel. Je ne sais pas de quel Hamas vous parlez.
 
Maintenant sur les proportions. Au cours des huit dernières années, bien je veux dire, je déteste le dire, mais comme vous l'avez mentionné, laissez-moi donner l'autre partie de l'histoire, ainsi Israël a perdu cent, mille cent soixante-sept vies des mains des terroristes, huit mille cinq cents ont été blessés. Et ensuite, dans les quatre dernières années, quand le Hamas a eu le contrôle de Gaza, 5500 missiles et 4000 mortiers ont été lancés sur la vie civile en Israël au hasard : il ne leur importait pas si c'était un jardin d'enfant, si c'est [inintelligible], nous n'avons pas répondu. Pour cette raison, l'idée du cessez-le-feu, Monsieur le Premier ministre, est très étrange à notre sens. Nous n'avons jamais commencé à tirer. Et nous l'avons dit et redit aux Palestiniens : "Ne tirez pas et nous ne tirerons pas ; nous ne le faisons pas, jamais nous ne sommes les premiers". Et qui a rompu... et à propos, nous n'avions pas un accord formel sur le cessez-le-feu, ils l'ont annoncé et les Palestiniens ont dit : "C'est fini". Ils l'ont rompu. Et quand le Premier ministre était chez vous quatre jours avant que les opérations ne commencent, le gouvernement d'Israël n'avait pas encore décidé d'agir contre eux.
 
Maintenant laissez-moi... Je veux que vous écoutiez, parce que vous voyez tout à votre télévision, je peux comprendre vos sentiments. Israël a abandonné complètement Gaza, aucune occupation. Nous avons retiré tous nos soldats de Gaza, tous nos civils. Les gens parlent de colonies, nous avons retiré de Gaza toutes les colonies et tous les colons, quinze mille. Personne ne nous a forcés, nous avons décidé de le faire. Nous avons dû mobiliser quarante-cinq mille policiers pour les rapatrier, pour un coût de 2.5 milliards de dollars.
 
Je veux comprendre pourquoi ils nous lancent des missiles. Pourquoi ? Il n'y avait aucun siège contre Gaza. Tous les passages étaient ouverts. Non seulement cela, mais nous avons participé à l'investissement d'argent à Gaza, pour développer une agriculture. Nous, le Centre Peres, nous avons investi vingt mille dollars, pardon vingt millions de dollars pour construire des serres, développer les fraises, l'exportation de fraises, des fraises excellentes, des fleurs.
 
Jimmy Wolfensohn, qui a été représentant du Quartet, a sorti de sa poche cinq millions de dollars pour participer à cela. Ils l'ont détruit. Pourquoi ? Ils ont bombardé tous les passages. Pourquoi ? Pourquoi ils nous ont tiré dessus, que voulaient-ils ? Nous n'occupions pas, il n'y a jamais eu un jour de famine à Gaza. A propos, c'est Israël qui fournit quotidiennement de l'eau à Gaza, c'est Israël qui fournit du combustible à Gaza, la seule chose que nous ne permettons pas d'entrer sont les missiles d'Iran. Et eux, ils construisent des tunnels pour cela. Et vous le savez, nous avons aussi des femmes et des enfants, et ils veulent dormir la nuit. Vous savez ce que cela signifie, chaque jour quasiment cent missiles qui tombent au hasard, un million de personnes qui doivent être dans des refuges. Ils sont allés au gouvernement et lui ont dit : "Que vous arrive t-il ? Nous voulons la sécurité, pourquoi permettez-vous cela ?". Et je veux que quelqu'un me dise, clairement, quels furent les motifs de l'attaque ? Quels étaient les objectifs de l'attaque ? La paix ? Nous avons fait la paix avec l'Égypte, pas avec des armes, par des accords et des négociations, et nous avons réalisé toutes les conditions de l'Égypte. Nous avons de même fait la paix avec la Jordanie, nous leur avons rendu toute la terre et toute l'eau. Nous nous sommes ouverts aux Palestiniens et leur avons dit que nous appuyons un État palestinien, j'ai commencé à Oslo, contre la majorité peut-être de notre peuple qui n'était pas d'accord. Et tout le temps, vous le savez, Monsieur le Premier ministre, pendant que vous deviez attendre, beaucoup d'autobus venaient de Cisjordanie à Jérusalem pleins de dynamite. J'étais alors le Premier ministre, je l'ai vu de mes propres yeux, le sang et les corps. Vous le savez, je n'ai pas à regarder la télévision et quand j'étais là, il y avait des milliers de personnes qui me criaient : "Traître, assassin, regarde ce qu'ils nous ont fait !". Vous devez, il y a beaucoup de détails que vous devez savoir, Israël a soixante ans, vous connaissez un autre pays qui en soixante ans a dû passer par sept guerres, deux intifadas, un boycott en cours ? Quoi, pourquoi ? Et malgré cela nous avons fait la paix avec l'Égypte. J'ai le plus grand respect pour le président Moubarak. A ce propos le président Moubarak a accusé le Hamas, pas nous. Et le président Moubarak connaît la situation tout comme vous, Monsieur le Premier ministre. Et le président Abbas connaît la situation tout comme vous, et il a accusé le Hamas, pas nous. Et ensuite les mères et les enfants sont venus et ont interrogé le gouvernement. Que va-t-il se passer ? Un million de personnes deviennent chaque nuit des réfugiés, des mères qui ne peuvent dormir, exactement que veut dire cela ? A ce sujet je n'ai jamais vu quelqu'un se manifester contre ces missiles. Cela était bien, personne ne dit un mot. Et nous ne répondions pas, chaque jour, chaque année, tout a une limite. Et à propos, j'ai beaucoup de respect pour le secrétaire général, il était un ami et j'espère qu'il l'est toujours, j'apprécie beaucoup l'initiative arabe, mais il y a un problème, je ne veux pas le cacher. Le problème n'est pas le monde arabe, le problème est l'ambition iranienne de gouverner le Proche-Orient. Ils fournissent les missiles au Hezbollah, ils fournissent les missiles au Hamas, ils sont opposés à la démarche arabe, et vous savez que nous n'avions pas d'autre option. Le leader du Hezbollah, Nasrallah, a dit : "Si nous avions su qu'Israël réagirait avec une telle force, nous n'aurions pas commencé". Merci beaucoup. Et ensuite vint Mashaal, le leader du Hamas, qui a dit : "Israël a réagi trop fort". Que croyaient-ils que nous ferions ? Je ne le comprends pas. Que feriez-vous si cela se passait à Istanbul, chaque nuit dix missiles, cent missiles ? Et nous n'avons jamais infligé de représailles, toute ma vie, comme vous l'avez dit, monsieur le Président, je l'ai apprécié, j'ai lutté pour la paix, ce que nous avons fait n'est pas... ce que nous voulions faire... Cela n'est pas notre option, notre option est la paix. Ce que nous avons fait c'est parce qu'il nous manquait une option, ils nous ont menacés avec une option. Voteriez-vous en faveur d'un tel objectif, tuer les juifs ? Bon, cela sont des mots, mais tuer les juifs et envoyer des missiles pour les tuer. Que vouliez-vous que nous fassions ? Nous avons commencé à négocier avec Monsieur Arafat, avec beaucoup de respect, ce n'était pas simple. Au début, l'OLP était une organisation terrorise. Arafat consentit à arrêter la terreur et continua les négociations. À ce propos ce qui fut obtenu pacifiquement, positivement ne le fut pas avec des missiles ni par la force ni par la puissance, mais par les négociations. Cela demande du temps, cela demande du temps. C'est un pays très compliqué. C'est un petit pays avec trois religions, avec beaucoup d'histoire. Avec différents groupes ethniques, ce n'est pas simple. Nous avons fait la paix, une fois, deux fois, maintenant nous négocions avec les Palestiniens. Il y eut une crise entre les Palestiniens, nous n'avons pas l'intention d'être ceux qui décident si les Palestiniens doivent être unis ou non. Tant que le Hamas ne s'est pas rebellé pas contre le Fatah, ce n'était pas notre affaire, nous n'avons pas dit un mot. Vous savez ? Je suis en train de parler d'Israël, regardez ce que les gens, les Palestiniens, le secrétaire général du Fatah disent sur le Hamas, il y a trois jours. Son nom est Yasser Abed Rabbo, un Palestinien, un secrétaire général de l'OLP, du comité exécutif, et je le cite, je le cite il y a trois jours : "Le Hamas a transformé Gaza, les écoles de Gaza et les mosquées, toutes les universités en centres de détention, d'interrogatoire et de torture. Des dizaines ont reçu des tirs dans les jambes, ils les ont frappés sauvagement et leur ont brisé les os. Le Hamas a volé des camions qui apportent... et distribuent seulement à ... les aliments... seulement aux partisans de son mouvement". Ils ne donnent pas d'aliments aux gens du Fatah. Ils ont tué une centaine de leaders du Fatah en plein jour. Ils les jettent depuis les terrasses. Que voulez-vous dire ? Est-ce une question de définitions ? Israël ne veut tirer sur personne, pour nous tous les enfants sont très importants comme vous pouvez le penser. J'ai fondé le Centre Peres, tout l'argent que nous avons récolté a été pour soigner des enfants. Des enfants palestiniens. Ils n'avaient pas d'assurance maladie, ils n'avaient pas d'hôpitaux, en cinq ans nous avons envoyé en Israël 5500 enfants palestiniens et leurs mères pour les soigner. À ce propos, il n'y a plus aucun hôpital en Israël qui n'ait des médecins arabes, ainsi les enfants peuvent communiquer avec les médecins dans les hôpitaux israéliens. Mais si vous mettez un enfant, si vous mettez des bombes dans le jardin d'enfants, et s'ils se cachent derrière des familles innocentes, et nous avant de bombarder, avant de tenter de bombarder quelqu'un, nous tentons d'appeler les gens par téléphone, nous leur disons : s'il vous plaît abandonnez ce lieu. Nous ne voulons pas leur faire de mal. Nous avons fait cela durant les vingt jours, 250.000 appels téléphoniques avant de tirer. Que pouvions-nous faire, quelle était notre alternative ? Et que pourrait faire tout gouvernement ? Je déplore beaucoup, Monsieur le secrétaire général, le bombardement de l'immeuble des Nations Unies, et selon nos informations, pas les vôtres, ils avaient commencé à tirer depuis ce bâtiment, et d'ailleurs vous l'Europe, vous avez bombardé le Kosovo et vous avez détruit l'ambassade chinoise, est-ce que vous vouliez cela ? Et des centaines de civils ont été tués dans les bombardements. C'est bien. Je veux, s'il vous plaît, parler clairement,
Israël n'a pas besoin d'un cessez-le-feu, parce que nous n'avons jamais commencé à tirer et ne le ferons jamais.

Et nous ne le ferons jamais. Et une minute après qu'ils auront arrêté de tirer il y aura un cessez-le-feu. Il ne nous faut rien d'autre. À tout moment, chaque jour, on ne veut pas le feu ; on n'est pas intéressé par faire du mal ou par tuer personne. Maintenant sur le processus de paix. Tout d'abord, je veux dire que c'était un grand pas de la part du Secrétaire Général de la Ligue Arabe que de présenter l'Initiative Arabe. Je pense que c'était un pas très positif dans une histoire amère faite d'incompréhension et de confrontations. Les problèmes auxquels nous faisons bien face sont les suivants : a) nous avons commencé à négocier directement avec les Palestiniens. Le président Moubarak m'a dit : « Regardez, finissez vos négociations avec les Palestiniens, ce serait selon nous le premier pas vers une paix totale ». Nous sommes en train de négocier et je pense que nous avons avancé dans un problème extrêmement compliqué. Ils mettent en avant le problème de Jérusalem. Jérusalem n'est pas un morceau de terre. Jérusalem est du feu. Il s'y trouve trois religions différentes avec différents courants dans chacune d'elle, et les gens se battent pour la moindre fenêtre, la moindre porte. C'est facile de dire « trouvez un arrangement », on en cherche le moyen. Nous avons dit aux Palestiniens que nous sommes vraiment prêts à accepter [inintelligible], ce qui veut dire que nous sommes prêts à leur rendre la plupart, presque toute la terre de la Cisjordanie. Gaza, nous l'avons complètement quittée. Pourquoi se battre à ce propos ? Aussi le cessez-le-feu, pour autant qu'il en est question, n'est pas un problème pour nous. Nous n'avons jamais commencé, nous ne devrions jamais commencer à faire feu et quand ils ont fait feu sur nous, nous avons répondu, mais après de grande réticences et des milliers de gens furent tués aussi. Ils n'ont pas été tués de manière concentrée. Et alors ? Ce n'est pas important. Je pense que ce que nous avons à faire, et à ce propos je suis pour la restauration de Gaza, nous n'avons rien, il n'y a pas eu un jour où nous n'ayons approvisionné en eau et en carburant. Personnellement, j'ai lu chaque semaine un rapport sur la situation humanitaire à Gaza. Si quelque chose manque, le gouvernement et moi-même nous intervenons pour être sûrs qu'il y aura du carburant et de la nourriture. La tragédie de Gaza, ce n'est pas Israël, c'est le Hamas, qui a décrété une dictature, très moche, et ils créent le problème des passages, ce n'est pas parce qu'on veut contrôler l'approvisionnement en nourriture et en matériel médical ou de construction. Ils font des tunnels pour y importer des missiles et ils élaborent un système souterrain de tunnels, et à ce propos les chefs s'y cachent eux-mêmes et ils ont oublié le peuple. Je pense, oui, que nous aimerions bien voir Gaza devenir florissant, Gaza est un petit endroit avec des gens intelligents. Quand j'ai commencé à parler avec Arafat nous avons pris Singapour comme exemple. La Cisjordanie et Gaza réunies sont neuf fois plus grandes que Singapour et à Singapour il y a plus de gens qu'à Gaza et qu'en Cisjordanie. Le problème de nos jours, ce n'est pas la terre mais réellement l'éducation et Gaza n'est pas notre ennemie, et les gens à Gaza ne sont pas nos ennemis, et nous voulons vivre en paix avec eux. Nous n'avons pas de haine et nous n'avons pas de plans, ce pourquoi nous avons quitté Gaza et nous sommes pour restaurer la vie à Gaza mais sans dictateurs et sans tirs non seulement contre nous mais contre les gens du Fatah…             

Modérateur : On pourrait en finir là… Plus qu'une minute.

Shimon Peres : Et nous voulons alors renouveler les négociations avec l'Autorité palestinienne autorisée. Nous avons fait du chemin. Nous voulons commencer sur le champ, nous voulons le faire avec le Quartet, nous voulons le faire tout de suite, nous ne voulons pas perdre de temps. Notre but est la paix, pas la guerre, et quand nous gagnons une guerre nous ne le considérons pas comme une victoire. Pour nous la victoire est la paix, pas la guerre. Nous avons la puissance, ne nous devrions jamais utiliser la puissance sauf s'il n'y a pas d'autre choix, et quand nous avons le choix nous voulons la paix et je pense que le Hezbollah a appris la leçon, ils arrêtent de tirer, rien ne les empêche de tirer hormis notre réaction. J'espère que le Hamas auront aussi une leçon, ils arrêteront de tirer et commenceront à discuter, c'est en parlant qu'on peut arriver à tout réaliser, pas en tirant et c'était, et c'est, et cela restera la position d'Israël. Merci Monsieur.

Modérateur : Ce débat a été fort et passionné. C'est un début qu'on pourrait poursuivre des heures ce soir mais nous avons déjà bien dépassé l'heure de fermeture. Je veux dire…

Recep Tayyip Erdoğan : Une minute.

Modérateur :  Monsieur le Premier ministre… mes excuses à Mr. Le Premier ministre Erdoğan…

Recep Tayyip Erdoğan : Une minute, une minute, une minute…

Modérateur : Et bien, je…

Recep Tayyip Erdoğan : Une minute ! Ce n'est pas possible ! Une minute ! Une minute !

Modérateur : D'accord, mais je vais devoir vous demander de vous en tenir à cette minute, s'il vous plaît.

Recep Tayyip Erdoğan : Cher Mr. Peres, vous êtes plus vieux que je ne le suis. Et vous avez une voix qui porte beaucoup. J'ai le sentiment que vous vous sentez coupable et que c'est pour cela que votre voix était si forte. Ma voix ne sera pas aussi forte parce que vous savez ce que je vais vous dire. Quand il est question de tuer, vous savez très bien comment tuer. Je sais très bien comment vous avez tué, comment vous avez atteint des enfants sur les plages. Dans votre pays, deux personnes, deux Premiers ministres ont dit quelque chose de très important pour moi. L'un d'eux a dit : « Quand je suis rentré en Palestine avec un tank j'ai été heureux ». Quand les tanks sont entrés en Palestine ils ont été heureux. C'était ce qu'avaient ressenti certains de vos Premiers ministres. Là vous nous parlez de chiffres. Je peux vous donner des noms. Peut-être que certains d'entre vous êtes curieux. Je condamne ceux qui applaudissent à la cruauté. Parce qu'applaudir ces gens qui ont assassiné des enfants est un crime contre l'humanité. On ne peut fermer les yeux sur cette réalité. Regardez, j'ai pris plein de notes [à propos de l'intervention de Peres] mais maintenant je n'ai pas la possibilité de répondre à tous ces points. Je ne vous parlerai que de deux choses sur ce problème. La première…

Modérateur : Premier ministre, on ne peut pas recommencer le débat.

Recep Tayyip Erdoğan : Je m'excuse. La première chose, la première chose…

Modérateur : Je suis désolé.

Recep Tayyip Erdoğan : Ne m'interrompez pas.

Modérateur : On doit vraiment laisser les gens aller dîner.

Recep Tayyip Erdoğan : Le 6e commandement de la Torah dit : Tu ne tueras point. Mais ils ont tué les Palestiniens. La deuxième chose, attendez, est très intéressante. Gilad Atzmon : « La barbarie d'Israël est au-delà de la cruauté ». Il est juif. Et puis il y a le professeur de relations internationales de l'Université d'Oxford Avi Shlaim, qui a servi dans l'armée israélienne. Il a dit la chose suivante dans un journal anglais, le Guardian : « Israël est un État voyou ».  

Modérateur : Premier ministre, Premier ministre. Je veux demander à notre animateur. Merci.

Recep Tayyip Erdoğan : Je veux aussi le remercier car pour moi c'est terminé. Pour moi, pour moi, Davos c'est fini. Je ne retournerai pas à Davos, que vous le sachiez, c'en est fini. Vous ne me laissez pas parler. Il a parlé 25 minutes, et je n'ai pu parler que 12 minutes. Ça ne peut pas se passer comme ça. [Il se lève et s'en va, le Secrétaire de la Ligue Arabe lui sert la main]

Modérateur : Permettez que je laisse notre animateur s'occuper de cela. Premier ministre, faites ce que…

Animateur : Mesdames et Messieurs, merci, merci beaucoup, si vous, si vous voulez bien rester un moment, une minute, s'il vous plaît. Je pense qu'en dépit de toutes ces émotions et bien sûr quand il est question de la vie d'enfants etc., nous devons tous être sous le coup de l'émotion. Mais malgré tout je pense que nous avons aussi entendu quelques raisons et quelques arguments qui nous encouragent à croire qu'il y a un terrain d'entente. Et je pense que le rôle des USA comme médiateur honnête – ce qui a été souligné – en est une qui est très importante et je suis heureux que madame Charrette était là et va certainement transmettre à son retour ce message au président Obama. Permettez-moi maintenant de conclure cette session sur une note dans un esprit de conciliation. Le Forum Économique Mondial a parmi ses communautés des leaders religieux et nous avons parmi nous ici vingt leaders religieux de haut niveau qui représentent l'ensemble des croyances et des religions abrahamiques. Permettez-moi simplement de lire ce qu'ils ont rédigé comme message à votre attention et à celle de ceux qui négocient. Je lis : « La communauté des leaders religieux associés au Forum Économique Mondial, engagés pour la justice, la dignité et le respect mutuel pour tous, exprime sa profonde détresse à l'égard de la peine éprouvée par des innocents qui souffrent, où qu'ils soient, et en particulier dans la terre qui est sainte pour les religions abrahamiques, pour nous, et qui a récemment été le lieu d'importantes pertes humaines et de destructions. Alors que ce conflit est un conflit territorial, trop souvent, la religion a été exploitée et a été considérée comme faisant partie du problème. Par conséquent, la communauté des leaders religieux croit passionnément que les cultes religieux doivent faire partie de la solution. En fait, aucune solution ne sera possible sans un engagement de ceux-ci. Par conséquent, la communauté des leaders religieux lance un appel aux dirigeants politiques pour qu'ils engagent comme partenaires, comme vrais partenaires, les représentants religieux des trois fois abrahamiques, et notamment le Conseil des leaders religieux de la Terre Sainte, pour chercher un règlement qui aboutira à deux États indépendants vivant en paix, libérés de la violence, de l'incitation à la haine, et de la terreur. La Communauté donne son soutien à toutes les initiatives pour apporter la paix au Moyen-Orient, la plus récente étant la nomination par le président Obama du sénateur George Mitchell comme envoyé spécial, et pour le succès de laquelle nous prions ». Prions tous pour le succès parce que notre destin et celui de nos enfants dépendra de la bonne volonté de ces politiciens à travailler ensemble. Veuillez aussi vous joindre à moi en exprimant vos encouragements à toutes les personnes de bonne foi qui veulent négocier, pour nous assurer que bientôt un rêve pourra être réalisé, un rêve pour une paix durable pour longtemps. Merci.

Éditorial  de Tlaxcala : Tu ne tueras point


Cette vidéo est impressionnante. Tout d'abord son contexte – le Forum Économique Mondial de Davos – ne paraissait pas a priori propice à une dispute publique entre les participants à ce panel. Les politiciens professionnels n'ont pas coutume de dire ce qu'ils pensent face aux caméras, réservant les cous de poignard dans le dos aux négociations secrètes, tout en arborant des sourires et en se serrant la main aux yeux du monde. Certes le thème du débat – la guerre contre Gaza – était abordé alors que les cadavres de 1300 Palestiniens étaient encore tièdes, mais sans l'inattendu incident final provoqué par le Premier ministre turc, il aurait sans doute été rapidement oublié, tout comme les tonnes de déclarations quotidiennes marquées du sceau du politiquement correct. Mais l'impensable est arrivé et les images de Recep Tayyip Erdoğan maudissant Israël et l'accusant d'être un État voyou resteront dans l'histoire. C'est peut-être la première fois que la vérité s'est frayée un chemin dans une séquence mise en scène par les hautes sphères du pouvoir et que les peuples du monde ont pu assister à cela avec admiration. Nous aimons croire qu'après cela, plus rien ne sera pareil. De fait, les choses ont changé pour Israël depuis le début du mois de janvier 2009 : son attaque génocidaire contre Gaza a déclenché des requêtes judiciaires et une indignation généralisée dans toute la planète. Cela indique un tournant, qui pourrait aboutir rapidement à une protestation et à un châtiment pour le mépris absolu manifesté par Israël à l'égard des droits humains, du droit international et du respect e la vie des non-juifs.

De plus, cette vidéo est surréaliste, grâce à la prestation de Shimon Peres, une interprétation absurde du rôle du Menteur, digne de Groucho Marx si tout cela n'était pas si tragique. À ses côtés à la tribune, un Ban Ki-Moon qui, dans son impuissance, se voit réduit à faire la seule chose qu'il puisse faire, c'est-à-dire rien, tandis qu'un solide Amr Moussa maintient un niveau de rhétorique avec dignité, à défaut de disposer d'armes réelles pour menacer la puissance nucléaire qu'est Israël. Mais ce qui restera dans toutes les mémoires, ce sera la réplique déterminée et passionnée d'Erdoğan, qui a fait oublier une partie de ses péchés politiques, au moins dans le cœur du peuple palestinien. Après tout, nous savons tous, depuis les études du théoricien marxiste Mikhaïl Bakhtine sur Rabelais que les gens aiment assister à l'humiliation de ceux qui humilient et Israël a humilié depuis si longtemps – et avec une telle impunité -  le peuple Palestinien qu'Erdoğan pourrait passer à la postérité non pas comme le politicien standard qu'il est mais comme l'homme qui a crié la vérité à la face de ce vieil assassin fanfaron de  Shimon Peres.

Un autre aspect mérite d'être mentionné : c'est l'union apparente entre le "monde politique et diplomatique" et celui des gens normaux, artistes, militants et citoyens. Le discours d'Erdoğan procède du monde dans lequel nous vivons, où les gens pensent, discutent et tirent leurs conclusions sur ce qui est bien et ce qui est mal sur la base de quelques fondamentaux : tuer, c'est mal, opprimer c'est mal, et aucune argutie politique ou diplomatique ne peut occulter les faits et nous convaincre de la justesse d'une affirmation contraire aux preuves, lorsque celle-ci se heurte manifestement à ce que nous voyons, entendons et ressentons. Erdoğan a reçu un accueil de héros à son retour en Turquie, car il a exprimé une intolérance nationale et, osons le dire, internationale vis-à-vis des mensonges, de la violence et de la suprématie. Il ne s'agit pas ici de démagogie, mais de la voix du peuple, de la voix de la lutte, de la voix des masses.

Et comme nous le savons, les masses n'ont pas toujours raisons mais ce sont très rarement les leaders qui l'ont.

Le comité éditorial de Tlaxcala

Guerre de l'information contre Gaza

Une guerre se gagne aussi grâce à la propagande (La guerre israélienne de l'information). Elle prend des formes nouvelles à l'heure "où la logique d’audience le dispute à la volonté de conserver ses prérogatives dans la production du discours légitime".

Marie Bénilde a écrit un excellent article sur ce sujet (Gaza : du plomb durci dans les têtes) :
La solution trouvée par le gouvernement israélien consiste donc à étendre aux journalistes le blocus de Gaza, pendant le conflit qui se prépare. Loin des caméras et du regard des reporters, les dramatiques conditions de vie des Palestiniens et les souffrances endurées par la population sont donc escamotées — autant que possible — aux yeux de témoins directs venus de la presse internationale. En dépit d’un arrêt de la Cour suprême israélienne, les reporters seront ainsi cantonnés en dehors de Gaza dans la zone israélienne exposée aux roquettes du Hamas.
[...]
Il en résulte une surexposition médiatique du sort des populations israéliennes soumises aux tirs sporadiques des combattants du Hamas. Pour les grands médias, même si ce tropisme ne vise pas intentionnellement à mettre l’accent sur la légitimité de la « riposte » israélienne, elle introduit un biais désastreux dans la couverture du conflit. Le téléspectateur ou l’auditeur sont en quelque sorte sommés de voir ou d’entendre la guerre à laquelle se livre Israël à travers le prisme déformant de sa propagande.
[...]
Difficile enfin de passer sous silence la compréhension - voire la bienveillance - que suscite chez certains patrons de rédaction français l’offensive israélienne. « Israël a raison de mener cette guerre et il le fait aussi pour notre tranquillité », avance par exemple Christophe Barbier (qui s’est récemment choisi pour témoin de mariage Bernard-Henri Lévy), dans un des ses éditoriaux de L’Express.
[...]
Les médias se méfient de l’émotion que pourrait engendrer un traitement par trop empathique du sort des Palestiniens. Comme si cette émotion était exclusivement réservée, pour des raisons culturelles et historiques fondamentales, au pays de David... Quand bien même ce David a pris depuis longtemps les traits de Goliath.


Lire aussi les articles publiés par Acrimed dans le dossier Guerre contre Gaza.

6 février 2009

Guerre d'Israël contre le peuple Palestinien (8)



Les partis politiques israéliens agissent en France (IRIS). Le Likoud est particulièrement présent pour défendre la folie criminelle de ses dirigeants. Voici un exemple d'appel au meurtre signé Jacques Kupfer, mais non daté.

Gaza doit pleurer


Ma confiance dans les actions de Tsahal et la détermination de nos combattants n'est pas exempte de méfiance envers ce gouvernement et les raisons profondes de notre intervention. Ceux qui ont accepté le transfert forcé des Juifs du Gouch Katif, la destruction des implantations sionistes sur la Terre d'Israël sans mentionner la deuxième guerre du Liban, ne me paraissent pas les mieux placés pour sauvegarder notre avenir. L'opération actuelle de Tsahal aurait du être réalisée dès le tir du premier Kassam. Autoriser dans l'impavide attente qu'un deuxième missile soit tiré contre Sderot a ouvert la voie au lancement de 8000 missiles sur toutes les villes avoisinant Gaza. Le soutien à l'opération "Plomb durci" qui est sans réserve ne doit pas empêcher de considérer que les préoccupations électorales des trois personnages déjà cités ont peut être pesé autant que le souci longtemps oublié de défendre la population d'Israël, de restaurer notre force de dissuasion et rétablir notre honneur national.
La certitude que notre opération militaire sera couronnée de succès est tempérée par la crainte que les decisions politiques risquent une fois de plus de priver Israël d'atteindre les buts recherchés.
[...]
Pour que notre victoire soit réelle et efficace, un sentiment de défaite et de désespoir doit submerger Gaza et tous ses habitants. Ils doivent ressentir la perte non seulement de leurs "martyrs" qui partent retrouver les vierges au paradis, mais la douleur de la vie quotidienne comme résultat de leur soutien au Hamas et de leur haine viscérale d'Israël.
[...]
Nous devons stopper tout convoi "humanitaire" et n'autoriser exceptionnellement leur passage qu'en échange de Guilad Shalit vivant et en bonne santé. Que la population de Gaza meure de faim et sache que c'est par la faute du Hamas si ce dernier ne veut pas libérer notre prisonnier.
[...]
Israël et le peuple Juif se retrouvent une fois de plus aux avant-postes de la guerre contre la barbarie et le terrorisme. Israël et le peuple juif doivent vaincre.

C'est pourquoi Gaza doit pleurer. Pas faire semblant pour les télévisions étrangères mais réellement. Gaza doit pleurer des larmes de sang.

Likoud France.

Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.

Résistance Palestine : Belgique



40 artistes belges répondent à l'appel en soutien au peuple palestinien

Guerre d'Israël contre le peuple Palestinien (7)



Bande de Gaza, 18 - 24 janvier 2009, UJFP.
Les structures médicales suivantes ont subi de nombreux dégâts : la clinique Atatra (Bande de Gaza nord), détruite ne peut reprendre son activité, la clinique Shuahada Al Shate (Gaza ville), très endommagée ; deux cliniques de Khan Younis, la clinique Shuahada et celle appelée Khuza'a. Ainsi qu'une clinique à Rafah, Fukhari. L'hôpital pédiatrique de Dora plusieurs fois visé ne peut toujours pas reprendre ses activités.

L'hôpital de la Société du Croissant-Rouge palestinien dans le sud de la ville de Gaza a été bombardé le 15 janvier. L'hôpital Al Wafa, spécialisé en rééducation, situé dans
l'est de la ville de Gaza, a été l'objet de tirs de missile le 15 janvier.
16 ambulances visées directement et détruites
13 mosquées détruites, 53 partiellement détruites
cimetière détruit, tombes profanées
écoles bombardées
université....
institutions palestiniennes, centres de police, centre de réunions, ministères...
donums « massacrés » au bulldozer
serres, système d'irrigation, champs broyés et durablement inutilisables

450 maisons ont été volontairement écrasées par des chars
2 500 habitations complètement détruites par des bombardements
25 000 habitations endommagées

plus de 70 000 Palestiniens déplacés
50 abris d'urgence ont été gérés par l'UNRWA pour 49 693 des personnes déplacées

14 secouristes morts, 35 autres blessés
1 médecin tué
5 journalistes tués
1 346 morts dont 417 enfants
280 malades chroniques morts pendant cette agression faute de soins et de médicaments
5 450 blessés dont 1855 enfants et 795 femmes
442 patients ont été transférés par Rafah, la plupart pour des blessures et quelques-uns pour des affections chroniques, au moins 21 d'entre eux sont décédés depuis

Utilisation de phosphore blanc, alors que cela est interdit selon le droit international et particulièrement contre les civils et dans les zones d'habitations. Rappelons que seul est autorisé l'usage de cette substance soit pour illuminer des zones durant la nuit soit pour « bénéficier » d'un écran de fumée, mais en tout cas, ces usages tolérés sont absolument interdits dans les zones urbaines. Ainsi le Protocole III sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des armes incendiaires -Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques- interdit l'utilisation d'armes incendiaires contre des civils. Cela s'applique aux armes à phosphore blanc. Devenue règle de droit international coutumier donc contraignante, y compris pour l'Etat israélien, même s'il n'est pas partie au Protocole III.


Quelque 500 Palestiniens et militants de gauche ont protesté vendredi à Naalin contre l'édification de la barrière de sécurité. Les manifestants ont jeté des pierres sur les forces de sécurité, lesquelles ont riposté par des moyens de dispersions de foule. On ne signale aucun blessé.
Guysen International.

La tragédie du mur de l'apartheid israélien, AFPS.
Trois fois plus haut et deux fois plus large que le mur de Berlin, il serpente sur plus de 400 km, alternant d’immenses parois en béton de plus de huit mètres de haut avec des tours de contrôle et des haies de barbelés.
[...]
« Où qu’on aille, le mur détruit la vie des Palestiniens, explique Jamal Juma, coordinateur de Stop the Wall, association activiste basée à Ramallah. Et contrairement au discours avancé, il n’a pas été construit pour servir de protection. Après les négociations de Camp David, les Israéliens sont entrés en Cisjordanie pour imposer une nouvelle réalité aux Palestiniens : faire d’Al Qods leur capitale – et pour cela ils ont fait venir plus de 200 000 colons – et séparer les Palestiniens – en excluant plus de 200 000 d’entre eux via un mur annexant leurs terres. »
[...]
« Les Israéliens procèdent à un véritable nettoyage ethnique. Ils prennent les terres fertiles, les puits, les maisons, les cultures et instaurent un régime d’apartheid, avec des rocades spécialement construites pour les trajets entre colonies. Le mur est en train de tout redéfinir.




La Turquie ouvre une enquête sur les éventuels crimes de guerre commis par Israël lors de l'offensive de Tsahal contre le Hamas à Gaza. Le bureau du procureur en chef turque soupçonne l'Etat hébreu de ''génocide, tortures, et crimes contre l'humanité''.
Guysen International.

Joshua MITNICK, Les accusations de crimes de guerre énervent Israël, Info-Palestine.
Après la guerre de Gaza, Israël prépare sa défense et celle de ses soldats contre les accusations de crimes à craindre devant les tribunaux européens qui disposent de «la compétence universelle».
[...]
Les Israéliens considèrent ces menaces comme faisant partie d'une chasse aux sorcières à caractère politique. Pour les Palestiniens et les militants des droits humains cependant, ces tribunaux nationaux représentent la seule instance où ils peuvent démontrer que des crimes de guerre ont été commis.

«Les systèmes mis en place dans un certain nombre de pays vont être mis à l'épreuve... Nous avons des équipes juridiques qui fonctionnent au sein et au-delà des pays européens pour le compte des plaignants palestiniens contre les crimes de guerre», indique Daniel Machover, avocat britannique né en Israël, qui agit en coordination avec le Centre palestinien pour les droits humains (PCHR) basé à Gaza, et qui a coopéré pour l'arrestation de Mr Almog en 2005. «Il n'y a pas d'autre moyen pour un pays ou un territoire sous occupation d'obtenir justice».

Mr Machover a également aidé à la présentation, devant un tribunal national espagnol, d'un cas d'attentat israélien contre un chef militaire du Hamas, en 2002. Ce bombardement aurait fait plus d'une dizaine de morts civils dans un quartier de Gaza. Pas plus tard que la semaine dernière, un juge espagnol a annoncé qu'il y aurait une enquête, provoquant des tensions entre Israël et l'Espagne, et incitant Israël à travailler davantage encore la question des crimes de guerre.

Talonné par une série d'accusations allant d'avoir pris pour cibles des sites civils jusqu'à avoir empêché l'évacuation de non combattants, le gouvernement israélien, ces dernières semaines, a réaffirmé son engagement à défendre juridiquement les soldats et les responsables politiques impliqués dans ces affaires. Il a également décidé de tenir secrète l'identité des soldats pour en protéger le plus grand nombre contre les poursuites. (voir cependant : Noms et photos de criminels de guerre israéliens à Gaza).


Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.

Guerre d'Israël contre le peuple Palestinien (6)



Dépêches des 3 et 4 février 2009, Info-Palestine - Toutes les dépêches.



04/02/2009, Nicola NASSER, Le mécanisme du nouveau siège de Gaza, ISM.
La reconstruction de Gaza est devenue la dernière arme du siège. L’occupation israélienne, les Etats-Unis qui ont soutenu son offensive, et l’Union Européenne qui n’a rien fait pour l’arrêter, conspirent à transformer le processus de reconstruction en moyen de trouver un ‘partenaire de paix’ convenable, tandis que le sommet arabe au Koweït espère l’utiliser pour amener la réconciliation palestinienne.
[...]
L’offensive israélienne a détruit toute l’infrastructure civile du gouvernement à Gaza sous prétexte qu’elle servait de base au Hamas, alors qu’en fait, c’était une infrastructure de l’AP payée par les contribuables des pays donateurs. Des zones résidentielles entières ont été rasées, détruisant complètement 4.000 maisons et endommageant gravement 16.000 autres. 100.000 civils ont maintenant un besoin urgent d’abri, provisoirement hébergés dans une douzaine de refuges ouverts par l’UNWRA dans des écoles qui ont aussi été visées par les canons israéliens, et qui ont donc besoin elles aussi de réparations.

De plus, il faut remettre en valeur les terres agricoles ruinées par les bombardements, fournir de l’eau potable doit à un demi-million de Palestiniens, rétablir l’électricité pour à peu près le même nombre de personnes, et fournir une aide alimentaire d’urgence à environ 80% des habitants de Gaza (tous ces chiffres sont des estimations des Nations Unies).

Tout argument politique qui ajourne cette aide urgente est moralement scandaleux.


05/02/2009, Des milliers de Palestiniens à Gaza vivent sous la tente, Reuters-Yahoo! Actualités.
Selon les équipes de secours, au moins 16.000 personnes occupent des tentes réparties dans dix camps improvisés sur l'ensemble de l'enclave palestinienne.

Mais l'espace pour chacun est plus que réduit, car des milliers de tentes sont bloquées à la frontière par les forces israéliennes.

Les ONG ont fourni des couvertures aux campeurs pour se protéger du froid la nuit, quand les sans-logis se rassemblent autour de braseros pour se réchauffer. Des latrines ont été installées dans quelques camps seulement.
[...]
Les Israéliens refusent de laisser entrer à Gaza du matériel de construction qui, disent-ils, pourrait être utilisé pour la fabrication de roquettes.

L'aide promise par la communauté internationale n'arrive à Gaza qu'au compte-gouttes dans l'attente d'un véritable accord entre le Hamas, Israël et l'Egypte pour la fin des hostilités.

Khalil Aboufoul, directeur du département gestion des catastrophes au Croissant rouge palestinien, rappelle qu'entre 800 et un millier de camions pénétraient chaque jour dans Gaza avant 2007, date de l'instauration du blocus israélien.

"Pendant la guerre, on est tombé à 50-60 camions. Aujourd'hui, c'est environ 80 à 100 camions. Pour moi, on ne peut pas parler de couloir humanitaire : il faut plus d'aide qu'avant, et on en a très peu".


05/02/2009, Binyamin Netanyahou juge ''légitime'' la campagne d'Avigdor Lieberman contre les Arabes israéliens. ''Il est légitime de demander aux citoyens d'un Etat d'être fidèle (à leur pays)'' a estimé jeudi le chef du Likoud dans une interview accordée à la télévision israélienne.
Guysen International.
Lire aussi :
• Israël/ l'ultranationaliste Abigdor Lieberman pourrait créer la surprise, AP-Yahoo! Actualités.
• Dossier "Les élections en Israël", Le Monde - Protection Palestine.

Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.

5 février 2009

La population de Gaza "chair à élections"

C'est le 10 février que doivent avoir lieu les élections législatives anticipées en Israël. Les sondages donnent vainqueur le parti de droite Likoud, dont le dirigeant, Netanyahou, vient de s'engager, une fois au gouvernement, à « renverser le régime du Hamas à Gaza ». Kadima, le parti de l'actuel Premier ministre Olmert, arriverait en seconde position et ne verrait donc pas sa chef de liste Tsipi Livni occuper le poste de celui-ci.

La campagne électorale a été occupée en grande partie par les trois semaines de guerre meurtrière contre la population de Gaza. Et le cessez-le-feu n'a pas fait cesser les déclarations belliqueuses des uns et des autres : la fanfaronnade électorale de Netanyahou succède à une prise de position d'Olmert en Conseil des ministres sur « une réponse dure qui sera disproportionnée », si des tirs visent le sud d'Israël. Cet assaut de déclarations concurrentes prend prétexte des quelques roquettes qui ont été tirées depuis la bande de Gaza, sans avoir causé de victimes ni de dégâts, la mort récente d'un soldat israélien ayant été causée par l'explosion d'une charge dont on ne sait pas même l'origine. Les raids israéliens n'ont d'ailleurs, eux non plus, pas cessé.

Il n'y a pourtant rien d'étonnant à ce que la situation dans son ensemble reste explosive à Gaza. Le bilan de l'agression israélienne est atterrant : 1,5 million de Gazaouis ont reçu, du 27 décembre au 18 janvier, un million de tonnes de bombes et explosifs sur un territoire de 360 km². Près de 1 300 Palestiniens, dont les trois quarts de civils (énormément de femmes et d'enfants), ont été tués, plus de 4 000 blessés, des milliers d'habitations détruites, ainsi que la plupart des infrastructures, des bâtiments collectifs, et des centaines d'hectares de terres cultivées dévastés. Les habitants, meurtris, privés de soins, de nourriture et d'eau, subissent toujours un blocus que le gouvernement israélien non seulement refuse de lever mais tente même d'aggraver en détruisant quelques-uns des tunnels construits sous la frontière avec l'Egypte. Lesquels sont d'ailleurs aussitôt reconstruits, malgré les conditions dangereuses, car ces tunnels permettent l'acheminement de vivres, de médicaments, et par le petit commerce qu'ils créent, fournissent un travail à des Gazaouis privés de ressources.

Ce blocus hermétique, par lequel l'armée israélienne vient par exemple de bloquer et de renvoyer une station d'eau potable envoyée par la France, dure en réalité depuis près de trois ans, depuis la victoire du Hamas lors des élections législatives à Gaza. Quant à la politique d'agression du gouvernement israélien, après le paroxysme de ces semaines de guerre, elle continue au travers de la colonisation qui se poursuit et s'est même accélérée en 2008. Le mouvement pacifiste La Paix Maintenant a dénoncé la croissance du nombre de colons, qui augmente chaque année bien plus que l'ensemble de la population en Israël. L'argument de la « croissance naturelle » de cette population, qu'il faudrait bien loger, ne trompe personne, d'autant plus que les partisans parmi les plus radicaux de la poursuite de la colonisation, tel Netanyahou, s'engagent à... ne pas faire évacuer de force la centaine de colonies « sauvages » que Sharon avait promis de faire disparaître en Cisjordanie. Il s'agit bien là de l'affirmation d'une politique. D'autres zones de colonisation sont programmées et même aménagées, et la croissance continue du nombre de colons autour de Jérusalem Est constitue une preuve tangible qu'Israël s'oppose par tous les moyens, y compris géographiquement, à la constitution d'un État palestinien continu, même restreint à la Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Quant aux résultats de ces élections législatives, dont pour le moment deux des trois partis politiques arabes sont écartés, au motif qu'ils « soutiendraient les groupes terroristes et refuseraient de reconnaître le droit d'Israël d'exister », ils ne semblent pas, si l'on en croit les sondages, ouvrir la moindre porte à une modification de la politique des gouvernements successifs qui vise à anéantir tout espoir des Palestiniens à un État, et à des conditions de vie décentes. Et, au passage, à anéantir toute perspective pour la population israélienne, juive et arabe, de sortir elle aussi, enfin, de cette situation de guerre permanente.

Viviane LAFONT
04/02/2009
Publié par Lutte Ouvrière.

Israéliens contre la guerre coloniale en Palestine (10)



Un texte, toujours d'actualité, de Yael Oren KAHN.

Elevée dans le mensonge : un dur voyage vers la vérité


Introduction

Je suis née en 1953 à Naharia et, à l’âge de deux ans, mes parents m’ont amené à Kfar Mordekhai, un village au sud de Tel Aviv, où ils sont allés s’installer. Le génocide des juifs par les nazis (que l’on nomme généralement l’Holocauste ; la Shoah, en France, ndt) et les invisibles Palestiniens furent à la fois des éléments faisant partie intégrante de mon enfance, et la source du plus grand des mystères, pour moi. C’était des nuages de secrets et de mensonges, qui étaient suspendus au-dessus de ma tête et qui me hantèrent jusqu’à que j’aie pu accéder à des sources historiques alternatives, en 1972, année où j’entrepris mon voyage vers la vérité.

L’Holocauste est à la source de ma conviction

En tant qu’enfant né en Israël, j’ai été formée à considérer que l’Holocauste appartenait à une autre ère, différente, sans aucun rapport avec la vie nouvelle créée par les juifs en Israël. Et pourtant, il fit, ô combien, partie de mon enfance. Il y avait le silence de mes parents, qui parlaient très peu de leur enfance en Allemagne nazie, et pourtant, elle était toujours là, en arrière-fond. Il en allait de même de l’irritation que leur langue maternelle, l’allemand, causait à mes parents. Ils refusaient d’acheter des produits allemands. Bien qu’aimant beaucoup voyager en Europe, ils n’ont jamais voulu se rendre dans leurs lieux de naissance en Allemagne. Ils parlaient beaucoup de l’Angleterre, où ils avaient trouvé refuge en 1937, et ils nous y emmenèrent passer des vacances en famille.

D’un autre côté, l’Holocauste était mentionné sans cesse en-dehors de la maison, en particulier à l’école. Il y avait du mépris vis-à-vis des victimes, parce qu’à la différence des « courageux » Israéliens, les juifs européens seraient, soi disant, « allés à l’abattoir comme un troupeau de moutons. » J’étais désolé pour eux. Désolé, je l’étais aussi pour une femme qui avait survécu à l’Holocauste, dans notre village, et encore plus pour ses deux enfants, qui étaient harassés au motif qu’ils auraient représenté le symbole de la « faiblesse » des juifs de la diaspora »

Mon imagination d’enfant a été frappée par les cérémonies en hommage à ces non-juifs qui ont sauvé la vie à des juifs (en hébreu, ils sont qualifiés de Justes parmi les Nations [righteous gentiles]. J’admirais ces personnes courageuses, qui n’avaient pas abdiqué et qui avaient exposé leur vie. Je m’imaginais que j’aurais fait comme eux, si j’avais été une Allemande, à l’époque du nazisme. Cela m’aidait à mettre ensemble les messages contradictoires que je percevais, à propos de l’Holocauste. Cela ne faisait que m’inciter à m’élever avec passion contre la cruauté et la violence. Je méprisais ceux qui étaient restés silencieux et qui n’avaient pas protégé les juifs européens. Je ne savais presque rien au sujet des millions de Roms (faussement appelés les Tziganes), de communistes, d’homosexuels et d’autres, qui furent aussi les victimes des campagnes génocidaires des nazis. Je n’imaginais pas que le terme d’Holocauste lui-même (« Shoah », en hébreu) avait pour fonction de faire de ce génocide horrifiant un mythe.

J’ai grandi dans les ruines d’un village palestinien

Toute petite, je me souviens que, souvent, j’étais assise sur les épaules de mon père, et que nous nous promenions dans des jardins et des vergers magiques. Je courais entre des rangées de figuiers de Barbarie tout hérissés d’aiguillons. J’imaginais que le paradis devait ressembler à ça. Et pourtant, des ruines disloquées me dérangeaient ; je ne comprenais pas pour quelle raison ces maisons avaient été ainsi désertées, et qui avait pu avoir le cœur de quitter un tel paradis, que nous appelions Bashit. Nulle réponse ne m’était proposée, et quand ce paradis fut détruit et remplacé par des maisons neuves et un nouveau nom, Aseret, mes questions s’évanouirent avec lui. Je devins amie avec les Israéliens qui y aménagèrent, tout en oubliant les fantômes du passé… jusqu’à ce jour où, bien des années plus tard, je rencontrai des réfugiés de Bashit, dans leurs gourbis du camp de réfugiés de Rafah, dans la bande de Gaza…

Notre paradis ayant disparu, nous avons commencé à aller dans des bois voisins ; j’aimais les pique-niques en famille dans les bois de Hulda, et j’aimais, en particulier, escalader les maisons en ruines parmi les arbres, ne réalisant pas qu’il s’agissait des ruines d’un village palestinien. Ce n’est qu’après avoir pris connaissance de l’histoire d’Israël que j’ai pris conscience qu’il s’agissait là des lieux de vie de Palestiniens, qui avaient été chassés de chez eux et étaient devenus des réfugiés, en 1948. Des années après, j’ai rencontré quelques-uns de ces réfugiés totalement déshérités dans le camp de réfugiés de Deheïshéh, près de Bethléem.

Bien que révulsée par la perspective de devoir faire mon service militaire, ma réflexion n’incluait pas les Palestiniens. J’avais dix-huit ans, j’étais passionnée de romance, de mathématiques, de science et de philosophie. L’armée n’était à mes yeux qu’une corvée inévitable. Tout en faisant mon service, j’ai pris conscience du racisme institutionnalisé en Israël à l’encontre des juifs originaires des pays arabes (que l’on appelle, aujourd’hui, les Mizrahim). Dans toutes les bases aériennes où j’ai été affectée, les Mizrahim faisaient l’objet de discriminations, mais c’était sans doute, dans bien des cas, parce qu’ils appartenaient aux classes dites inférieures de la société ?

Comment cette discrimination se manifestait-elle ? Ils étaient choisis pour les corvées les plus déplaisantes, ou bien, en tant que réservistes, on leur refusait des permissions pour convenance personnelle. Cela m’a entraînée dans divers conflits. Ainsi, en 1972, l’armée m’a proposé une démobilisation anticipée. Sur le moment, cela m’a étonné, mais après quelques secondes, j’ai compris la raison de cette offre de liberté inattendue. Je n’ai jamais su très précisément pourquoi cette offre me fut faite, mais, entre autres choses, l’on m’a dit que j’avais démobilisé des réservistes de manière illégale. Si j’en avais eu la possibilité, je l’aurais probablement fait ! J’avais tellement mal, pour chacun des réservistes qui venaient me supplier d’être dispensés. C’était la première fois que je touchais du doigt la pauvreté israélienne, et j’étais sous le choc. Je leur donnais mon soutien moral et je les conseillais du mieux que je pouvais. Ce faisant, sans le vouloir, je défiais une des priorités nationales, à savoir celle de placer les nécessités de l’armée au-dessus de toutes les autres, et notamment des impératifs d’ordre personnel. Bien entendu, cela était autorisé, dès lors que les individus concernés étaient des gens jouissant de privilèges dus à leur profession, ou de chefs d’entreprises, que mes officiers se chargeaient de dispenser, en personne. Une fois constituée mon unité d’anciens réservistes exemptés (principalement pour des motifs médicaux) je cherchais à soulager leurs souffrances, en particulier pour ceux qui avaient fini en incarcération militaire, pour des contraventions telles que le fait de s’être endormis en mission…

Néanmoins, après la « quille », je fus libre de rechercher la vérité, quelle qu’elle pût bien être. Je n’avais aucune idée de ce que je recherchais ; tout ce que je savais, c’est que je vivais au-dessous d’un épais nuage de tromperie. Il ne me fallut pas bien longtemps pour découvrir le pot-aux-roses. Je n’eus pas à chercher très loin. C’était l’histoire occultée de ces hommes invisibles : les Palestiniens…

Manquant d’indices, et déterminée à progresser dans ma quête de la vérité, je suis allée à une conférence de la Première ministre de l’époque, Golda Meir. Je n’ai pas pu entrer, m’ai j’ai eu le plaisir de faire la connaissance de militants du parti Matzpen. Depuis mes années de lycée, j’espérais rencontrer des membres du Matzpen, bien que je n’eusse aucune idée quant à la question de savoir qui ils étaient, mis à part le fait qu’il était interdit de les inviter à faire une conférence dans nos bahuts. C’est ce Matzpen, une organisation socialiste antisioniste, qui m’a servi de guide dans l’exploration des sombres secrets d’Israël.

J’ai suivi leurs conférences, dont chacune dézinguait des mythes et des mensonges. Je fus enchantée, quand, à la fin de l’année 1972, ils me proposèrent de faire connaissance de Palestiniens citoyens d’Israël. Pour la première fois de ma vie, j’enfreignis l’apartheid israélien, qui avait fait jusqu’alors que ma vie avait été ségréguée de celle des Palestiniens. Des membres du Matzpen me prêtèrent gentiment un ouvrage de Sabri Jiryis, Les Arabes d’Israël. J’établissais un inventaire des occurrences de confiscation et des méthodes déployées par Israël pour confisquer leurs terres aux Arabes. Cet ouvrage traitait des centaines de villages palestiniens qu’Israël avait détruits et il abordait d’autres questions, dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Soudain, je compris non seulement la vérité au sujet des ruines, mais aussi pour quelle raison l’armée avait durement dispersé une poignée de Palestiniens de la bande de Gaza, qui, à la suite de l’occupation de ce territoire par l’armée israélienne, en juin 1967, étaient venus visiter les ruines de la mosquée de Bashit…

L’histoire de l’expulsion de dizaines de milliers d’habitants palestiniens de Ramleh étant inexistante, dans les livres d’histoire israéliens, c’était ainsi que j’appris pour quelle raison il y a(vait) autant de vieilles maisons arabes dans cette ville (que j’ai visitée très souvent, dans mon enfance), mais pratiquement pas de résidents arabes. Après avoir lu ce livre, il devint évident pour moi que bien des « infiltrés » que l’on nous avait appris à redouter, dans les années 1950, étaient des Palestiniens qui traversaient la frontière pour pénétrer en territoire israélien avec la simple intention de retourner chez eux. Certains d’entre eux, que l’on traitait de voleurs, étaient en réalité de pauvres paysans palestiniens qui tentaient de venir glaner quelques épis dans leurs propres champs, dont ils avaient été brutalement chassés en 1948.

Désormais, je savais aussi pour quelle raison mes cousins d’Allemagne s’étaient retrouvés les occupants d’un vieil immeuble arabe, à Jérusalem Ouest. Muni de cette compréhension toute nouvelle des choses, j’avais enfin la réponse à une question à laquelle ma prof refusait de me répondre quand, durant la guerre de 1967, elle fichait des petits drapeaux sur une carte du Moyen-Orient, qui entraient en contradiction avec la perception que j’avais, à l’époque, de cette guerre, à savoir une guerre défensive. Tant qu’elle persista à piquer ses petits drapeaux, moi, en tant que chef du conseil des élèves, je prêtais main-forte, assumant tous les rôles qui m’étaient imposés, et je collectais, fièrement, des livres et des moyens de distraction, pour les soldats. Je n’avais que treize ans, et je ne savais pas comment formuler ma question. Je ne savais que lui demander : pourquoi ? Et il n’y avait pas de réponse. Je n’avais pas l’habitude que ma prof me rembarre ainsi – j’étais sa chouchoute –, aussi en conclus-je qu’elle était sûrement en train d’essayer par tous les moyens de me cacher un mensonge extrêmement grave.

Mes accusations – que quatre cents villages palestiniens avaient été détruits – rendaient mes parents fous furieux. Il fallut à ma mère des années pour qu’elle finisse par se rappeler de quelle manière elle avait elle-même participé à cette destruction, démolissant des maisons afin d’utiliser les pierres d’un de ces villages pour construire sa colonie, le Kibutz Lavee, en Galilée. Ce réveil ne se produisit, chez elle, qu’au moment où Israël envahit le Liban, en 1982, confirmant mes affirmations selon lesquelles Israël avait des visées sur ce pays, qu’il avait sans doute planifié d’occuper, lui aussi. La prise de conscience de cette réalité par mon père avait débuté bien plus tôt. Depuis la fin de 1973, il avait entrepris un douloureux et lent processus de prise de conscience des horreurs infligées aux Palestiniens par Israël. Il lui était très difficile de réaliser que des juifs pussent perpétrer de telles atrocités. Lors de veillées et de manifestations de protestation, il disait, souvent, aux badauds : « Je représente les juifs d’Allemagne qui ne veulent pas faire aux Palestiniens ce que les nazis nous ont fait ! » Ses rêves sionistes étaient définitivement pulvérisés, quelques années après l’invasion du Liban de 1982.

Pour moi, la lecture du livre Les Arabes en Israël, au mois de décembre 1972, fut l’événement le plus important de ma vie. Enfin, je trouvai la vérité. C’était une vérité horrible, mais, finalement, les nuages, au-dessus de ma tête, s’étaient dissipés. Désormais, je connaissais l’horrible vérité de la naissance d’Israël. J’avais découvert comment ce pays avait été créé au moyen d’une succession ininterrompue d’exécutions et de massacres, et de quelle manière, dans d’innombrables villages, des groupes de personnes avaient été sélectionnées au petit bonheur la chance, puis exécutées sous les yeux des autres, qui ne purent faire autre chose que s’enfuir de chez eux, en proie à une horreur panique. Sachant cela, je n’ai jamais plus été capable de célébrer le Jour de l’Indépendance d’Israël.

Plus tard, j’eu une autre révélation dévastatrice, relative à une autre ombre qui hantait mon enfance, lorsque j’appris de quelle manière les sionistes avaient sapé les efforts pour venir au secours des rescapés juifs de l’Holocauste, parce qu’ils craignaient que cela n’entravât la création d’Israël. Je découvris que les dirigeants sionistes avaient sapé absolument toutes les tentatives de venir au secours des réfugiés juifs, insistant sur le fait que, seule, la Palestine devait être leur unique destination, parce que toute autre destination aurait fait obstacle aux objectifs du sionisme. Dans L’Autre Israël [The Other Israel], un ouvrage colligé par Ari Bober, je découvris une citation d’un des dirigeants sionistes les plus éminents, David Ben Gourion, qui disait, dans une allocution prononcée devant l’Exécutif sioniste, le 17 décembre 1938 :

« Dans le cas où des juifs seront confrontés à la nécessité de choisir entre réfugiés, entre sauver des juifs des camps de concentration et aider à la création d’un musée national en Palestine, la pitié aura le dessus, et toute l’énergie du peuple sera canalisée vers le sauvetage de juifs de différents pays. Le sionisme sera éliminé de l’ordre du jour, non seulement dans l’opinion publique mondiale, non seulement en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, mais aussi partout, dans l’opinion publique juive. Si nous permettons qu’on établisse une séparation entre le problème des réfugiés et le problème de la Palestine, nous mettons en péril l’existence même du sionisme » (ibid. p. 171). Je ne pouvais que me perdre en conjectures quant au nombre de réfugiés et de survivants fragilisés à l’extrême qui auraient pu être sauvés, si on leur avait proposé des destinations plus proche et moins incertaines que la Palestine.

Les Palestiniens invisibles font leur apparition

Après une enfance durant laquelle l’apartheid israélien avait veillé à ce que je ne me mélangeasse point avec des Palestiniens, ceux-ci avaient fini par devenir visibles. Je déménageai pour Haïfa, la ville la plus pluricommunautaire d’Israël, et très rapidement, je fis la connaissance de beaucoup de Palestiniens. Je m’engageai dans des débats et des campagnes militantes en Galilée et en Cisjordanie. Même chose, avec les Druzes syriens des hauteurs du Golan.

Beaucoup de ces relations dépassèrent de beaucoup les simples alliances politiques. De nombreuses amitiés se renforcèrent, et j’étais émerveillée par la chaleur de l’hospitalité des familles tant palestiniennes que syriennes.

Etant devenue féministe, j’eus des liens étroits avec des féministes palestiniennes, mais je discutais fréquemment de la question des droits des femmes avec toutes mes connaissances. Presque toutes les femmes que j’ai rencontrées avaient un grand désir d’émancipation. Les ouvrages de l’écrivain féministe égyptienne Nawal El-Saadawi contre l’oppression des femmes étaient si populaires qu’ils étaient devenus une sorte de manuel obligatoire, pour beaucoup d’entre elles, jusqu’à ce que la censure israélienne n’en fît un ouvrage quasi introuvable. Dans les années 1970, il était tout-à-fait inhabituel, pour les hommes que je rencontrais, d’exiger ouvertement que les femmes se soumissent à la domination masculine ; la plupart d’entre eux mentionnaient – fusse en paroles purement verbales – les droits des femmes. Toutefois, avec la montée du fondamentalisme religieux, dans les années 1980, certains juifs et certains musulmans que je connaissais se mirent à prôner l’imposition de restrictions aux femmes et la mise en exergue de privilèges traditionnels, pour les mecs. Inutile de dire que cela généra des conflits entre eux et les membres féminins de leurs familles, dont moi-même et d’autres femmes.

La découverte d’une fosse commune

Début 1982, je quittai Israël pour les Etats-Unis. C’était une tentative de m’éloigner d’Israël et de la politique moyen-orientale. Je ne voulais pas rester à l’écart des causes politiques, toutefois, et je fus très vite impliquée dans les problématiques de l’Amérique centrale, en particulier au Nicaragua. Pour gagner ma vie, je travaillais chez un installateur électricien.

Je vivais à New York au moment où Israël envahit le Liban (en juin 1982). Tout d’abord, je tentai de l’ignorer. Je m’étais fait une nouvelle vie, déconnectée d’Israël, et je voulais avant tout que cela continue ainsi. Mais, au bout d’une semaine, mes défenses immunitaires s’effondrèrent, et j’étais de retour dans le feu de l’action. Après quelques mois de campagnes politiques aux Etats-Unis et au Canada, je décidai que je devais retourner en Israël, et y mener campagne de l’intérieur. En dépit de la couverture totalement partiale des événements faite par la CNN et de l’information extrêmement limitée qui filtrait à travers d’autres canaux d’information, j’eus l’intuition que les pires crimes de guerre étaient en train d’être perpétrés.

Sachant ce que je savais sur l’histoire d’Israël et sur les comportements des Israéliens, je conclus que beaucoup des Libanais et des Palestiniens capturés au Liban allaient être amenés en Israël. Je pensais que beaucoup d’entre eux seraient soit exécutés, soit torturés jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mon analyse m’amenait à une conclusion effroyable : il devait y avoir une fosse commune, en Israël, où ces corps avaient dû être mis. Je pensais que maintenir secret un site de cette nature au Liban aurait été extrêmement difficile. D’un autre côté, étant donné la complaisance de l’opinion publique israélienne pour de précédentes atrocités (comme les nombreux massacres de Palestiniens durant et après la guerre de 1948), on pouvait faire entièrement confiance aux Israéliens pour apporter leur contribution à un maquillage des faits. Bien entendu, ces conclusions étaient basées sur une extrapolation d’atrocités israéliennes passées, sur le fait qu’il avait capturé un très grand nombre de personnes au Liban, et sur mon constat que l’opinion publique israélienne était profondément raciste, y compris à l’intérieur du camp dit « de la paix ».

Retournant en Israël, je fis halte à Londres. J’y arrivai juste au moment où des informations sur le massacre de Sabra et Chatila commençaient à filtrer. J’ai contacté des personnes que je connaissais à Londres, et en fin de compte, nos pires craintes furent confirmées. Nous organisâmes une veillée impromptue, au centre de Londres. Ce fut la veillée la plus triste à laquelle il m’ait jamais été donné de participer.

Peu après, je m’envolai pour Israël. Je racontai à tous ceux qui voulaient l’entendre ma théorie à propos de la fosse commune. Toutefois, je n’avais aucune idée quand à son emplacement. C’est sans doute pas très étonnant, mais je n’étais pas la seule à avoir de tels soupçons : une femme américaine arriva en Israël, dans la ferme intention d’enquêter sur la même théorie. Je n’ai jamais entièrement compris ce qui l’avait amenée à entreprendre cette recherche, mais apparemment, ses sources étaient tout aussi spéculatives que les miennes. Elle me contacta, pensant que j’aurais la preuve matérielle qui lui manquait. Je dus lui expliquer que ma théorie n’était qu’une simple intuition, sans le moindre commencement de pièce à conviction.

Néanmoins, elle me demanda de rejoindre son équipe, et de chercher ensemble. Nous avons passé plusieurs mois à poser des questions et à suivre la moindre piste. Equipées d’outils de jardinage, nous avons creusé à plusieurs endroits, mais nous n’avons découvert nulle tombe secrète. Nous restions convaincues qu’une fosse commune existait bel et bien, mais quant à son emplacement et quant à la manière de la trouver, nous étions dans le coaltar le plus total.

Finalement, une fosse commune fut trouvée. Il s’agissait d’un site considérable, au nord de la Mer de Galilée [le Lac de Tibériade, ndt], près du pont Bnot Yakov. On suspecta que des centaines de corps avaient été enfouis là. Nous avons pu voir des ossements humains, dans des vêtements en lambeaux, dépassant d’épais sacs en plastique. Après plusieurs visites, nous avons conclu qu’il y avait des groupes de cadavres dans certains endroits, qu’il y en avait moins dans d’autres endroits, et aucun, ailleurs. Rien, strictement rien n’indiquait qu’il s’agît d’un cimetière. Inutile de préciser que rien n’indiquait, sur place, à quel endroit des corps avaient été enterrés individuellement.

Des procureurs israéliens furent contactés, mais les choses n’avancèrent guère. Un projet consistait à entamer des procédures légales à l’encontre d’Israël au nom de familles libanaises recherchant des personnes disparues. L’armée nia qu’il s’agît d’un cimetière où auraient été enterrés des non-Israéliens, en territoire israélien. Puis la décision fut prise de convoquer une conférence de presse, à Jérusalem.

L’armée décida alors de confirmer, pour la première fois, qu’il y avait bien un cimetière, mais seulement en réponse aux accusations formulées lors de la conférence de presse. Elle allégua, contre toute évidence, que ce site contenait les corps de soldats syriens tués durant la guerre de 1973. Cette nouvelle opération de désinformation nous prit, tous, par surprise. Quand des journalistes allèrent visiter le site, le lendemain matin, de nouveaux panneaux avaient été plantés, et certains repères en pierre avaient disparu. Des marques, à la peinture blanche encore toute fraîche, indiquaient le contour de moins d’une demi-douzaine de tombes bidon. A partir de mes visites précédentes, je savais que la plupart de ces zones ainsi délimitées se trouvaient dans des sections du cimetière qui ne renfermaient aucun corps…

Cette horrible scène de crime fut finalement mentionnée dans la presse israélienne, mais ce ne furent que quelques entrefilets, au sujet d’un ancien cimetière abandonné… Les mass médias internationaux refusaient de couvrir cette histoire. Ma croyance, naïve, que la découverte de la preuve concrète d’un massacre enverrait des ondes de choc dans le monde entier, vola en éclats. Des mois de recherches, culminant dans la découverte d’une fosse commune, n’avaient produit rien d’autre que quelques références pathétiques, qui ne firent que banaliser ce crime de guerre. Une fois de plus, Israël avait réussi à camoufler ses atrocités. Je ne pouvais m’empêcher de penser que si un tel crime de guerre avait été perpétré par n’importe quel autre pays, il ne serait pas passé inaperçu, et il aurait été condamné. J’avais le sentiment que nous avions trahi les victimes et que, comme nombre d’Allemands, nous avions laissé se perpétrer des atrocités, en feignant de ne nous rendre compte de rien…

Nos espoirs furent ranimés quand un journal israélien en arabe, dans sa couverture de la conférence de presse, révéla qu’il avait reçu une lettre, plusieurs mois auparavant, au sujet de cette fosse commune. Dans cette lettre, un témoin oculaire palestinien relatait avoir vu des camions déverser des corps dans une fosse commune, précisément à cet endroit-là. Notre frustration fut d’autant plus grande que ce journal avait trouvé le moyen de ne pas publier cette info avant ! Nous orientâmes dès lors nos efforts vers le recueil de preuves auprès des témoins oculaires, mais en vain. Ils avaient bien trop peur ; ils craignaient pour leur vie.

Ayant échoué à obtenir que cette histoire fût publiée, ou fît l’objet d’une enquête approfondie de la part d’agences de presse, notre mission prit fin. Je restais seule, chargée de l’entière responsabilité qu’elle fût poursuivie. C’était une tâche écrasante, mais j’étais sûre que je finirais par réussir à la mener à bien.

Ma première tentative « en solo » consista de servir de guide à un journaliste américain, qui travaillait pour le Washington Post. Après avoir vu le site, il me dit qu’il ne pouvait rien publier à ce sujet. Pendant ce temps, j’avais trouvé un Israélien, qui vivait dans un kibboutz situé près de cette fosse commune, qui connaissait bien la région, et qui avait parcouru à pied les environs du site, pendant des années. Il était prêt à risquer sa vie et à attester que ces tombes n’étaient apparues que postérieurement à l’invasion du Liban, en 1982. Rien n’y fit : le journaliste américain connu refusa à couvrir ce sujet. Son excuse, c’est qu’il avait déjà fait l’objet d’une couverture ; il faisait allusion à la couverture pathétique, au lendemain de la conférence de presse !... J’eus le soupçon qu’il redoutait de se faire virer de son boulot…

Après, j’ai conduit une journaliste israélienne, de l’hebdomadaire (aujourd’hui disparu, ndt) Haolam Haze (un hebdo contestataire, propriété d’Uri Avnery), autour du site. Cette journaliste, Anat Saragosa, a pris des photos d’ossements humains qui dépassaient de sacs plastiques, en-dehors de la zone des soi-disant « tombes » tracées à la peinture blanche. Elle prit aussi des photos d’un cimetière non répertorié sur les cartes routières, en Galilée. Elle interviewa le membre du kibboutz, et elle semblait très déterminée à publier l’article. Durant des mois, elle me jura que la publication en était imminente. Finalement, elle m’informa qu’Uri Avnery avait décidé de ne pas le publier. Je pris conscience du fait que des mois, précieux, venaient d’être perdu, à attendre. Je tentai de contacter Avnery, à son bureau du siège d’Haolam Haze, mais en vain. J’étais en colère, et j’étais crevée…

Je suis retournée régulièrement sur le site, certaines fois en compagnie de mon père. Une unité de l’armée rappliquait, à chaque fois, quelques minutes après notre arrivée sur les lieux. Je ne pouvais jamais rester très longtemps, et souvent, je devais cacher ce que j’étais en train de faire (comme, par exemple, creuser le sol), en faisant comme si j’étais en train de me soulager… Je tentai d’impliquer d’autres Israéliens dans mes activités, mais ces cadavres n’intéressaient pas grand-monde…

En désespoir de cause, j’ai amené chez moi des os tarsiens et des échantillons de vêtements, dans l’espoir que quelqu’un finirait par accepter de les emmener à l’étranger et de les faire analyser. Mais ce plan a échoué, comme tous les précédents…

J’ai vécu ainsi avec les morts jusqu’en 1986. C’est alors que le kibbutznik me téléphona pour me dire que l’armée venait d’interdire la zone de la fosse commune, y compris le pont et la route, à proximité. Personne ne pouvait voir ce qu’on était en train de fabriquer. Trois jours après, il m’a téléphoné pour me dire que l’accès était à nouveau possible. Je me rendis immédiatement sur le site ; il était totalement méconnaissable. D’énormes quantités de terre avaient été enlevées, avec leur contenu accablant – le niveau du terrain, par places, avait descendu de trois mètres. Israël annonça avoir rendu des corps à la Syrie. J’étais décontenancée par la facilité avec laquelle Israël avait réussi à détruire les preuves d’une de ses atrocités, sous le faux-nez d’un geste humanitaire… Il était trop tard pour amener des journalistes, qui auraient pu réussir à révéler le pot-aux-roses. Encore une fois, je pensai à l’Holocauste, et à ceux qui avaient péri sans laisser de trace…

Le cynisme israélien vis-à-vis des vies des Arabes venait de faire son énième coup pendable. A ma grande surprise, et à ma grande horreur, un joli parc national fut construit à côté du site de la fosse commune. Personne n’allait plus jamais deviner son secret de mort.

Le sentiment d’avoir échoué, en fin de compte, à donner une voix à la souffrance de ces victimes n’a jamais cessé de me hanter. Je continue à penser à elles, à la manière dont ces gens ont été tués ; et je pense à ces parents et à ces amis à qui ils manquent tellement, et qui ne connaissent pas dans quelles conditions ils sont morts.

Des prisonnières politiques

Je préparais à nouveau mon départ d’Israël quand la première Intifada éclata, en décembre 1987. J’étais ravie : enfin, les Palestiniens se révoltaient ! Je pense que la société israélienne a été choquée par l’opposition palestinienne à l’occupation. Ce choc avait pour origine leur conviction que les Palestiniens étaient tout-à-fait satisfaits de vivre sous la loi israélienne. Par conséquent, beaucoup d’Israéliens s’étaient mis à douter de leur droit moral à rester dans les territoires occupés. Tels étaient également les sentiments de certains soldats israéliens, durant les premiers mois de l’Intifada. J’étais convaincu que, dans une telle ambiance, les soldats israéliens n’oseraient pas tirer sur des Israéliens, même si ceux-ci violaient des couvre-feux (ce n’est plus le cas, depuis l’élection de Sharon). Par ailleurs, je pensais que s’opposer à la politique des couvre-feux, avant que les soldats et l’opinion publique ne s’y soient habitués, contribuerait à saper l’ensemble de cette politique. Mes tentatives de motiver des militants israéliens pour des marches vers les camps de réfugiés après l’heure du couvre-feu n’ont pas abouti à attirer beaucoup de soutiens. Ils n’étaient pas partants. De fait, pas une seule fois un couvre-feu n’a été défié par un groupe de militants israéliens manifestant ouvertement dans un camp de réfugiés palestiniens.

Durant les premiers mois de l’Intifada, je militais dans le mouvement « A bas l’occupation » [Down with the Occupation !], à Tel Aviv. J’organisais la collecte et la distribution de nourriture et de vêtements dans des camps de réfugiés soumis au couvre-feu, dans la bande de Gaza. Nous organisions aussi des veilles de protestation, à Tel Aviv. Mon père devint un de ces veilleurs. Un groupe de personnes arborant le tee-shirt du mouvement d’extrême droite du rabbin Meir Kahana, qui nous harassaient régulièrement, lui dirent : « Quel dommage que les nazis t’aient oublié ! ». Mon père, qui a perdu la plupart des membres de sa famille dans les camps de concentration, ne fut pas particulièrement amusé. Ce n’est qu’après avoir vu son visage traumatisé que je pris vraiment conscience qu’il était désormais habitué à leurs attaques insupportables. Dans un autre contexte, ou n’importe où ailleurs dans le monde, des insultes verbales de cet acabit auraient été qualifiées d’antisémites, et elles auraient suscité des hauts cris et des plaintes au pénal auraient sans doute suivi. A Tel Aviv, dès lors que cela était adressé à un homme s’opposant à la répression contre les Palestiniens, c’était un comportement autorisé.

Au bout d’un certain temps, j’ai compris que ma voix, en tant que femme, était ignorée, dans l’association « Down with the Occupation ! », aussi, j’eus tendance à ne plus travailler qu’avec des femmes. En mai 1988, des femmes palestiniennes de Cisjordanie m’ont présentée à un meeting féministe. Cela fut l’étincelle qui m’amena à cofonder l’Organisation des femmes pour le soutien aux prisonnières politiques [Women’s Organisation For Women Political Prisoners – WOFPP].

Nombreux étaient les obstacles qui se dressaient devant nous. Le premier était d’ordre politique, nous y étions confrontées tandis que nous voulions établir les principes adéquats régissant l’association. Il nous fallu déployer des efforts énormes pour persuader toutes les femmes du groupe de la position consistant à défendre les droits humains de toutes les prisonnières qui avaient été arrêtées en raison de leur opposition à l’occupation israélienne. Certaines femmes voulaient réserver notre soutien aux seules prisonnières qui n’étaient pas accusées d’avoir porté atteinte à des juifs israéliens. D’autres voulaient inclure une déclaration politique en faveur d’une solution à deux Etats, qui était un facteur de divisions. C’était en l’occurrence ce fameux mantra qui, depuis vingt ans, avait réussi à saper de nombreuses initiatives visant à créer de larges coalitions, car cela excluait les antisionistes, telles que moi-même. J’étais déterminé à ce que cela ne se reproduisît pas cette fois-là, et j’ai veillé à ce que le groupe ne soit pas distrait par des discussions interminables et futiles qui n’auraient pu que le détourner de son engagement en faveur des droits humains.

Ensuite vint le tour de la tache critique que constituait la création d’un réseau de contacts à travers lesquels nous puissions obtenir l’information dont nous avons besoin, sur les prisonnières et sur les conditions de vie auxquelles elles étaient confrontées, et imaginer des manières d’alléger les souffrances de ces femmes. Ayant retenu de dures leçons de mon échec à dénoncer la fosse commune du Pont de Bnot Yakov [Les Filles de Jacob, en hébreu, ndt], j’étais mieux équipée pour organiser une campagne efficace. Je savais quelles chausse-trappes éviter, en particulier avec les médias. J’étais aussi sensibilisée au danger du sabotage d’éventuels collaborateurs. J’étais déterminée : cette fois-ci, je ne laisserais pas le gouvernement israélien saper une énième de mes campagnes en faveur des droits de l’homme !

Notre première source d’information provenait des Etats-Unis. C’était une liste de prisonnières, établie depuis environ deux mois. Le document précisait que l’une d’entre elles, Aisha El-Kurd, était enceinte de sept mois. Un simple calcul nous fit comprendre que cette femme devait accoucher très rapidement. Immédiatement, nous avons lancé plusieurs enquêtes parallèles, afin de la localiser. Les responsables de la prison de femmes de Neve Tirza ont nié sa présence dans leur geôle. Son avocat n’avait aucune idée de l’endroit où elle était enfermée, mais il ne comprenait pas pourquoi nous nous agitions autant sur ce cas ! Beaucoup d’avocats perdaient toute trace de leurs clients, tandis que des milliers de prisonniers continuaient à être arrêtés par les Israéliens. Beaucoup d’entre eux avaient été torturés, tandis que les autorités refusaient de communiquer toute information à leur sujet, rendant impossible leur entrée en contact avec d’éventuels avocats.

Nous finîmes par obtenir confirmation de la détention d’Aisha, effectivement, à Neve Tirza, et nous envoyâmes un avocat la voir. Elle l’informa qu’au moment de son arrestation, des tentatives de la faire avorter furent opérées, si bien qu’elle dut être hospitalisée. L’avocat nous informa qu’aucune accusation n’avait été formulée à l’encontre d’Aisha, aussi avons-nous immédiatement lancé une campagne exigeant sa libération. Peu après, Aisha accoucha, attachée sur son lit, mais nous avons pu obtenir qu’elle soit libérée, de l’hôpital où elle était encore prisonnière, et renvoyée chez elle, dans le camp de réfugiés de Rafah. Toutefois, elle n’avait plus de maison où renter : celle-ci avait été démolie tandis qu’elle était en prison.

En tant que présidente du WOFPP, je continuais à aller la voir, régulièrement. Une fois, je découvris que l’armée israélienne l’avait chassée, ainsi que ses cinq enfants, de la tente où ils habitaient. La campagne internationale que nous lançâmes pour lui venir en aide attira beaucoup de soutiens ; deux ans plus tard, une association de femmes italiennes, Naila, put leur acheter une maison.

Lorsque j’étais présidente de la WOFPP, j’habitais à Tel Aviv, et je me rendais régulièrement en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ces voyages quotidiens étaient de véritables chocs émotionnels, comme des montagnes russes émotionnelles. Après toutes les horreurs que je venais de découvrir dans les camps de réfugiés, après toute la vérité que je venais de découvrir, retourner à Tel Aviv, c’était presque surréaliste. Tel Aviv, c’est une sorte d’univers artificiel et totalement coupé de son contexte. Les camps de réfugiés que j’allais visiter étaient terrorisés quotidiennement par des soldats israéliens. Je trouvais la disparité entre Tel Aviv et les camps de réfugiés intolérable. Quittant Tel Aviv le matin, avec sa richesse d’options de distractions, et ses existences occasionnellement interrompue par des attentats, pour me retrouver dans les camps terrorisés et démunis de tout, c’était difficile à supporter. Les Palestiniens n’étaient même pas en sécurité chez eux, dans leurs maisons, car des balles et des gaz lacrymogènes pénétraient souvent dans leurs masures surpeuplées et construites de bric et de broc. J’étais incapable de faire comprendre les horreurs dont j’étais témoin aux résidents insouciants de Tel Aviv que je connaissais, et même pas à des Israéliens relativement conscients, du point de vue politique.

Nous prîmes conscience du fait que des femmes palestiniennes organisatrices de projets tels que des actions de médecine infantile se retrouvaient en détention administrative, autrement dit, qu’elles étaient détenues sans charges pesant contre elles ; quant à un procès, n’en parlons même pas… Le WOFPP lança une campagne afin d’exiger la libération immédiate de toutes les prisonnières en détention administrative. Peu après, toutes furent libérées, avant l’expiration de leur peine, et un terme fut mis à cette pratique (bien qu’elle n’ait jamais cessé, en ce qui concerne les hommes). Après leur libération, j’ai rencontré chacune de ces femmes étonnantes, qui allaient s’avérer une source d’inspiration pour les luttes des années à venir.

Nous découvrîmes aussi les tortures et les mauvais traitements. Le WOFPP lança une campagne pour exiger la cessation de telles pratiques, en particulier dans le tristement célèbre Complexe Russe, à Jérusalem Ouest. La presse israélienne était intéressée, et elle publiait des articles sur les incidents que nous portions à sa connaissance. Nous étions considérées une source fiable, mais nous avions conscience du fait qu’un seul article de presse inexact aurait suffi à détruire notre crédibilité. Durant quelques mois, les tortures et les mauvais traitements contre les prisonnières cessèrent. L’expérience nous ayant montré qu’une campagne militante était la seule protection dont les prisonnières pourraient bénéficier contre les mauvais traitements et la torture, nous dénoncions absolument tous les cas, persuadées que nous étions que, sans cela, les prisonnières auraient souffert encore davantage.

Nous eûmes la preuve que nous avions raison, et que des campagnes adéquates étaient efficaces, dans bien des cas. Nous avons soulevé la question de la libération de femmes libanaises retenues en Israël en tant qu’otages. Prendre des femmes en otages, c’était quelque chose d’inhabituel. Israël les avait arrêtées, et prises en otages, afin de forcer leurs parents mâles à passer à table, ou à se rendre, dans les cas où ils se cachaient. Ce fut toutefois la première fois qu’on nous informa de tortures par chocs électriques sur des femmes. Khadija (70 ans) a fait état des électrochocs qu’elle avait subis après son arrestation à la prison de Khiyam, avant son transfert à celle de Jalameh. Ma joie, lorsque j’obtenais la libération de ces otages, était mêlée d’inquiétude, car je ne savais pas si elles pourraient rentrer chez eux, ou bien si elles seraient simplement ramenées au Liban, mais à la prison de Khiyam.

Après avoir travaillé étroitement, durant des mois, avec des prisonnières politiques, nous commençâmes à exhumer des histoires de harassement sexuel, dont les victimes pouvaient n’avoir que treize ans. Nous avons entrepris une campagne contre les sévices sexuels en détention. Les prisonnières devaient surmonter leur très force réticence à parler de ce problème. Une femme, du camp de réfugiés de Khan Younis, avait été harcelée durant son interrogatoire, quelques années avant la fondation de l’association, mais elle n’en parla qu’après que le WOFPP se soit intéressé à ce problème et lui ait apporté son soutien.

Notre campagne requerrait que nous préservions notre crédibilité, ce qui n’était pas chose aisée. Nous n’avions que rarement un accès direct aux prisonnières, et néanmoins, nous devions soumettre les détails peu après les incidents aux médias, afin de les satisfaire. En particulier, j’avais peur d’être sabotée par des collabos (travaillant avec les services de sécurité israéliens). Et, de fait, cela s’est produit, plus d’une fois. Dans un des cas, une déposition d’abus sexuels avait été recueillie par notre avocat, de la part d’une prisonnière originaire de Gaza. J’ai écrit et diffusé le communiqué de presse avant d’avoir eu le temps d’y réfléchir. Mais il était déjà trop tard ; le bouclage des journaux concernés était très proche. J’ai fait part de mes réticences croissantes à d’autres membres du WOFPP.

Une des anomalies tenait au fait que, dans ce cas, nous avions envoyé un avocat (un homme) à la prison. Il était très inhabituel, pour une prisonnière, de se confier à un homme inconnu, en particulier en matière d’abus sexuel. Heureusement, un membre de l’association connaissait cette prisonnière, et il s’avéra qu’il s’agissait d’une collaboratrice notoire. Immédiatement, j’appelai la presse pour qu’elle ne publie rien sur cette histoire. Les journaux le firent, mais cela n’a pas manqué d’entamer notre crédibilité. Toutefois, je ne pouvais pas expliquer aux journalistes que cette prisonnières était une collabo, et qu’il s’agissait sans doute d’un piège, dans lequel nous avions failli tomber. Il était déjà suffisamment difficile d’obtenir la sympathie de ces journaux pour des prisonniers palestiniens : obtenir leur attention en matière du rôle complexe joué par les collaborateurs était, en revanche, tout-à-fait irréaliste.

Une autre collabo eut bien davantage de succès, causant l’annulation d’un cas majeur de harcèlement sexuel de prisonnières palestiniennes, nous faisant perdre des mois de travail. Elle fit des allégations d’avoir été harcelée à une autre association. Nous recevons le rapport, sans procéder à des vérifications supplémentaires. Juste avant la date de publication, elle nie ses allégations à l’encontre de policiers de Jérusalem. Cela discrédita toutes les plaintes authentiques et, craignant que d’autres témoignages fussent tout aussi peu sûrs, l’hebdomadaire de Tel Aviv mit le sujet à la poubelle.

Mon rôle, au WOFPP, comportait l’assistance aux femmes palestiniennes après leur libération. Régulièrement, je rendais visite à beaucoup d’anciennes prisonnières libérées, et je devins amie avec pas mal d’entre elles. Je me sentais très privilégiée de connaître ces femmes corroboratives qui, contre tous les coups du sort, créaient de nouvelles initiatives. Une de ces initiatives était la coopérative féminine d’Abasan, qui produisait des biscuits. L’armée israélienne ne partageait pas mon admiration ; systématiquement, elle harcelait ces femmes. Aucune de ses exactions n’étant venu à bout de la détermination de ces femmes courageuses, l’armée eut recours au harcèlement sexuel. Ayant su cela, j’appelai la chaîne télévisée américaine CNN, et je mis ses journalistes en contact avec les membres de la coopératives. Ces femmes impavides étaient prêtes à parler ouvertement du traitement qu’elles avaient subi, et elles eurent la satisfaction d’apprendre, de la part de parents vivant aux Etats-Unis, que leur témoignage avait effectivement été diffusé. Leur harcèlement sexuel prit fin.

Mais l’armée ne laissa pas tomber : elle arrêta le mari de la responsable de la coopérative, Tahani Abu Daka, et elle le soumit à du harcèlement verbal, avec de lourdes allusions à son épouse. Le principal thème de cet interrogatoire porta sur la question de savoir qui portait la culotte, dans leur couple. Tahani refusa de céder. Après tout, elle avait été elle-même en prison, à la suite d’un ordre d’incarcération administrative. Durant son emprisonnement, elle avait eu des complications d’une grossesse, les gardes lui refusaient des soins médicaux, et elle finit par faire une fausse couche. Elle fut relâchée avant le terme de sa condamnation, après que le WOFPP eut organisé une campagne pour la libération immédiate de toutes les prisonnières palestiniennes en détention administrative.

J’assiste à l’érosion de la force des femmes

Fin 1990, l’Intifada s’affaiblissait. A mon avis, c’était là le résultat des menées d’Israël visant à faire éclater la résistance palestinienne, en encourageant subtilement le Hamas, tout en dirigeant sa répression essentiellement vers les factions laïques de l’OLP. Graduellement, les femmes se faisaient exclure de la lutte ; elles étaient chassées des positions dirigeantes et renvoyées à leurs fourneaux. Durant les premiers mois de l’Intifada, en 1988, il y avait peu de femmes palestiniennes qui se couvraient la tête. J’ai été décontenancée par la rapidité avec laquelle des femmes qui ne l’avaient jamais fait étaient désormais contraintes de se couvrir les cheveux et de porter des vêtements amples. Cela illustrait, à mes yeux, la fragilité du moindre succès, et aussi le fait qu’aucune avancée ne doit être considérée définitive.

Sur mes centaines de visites en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, la seule fois où j’ai été harcelée fut dans la bande de Gaza et cela, au motif que je n’avais pas la tête couverte. Je ressentis du mépris pour mon harceleur, un garçon qui avait dû apprendre que j’étais israélienne ; néanmoins, il se préoccupait bien plus de mes cheveux non couverts que de la question de savoir si je ne prêtais pas main-forte à l’oppression israélienne ? La femme palestinienne qui m’accompagnait lui dit d’aller se faire cuire un œuf, et il nous a fiché la paix.

D’un autre côté, je trouve particulièrement remarquable que bien que j’aie voyagé, de nuit, en compagnie de Palestiniens que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve, bien souvent en passant par des pistes de terre battue afin de contourner les barrages routiers israéliens, je ne me suis jamais sentie menacée, et je n’ai pas une seule fois été importunée. Certes, ils savaient que j’étais israélienne, mais ce qui est certainement l’explication, c’est qu’ils savaient que si j’avais choisi de voyager avec eux, cela ne pouvait être que pour leur manifester ma solidarité ; ce sentiment faisait disparaître toute arrière-pensée.

La vie en exil

Pour moi, vivre en Israël devenait de plus en plus un fardeau. A Tel Aviv, je n’avais plus aucun goût pour les sorties au cinéma ou au théâtre, et je ne cessais de m’interroger au sujet de chaque mec israélien : participait-il à torturer, à descendre ou à humilier des Palestiniens ? Mon aliénation de la société israélienne atteignit un tel degré qu’elle me devint difficile à supporter.

Et puis, aussi, je redoutais de connaître le sort d’une jeune fille que je connaissais, Ziva, qui avait été assassiné en Cisjordanie. Elle avait un petit ami palestinien, d’Hébron, qu’elle souhaitait épouser. Il fut accusé du crime, mais sachant à quel point le recours à la torture pour obtenir des « aveux » était fréquent, je doute qu’il eût été l’assassin. Plusieurs pièces à conviction, dans cette affaire, suggéraient que l’assassin était plus vraisemblablement un Israélien. De plus, Ziva m’avait dit que sa famille l’avait menacée de la tuer si elle ne mettait pas un terme immédiatement à la fréquentation de son petit ami palestinien. Je commençais alors à être inquiète : non seulement je risquais de me faire descendre, mais si cela devait advenir, n’importe lequel de mes amis risquerait de se faire accuser.

Aussi décidai-je d’émigrer. Comme je possédais un passeport britannique, et comme l’anglais était la seule langue que je connusse, la Grande-Bretagne fut tout naturellement ma destination. Lors de ma dernière visite dans la bande de Gaza avant mon départ d’Israël, je fus brutalement extraite d’un taxi, à un barrage routier. Des officiers israéliens me dirent, dans un premier temps, qu’il était illégal, pour les Israéliens, de prendre les taxis palestiniens. Ayant repoussé cette ineptie, ils me posèrent des tas de questions sur les personnes que j’avais rencontrées. Je ne pus dissimuler le mépris que je ressentais à leur endroit, et je refusai de leur dire quoi que ce fût (bien que je j’eusse été certaine qu’ils savaient tout, dans les moindre détails, au sujet de chacune de mes visites, par le passé). Ils m’emmenèrent au poste de Khan Younis, où l’on menaça de me torturer. Je savais, par les prisonnières, qu’il s’agissait là d’une pratique courante, dans la bande de Gaza, mais, étant donné la politique raciste israélienne, une Israélienne comme moi était relativement protégée. De fait, ils ne me mirent même pas en cellule. En revanche, ils m’ont expulsée de la bande de Gaza, si bien que je fus dans l’incapacité d’aller voir tous ceux qui m’y attendaient.

Des mois après mon immigration en Grande-Bretagne, éloignée de tout engagement politique, je reçus une lettre d’une députée à la Knesset, Tamar Gojanski. Elle avait été informée, par la police israélienne, du fait qu’une plainte avait été déposée à mon encontre, au motif que j’étais entrée clandestinement dans Khan Yunis. Personne, et moi encore moins, ne savait qu’il y avait de quelques restrictions à cela.

Je ne voulais qu’une seule chose : reconstruire ma vie ; aussi, je ne repris aucun engagement politique durant un certain temps. J’avais besoin d’une pause. J’étais une réfugiée privilégiée. J’avais dû quitter des gens qui m’étaient très chers, mais j’avais fui vers un confort relatif. A nouveau, j’appréciais le cinéma, le théâtre, la musique et les balades. En particulier, j’appréciais d’avoir des temps de loisir, la chance de faire la cuisine et de manger de manière correcte, et aussi de pouvoir danser. La vie était redevenue joyeuse.

Les Accords d’Oslo m’ont prise par surprise, et ils n’ont fait que me décourager encore un peu plus de reprendre le combat politique. Ma première déclaration publique sur ces accords, je la fis, en tant que conférencière, durant un séminaire d’une journée à l’Université St Andrew. Tout le monde jubilait ; sauf moi. Le fait d’être la seule à critiquer les accords d’Oslo m’a rendue très peu populaire, ce jour-là. J’avais l’impression de gâcher la fête. Néanmoins, je mis en garde sur le fait que les accords d’Oslo allaient paver la voie vers l’apartheid. J’avertis : le seul rôle qu’Israël allait autoriser les Palestiniens à jouer serait celui de flics chargés de faire taire les protestations des Palestiniens.

En privé, j’avertis alors le représentant palestinien officiel à ce séminaire qu’Israël allait forcer l’Autorité palestinienne à devenir un organe répressif qui pratiquerait la torture, exactement comme l’Armée du Liban Sud. Les organisateurs du séminaire promirent d’en publier les actes. Mais après des mois de tergiversations, ils reconnurent que tel ne serait pas le cas. Je compris que le représentant officiel israélien avait mis des bâtons dans les roues, mais je n’étais pas certaine que ce fût là l’unique raison. On me donna, par la suite, la possibilité de soumettre un résumé de mon intervention à la revue The Chartist, sous le titre « Paver la voie vers l’apartheid » [« Paving the way to apartheid »], qui fut publié dans le numéro 156 (septembre-octobre 1995).

Je renouai avec l’engagement politique, à feu doux. Cela, jusqu’au début de la nouvelle Intifada, en septembre 2000 ; dès le début, Asil Asleh, le fils d’une amie très proche, fut battu à coups de crosse de fusil d’assaut, puis abattu d’une balle dans le cou nuque, à bout portant. Cela s’est passé au cours d’une manifestation dans son village, en Galilée [et donc PAS dans les territoires occupés, ndt], Arrabéh, le 3 octobre 2000. Il se vida de son sang, bloqué à un barrage routier israélien, sur le chemin de l’hôpital, où il mourut peu après son arrivée. L’hôpital enregistra son admission sous la rubrique : « soins à un ennemi ». Je me rappellerai toute ma vie ce jour où Asil n’avait que quelques mois et où sa mère Jamilah, tandis qu’il était endormi, était allé à l’épicerie, juste en bas de chez elle, pour acheter quelque chose, et qu’elle se retrouva fermée dehors. Sans perdre une minute, elle monta à la terrasse de leur immeuble, qui avait quatre étages, puis elle sauta sur leur balcon, quelques mètres au-dessous. Et elle se cassa les deux jambes, prouvant qu’elle n’était pas une superwoman, en définitive… Et pourtant, elle s’était trainée sur le sol, les deux jambes brisées, pour vérifier que son cher petit ne courait aucun danger, avant d’appeler à l’aide. Nous étions émerveillés par son courage et son dévouement maternel, mais ces louanges la faisaient rire, comme si elles eussent été sans objet.

Jamilah me demanda de tout faire afin que le triste sort de son fils soit connu dans le monde entier. Elle me dit que la mort de son fils devait être montrée, afin de faire en sorte que la vie d’autres jeunes soit épargnée. Je contactai des journalistes et même des ministres britanniques, ainsi que tous les contacts que je pouvais bien avoir. Ma courte lettre fut publiée dans The Guardian le 13 octobre 2000. Le Foreign Office me demanda davantage de détails, mais, l’un dans l’autre, les horreurs qui ne cessaient de se multiplier et d’être connues, en Palestine, ne suscitèrent que peu de condamnations. Des centaines de Palestiniens furent tués, et des milliers d’autres blessés, durant les mois qui suivirent l’exécution d’Asil.

En dépit de ma rage et de ma frustration devant le deux poids – deux mesures qui est appliqué dès lors que c’est Israël qui viole les droits de l’homme, j’ai lancé un certain nombre de campagnes, et j’en ai assisté d’autres. Je me sentais dans l’obligation de la faire, en tant qu’Israélienne, exactement de la même manière dont j’aurais attendu de tout Allemand décent, sous le nazisme, de faire tout ce qui était en son pouvoir afin d’aider les victimes de ce régime. Je portais un fardeau supplémentaire : celui de savoir ce dont les Israéliens sont capables, en matière de répression. Beaucoup d’Israéliens, et pas seulement les colons, considèrent que les Palestiniens ne méritent pas de vivre ; ils ont l’arsenal qui leur permet de corriger la balance démographique, et ils ont un système juridique qui autorise la torture et les assassinats.

Depuis la seconde Intifada, je vis dans les rues des camps de réfugiés, de manière virtuelle : le cyberespace rend cela tout-à-fait réaliste. Le paysage paisible que découvre depuis ma maison réelle, avec sa pelouse verdoyante, ses chênes et un petit lac, me semblent bien moins réels que l’occupation israélienne. J’ai peur de reconnaître les noms de certaines des victimes. Mes pensées errent, d’une question à une autre. Comment survivent-ils aux bombardements israéliens incessants, avec leurs maisons très fragiles, bien incapables de leur assurer la moindre protection ? Ayant aucun abri où se réfugier, quelle n’est pas la terreur de leurs enfants ? Leur traumatisme pourra-t-il être surmonté ? Comment réussissent-ils à vivre dans leurs pièces surpeuplées, dont chacune abrite parfois plus de vingt personnes, avec les frêles vieillards, les bébés réclamant la tétée et les blessés ? Comment supportent-ils la faim ? Les enfants continuent-ils à aller à l’école, ou bien assiste-t-on à la fabrication d’une nouvelle génération d’illettrés ? Je sais que, pour la plupart d’entre eux, les simples sonorités de l’hébreu est aussi douloureux que l’a été l’allemand, pour mes parents. Les survivants de la brutalité israélienne auront-ils plus de facilité à pardonner aux Israéliens leur complicité avec ces atrocités que n’en ont eue mes parents à pardonner aux Allemands ?

L’impérieuse nécessité de partager la vérité que je ressens avec quiconque veut bien m’écouter est parfois un fardeau trop lourd à porter. Mais je continue, sachant que les témoignages et les appels d’une Israélienne ont davantage de chances d’être écoutés. Le fait qu’il y ait si peu de gens prêts à prendre la parole pour faire campagne contre les crimes de guerre israéliens ne font qu’augmenter ma responsabilité. Cernée par les mânes des victimes oubliées jetées dans la fosse commune du Pont de Bnot Yakov, qui ont disparu sans laisser de trace, je ne veux pas ajouter encore une source supplémentaire de culpabilité, aussi je continue, en dépit de la frustration et de l’épuisement. J’ai le sentiment que si j’agis maintenant, je serai peut-être en mesure de contribuer à dissuader Israël de procéder à sa solution finale, le transfert des Palestiniens de tous les territoires qu’il contrôle, combiné au génocide de ceux qui refuseraient de partir.

Le futur pourrait-il s’avérer meilleur ?

Il y a un rayon d’espoir : cette petite poignée d’Israéliens qui, au début de 2001, ont commencé à assumer un rôle plus direct dans leur soutien aux Palestiniens. Ils ont commencé à saboter activement la politique d’enfermement qui vise à affamer les Palestiniens dans les zones visées, et à faire obstacle à la destruction de maisons palestiniennes. Cela me donne l’espoir qu’au moins, il y a des Israéliens qui sont prêts à mettre en cause leur confort personnel pour sauver des vies palestiniennes. Enfin, voici que des Israéliens estiment que la vie d’un Palestinien est aussi précieuse que la leur. De fait, il ne s’agit là que d’une infime minorité, et étant donné que cette minorité est d’une ampleur négligeable, Israël ne va vraisemblablement pas exiger qu’ils risquent leur vie, comme le firent des Allemands courageux. Le gouvernement israélien peut continuer à compter sur les sentiments anti-palestiniens que partagent la plupart des Israéliens, dont un nombre croissant est favorable au transfert des Palestiniens, et à tous les moyens, quels qu’ils soient, permettant d’en faire une réalité.

Yael Oren KAHN
Printemps 2002
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
Publié par Al Aqsa - ISM - Palestine Solidarité.

Sources :
• Jiryis, Sabri, (1969) The Arabs in Israel 1948-1966, Institute for Palestine Studies, Beirut.
• Bober, Arie (ed.) (1972), The Other Israel: The Radical Case Against Zionism, Anchor Books, Doubleday & Co, Garden, NY.
• Kahn, Yael (1995), "Paving the way to apartheid", Chartist, issue #156 September-October 1995, Chartist Publication, London.

Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.