13 juin 2009

Réactions au discours de Obama


Le discours de Barack Obama analysé par des Israéliens contre la colonisation de la Palestine :

• Uri AVNERY
- 04/06/2009, Obama and Israel's true interests, MWC News.
- 09/06/2009, The Tone and the Music, Gush Shalom - Daily Times - ContreInfo.

• Zvi BAR'EL
- 07/06/2009, The power of humility, Ha'aretz.
- 09/06/2009, Egypt, Saudis threaten to rescind Arab peace plan, Ha'aretz.
- 12/06/2009, Week in review/ after Cairo, The National Newspaper.
In Haaretz, Zvi Bar'el said: "Obama is a political philosopher who seeks to forge a new constitution of international politics that can replace the old paradigm, which drew a line separating Islam from the West. The old paradigm also built the temples of Orientalism, where the Middle East was researched as a holding area of natives, which attributed wisdom to the West and backwardness to 'Islam,' and juxtaposed a West of diplomatic finesse and honest handshakes with an Islam of fraud and violence.
Obama, as he explained in a press interview, removed the masks in Cairo. No one is absolutely right and there are no clear villains. There are no good and bad religions."

• Akiva ELDAR
- 04/06/2009, Obama put Arabs and Israel on an equal footing, Ha'aretz.
- 05/06/2009, Obama's Cairo speech signals end of the 9/11 era, Ha'aretz.
- 12/06/2009, Obama’s Cairo’s speech: A compilation of views, Webdiary.
Obama left Egypt with two tablets of the commandments - one for Jews and the other for Muslims. He left no room for doubt: An Israel that continues to discriminate against Palestinians and prevent them from exercising their rights to self-determination and freedom of movement cannot expect affirmative action from the US.
Obama placed violence against Israel on a par with the settlements and the humiliation of Palestinians in the territories. He spoke in the same breath about the struggle of Palestinians who lost their homes more than 60 years ago and the struggle of African slaves in the U.S. The Israelis could see themselves in the sentence that mentioned the apartheid state of South Africa.

• Gideon LEVY
- 05/06/2009, Future of Mideast is a domestic American issue, Ha'aretz.
- 05/06/2009, Obama emerged in Cairo as a true friend of Israel, Ha'aretz.
- 05/06/2009, Obama est un véritable ami d’Israël, AgoraVox selon Ha'aretz.
- 11/06/2009, Meanwhile, back in Israel, Ha'aretz.

• Tom SEGEV
- 07/06/2009, Obama's Buchenwald visit seen as balance to Cairo speech, Ha'aretz.

Lire aussi :
• Revue de presse (mise à jour le 12/06/2009), Monde en Question.
• Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine
• Bibliographie Palestine/Israël

Lettre du Hamas à Obama

A son Excellence le Président Barack Obama
Président des Etats-Unis d’Amérique

3 juin 2009

Cher Monsieur le Président,

Nous nous réjouissons de votre visite dans le monde arabe et l’initiative prise par votre administration pour combler les différents avec le monde arabo-musulman [1].

Une des plus anciennes sources de tension entre les États-Unis et cette partie du monde a été l’incapacité à résoudre le conflit israélo-palestinien.

Il est donc regrettable que vous ne puissiez pas visiter la bande de Gaza au cours de votre voyage au Moyen-Orient, et que ni vous, ni le secrétaire d’État George Mitchell ne soient venus pour entendre notre point de vue.

Nous avons reçu récemment de nombreuses visites de personnes de milieux très variés : des représentants du Congrès américain, des parlementaires européens, la commission Goldstone appointée par les Nations Unies, et des délégations sur le terrain telles que celles organisées par le groupe pacifiste américain Codepink.

Il est essentiel pour vous de visiter la bande de Gaza.

Nous avons récemment subi une brutale attaque israélienne de 22 jours. Amnesty International a fait observer que tous les morts ainsi que les destructions subis par Gaza au cours de l’invasion ne se seraient pas produits sans les armes fournies par les Etats-Unis et l’argent de ses contribuables.

Human Rights Watch a établi que le phosphore blanc qu’Israël a répandu sur une école, un hôpital, un entrepôt des Nations Unies, et des quartiers civils dans la bande de Gaza a été fabriqué aux États-Unis. Human Rights Watch en a conclu que l’utilisation par Israël de ce phosphore blanc était un crime de guerre.

Ne devriez-vous pas venir voir par vous-même comment Israël a utilisé vos armes et à quoi il a dépensé votre argent ?

Avant de devenir président vous avez été un éminent professeur de droit. Le gouvernement américain a également dit qu’il voulait favoriser la primauté du droit dans le monde arabo-musulman.

La Cour internationale de Justice a statué en Juillet 2004 que l’ensemble de la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est étaient des territoires palestiniens occupés et destinés à l’autodétermination palestinienne, et que les colonies de peuplement juives dans les territoires palestiniens occupés étaient illégales.

Pas un seul des 15 juges de la plus haute instance judiciaire dans le monde n’a divergé de ces principes.

Les principales organisations de défense des droits de l’homme dans le monde, Amnesty International et Human Rights Watch, ont publié des documents prenant position en faveur du droit des réfugiés palestiniens au retour et à l’indemnisation.

Chaque année, l’ Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, presque tous les pays du monde souteniennent ces principes afin de résoudre le conflit israélo-palestinien. Chaque année, la Ligue arabe renouvelle une proposition de paix sur la base de ces principes pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

Les principales organisations de défense des droits de l’homme comme Human Rights Watch ont également déclaré que le siège israélien contre Gaza est une forme de punition collective et est donc illégal en vertu du droit international.

Nous, le gouvernement du Hamas, sommes engagés à rechercher une solution juste au conflit et qui ne soit pas en contradiction avec la communauté internationale et l’opinion éclairée exprimée par la Cour internationale de Justice, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies et les organisations des droits de l’homme. Nous sommes prêts à engager toutes les parties sur la base du respect mutuel et sans conditions préalables.

Toutefois, notre engagement a besoin d’assister à un changement de paradigme qui ne commence pas seulement avec la levée du siège sur la bande de Gaza et la fin de toute construction et expansion de colonies, mais qui développe une politique d’équité basée sur la loi et les normes internationales vis à vis desquelles nous sommes engagés.

Encore une fois, nous vous souhaitons la bienvenue à Gaza, ce qui vous permettrait de constater par vous-même notre retour au point zéro [« ground zero »]. En outre, cela renforcerait la position des États-Unis et vous permettrait de vous exprimer avec une nouvelle crédibilité et une nouvelle autorité face à toutes les parties.

Très sincèrement votre,
Dr. Ahmed Yousef
Adjoint au Ministère des Affaires étrangères Ancien conseiller politique auprès du Premier ministre Ismaël Hanniya

Publié par Info-Palestine selon Institute for Public Accuracy.

[1] Quand les médias dominants reprennent à leur compte les expressions monde musulman ou monde arabo-musulman se rendent-ils comptent qu'ils font le jeu des mouvements politico-religieux panislamiques ?

11 juin 2009

Analyse du discours de Obama

Après avoir critiqué les mots monde arabo-musulman et monde musulman, que les commentateurs se plaisent à mettre abusivement dans la bouche de Barack Obama, et le paradigme du choc des civilisations, qui constitue la trame de son discours, cet article fait l'analyse politique de son contenu.

La traduction de référence du discours de Barack Obama fut réalisée selon la transcription publiée par America.gov.

Plan du discours de Barack Obama :
Introduction
1. L'extrémisme violent sous toutes ses formes
2. La situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe
3. Droits et responsabilités des États concernant les armes nucléaires
4. La démocratie
5. La liberté de religion
6. Les droits des femmes
7. Le développement et les opportunités économiques
Conclusion

Analyse statistique du discours de Barack Obama :


Introduction

L'introduction est particulièrement longue, la première quantitativement (26,82%), et elle contient le plus grand nombre d'occurrences liées à la religion (35,20%).
Barack Obama parle abondamment des «musulmans» (38,30%) et de l'«islam» (65,22%) en termes positifs car il souhaite réduire la «tension entre les États-Unis et les musulmans du monde entier». Il va plus loin en disant que «les tensions ont été nourries par le colonialisme» et par la «guerre froide qui s'est trop souvent déroulée par acteurs interposés».

Ce discours tourne incontestablement la page de l'idéologie qui soutendait la politique étrangère américaine depuis vingt ans (depuis le mandat de George H. W. Bush) et surtout pendant les huit années du mandat de George W. Bush.

Mais Barack Obama a prêché «un nouveau départ avec les musulmans»... sans expliciter ce que ce changement de doctrine modifiera concrètement. Il entend poursuivre la politique antérieure en Afghanistan et en Irak et il n'avance aucune proposition nouvelle sur la question de la Palestine.

Reconnaître l'erreur tragique du «combat du Bien contre le Mal», en proposant «le respect mutuel» entre «l'Amérique et l'islam», ne suffit pas pour inaugurer une nouvelle politique. Barack Obama, restant acquis au choc des civilisations, propose une paix absurde... aux musulmans parce que les États-Unis n'ont plus les moyens de poursuivre la guerre absurde contre l'islam.

Barack Obama, président de l'Empire en déclin, a réduit les ambitions géopolitiques des États-Unis à son pré-carré au Moyen-Orient et en Afghanistan. Il faut lire aussi son discours en creux en pointant ce qu'il omet de dire pas ou ce qu'il dissimule.

1. L'extrémisme violent sous toutes ses formes

Ce chapitre, le troisième quantitativement (15,36%), n'apporte rien de nouveau sur les objectifs de contrôle militaire et politique de l'Afghanistan et de l'Irak.

Barack Obama évite de prononcer le mot «terrorisme», qui fut le prétexte de la guerre contre l'Afghanistan, mais parle de manière alambiquée «de l'extrémisme violent sous toutes ses formes» en commençant par un mensonge : «l'Amérique n'est pas - et ne sera jamais - en guerre contre l'islam». C'est pourtant bien une croisade que George W. Bush a lancé en 2001.

Sur l'Afghanistan, Barack Obama reprend à son compte l'argumentaire de George W. Bush pour justifier la guerre : «les États-Unis ont donné la chasse à al-Qaïda et aux talibans». Pire encore, il est prêt à étendre la guerre au Pakistan, qui abrite des «éléments extrémistes déterminés à tuer le plus grand nombre possible d'Américains». Mais il ne rappelle pas que les groupes mercenaires se revendiquant de l'islam furent armés, instruits et payés par les États-Unis pour chasser l'armée soviétique de l'Afghanistan [1].

Sur l'Irak, Barack Obama paraît en retrait des objectifs de George W. Bush, mais il assume le choix de son prédécesseur en prétendant que le peuple irakien est «libéré de la tyrannie de Saddam Hussein». Une libération imposée par la destruction des infrastructures économiques, par le bombardement de la population, par l'occupation militaire et la mise en place d'un gouvernement dominé par les religieux chiites et sunnites. Belle exemple de l'imposition de la démocratie par les armes !

Sur Guantánamo, Barack Obama justifie l'usage d'une prison de non-droit au nom de «la peur et la colère [... ] provoquées» par «les événements du 11 Septembre». Argument dérisoire car les attentats du 11 septembre 2001 furent la conséquences de l'instrumentalisation des groupes islamistes en Afghanistan, au Pakistan, au Moyen-Orient et au Maghreb.

2. La situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe

Cet chapitre, le deuxième quantitativement (17%), n'apporte rien de nouveau sur l'absence de réel engagement des États-Unis pour une solution qui reconnaisse les droits des peuples israélien et palestinien.

Sur Israël, Barack Obama a réaffirmé les «liens solides qui unissent l'Amérique à Israël». Les gouvernements des États-Unis et d'Europe justifient tous les crimes des gouvernements d'Israël pour se faire pardonner d'avoir abandonné les Juifs entre 1933 et 1947.

Il n'a pas évoqué le fait que les gouvernements d'Israël n'ont jamais respecté les résolutions de l'ONU concernant la Palestine depuis 1948. Il n'a pas dit que l'occupation coloniale depuis 1967 était une la violation du droit international. Il n'a rien dit des crimes de guerre commis contre la population palestinienne à Gaza.

Sur la Palestine, Barack Obama a dénié le droit à la résistance du peuple palestinien. Il n'a pas dit un mot sur la violence de l'occupation, dénoncée par de nombreux Israéliens, mais a condamné celle de la résistance. C'est toujours le deux poids, deux mesures.

Il a réitéré le vœu pieux de la création d'un État palestinien. Vœu pieux quand on sait que les gouvernements israéliens ont toujours refusé cette solution en faisant à chaque fois monté les enchères :
Le Premier ministre israélien a répété plusieurs fois que les Palestiniens devaient reconnaître le caractère juif de l'État d'Israël, ce qui pourrait revenir à renoncer à un droit au retour des réfugiés palestiniens et leurs descendants.
Yahoo! Actualités [2]

Vœu pieux quand on sait que les gouvernements américains n'ont jamais usé de leur influence pour faire respecter le plan de partage voté par l'ONU en 1947.

L'analyse statistique révèle l'importance du facteur religieux - troisième en importance (16%) après l'introduction (35,20%) et le chapitre sur la religion (18,40%) - dans l'approche d'Obama de la question israélo-palestinienne. Elle reflète les obsessions religieuses du gouvernement israélien (application de la halakha - code de jurisprudence juive, notamment les lois sur le mariage et le divorce - à tous les Israéliens et reconnaissance du «caractère juif de l'État d'Israël») et celles du Hamas (application de la charia - code de jurisprudence musulmane - à tous les Palestiniens).

3. Droits et responsabilités des États concernant les armes nucléaires

Ce chapitre très court (5,46%) est néanmoins le plus important car il précise le tournant politique des États-Unis au Moyen-Orient, tournant qui impliquent surtout l'Iran et Israël.

C'est en des termes alambiqués que Barack Obama a parlé de l'Iran. En quelques mots, il a effacé trente années de conflits avec la république islamique instituée par l'ayatollah Khomeini. Il a avoué, en passant, que «les États-Unis ont joué un rôle dans le renversement d'un gouvernement iranien démocratiquement élu» [3].

À propos du «Traité de non-prolifération nucléaire», il a souhaité «que tous les pays de la région pourront partager cet objectif». Ce qui implique directement Israël, qui n'a jamais annoncé publiquement posséder l'arme nucléaire et qui n'a pas signé le traité.

Obama ne dit rien sur les autres pays, ceux qui n'ont pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire (Inde, Israël et Pakistan) et celui qui s'est retiré (Corée du Nord en janvier 2003).

On voit bien que l'essentiel du discours de Barack Obama concerne le Moyen-Orient et, plus précisément, l'Iran et Israël. Le lien entre la question israélo-palestinienne avec la question nucléaire iranienne a été analysé par Philippe Grasset :
La question de la divergence des "intérêts stratégiques" entre USA et Israël implique que l'administration Obama n'accepte plus la division dramatique et habile que les Israéliens ont toujours fait. D'une part, la question israélo-palestinienne, avec les chicaneries sans fin des implantations, qui est un marais où se perd l'énorme importance de la situation générale du Moyen-Orient avec la question nucléaire iranienne, où Israël peut arguer sans fin et embrouiller le cas dans les arcanes de discussions byzantines, d'où il sortira toujours vainqueur face aux Palestiniens, grâce à la puissance de sa pression et de sa politique brutale. D'autre part la question de l'Iran nucléaire isolée de son contexte, où Israël peut arguer dramatiquement de la "menace existentielle" contre lui, où le sentiment exacerbé et entretenu dans son exacerbation comme l'on sait, écarte la fermeté de la raison. En liant les deux (linkage), on éclaire l'aspect irresponsable et partisan de la politique israélo-palestinienne des implantations et on relative l'argument iranien, aussi bien le soi disant destin tragique d'Israël ("menace existentielle") que les véritables intentions iraniennes qui sont dégagées des incantations extrémistes. En d'autres mots, on élargit la question de la sécurité d'Israël à la question de la sécurité collective de la région, où est naturellement incluse la question de la sécurité d'Israël.
Dedefensa

4. La démocratie

Ce chapitre court (6,43%) n'apporte rien de nouveau sinon cette phrase «aucun système de gouvernement ne peut ou ne devrait être imposé par un pays à un autre», qui annule la légitimité de la guerre de libération contre l'Irak.

Barack Obama ne dit rien sur les régimes des pays du Moyen-Orient, notamment de l'absence de démocratie des pays soutenus par les États-Unis : Arabie saoudite (monarchie absolue), Bahreïn (monarchie pétrolière), Égypte (Mohammed Hosni Moubarak réélu par référendum depuis 1981), Émirats arabes unis (sept émirs non élus dirigent le Conseil suprême), Jordanie (monarchie constitutionnelle qui légalisa les partis politiques en 1992), Koweït (monarchie pétrolière), Oman (monarchie pétrolière), Qatar (monarchie pétrolière).

5. La liberté de religion

Ce chapitre court (6,22%) apporte une idée nouvelle par rapport à la longue introduction consacrée à la religion en générale et à l'islam en particulier : «il faut aussi mettre fin aux divergences entre les musulmans, car les divisions entre les sunnites et les chiites ont provoqué des violences tragiques.».

Cet appel, venant du président des États-Unis et non d'une autorité religieuse, paraît totalement décalé. Seule la dernière partie est de nature politique : «il faut aussi mettre fin aux divergences entre les musulmans, car les divisions entre les sunnites et les chiites ont provoqué des violences tragiques, tout particulièrement en Irak».

Barack Obama supporte l'absence de démocratie au Moyen-Orient, mais ne supporte pas les divisions religieuses qui ont compliqué l'occupation de l'Irak.

6. Les droits des femmes

Ce chapitre, le plus court (4,22%), fait partie de la novlangue du politiquement correct.

Barack Obama innove pourtant en rappelant ce que la gauche française semble ignorer à savoir que «En Turquie, au Pakistan, au Bangladesh et en Indonésie, nous avons vu des pays à majorité musulmane élire une femme à leur tête, tandis que la lutte pour l'égalité des femmes continue dans beaucoup d'aspects de la vie américaine, et dans les pays du monde entier.»

Quant à la question du voile, qui obséde les médias franco-français, Obama a remis les pendules à l'heure par deux fois :
«il importe que les pays occidentaux évitent d'empêcher les musulmans de pratiquer leur religion comme ils le souhaitent, par exemple, en dictant ce qu'une musulmane devrait porter. En un mot, nous ne pouvons pas déguiser l'hostilité envers la religion sous couvert de libéralisme.»

«Je rejette l'opinion de certains selon laquelle une femme qui choisit de se couvrir la tête est d'une façon ou d'une autre moins égale, mais j'ai la conviction qu'une femme que l'on prive d'éducation est privée d'égalité.»

7. Le développement et les opportunités économiques

Ce chapitre, le quatrième quantitativement (9,75%), fait partie de la novlangue du économiquement correct sur le thème de la mondialisation.

Barack Obama innove pourtant en associant la religion à l'économie. L'occurrence «musulman» est la seconde en importance (21,28%). Il conclue d'ailleurs ce chapitre par cette phrase ahurissante : «Les Américains sont prêts à se joindre aux citoyens et gouvernements, aux organisations communautaires, aux dirigeants religieux et aux entreprises dans les communautés musulmanes du monde entier afin d'aider nos populations à améliorer leur vie.»

Conclusion

La conclusion est plus dense (8,73%) que les chapitres sur l'Iran (5,46%), la démocratie (6,43%), la religion (6,22%) et les femmes (4,22%). Elle vient en quatrième position pour le nombre d'occurrences liées à la religion (10,40%).

Barack Obama conclue logiquement son discours par des citations du Coran («Saint Coran»), du Talmud et de la Bible et par une salutation œcuménique «Je vous remercie et que la paix de Dieu soit avec vous.».

Tous ces trémolos sur le thème "aimons-nous les uns les autres", utilisé par Marie-Ségolène Royal pendant sa campagne à l'élection présidentielle de 2007, masquent l'absence de moyens pour changer l'ordre du monde.

L'Empire n'a plus les moyens de sa politique :
Pour un ensemble tel que le Pentagone, totalement improductif, constamment en état de dépassement de ses prévisions, vivant dans le gaspillage et l’absence complète de maîtrise de ses dépenses budgétaires, bref dans un état d’absence complète de contrôle de soi-même, passer de $634 milliards (chiffre nominal, en réalité destiné à être dépassé si l’on s’en tient aux habitudes établies depuis 2001, où les dépenses de fonctionnement et les dépenses opérationnelles sont mélangées sans contrôle) à $440 milliards en quatre ans signifie des contraintes extraordinaires sur les acquisitions et les processus bureaucratiques. Une telle programmation ne peut être obtenue par de simples mesures de rationalisation et de rentabilisation, de simples décisions de freinage d’équipements voire même d’abandons de programmes, etc. Si une telle programmation doit être tenue, elle supposera inéluctablement des réductions très importantes dans d’autres domaines, essentiellement dans les domaines de l’activité opérationnelle du Pentagone. Cela pose donc la question de savoir si les USA pourront continuer la politique d’engagement outre-mer de leur puissance militaire, qui pèse d’un fardeau considérable sur le budget; certes, poser la question dans les conditions où on le fait, c’est y répondre, et négativement cela va de soi.
Dedefensa

En réduisant les ambitions des États-Unis au Moyen-Orient, Barack Obama a amorcé un tournant politique. Aura-t-il le temps, le soutien du Congrès et surtout celui des Américains (la campagne pour l'élection de 2012 a déjà commencé) ou sera-t-il emporté par la poursuite de la guerre en Afghanistan, par le retrait de l'Irak, par l'inflexibilité des gouvernements israéliens ou iraniens ?

Serge LEFORT
10/06/2009

[1] Sélection bibliographique :
• BIARNÈS Pierre, Pour l'empire du monde - Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine, Ellipses, 2003
• COOLEY John K., CIA et Jihad 1950-2001 - Contre l'URSS, une désastreuse alliance, Frontières, Autrement, 2002.
• FAURE Michel et PASQUIER Sylvaine, Washington-Islamistes Liaisons dangereuses, L'Express, 2001.
[2] Revue de presse :
Au lendemain de son discours historique du Caire, le président américain Barack Obama a appelé vendredi la communauté internationale à redoubler d'efforts en faveur de la création d'un État palestinien au côté d'Israël. "Le moment est maintenant" venu "pour nous d'agir", a-t-il dit à l'issue d'un entretien en privé à Dresde avec Angela Merkel.
[...]
Barack Obama a observé que les États-Unis ne pouvaient pas contraindre les parties au Proche-Orient à la paix.
[...]
Barack Obama a annoncé que l'émissaire spécial pour le Proche-Orient George Mitchell allait retourner dans la région la semaine prochaine, dans le sillage de son discours du Caire, au cours duquel il a appelé les dirigeants israéliens et palestiniens à progresser sur le chemin de la paix.
Yahoo! Actualités
Au premier jour de sa nouvelle mission dans la région, le représentant spécial américain au Moyen-Orient, George Mitchell, a redit le souhait du président Barack Obama de voir la colonisation juive cesser et Israël accepter l'idée d'un État palestinien indépendant.
[...]
George Mitchell doit rencontrer dans la journée Benjamin Netanyahu, auquel le président Barack Obama a réitéré la veille au téléphone certains éléments du discours qu'il a prononcé jeudi au Caire sur le gel des colonies et l'avènement d'un État palestinien, ainsi que "son engagement à garantir la sécurité d'Israël".
Yahoo! Actualités
Le Premier ministre israélien a répété plusieurs fois que les Palestiniens devaient reconnaître le caractère juif de l'État d'Israël, ce qui pourrait revenir à renoncer à un droit au retour des réfugiés palestiniens et leurs descendants.
[...]
Barack Obama presse Israël d'arrêter les constructions dans les implantations juives de Cisjordanie et relancer les pourparlers de paix en soutenant la création d'un État palestinien, ce que Benyamin Nétanyahou s'est abstenu jusqu'ici de faire.
[...]
Ces jours-ci, les éditorialistes israéliens annoncent que Nétanyahou va droit au clash avec Washington, citant des conseillers anonymes du Premier ministre qui disent penser que Barack Obama veut la tête de leur patron.
Yahoo! Actualités
George Mitchell a précisé que Washington était en quête d'"une paix régionale globale qui n'implique pas seulement Israël et les Palestiniens, mais aussi les Syriens, les Libanais et tous les pays environnants [Iran]".
Yahoo! Actualités
[3] Lire l'analyse de Philippe Grasset : Obama et la chute de Mossadegh en 1953, Dedefensa.

9 juin 2009

Choc des civilisations

Après avoir critiqué les mots monde arabo-musulman et monde musulman, que les commentateurs se plaisent à mettre abusivement dans la bouche de Barack Obama et avant de faire l'analyse politique de son discours, cet article critique le paradigme qui en constitue la trame à savoir le choc des civilisations.

Dans le discours que Barack Obama a prononcé le 4 juin à l'université du Caire, 125 occurrences sont de nature religieuses : 47 fois "musulman", 23 fois "islam", 21 fois "religion" ou "religieux" et "religieuse", 9 fois "juif", 7 fois "Dieu", 6 fois "chrétien", 4 fois "Coran" (dont 3 fois "Saint Coran"), 1 fois "Abraham", "Bible", "Israh", "Jésus", "Mohammed", "Moïse" et "Torah".

Obama ne cite pas explicitement la thèse de Samuel Huntington, mais s'y réfère trois fois :
Les relations entre l'islam et l'Occident se caractérisent par des siècles de coexistence et de coopération, mais aussi par des conflits et des guerres de religion.
Car l'histoire de l'humanité est trop souvent le récit de nations et de tribus - et admettons-le, de religions - qui s'asservissent en visant leur propre intérêt.
Certains veulent attiser les flammes de la division et entraver le progrès. Certains suggèrent que ça ne vaut pas la peine ; ils avancent qu'il y aura fatalement des désaccords et que les civilisations finissent toujours par s'affronter.
America.gov

Il adhère implicitement à cette thèse en s'adressant aux «musulmans» et non aux Afghans, aux Irakiens, aux Iraniens, aux Palestiniens. Cette perspective est lourde de sens car les "guerres civilisationnelles" sont, pour Huntington, des guerres de religion. Sa thèse fut la base idéologique de la guerre contre le terrorisme, apparentée à une croisade contre l'islam, menée par l’administration américaine de George W. Bush.

Loin de s'affranchir de cette vision réactionnaire, Barack Obama la reprend à son compte en proposant «un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier». On pourrait comprendre que le pape, par exemple, propose la paix entre les chrétiens d'obédience catholique et les musulmans, mais que cette proposition vienne du président des États-Unis est un non-sens.

En se plaçant sur ce terrain, Barack Obama fait de la religion le moteur des conflits économiques, politiques et sociales. Or, les conflits, qualifiés de «religieux», sont des conflits entre peuples et nationalités dont la religion n'est qu'un prétexte idéologique. Les affrontements entre Anglais et Irlandais, entre Serbes et Croates, entre Arméniens et Azéris ne visent pas la conversion de l'adversaire, mais le contrôle économique et politique de territoires.

Barack Obama a trouvé les mots pour dire qu'il voulait «combattre les stéréotypes négatifs de l'islam où qu'ils se manifestent», stéréotypes que George W. Bush avait répandu au nom du «combat du Bien contre le Mal» :
Dans un passé relativement plus récent, les tensions ont été nourries par le colonialisme qui a privé beaucoup de musulmans de droits et de chances de réussir, ainsi que par une guerre froide qui s'est trop souvent déroulée par acteurs interposés, dans des pays à majorité musulmane et au mépris de leurs propres aspirations.
Féru d'histoire, je sais aussi la dette que la civilisation doit à l'islam. C'est l'islam - dans des lieux tels qu'Al-Azhar -, qui a brandi le flambeau du savoir pendant de nombreux siècles et ouvert la voie à la Renaissance et au Siècle des Lumières en Europe. C'est de l'innovation au sein des communautés musulmanes - c'est de l'innovation au sein des communautés musulmanes que nous viennent l'algèbre, le compas et les outils de navigation, notre maîtrise de l'écriture et de l'imprimerie, notre compréhension des mécanismes de propagation des maladies et des moyens de les guérir. La culture islamique nous a donné la majesté des arcs et l'élan des flèches de pierre vers le ciel, l'immortalité de la poésie et l'inspiration de la musique, l'élégance de la calligraphie et la sérénité des lieux de contemplation. Et tout au long de l'histoire, l'islam a donné la preuve, en mots et en actes, des possibilités de la tolérance religieuse et de l'égalité raciale.
America.gov

Barack Obama n'a pas trouvé les mots pour exprimer des regrets vis-à-vis des nations ou des peuples contre lesquels les gouvernements américains ont mené depuis vingt ans une guerre qui se voulait sans fin.
Il ne s'est pas adressé au peuple afghan, qui paye chèrement le renversement d'alliance entre les États-Unis et les groupes islamiques qui, en Afghanistan et au Pakistan, ont lutté contre l'occupation soviétique [1].

Il ne s'est pas adressé au peuple irakien, victime des deux guerres conduites par les Bush père et fils, victime d'un embargo qui dura douze ans (1,5 million d'enfants morts de malnutrition et atteints de malformations), victime des raids punitifs décidés par Bill Clinton et victime d'une "libération" qui a renversé le régime laïque de Saddam Hussein pour donner le pouvoir aux religieux (chiites et sunnites).

Il ne s'est pas adressé au peuple palestinien, qui paye la facture du génocide de six millions de Juifs perpétré par le régime nazi grâce au silence des gouvernements européens et anglo-américains. La «relation immuable», qui «unit l'Amérique à Israël», condamne un peuple à vivre dans la prison à ciel ouvert de Gaza-Guantánamo parce qu'il a le tort de résister à l'occupation coloniale et de revendiquer l'application du droit international.

Le discours de Barack Obama est celui d'un musulman-chrétien [2] s'adressant aux musulmans du monde entier et non du président des États-Unis. En plus de croire en Dieu (affaire normalement privée), Obama croit au choc des civilisations, c'est-à-dire qu'il croit que la religion est l'explication de tous les conflits économiques, politiques et sociaux, et a prêché «un nouveau départ avec les musulmans»... sans expliciter les moyens.

Serge LEFORT
08/07/2009

[1] Les puissances occidentales, en premier lieu les États-Unis, ont armé, instruit et payé des groupes mercenaires se revendiquant de l'Islam pour faire la guerre contre l'occupation soviétique de l’Afghanistan. Ironie de l'histoire, les amis d'hier sont devenus les ennemis d'aujourd'hui, notamment le mythique Oussama Ben Laden trahi par son ami Bush.
• BIARNÈS Pierre, Pour l'empire du monde - Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine, Ellipses, 2003
• COOLEY John K., CIA et Jihad 1950-2001 - Contre l'URSS, une désastreuse alliance, Frontières, Autrement, 2002.
• FAURE Michel et PASQUIER Sylvaine, Washington-Islamistes Liaisons dangereuses, L'Express, 2001.
[2] «Je suis chrétien, mais mon père était issu d'une famille kényane qui compte des générations de musulmans. Enfant, j'ai passé plusieurs années en Indonésie où j'ai entendu l'appel à la prière (azan) à l'aube et au crépuscule. Jeune homme, j'ai travaillé dans des quartiers de Chicago où j'ai côtoyé beaucoup de gens qui trouvaient la dignité et la paix dans leur foi musulmane.»
America.gov

8 juin 2009

Monde musulman

Après avoir écrit le précédent article, j'ai fait une recherche sur l'occurrence monde arabo-musulman et j'ai été surpris de constater que cette expression était le lieu commun des médias français non seulement pro-israéliens, mais aussi pro-palestiniens et encore des médias francophones du Maghreb [1]. C'est dire combien le langage des médias dominants pervertie tout le monde ou presque...

Dans le discours que Barack Obama a prononcé le 4 juin à l'université du Caire, l'occurrence "monde musulman" est utilisée 1 fois et dans un contexte historique :
Depuis plus de mille ans, Al-Azhar est un haut lieu de transmission du savoir dans le monde musulman et, depuis plus d'un siècle, l'université du Caire est une source de progrès pour l'Égypte.

Alors que Barack Obama s'est adressé aux musulmans du monde entier les médias traduisent au monde musulman comme si les deux termes étaient équivalents [2].


Du VIIe au XVe siècle, le monde musulman est une réalité historique qui résulte des conquêtes arabes au Moyen-Orient, en Asie centrale, au Maghreb et en Espagne. L'âge d'or de la civilisation musulmane dure deux siècles (VIIIe et IXe).

Au XXe siècle, les mouvements nationalistes arabes ont tenté de construire une arabité, unité arabe fondée sur un héritage culturel, en mettant au pas les mouvements sociaux mais sans réussir à s'affranchir du poids de la religion.

Aujourd'hui, le monde musulman - la communauté musulmane (oumma) - est une construction religieuse plus fantasmatique que réelle. Les clivages, dus aux hétérodoxies (sunnisme, chiisme, wahhabisme, soufisme, etc. [3]), aux rivalités ethniques, sociales et politiques sont des facteurs de division incontournables.

Parler du monde musulman revient donc à donner crédit aux mouvements politico-religieux panislamiques qui revendiquent l'unité de toutes les communautés musulmanes dans le monde.

Serge LEFORT
07/06/2009

[1] Revue de presse :
• Les musulmans ne doivent pas oublier ce qui reste à faire pour que le monde arabo-musulman ne prête pas le flanc et tienne sa vraie et digne place dans le [...]
Bellaciao
• [...] américain prononcé jeudi au Caire le qualifiant d'"équilibré, de respectable et de fondateur d'une relation positive" avec le monde arabo-musulman [...]
El Moudjahid
• A côté de l'Arabie Saoudite, l'autre allié de Washington dans le monde arabo-musulman est l'Egypte. Ce pays à la charnière de l'Afrique et de l'Orient [...]
Walf Fadjri
• [...] la poursuite de la colonisation israélienne "viole les accords passés et nuit aux efforts de paix", lors d'un discours adressé au monde arabo-musulman [...]
El Moudjahid
• [...] sur la politique des Etats-Unis à l'égard du monde arabo-musulman, assurant que l'Islam faisait partie intégrante de la civilisation des Etats-Unis [...]
Palestine Solidarité
• [...] premier pays à avoir reconnu l'indépendance des Etats Unis, a déclaré le Président Obama dans son premier discours à l'adresse du monde arabo-musulman [...]
Le Matin.ma
• [...] a lancé à l'université du Caire le Président américain, Barack Obama, dans un discours tant attendu par le monde arabo-musulman [...]
Le Matin.ma
• Comme l'explique Ahmed Ben Bella, cette centralité de la Palestine est encore plus importante dans le monde arabo-musulman dominé par l'impérialisme [...]
ISM
• Qu'en est-il pour ceux du monde arabo-musulman ? En choisissant l'Egypte pour y donner son premier discours au monde musulman, le président américain ne [...]
AFPS
[2] Revue de presse :
• Mais ce n'était pas le cas de l'opinion publique, et pas uniquement celle du monde musulman, qui s'est mobilisée dans les rues des capitales occidentales [...]
AFPS
• [...] de M. Obama à l'adresse du monde musulman, Mme Clinton a assuré que le président américain savait répondre à "l'appel de trois heures du matin" [...]
Le Figaro
• Ce n'est pas avec lui que la cause des femmes évoluera dans le monde musulman [...]
Le Point
• Mais il ne suffit pas de savoir si le discours va changer les choses mais plutôt quel écho il va avoir dans le monde musulman» Pour Hind Koury les premières [...]
Le Parisien
• [...] d'avoir le drame palestinien, en particulier sur le monde musulman, mais pas seulement, il ya un juste milieu, c'est-à-dire un minimum non déformant [...]
ISM
• Lors d'un discours à destination du monde musulman prononcé au Caire jeudi, le président américain a expliqué que le réglement du conflit entre Israéliens et [...]
Le Monde
• Concernant le discours du président américain Barack Obama prononcé jeudi au Caire à l'adresse du monde musulman, le prince Saoud Al Fayçal a dit attendre [...]
AFPS
• [...] le grand discours de Barack Obama adressé au monde musulman était un tissu de "slogans trompeurs" qui ne changeait rien aux relations entre les Etats-Unis et les musulmans [...]
leJDD.fr
• [...] Américain au Caire, destiné au monde Islamique, dans lequel il a appelé à ouvrir une nouvelle page entre les Etats-Unis d'Amérique et le monde musulman [...]
El-annabi
• L'objectif était que le discours du Caire à l'intention du monde musulman obtienne le même retentissement que le fameux discours de John Kennedy prononcé à [...]
Dernières Nouvelles d'Alsace
• C'est sans l'ombre d'un doute, un tournant, un discours fondateur pour la relance de la relation entre le monde musulman et l'Occident, confrontés à des [...]
Bellaciao
• Dans son discours au monde musulman, tenu jeudi 4 juin au Caire, le président des Etats-Unis s'est volontiers référé aux textes saints, louant sans réserve [...]
Le Monde
• Il faudra patienter avant de savoir si le monde musulman a vraiment le désir et la capacité de s'insérer dans un partenariat d'intérêts [...]
Courrier international
[3] Contrairement à la religion catholique, l'islam, du moins le sunnisme (environ 80% des musulmans), ne possède ni clergé - l'imam n'est pas un prêtre au sens strict mais un membre de la communauté musulmane qui conduit la prière - ni autorité suprême comme le pape.

7 juin 2009

Critique de la raison statistique

On parle sans arrêt des chiffres du chômage, des taux de croissance, des statistiques de la délinquance, de l’indice des prix, de l’évaluation des profs ou des ministres, des indicateurs de performance et même de la mesure du bien être… Les statisticiens, qui produisent ces chiffres, subissent une pression d’autant plus grande que la demande augmente, et qu’elle s’accompagne paradoxalement d’une méfiance à l’égard des résultats obtenus. Les chiffres du chômage, ceux de la délinquance sont régulièrement contestés. Contestés mais attendus à chaque fois avec impatience, tant les politiques publiques sont aujourd’hui gouvernées par ces instruments quantitatifs. Ajoutez à ce paradoxe le fait que les mesures, les méthodes de calcul, et à vrai dire peut-être la société elle-même, sont de plus en plus complexes, et que la maîtrise de l’information statistique constitue de plus en plus un enjeu pour le pouvoir en place, et vous comprendrez pourquoi les débats sur la pertinence, la fiabilité et la place des chiffres dans le gouvernement de nos sociétés sont aujourd’hui devenus un sujet aussi sensible.

L'économie en questions, France Culture.

Alain Desrosières
Historien de la statistique. Membre de l'Insee de 1965 à 2005. Il a publié La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique (La Découverte/Poche, 2000), Pour une sociologie historique de la quantification (Mines ParisTech, 2008), et Gouverner par les nombres (Mines ParisTech, 2008).

Pierre Concialdi
Economiste, a travaillé pendant plus de dix ans au CERC (Centre d’étude des revenus et des coûts) jusqu’à sa dissolution en 1994. Depuis 1995, il est chercheur dans un institut proche des syndicats.
Il a collaboré à l'ouvrage Le Grand truquage - Comment le gouvernement manipule les statistiques, publié sous le pseudonyme Lorraine Data aux éditions La Découverte.
Maîtriser l’information statistique a toujours constitué un enjeu pour les pouvoirs en place. Mais, depuis quelques années, la manipulation des chiffres s’est amplifiée. L’objectif du président de la République est désormais de contrôler au plus près l’information économique et sociale afin de justifier sa politique.

Pour le collectif d’auteurs à l’origine de cet ouvrage, la coupe est pleine : travaillant au cœur des organismes chargés de produire les données statistiques servant notamment à évaluer les effets de l’action gouvernementale dans divers domaines – pouvoir d’achat, emploi, chômage, heures supplémentaires, lutte contre la pauvreté, école, immigration, délinquance… –, ils n’admettent pas ces manipulations des chiffres. Multipliant les exemples précis, ils mettent à jour les procédés utilisés par le gouvernement : publications sur des thèmes « sensibles » annulées ou reportées, sélection de chiffres censés flatter l’action présidentielle, modification des indicateurs rendant compte de l’action gouvernementale, dénigrement de la qualité des données de ses propres services lorsqu’elles ne lui sont pas favorables, voire démantèlement plus ou moins discret des organismes chargés de la statistique publique.

La volonté collective des auteurs est de donner à tous les citoyens les clés leur permettant une lecture critique des informations concernant la nature et les résultats de la politique gouvernementale, afin de restaurer les conditions d’un réel débat démocratique.

Jean Gadrey
Professeur émérite d'économie à l'Université Lille 1, membre de la Commission Stiglitz.
Ses domaines de recherche sont la Socio-économie des services et Les nouveaux indicateurs de richesse, titres de deux livres récents publiés à La Découverte, coll. Repères. S'y ajoute le thème des inégalités, objet d'un essai En finir avec les inégalités (Mango, 2006). Il est membre du CNIS (Conseil National de l'Information Statistique).

Lire aussi :
• Pour en finir avec les sondages (1), Monde en Question.
• Pour en finir avec les sondages (2), Monde en Question.
• Bibliographie & Dossier documentaire Statistiques & Sondages, Monde en Question.