10 février 2010

L'Occident malade de l'Occident


BULARD Martine et DION Jack, L'Occident malade de l'Occident, Fayard, 2009 [Blog de Malakine - l'Humanité - Marianne].
L'Occident se vit aujourd'hui comme une citadelle assiégée. Miné de l'intérieur par une crise systémique, donc durable, voyant son leadership de plus en plus contesté, il se sent assailli par une multitude d'«ennemis» extérieurs. Vu à travers le prisme occidentalo-centriste, le monde se résume à un éternel affrontement entre «eux» — les Chinois, les Russes, les Arabo-musulmans... — et «nous». Singulière réécriture du passé, singulière lecture du présent.

L'élite oublie que l'Occident ne représente qu'une partie de l'humanité et que d'autres puissances, anciennes ou nouvelles, sont en droit de revendiquer une place sur l'échiquier mondial. Elle omet de rappeler que la domination occidentale n'a pas toujours existé. Elle ignore les échanges perpétuels entre civilisations, entre cultures, entre peuples, qui ont bâti les fondements d'une humaine civilisation dont personne ne peut revendiquer le monopole.

À travers un vaste panorama des événements internationaux de ces dernières années - de la crise géorgienne d'août 2008 à l'élection de M. Barack Obama, en passant par le retour de la France dans le giron de l'OTAN -, Martine Bulard et Jack Dion prennent à contre-pied le discours dominant. Au lieu de s'arc-bouter sur des mythes qui ont disparu avec le XXe siècle, il est temps, selon eux, de prendre acte de la nouvelle donne planétaire et de définir un nouvel universalisme. Car de quoi l'Occident est-il malade, sinon de lui-même ?

Le Monde diplomatique qui, comme l'éditeur, ne dit pas que Martine Bulard fut aussi rédactrice en chef de l'Humanité-Dimanche pendant dix ans.
Il m'est difficile de critiquer un livre dont je n'ai lu que l'introduction. Néanmoins, me dérangent le ton journalistique de l'ouvrage, qui brasse beaucoup de faits sans idée directrice, et surtout le manque de perspective historique. Focalisée sur l'actualité de la crise financière de septembre 2008, l'auteur oublie de la situer dans le temps long des cycles économiques.
Post-américain ou pas, le monde ne sera plus le même. On peut même dire qu'un bouleversement planétaire est en train de s'opérer. Quatre siècles durant, du XVIe au XXe siècle, les Européens ont imposé leur domination. Puis la fin du XXe siècle a été marquée par la toute puissance de l'empire américain, lequel pouvait alors rêver d'un univers redessiné selon ses codes, ses mœurs, ses valeurs, ses rites.

Cette période est révolue. Une nouvelle commence, symbolisée à la fois par la fin brutale de la contre-révolution néo-conservatrice et l'amorce de déclin des Etats-Unis, malgré la volonté de Barack Obama de redonner sa place perdue à l'Amérique.
Beaucoup d'analystes évoquent le basculement du monde. Comme 1492 est la date symbolique de la naissance du monde moderne, 2001 est la date symbolique de sa chute. En 1492, l'Europe s'élança à la conquête du monde avec la bible dans une main et l'épée dans l'autre. Le 11 septembre 2001, s'écroulèrent les deux tours du World Trade Center de New York symbole du modèle européen imposé par la colonisation aux autres peuples en Amérique, en Afrique et en Asie et de la domination américaine de l'économie mondiale.

Une autre histoire s'écrit par les colonisés d'hier : «Le monde a basculé et il est en passe de devenir multipolaire. Les Etats-Unis ont plus de difficultés à imposer leur leadership, y compris à l'égard de leurs plus proches alliés. La Chine, l'Inde, le Brésil et, d'une façon plus générale, les pays émergents revendiquent un nouveau partage du pouvoir, mettant en cause un système international qu'ils jugent périmé. [1

Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• BULARD Martine, Finance, puissances... le monde bascule, Le Monde diplomatique, Novembre 2008.
• La Chine va-t-elle dominer le monde ?, Alternatives économiques.
À l'échelle de l'histoire, l'éclipse de la Chine est un phénomène très récent. Selon les estimations de l'historien de l'économie Angus Maddison, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine aurait constamment représenté autour du quart de l'économie mondiale entre l'an 0 et 1820, avant de plonger brutalement jusqu'au milieu du siècle dernier. Cette part remonte à grande vitesse depuis les années 1980, tout en restant encore loin de son niveau historique.
Histoire du monde au XVe siècle, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Géo-Histoire globale, Monde en Question.

[1] Une revue et un livre :
• Le basculement du monde - De la chute du Mur à l'essor de la Chine, Manière de voir n°107, Octobre - novembre 2009.
• BEAUD Michel, Le basculement du monde - De la Terre, des hommes et du capitalisme, La Découverte, 1997 et 2000 [UQAC].

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