16 janvier 2010

Ils ont organisé la psychose


Révélation : président de la commission santé du Conseil de l'Europe, l'allemand Wolfgang Wodarg accuse les lobbys pharmaceutiques et les gouvernants.
Il a obtenu le lancement d'une enquête de cette instance sur le rôle joué par les laboratoires dans la campagne de panique autour du virus. Entretien sans détour.


Ex-membre du SPD, Wolfgang Wodarg est médecin et épidémiologiste. Il a obtenu à l'unanimité des membres de la commission santé du Conseil de l'Europe une commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion de la grippe A par l'OMS et les états.

Qu'est ce qui a attiré vos soupçons dans la prise d'influence des laboratoires sur les décisions prises à l'égard de la grippe A ?

Wolfgang Wodarg Nous sommes confrontés à un échec des grandes institutions nationales, chargées d'alerter sur les risques et d'y répondre au cas où une pandémie survient. En avril quand la première alarme est venue de Mexico j'ai été très surpris des chiffres qu'avançait l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour justifier de la proclamation d'une pandémie. J'ai eu tout de suite des soupçons : les chiffres étaient très faibles et le niveau d'alarme très élevé. On en était à même pas mille malades que l'on parlait déjà de pandémie du siècle. Et l'alerte extrême décrétée était fondée sur le fait que le virus était nouveau. Mais la caractéristique des maladies grippales, c'est de se développer très vite avec des virus qui prennent à chaque fois de nouvelles formes, en s'installant chez de nouveaux hôtes, l'animal, l'homme etc. Il n'y avait rien de nouveau en soi à cela. Chaque année apparaît un nouveau virus de ce type « grippal ». En réalité rien ne justifiait de sonner l'alerte à ce niveau. Cela n'a été possible que parce que l'OMS a changé début mai sa définition de la pandémie. Avant cette date il fallait non seulement que la maladie éclate dans plusieurs pays à la fois mais aussi qu'elle ait des conséquences très graves avec un nombre de cas mortels au dessus des moyennes habituelles. On a rayé cet aspect dans la nouvelle définition pour ne retenir que le critère du rythme de diffusion de la maladie. Et on a prétendu que le virus était dangereux car les populations n'avaient pas pu développer de défense immunitaires contre lui. Ce qui était faux pour ce virus. Car on a pu observer que des gens âgés de plus de 60 ans avaient déjà des anticorps. C'est-à-dire qu'ils avaient déjà été en contact avec des virus analogues. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs il n'y a pratiquement pas eu de personnes âgées de plus de 60 ans qui aient développé la maladie. C'est pourtant à celles là qu'on a recommandé de se faire vacciner rapidement.

Dans les choses qui ont suscité mes soupçons il y a donc eu d'un côté cette volonté de sonner l'alerte. Et de l'autre des faits très curieux. Comme par exemple la recommandation par l'OMS de procéder à deux injections pour les vaccins. Ca n'avait jamais été le cas auparavant. Il n'y avait aucune justification scientifique à cela. Il y a eu aussi cette recommandation de n'utiliser que des vaccins brevetés particuliers. Il n'existait pourtant aucune raison à ce que l'on n'ajoute pas, comme on le fait chaque années, des particules antivirales spécifiques de ce nouveau virus H1N1, « complétant » les vaccins servant à la grippe saisonnière. On ne l'a pas fait car on a préféré utiliser des matériaux vaccinales brevetés que les grands laboratoires avaient élaborées et fabriqué pour se tenir prêts en cas de développement d'une pandémie. Et en procédant de cette façon on n'a pas hésité à mettre en danger les personnes vaccinées.

Quel danger ?

Wolfgang Wodarg Pour aller vite dans la mise à disposition des produits on a utilisé des adjuvants dans certains vaccins, dont les effets n'ont pas été suffisamment testés. Autrement dit : on a voulu absolument utiliser ces produits brevetés nouveaux au lieu de mettre au point des vaccins selon des méthodes de fabrication traditionnelles bien plus simples, fiables et moins coûteuses. Il n'y avait aucune raison médicale à cela. Uniquement des raisons de marketing.

Comment a-t-on pu justifier de cela ?

Wolfgang Wodarg Pour comprendre il faut en revenir à l'épisode de la grippe aviaire de 2005 - 2006. C'est à cette occasion là qu'ont été définis les nouveaux plans internationaux destinés à faire face à une alarme pandémique. Ces plans ont été élaborés officiellement pour garantir une fabrication rapide de vaccins en cas d'alerte. Cela a donné lieu à une négociation entre les firmes pharmaceutiques et les Etats. D'un côté les labos s'engageaient à se ternir prêts à élaborer les préparations, de l'autre les Etats leur assuraient qu'ils leur achèteraient bien tout cela. Au terme de ce drôle de marché l'industrie pharmaceutique ne prenait aucun risque économique en s'engageant dans les nouvelles fabrications. Et elle était assurée de toucher le jack pot en cas de déclenchement d'une pandémie.

Vous contestez les diagnostics établis et la gravité, même potentielle, de la grippe A ?

Wolfgang Wodarg Oui, c'est une grippe tout ce qu'il y a de plus normale. Elle ne provoque qu'un dixième des décès occasionnés par la grippe saisonnière classique. Tout ce qui importait et tout ce qui a conduit à la formidable campagne de panique à laquelle on a assisté, c'est qu'elle constituait une occasion en or pour les représentants des labos qui savaient qu'ils toucheraient le gros lot en cas de proclamation de pandémie.

Ce sont de très graves accusations que vous portez là. Comment un tel processus a-t-il été rendu possible au sein de l'OMS ?

Wolfgang Wodarg Un groupe de personnes à l'OMS est associé de manière très étroite à l'industrie pharmaceutique.

L'enquête du conseil de l'Europe va travailler aussi dans cette direction ?

Wolfgang Wodarg Nous voulons faire la lumière sur tout ce qui a pu rendre cette formidable opération d'intox. Nous voulons savoir qui a décidé, sur la base de quelles preuves scientifiques, et comment s'est exercé précisément l'influence de l'industrie pharmaceutique dans la prise de décision. Et nous devons enfin présenter des revendications aux gouvernements. L'objectif de la commission d'enquête est qu'il n'y ait plus à l'avenir de fausses alertes de ce genre. Que la population puisse se reposer sur l'analyse, l'expertise des instituions publiques nationales et internationales. Celles ci sont aujourd'hui discréditées car des millions de personnes ont été vaccinés avec des produits présentant d'éventuelles risques pour leur santé. Cela n'était pas nécessaire. Tout cela a débouché aussi sur une gabegie d'argent public considérable.

Avez-vous des chiffres concrets sur l'ampleur de cette gabegie ?

Wolfgang Wodarg En Allemagne ce sont 700 millions d'euros. Mais il est très difficile de connaître les chiffres précis car on parle maintenant d'un côté de reventes de vaccins à des pays étrangers et surtout les firmes ne communiquent pas, au nom du principe du respect du « secret des affaires » les chiffres des contrats passés avec les Etats et les éventuelles clauses de dédommagements qui y figurent.

Le travail de « lobying » des labos sur les instituts de santé nationaux sera-t-il aussi traité par l'enquête du conseil de l'Europe ?

Wolfgang Wodarg Oui nous nous pencherons sur l'attitude des instituts comme le Robert Koch en Allemagne ou Pasteur en France qui auraientt dû en réalité conseiller leurs gouvernements de façon critique. Dans certains pays des institutions l'ont fait. En Finlande ou en Pologne, par exemple, des voix critiques se sont élevées pour dire : « nous n'avons pas besoin de cela ».

La formidable opération d'intox planétaire n'a-t-elle pas été possible aussi parce que l'industrie pharmaceutique avait « ses représentants » jusque dans les gouvernements des pays les plus puissants ?

Wolfgang Wodarg Dans les ministères cela me paraît évident. Je ne peux pas m'expliquer comment des spécialistes, des gens très intelligents qui connaissent par cœur la problématique des maladies grippales, n'aient pas remarqué ce qui était en train de se produire.

Que s'est-il passé alors ?

Wolfgang Wodarg Sans aller jusqu'à la corruption directe qui j'en suis certain existe, il y a eu mille manières pour les labos d'exercer leur influence sur les décisions. J'ai pu constater très concrètement par exemple comment Klaus Stöhr qui était le chef du département épidémiologique de l'OMS à l'époque de la grippe aviaire, et qui donc a préparé les plans destinés à faire face à une pandémie que j'évoquais plus haut, était devenu entre temps un haut cadre de la société Novartis. Et des liens semblables existent entre Glaxo ou Baxter, etc. et des membres influents de l'OMS. Ces grandes firmes ont « leurs gens » dans les appareils et se débrouillent ensuite pour que les bonnes décisions politiques soient prises. C'est à dire celles qui leur permettent de pomper le maximum d'argent des contribuables.

Mais si votre enquête aboutit, ne sera-t-elle pas un appui pour les citoyens d'exiger de leurs gouvernements qu'ils demandent des comptes à ces grands groupes ?

Wolfgang Wodarg Oui, vous avez raison, c'est l'un des grands enjeux lié à cette enquête. Les Etats pourraient en effet se saisir de cela pour contester des contrats passés dans des conditions, disons, pas très propres. S'il peut être prouvé que c'est la prise d'influence des firmes qui a conduit au déclenchement du processus alors ils faudra les pousser à ce qu'ils demandent à être remboursés. Mais ça c'est uniquement le côté financier, il y a aussi le côté humain, celui des personnes qui ont été vaccinés avec des produits qui ont été insuffisamment testés.

Quel type de risque ont donc pris, sans qu'ils le sachent, ces gens en bonne santé en se faisant vacciner ?

Wolfgang Wodarg Je le répète les vaccins ont été élaborés trop rapidement, certains adjuvants insuffisamment testés. Mais il y a plus grave. Le vaccin élaboré par la société Novartis a été produit dans un bioréacteur à partir de cellules cancéreuses. Une technique qui n'avait jamais été utilisée jusqu'à aujourd'hui.

Pourquoi, je ne suis évidemment pas un spécialiste, mais comment peut-on prétendre faire un vaccin à partir de cellules malades ?

Wolfgang Wodarg Normalement on utilise des œufs de poules sur lesquels les virus sont cultivés. On a besoin en effet de travailler sur des cellules vivantes. Car les virus ne peuvent se multiplier que de cette manière et donc, par définition, les préparations antivirus qui vont avec. Mais ce procédé présente un gros défaut, il est lent, il faut beaucoup d'œufs. Et il est long et complexe sur le plan technique. Une autre technique au potentiel remarquable consiste à cultiver les virus sur des cellules vivantes dans des bio-réacteurs. Pour cela il faut des cellules qui croissent et se divisent très vite. C'est un peu le procédé que l'on utilise pour la culture du yaourt que l'on réalise d'ailleurs aussi dans un bio-réacteur. mais dans ce contexte la cellule a été tellement bouleversée dans son environnement et sa croissance qu'elle croît comme une cellule cancéreuse. Et c'est sur ces cellules au rendement très élevé que l'on cultive les virus. Seulement pour fabriquer le vaccin il faut extraire à nouveau les virus de ces cellules sur lesquelles ils ont été implantés. Et il peut donc se produire que durant le processus de fabrication du vaccin des restes de cellule cancéreuse demeurent dans la préparation. Comme cela se produit dans la fabrication classique avec les œufs. On sait ainsi que dans le cas d'une vaccination de la grippe classique des effets secondaires peuvent apparaître chez les personnes qui sont allergiques à l'ovalbumine que l'on trouve dans le blanc d'oeuf. Il ne peut donc pas être exclu que des protéines, restes d'une cellule cancéreuse présentes dans un vaccin fabriqué par bio-réacteur, engendrent une tumeur sur la personne vaccinée. Selon un vrai principe de précaution il faudrait donc, avant qu'un tel produit ne soit autorisé sur le marché, avoir la certitude à 100% que de tels effets sont réellement exclus.

Et cela n'a pas été fait ?

Wolfgang Wodarg On ne l'a pas fait. L'AME ( Agence Européenne du Médicament), une institution sous la responsabilité du commissaire européen à l'économie, basée à Londres, qui donne les autorisations de mise sur le marché des vaccins en Europe, a donné son feu vert à la commercialisation de ce produit en arguant, en l'occurrence, que ce mode de fabrication ne constituait pas un risque « significatif ». Cela a été très différemment apprécié par de nombreux spécialistes ici en Allemagne et une institution indépendante sur le médicament, qui ont au contraire alerté et fait part de leurs objections. J'ai pris ces avertissements au sérieux. J'ai étudié le dossier et suis intervenu dans le cadre de la commission santé du Bundestag dont j'étais alors membre pour que le vaccin ne soit pas utilisé en Allemagne. J'ai fait savoir que je n'étais certainement pas opposé à l'élaboration de vaccins avec cette technique. Mais qu'il fallait d'abord avoir une garantie totale d'innocuité. Le produit n'a donc pas été utilisé en Allemagne où le gouvernement a résilié le contrat avec Novartis.

Quel est le nom de ce vaccin ?

Wolfgang Wodarg Obta flu.

Mais cela veut dire que dans d'autres pays européens comme la France le produit peut être commercialisé sans problème ?

Wolfgang Wodarg Oui, il a obtenu l'autorisation de l'AME et peut donc être utilisé partout dans l'Union Européenne.

Quelle alternative entendez vous faire avancer pour que l'on échappe à de nouveaux scandales de ce type ?

Wolfgang Wodarg Il faudrait que l'OMS soit plus transparente, que l'on sache clairement qui décide et quelle type de relation existe entre les participants dans l'organisation. Il conviendrait aussi qu'elle soit au moins flanquée d'une chambre d'élue, capable de réagir de façon très critique où chacun puisse s'exprimer. Ce renforcement du contrôle par le public est indispensable.

N'est ce pas la question d'un autre système capable de traiter une question qui relève en fait d'un bien commun aux citoyens de toute la planète qui affleure ?

Wolfgang Wodarg Pouvons nous encore laisser la production de vaccins et la conduite de ces productions à des organisations dont l'objectif est de gagner le plus possible d'argent ? Ou bien la production de vaccins n'est-elle pas quelque chose du domaine par excellence, que les Etats doivent contrôler et mettre en œuvre eux même ? C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut abandonner le système des brevets sur les vaccins. C'est à dire la possibilité d'une monopolisation de la production de vaccin par un grand groupe. Car cette possibilité suppose que l'on sacrifie des milliers de vies humaines, simplement au nom du respect de ces droits monopolistiques. Vous avez raison, cette revendication là a pris en tout cas pour moi l'aspect de l'évidence.

Entretien réalisé par Bruno Odent
Source : l'Humanité

Lire aussi :
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2010, Monde en Question.
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2009, Monde en Question.
• Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.

15 janvier 2010

La pauvreté aggrave les catastrophes naturelles


Alors que la communauté internationale se rue au secours d'Haïti après le séisme du 12 janvier, Peter Hallward, du Guardian, met en lumière la part de responsabilité du monde dans la misère économique dont le pays ne parvient pas à sortir.

Aucune mégapole au monde n'aurait réchappé d'un tremblement de terre comme celui qui a ravagé la capitale d'Haïti le 12 janvier. Mais ce n'est pas un hasard si l'essentiel de Port-au-Prince ressemble aujourd'hui à une zone de guerre. Il faut plutôt voir dans les destructions engendrées par cette nouvelle calamité le résultat, tout à fait humain, d'une longue succession d'événements historiques déplorables. Le pays a connu plus que sa part de désastres. Le gigantesque séisme du 7 mai 1842 aurait tué 10 000 habitants dans la seule ville de Cap Haïtien, dans le nord. Les ouragans balaient régulièrement l'île. Les intempéries de septembre 2008 ont inondé la ville de Gonaïves, rasé presque toutes ses infrastructures branlantes et entrainé la mort de plus d'un millier de personnes.

Il faudra sans doute attendre des semaines avant de mesurer toute l'étendue des dommages provoqués par le tremblement de terre. Mais une chose est d'ores et déjà évidente : cet impact dramatique est le résultat d'une histoire faite, à long terme, de paupérisation et d'impuissance. On a coutume de présenter Haïti comme "le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental". Cette pauvreté est l'héritage direct de ce qui a peut-être été le système d'exploitation coloniale le plus impitoyable de l'histoire du monde, aggravé par des décennies d'oppression postcoloniale systématique. Cette noble "communauté internationale" que l'on voit aujourd'hui se bousculer pour apporter son "aide humanitaire" à Haïti est en grande partie responsable des maux terribles qu'elle s'efforce aujourd'hui d'atténuer. Depuis le jour où, en 1915, les Etats-Unis ont envahi et occupé le pays, tous les efforts entrepris pour permettre au peuple haïtien de passer (pour reprendre les propos de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide) "de la misère absolue à une pauvreté digne" ont été violemment et délibérément sabotés par le gouvernement américain et ses alliés. Le propre gouvernement d'Aristide (porté au pouvoir par environ 75 % de l'électorat) en a été la dernière victime, renversé en 2004 par un coup d'Etat bénéficiant d'un soutien international, au cours duquel plusieurs milliers de personne ont perdu la vie. Depuis, la population, en proie au ressentiment, gronde. C'est pour cette raison que les Nations unies ont déployé sur place une force de stabilisation et de pacification aussi nombreuse que coûteuse.

Depuis 2004, la communauté internationale gouverne Haïti

Haïti est aujourd'hui un pays où, selon les meilleures études disponibles, quelque 75 % des habitants "vivent avec moins de 2 dollars (1,40 euros) par jour, et 56 % - 4,5 millions de personnes - avec moins de 1 dollar (0,66 euro) par jour". Du fait d'accords commerciaux et financiers léonins, cette indigence et cette impuissance continueront, dans un avenir prévisible, à faire partie intégrante du quotidien des Haïtiens. C'est ce dénuement et cette faiblesse qui expliquent l'étendue de l'horreur qui s'est abattue sur Port-au-Prince. Depuis la fin des années 70, l'agriculture haïtienne a été l'objet des assauts du néolibéralisme, qui a chassé des milliers de petits exploitants vers les bidonvilles surpeuplés. On ne dispose d'aucun chiffre fiable, mais il semblerait que des centaines de milliers d'habitants de Port-au-Prince vivent aujourd'hui dans des logements de fortune, souvent accrochés au flanc de ravines pelées par la déforestation. Ce qui a poussé ces gens à résider dans de tels lieux et dans de telles conditions n'est pas plus "naturel" ou accidentel que les blessures que leur a infligées le tremblement de terre. Les infrastructures de première nécessité de la capitale, l'eau courante, l'électricité, les routes, etc., sont désespérément inadaptées, voire inexistantes. Quant au gouvernement, il est pour ainsi dire incapable de mobiliser des secours.

A vrai dire, depuis le putsch de 2004, c'est la communauté internationale qui gouverne Haïti. Ces pays qui se précipitent maintenant à son chevet ont pourtant systématiquement voté, ces cinq dernières années, contre toute extension du mandat de la mission de l'ONU au-delà de sa vocation principalement militaire. Les projets qui prévoyaient d'utiliser une fraction de cet "investissement" afin de réduire la misère ou favoriser le développement de l'agriculture se sont trouvés bloqués, conformément aux tendances à long terme qui continuent de présider à la distribution de "l'aide" internationale. Si l'on tient vraiment à aider Haïti à surmonter cette nouvelle crise, nous devrions garder cette réalité à l'esprit. Tout en envoyant des secours, nous devrions nous demander ce que nous pouvons faire pour conférer davantage d'autonomie au peuple et aux institutions publiques haïtiennes. Si l'on prétend sérieusement les aider, cessons alors de chercher à contrôler le gouvernement du pays, à pacifier ces citoyens et exploiter son économie. Et tant que nous y sommes, commençons donc à payer pour certains des dégâts que nous avons déjà causés.

Peter Hallward
The Guardian - Presseurop

Écouter aussi : Géopolitique - France Inter :
Fatalité, dira-t-on, mais non. Fatalité sans doute pour ce tremblement de terre encore qu'un pays moins totalement misérable aurait eu des bâtiments plus solides et disposé de secours prêts à intervenir, équipés, capables de faire quelque chose devant tant d'horreurs, mais pour le reste ?

Pour le reste, ce n'est pas la fatalité qui explique ces siècles de malheur auxquels se résume l'histoire haïtienne. Avant 1492, on ne sait pas trop mais, sitôt que Christophe Colomb découvre cette île magnifique qu'il baptisa, d'abord, Hispaniola, la Petite Espagne, la soif de l'or transforme les populations indigènes en esclaves, vite décimés par l'épuisement, la sauvagerie des occupants et les maladies qu'ils avaient apportées d'Europe avec eux et contre lesquelles les autochtones n'étaient pas immunisés.

Lorsqu'il n'y a plus d'or à extraire de la partie occidentale de l'île, le territoire de l'actuelle République d'Haïti, l'Espagne s'investit dans la partie orientale, l'actuelle République dominicaine, et c'est la France qui prend le relais, à la fin du XVI°, cultivant le tabac, produisant l'indigo, développant d'immenses richesses, grâce à l'exportation de ses pauvres auxquels elle promettait des terres et à l'importation, surtout, d'esclaves africains.

Le sucre et le café s'ajoutent au tabac. En 1789, cette colonie compte 500 000 esclaves contre 32 000 Blancs et à peu près autant de mulâtres et d'affranchis mais le vent de la Révolution française souffle jusque sur l'île. Conduits par les mulâtres et les affranchis, les esclaves se révoltent et, après bien des épisodes, Haïti devient un mythe en 1804, la première République noire et le plus ancien Etat indépendant des Amériques, après les États-Unis.

Juste retour des choses ? Triomphe de la Justice ? Non, car ces esclaves révoltés qui ont gagné n'ont que leur misère et leur acculturation pour héritage, la faim au ventre et la revanche au cœur. Les victimes ne sont pas forcément les meilleurs des hommes, citoyens sages, exemplaires, aptes à prendre leurs affaires en mains et, pire encore, l'indépendance acquise, un antagonisme social et racial, s'approfondit entre Noirs et mulâtres, entre damnés de cette terre et demi blancs, plus cultivés, plus riches et bien décidés à régner sur la plèbe.

Dénuement de la majorité, atouts d'une minorité et lutte entre les deux, Haïti a souffert jusqu'aujourd'hui de ce legs de l'esclavage, d'un handicap séculaire qui explique son instabilité chronique, ces deux siècles de coups d'Etat incessants, de révolte permanente, de dictatures ubuesques et d'instants d'espoir, fulgurants et aussitôt déçus.

Le paradoxe haïtien est que ce concentré de malheurs ne laisse personne indifférent, ni l'Afrique décolonisée à laquelle Haïti avait ouvert la voie avec 150 ans d'avance ; ni le Vatican et le monde catholique car les Haïtiens sont catholiques ; ni la France parce qu'on parle français à Haïti et que l'intelligentsia haïtienne est l'une des plus brillantes de la francophonie ; ni les États-Unis car chaque crise haïtienne déverse à leurs portes des flots de réfugiés. Quand on dit que tout est à reconstruire, c'est tout, vraiment tout.

Palestiniens de Gaza massacrés et abandonnés


Les civils de Gaza dans l'incapacité de reconstruire un an après "Plomb durci" et "trahis" par la communauté internationale, Oxfam
La communauté internationale a trahi la population de Gaza en ne parvenant pas à traduire ses paroles en actes pour mettre un terme au blocus de Gaza qui empêche la reconstruction, déclare un groupe de 16 ONG humanitaires, de développement et de défense des droits dans un nouveau rapport publié aujourd'hui (22 décembre 2009) à la veille de l'anniversaire du début de l'opération militaire israélienne "Plomb durci".

Les autorités israéliennes n'ont autorisé que l'entrée de 41 camions de matériaux de construction dans Gaza depuis la fin de l'offensive à la mi-janvier 2009, relèvent les ONG, alors qu'il en faudrait des milliers pour réparer les dommages causés aux maisons, aux infrastructures civiles, aux services publics, aux fermes et aux entreprises.
Le rapport souligne qu'il est interdit à la population civile, ainsi qu'aux Nations Unies et aux ONG, d'importer des matériaux comme le ciment ou le verre, mis à part dans un très petit nombre de cas [Télécharger].
Gaza, un an après l'offensive israélienne..., LDH-Toulon
Dans un entretien publié par L'Humanité, Stéphane Hessel met en cause la France et l'Union européenne qui ont «laissé faire Israël».
Israël veut construire une barrière à la frontière égyptienne, Le Grand Journal du Mexique selon NouvelObs selon AFP...
Le gouvernement israélien a approuvé la construction d'une barrière destinée à combattre l'immigration clandestine à sa frontière avec l'Egypte, a indiqué, dimanche 10 janvier, un responsable gouvernemental. Selon ce responsable, qui a requis l'anonymat, trois barrières seront construites le long des 250 km de frontières au coeur du désert qui bloqueraient les principales voies d'entrée des clandestins. Le projet, présenté par l'armée, devrait coûter entre 1 et 1,5 milliard de dollars, a-t-il précisé à l'AFP.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a souligné dimanche que l'Etat hébreu continuerait à accueillir les demandeurs d'asile, en provenance majoritairement du Darfour. “Israël autorisera l'entrée de réfugiés en provenance de zones de conflit mais ne permettra pas que ses frontières soient utilisées pour inonder le pays de travailleurs illégaux”, a déclaré un haut responsable gouvernemental, citant M. Netanyahu.

14 janvier 2010

Hommage à Daniel BENSAÏD


Daniel Bensaïd, communiste internationaliste jusqu'à la fin !, Chroniques citoyennes.
Le texte Puissances du communisme, présenté comme le «dernier», illustre bien la contradiction des trotskysmes que n'aura pas réussi, ni finalement voulu dépasser Daniel Bensaïd, malgré les outils de la philosophie : à la fois oppositionnel au communisme historique et défenseur, voir refondateur de l'idéal, sans reniement du mot même malgré son lourd passif.
Comme une impossibilité de fait à s'extraire de l'histoire de Trotsky et des trotskysmes qui l'ont suivi, tant chargée, et des théories marxistes révolutionnaires qui ont fondé la pensée et l'action de Daniel Bensaïd.
Comme aussi un enjeu devenu quasi moral à défendre jusqu'au bout l'idéal du «communisme» pour ne pas se rendre à l'adversaire capitaliste.
Communiste internationaliste jusqu'à la fin, en fidélité à toutes celles et ceux qui sont morts au combat pour un monde nouveau avec cet idéal. En mémoire de ses camarades morts sous les coups de la répression qui ont combattu sous sa direction et/ou à ses côtés.
De ce point de vue moral, «celui qui ne trahit pas», cette fidélité politique jusqu'à la fin est respectable. Communiste internationaliste, marxiste révolutionnaire, militant donc. Mais aussi dirigeant, leader, orateur, agitateur, organisateur, polémiste, "animateur de tendance", universitaire, Professeur de philosophie, et pour finir écrivain philosophe ! Et donc aussi dans la contrainte d'assumer l'image parfois mythique qui, avec le temps, s'est construite autour de lui et de devoir expliciter le fil conducteur de ses pensées et de ses actions jusqu'à la fin.

A partir de 1991 (était ce déjà trop tard ?), l'impératif pour les trotskysmes était absolument pour survivre de se «refonder» autrement en ouvrant publiquement la critique du «communisme d'Octobre» qui les avait fondé.
Au lieu de celà, du courage collectif à cette auto-critique ouverte - qui n'aurait en aucun cas été une trahison (et encore moins une «honte» ) des militants trotskystes morts au combat (il y eut aussi des staliniens sincères et certains sont même devenus des dirigeants trotskystes…) mais au contraire un dépassement salutaire pour les jeunes générations – il y eut le déni des erreurs et des aveuglements, il y eut les déchirements dogmatiques autour de l'exégèse des œuvres de Trotsky, les départs individuels, les silences, les disparitions et finalement, 20 ans plus tard, l'auto-dissolution de la LCR. Que de temps perdu !
Même cette auto dissolution en 2009 fut paradoxalement expliquée comme à la fois une continuité et une renaissance, une refondation. Refondation contradictoirement présentée comme urgente face à la catastrophe capitaliste à nouveau prédite, mais «qui prendrait du temps».
Eternelle contradiction des trotskysmes, à la fois fondés sur une continuité de légendes du passé et les promesses d'avenir de l'idéal qui "se construit en marchant". A la fois, bilans et perspectives, "sentinelle et éclaireur", comme une marche perpétuelle enfermée dans sa propre histoire, toujours recommencée, et sa croyance en l'avenir communiste de l'humanité.
Revue de presse :
Daniel Bensaïd a passé l'arme à gauche, Bakchich.
Bensaïd, sa vie est un éternel combat, de celui pour connaître la vérité sur les morts à Charonne en 1962 – en pleine guerre pour l'indépendance de l'Algérie, des policiers réprimaient dans le sang une manifestation anti-OAS (Organisation armée secrète) – à son soutien au Nouveau Parti Anticapitaliste d'Olivier Besancenot en 2009. En passant par les luttes avec l'Espagne en résistance contre Franco, la création des Jeunesses communistes révolutionnaires (66), Mai 68, la création de la Ligue communiste révolutionnaire avec Krivine (73), les grandes manifs de 95, l'Europe, les services publics…
Et maintenant ? La gauche vient de perdre un grand penseur, également acteur de la vie politique, qui aimait rappeler qu'on peut «agir sur la partie non fatale du devenir». Il y a des vides dont la nature a horreur.

Daniel Bensaïd est mort : De quoi ce silence est-il le nom ?, Blog de Rostom Mesli.
Daniel Bensaïd était malade, et il est mort, lit-on ici et là, «des suites d'une longue maladie». Les médias, moutonniers comme souvent – et qui au fond se foutent sans doute un peu de la mort du théoricien de la LCR puis du NPA – reprennent sans le discuter, sans l'analyser, sans essayer de le déchiffrer, le communiqué de presse du NPA. Nul média ne semble désireux d'en savoir plus. Une sorte de trêve du deuil (salutaire au demeurant) interdit, à l'instant de la mort, d'aller chercher au-delà de la raison officielle, en particulier quand celle-ci est perçue comme potentiellement stigmatisante.
Quant à nous qui nous intéressions à l'intellectuel Bensaïd, la question que nous nous posons n'est pas tant : quelle est donc cette longue maladie ? – parce qu'au fond, tout le monde le sait pertinemment – que : «Mais pourquoi le NPA ne nomme-t-il pas cette maladie au nom en quatre lettres dont on savait depuis longtemps que Bensaïd luttait contre elle ?»

Daniel Bensaïd est décédé, notre tristesse est immense, CCIPPP.
Tu étais celui qui actualisait le marxisme sans le dénaturer, celui qui désacralisait le marxisme sans le vulgariser, celui qui transmettait le marxisme sans le brader.
Tu savais, et tu voulais nous faire comprendre, que sans la pratique, la théorie ne vaut rien. Et que sans boussole théorique, on risque de se perdre dans les méandres de la pratique. Tel était le sens de la juxtaposition des deux termes du titre de ton ouvrage «Penser Agir» dans lequel tu nous recommandais de «penser, mais pour agir au présent».
Tu refusais tout dogmatisme, tout sectarisme. Ce n'était pas un discours vain, mais un combat quotidien. Comme tu l'écrivais si bien, «les déconvenues montrent que l'histoire est sans cesse à réinterpréter, à remettre en jeu, à subjectiviser par rapport à de nouvelles épreuves».

Daniel Bensaïd, Contretemps.
Daniel Bensaïd est mort mardi 12 Janvier. Intellectuel et militant, c'était le fondateur et un animateur inlassable de la revue Contretemps. Auteur de nombreux ouvrages et articles dont Marx l'intempestif, il a contribué à faire vivre l'héritage de Marx et Engels à rebours des orthodoxies d'État ou de Parti.

Daniel Bensaïd – Veilleur prophétique, Europe Solidaire Sans Frontières - Après le décès de Daniel Bensaïd, Europe Solidaire Sans Frontières - Messages et hommages, Europe Solidaire Sans Frontières.
Jusqu'au milieu des années 1980, Daniel a été ainsi un «révolutionnaire professionnel», un des principaux dirigeants de la Quatrième internationale. Il opère alors un virage professionnel, devient professeur de philosophie à l'université, tout en demeurant engagé sur le plan intellectuel, lié organiquement à l'organisation politique dont il est l'un des fondateurs, ce qui ne l'empêche en rien de développer une pensée libre et originale, inorthodoxe par rapport au marxisme officiel.
Son œuvre emprunte deux grandes directions : celle d'une relecture de Marx et de la tradition qui se réclame de lui, en insistant sur sa dimension émancipatrice et proprement stratégique ; celle d'une analyse de la conjoncture, française mais aussi internationale, inspirée par une volonté de changement qui se traduira notamment, en France, par la création l'an dernier du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), qui présente des affinités avec Québec solidaire (QS ), projet dont Daniel s'était fait un promoteur très convaincant.

Daniel Bensaïd, philosophe et militant, un intellectuel marxiste rare, l'Humanité.
Avec Daniel Bensaïd, nous perdons un intellectuel marxiste rare. De ceux qui, à la fin des années 1970, au moment du reflux des mouvements sociaux, n'ont rien renié de la radicalité de leur engagement politique. Plus encore, il a contribué par ses ouvrages et son militantisme, depuis une vingtaine d'années, à relancer, de façon polémique et fondatrice à la fois, une dynamique de la contestation de la mondialisation capitaliste sauvage. Depuis, avec la parution, en 1995, de Marx l'intempestif, il a renouvelé la manière critique de lire les analyses historiques, économiques et scientifiques de Marx.

Hommage à Daniel Bensaïd, Là-bas si j'y suis 1/2 - Là-bas si j'y suis 2/2.
Daniel Bensaïd nous a quitté, Là-bas si j'y suis.
C'est ça l'irrésistible dont parlait Bensaïd. Résister à l'irrésistible, c'est résister à cette résignation c'est résister à ce détachement cynique qui justifie les inégalités, l'appropriation privée, la sauvagerie des rapports sociaux.

Bensaïd passe l'arme à gauche, leJDD.
Compagnon d'arme d'Alain Krivine et Henri Weber sur les barricades de Mai-68, Daniel Bensaïd est mort mardi matin à l'âge de 64 ans des suites d'une maladie. Membre fondateur de la LCR en 1969, il était demeuré fidèle à l'idéal trotskiste au sein du NPA. Enseignant à Paris VIII, philosophe, il était un des théoriciens les plus solides intellectuellement du mouvement trotskiste, en France et dans le monde.

Daniel Bensaïd, philosophe, cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire, Le Monde - Portfolio sonore : Daniel Bensaïd, intellectuel engagé, est mort, Le Monde.

Pour Daniel Bensaïd, Le Monde diplomatique.
Théoricien, Daniel Bensaïd a rendu Marx à son actualité, critique et stratégique, en lui offrant la compagnie non seulement de Blanqui, Lénine et Trotsky, mais aussi (surtout ?) celle de Charles Péguy et de Walter Benjamin. Sentinelle attentive, comme eux, au surgissement de l'événement qui de toute sa force propulsive lézarde le cours monotone de toutes les formes d'oppression – et les bouscule jusqu'au point où tout bascule ou peut basculer : révolution. Sentinelle qui jamais ne s'est satisfaite d'être seulement vigilante : dans l'action, jusqu'au dernier moment.

Mort de Daniel Bensaïd, figure du trotskysme français, Le Point.
"Il y a 25 ans, Marx était traité comme un chien crevé dans le meilleur des mondes libéraux possibles. Son spectre souriant est aujourd'hui de retour. Son actualité est tout simplement celle du capital mondialisé", écrivait-il en août, dans un numéro du Nouvel Observateur consacré au "grand retour de Marx".

Le théoricien de la LCR, Daniel Bensaïd, est mort, Libération - Daniel Bensaïd, mort d'un homme Ligue, Libération.

Hommage à Daniel Bensaïd, soixante-huitard toulousain disparu, Libération Toulouse.

Daniel Bensaïd, éclaireur et sentinelle, Mediapart-NPA.
Preuve, s'il en était besoin, que la vie militante et l'œuvre intellectuelle de Daniel Bensaïd, ce marxiste, trotskyste et communiste révolutionnaire selon nos étiquetages et classements modernes, témoignent d'une histoire plus ancienne, plus longue et, sans doute, sans fin. La fidélité entêtée qui fut la sienne aux engagements radicaux - démocratiques, sociaux, internationaux, vitaux en somme - des années 1960 n'était en rien l'immobilité d'une jeunesse qui n'aurait pas su grandir et vieillir.

Daniel Bensaïd est mort, Nonfiction.
Sans cesse indigné par les compromissions de la gauche de gouvernement et le renoncement des intellectuels qui la soutiennent, il ne cessa de plaider en faveur d'une gauche critique, radicale et soucieuse de son histoire.

Daniel Bensaïd, le révolutionnaire mélancolique, Philomag.
A force d'attente fiévreuse, il faut se rendre à l'évidence : l'Histoire est en retard. Bensaïd situe le tournant de l'après-68 au milieu des années 70. Au Portugal, en Espagne, en Italie, les mouvements révolutionnaires connaissent un sérieux coup d'arrêt ; en France, la gauche se montre incapable de se rassembler dans un programme commun, et l'élection de François Mitterrand en 1981 sonne le glas du rêve révolutionnaire. Au terme de ces années 1980, dont la classe ouvrière sort meurtrie et le capitalisme en apparence triomphant [...].
Ce grand penseur des contretemps de l'histoire voit dans la crise économique et financière qui secoue le monde de la fin des années 2000 un nouveau sursaut du projet révolutionnaire. «Il y a 25 ans, Marx était traité comme un chien crevé dans le meilleur des mondes libéraux possibles. Son spectre souriant est aujourd'hui de retour. Son actualité est tout simplement celle du capital mondialisé", déclare-t-il au Nouvel Observateur en 2009.

Daniel Bensaïd n'est plus, Politis.
Politis.fr vous propose de retrouver en accès libre les derniers textes que Daniel Bensaïd nous avait fait l'amitié de publier dans Politis :
- « Une convergence de résistances et de révoltes », 26 juillet 2007
- Des mots et des choses, 11 octobre 2007
- Une page est tournée, 5 février 2009
- Un communisme hypothétique, 25 juin 2009

Mort de Bensaïd, référence intellectuelle de l'extrême gauche, Rue89.
Bio-bibliographies :
Bio-bibliographie, Maitron.
Bio-bibliographie, Wikipédia.
Bibliographie, Europe Solidaire Sans Frontières.
Bibliographie sélective sur Mai 68, l'École des chartes.
Articles :
BENSAÏD Daniel, La force molle de la social-démocratie, Le Monde diplomatique.
BENSAÏD Daniel, Puissances du communisme, NPA.
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Neutralité et engagement du savoir, Agone n°18 et 19.
État, démocratie et marché, Agone n°22.

ContreTemps
Le retour de la critique sociale - Marx et les nouvelles sociologies, ContreTemps n°1.
Mondialisation capitaliste et dominations impériales, ContreTemps n°2.
Critique de l'écologie politique, ContreTemps n°4.
Propriétés et pouvoirs - Dossier : le 11 septembre, un an après, ContreTemps n°5.
Changer le monde sans prendre le pouvoir ? - Nouveaux libertaires, nouveaux communistes, ContreTemps n°6.
Genres, classes, races : identités et différences, ContreTemps n°7.
Nouveaux Monstres et vieux démons : déconstruire l'extrême droite, ContreTemps n°8.
Penser radicalement à gauche, ContreTemps n°11.
À quels saints se vouer ? - Espaces publics et religions, ContreTemps n°12.
Clercs ou chiens de garde : les intellectuels et l'engagement , ContreTemps n°15.
L' Engagement en questions - Regards sur les pratiques militantes, ContreTemps n°19.
Marx hors limites : une pensée devenue monde, ContreTemps n°20.
Capitalisme, crises et développement, ContreTemps n°21.
La nouvelle gauche anticapitaliste, Contretemps n°1 - 2009.
Le Moyen-Orient sous les ruines de Gaza, Contretemps n°2 - 2009.
Où en est la gauche politique et sociale ?, Contretemps n°3 - 2009.
De quoi le communisme est-il le nom ?, Contretemps n°1 - 2010.

Lignes
David Rousset, Lignes n°2.
Désir de révolution, Lignes n°4.
Politiques de la peur, Lignes n°15.
Ruptures sociales, ruptures radicales, Lignes n°21.
Vingt ans de la vie politique et intellectuelle, Lignes n°23-24.
Décomposition/Recomposition politiques, Lignes n°25.
De la violence en politique, Lignes n°29.
Livres :
BENSAÏD Daniel et WEBER Henri, Mai 1968 - Une répétition générale ?, Maspero, 1968.

BENSAÏD Daniel, La révolution et le pouvoir, Stock, 1976 [Herramienta debate y crítica marxista].

BENSAÏD Daniel, L'anti-rocard ou les haillons de l'utopie, La Brèche, 1980.

BENSAÏD Daniel, Moi, La Révolution - Remembrances d'une bicentenaire indigne, Gallimard, 1989.
La Révolution vient hanter son bicentenaire. Prenant à partie sur le mode du tutoiement sans-culotte le citoyen-président, elle s'emporte contre ces festivités officielles dont elle se sent la grande absente, escamotée sur fond de conversion au réel et de régression des utopies. Contre ceux qui la voudraient terminée, cette éternelle dissidente se proclame infinie, et réplique : en finir avec Thermidor I Irrévérencieuse et querelleuse, elle chemine entre passé et présent avec des compagnons d'infortune inattendus - Jeanne d'Arc et Charles Péguy notamment - et se livre à son examen de conscience, discutant des Droits de l'homme et de la Terreur, de la République et du Progrès, de l'Argent et de la Morale... Moi, la Révolution, ou les remembrances d'une bicentenaire indigne, le coup de colère d'une victorieuse défaite, mangeuse d'hommes et femme à histoires. Un voyage passionné à travers les enjeux idéologiques du bicentenaire de 1789.

BENSAÏD Daniel, Walter Benjamin, sentinelle messianique, Plon, 1990.

BENSAÏD Daniel, Jeanne de guerre lasse, Gallimard, 1991.
Et qui osent prétendre que mon martyre fut mon apothéose ! M'abandonner à mes vainqueurs, ce serait perpétuer mon bûcher. Vous n'allez pas me laisser à Le Pen ?...
Du 8 mai, anniversaire de son triomphe, au 30 mai, anniversaire de son supplice, Jeanne s'en vient ainsi visiter notre époque incertaine où s'émoussent les convictions et renaissent les fanatismes. Vingt-trois nuits de dialogue complice et enchanteur, où s'entremêlent politique et philosophie, foi et hérésie, droit et force, guerre et paix. Vingt-trois, comme les heures d'une journée trop tôt interrompue, d'une vie inachevée.

BENSAÏD Daniel, La discordance des temps - Essais sur les crises, les classes, l'histoire, Éditions de la Passion, 1995.
Renversement du mur de Berlin et désintégration de l'Union soviétique, guerre du Golfe et guerres des Balkans, génocide rwandais et guerre civile algérienne : en quelques années, le décor d'un monde familier a basculé. Ce qui paraissait immuable est parti en fumée, dans une sorte d'indifférence et presque sans étonnement. Il est encore tôt pour évaluer la portée de cet anti-événement, sans élan ni rayonnement, qui défait sans fonder. La confusion de ces temps désaccordés exige de conjuguer la nécessaire lenteur de la réflexion et l'urgente impatience de l'action. Ce livre s'efforce d'y contribuer à partir de trois questions brûlantes : en s'appuyant sur une introduction aux lectures du Capital, il revient sur l'organisation conceptuelle des temporalités économiques et politiques, sur leurs catégories spécifiques de rotations, cycles, et crises, indispensables pour mettre en perspective les convulsions du présent. Puis, il s'efforce de saisir l'articulation spécifique et la transversalité du conflit de classes par rapport aux autres modes de conflictualité sociale : domination hiérarchique d'ordres et de castes, oppressions de sexe, affrontements communautaires (nationaux, ethniques ou religieux) dans le contexte inédit de la mondialisation en cours. Il revient enfin sur la déconstruction du fétichisme historique en se basant sur des études de textes de Charles Péguy, Ernst Bloch, Walter Benjamin et Jacques Derrida. Une contribution à la critique de la modernité marchande et de ses croyances ordinaires.

BENSAÏD Daniel, Marx l'intempestif - Grandeurs et misères d'une aventure critique (XIXè, XXè siècles), Fayard, 1996 [Annales. Histoire, Sciences Sociales - Europe Solidaire Sans Frontières - Multitudes - Politique, revue de débats].
Dans la foulée de la chute du Mur de Berlin, encore une fois, les faire-part «Marx est mort» avait été hardiment placardés. Le philosophe de la déconstruction, lui, s'était cru obligé de souligner : «ce sera toujours une faute de ne pas lire et relire et discuter Marx. Ce sera de plus en plus une faute, un manquement à la responsabilité théorique, philosophique, politique. (...) Il n'y aura pas d'avenir sans cela. Pas sans Marx, pas d'avenir sans Marx. Sans la mémoire et sans l'héritage de Marx : en tout cas d'un certain Marx, de son génie, l'un au moins de ses esprits. Car ce sera notre hypothèse, ou plutôt notre parti pris : il y en a plus d'un, il doit y en avoir plus d'un.»

BENSAÏD Daniel, Le pari mélancolique - Métamorphoses de la politique, politique de la métamorphoses, Fayard, 1997 [La Brèche].
La politique est d'abord affaire d'espace et de temps. Chaque époque se définit ainsi par les coordonnées spatiales et temporelles qui s'imposent aux hommes et déterminent leur liberté d'agir. Tel est le point de départ de cet essai, tourné vers la compréhension des conditions dans lesquelles nous pouvons prétendre changer le monde. À quoi assistons-nous aujourd'hui ? Les espaces de l'économie, de l'écologie, du droit, de l'information se chevauchent et se contrarient. Les temps de la production, de la circulation, des messages s'enchevêtrent et se contredisent. Dans ce dérèglement général, les repères familiers de la souveraineté et de la représentation se dérobent, les promesses de progrès s'obscurcissent. Ces métamorphoses appellent une redéfinition de l'échelle et des rythmes de l'action publique. Suspendue entre «déjà plus» et «pas encore», l'époque hors de ses gonds connaît une transformation des procédures guerrières. Elle voit naître une nouvelle figure de l'étranger. Elle s'égare devant l'énigme géopolitique de l'«humanité européenne». Agir au plus près de ce monde nouveau, sans les garanties illusoires de la Providence divine, de l'Histoire universelle ou de la Science toute-puissante, exige un sens profane de la responsabilité indissociablement éthique et politique. Aux certitudes de la foi ou de la raison succèdent les incertitudes humaines du parieur mélancolique, compagnon de jeu de Pascal et de Mallarmé. Car il est mélancolique, et pourtant nécessaire, ce pari sur les possibles contre le sens unique du réel et la résignation à ses contraintes.

BENSAÏD Daniel, Lionel, qu'as-tu fait de notre victoire ? Un an après..., Albin Michel, 1998 [La Brèche].

BENSAÏD Daniel, Qui est le juge ? - Pour en finir avec le tribunal de l'histoire, Fayard, 1999 [l'Humanité].
Un mal hante l'époque : la manie compulsive de juger. Tout le monde semble vouloir juger tout le monde, comme si cette escalade judiciaire était de nature à pallier l'obscurcissement de la politique et l'affaissement du civisme. Pourtant, qu'il s'agisse des grands procès pour crime contre l'humanité ou de l'expérience des tribunaux pénaux internationaux, le jugement sonne faux. Sa justice manque de justesse. Des événements récents à fort retentissement médiatique permettent de prendre la mesure du problème. L'affaire Pinochet : à quelles conditions l'humanité peut-elle devenir source de droit et comment juger les dictateurs ? Les procès pour crime contre l'humanité : quel usage en faire, quand sa définition évolue tant ? Le procès Papon : comment, cinquante ans après, démêler les faits, distinguer les responsabilités individuelles de celles de l'État ? La table ronde des historiens organisée par le journal Libération pour soumettre à l'examen les accusations de Gérard Chauvy contre Lucie et Raymond Aubrac : peut-on éviter que l'expertise historique dégénère en instruction ? Ce malaise n'est pas seulement celui du droit, il est tout autant celui de l'histoire : plutôt que d'accepter la fragile incertitude du jugement humain, la tentation reste forte en effet d'en appeler à de vieux fétiches majuscules, l'Histoire ou l'Humanité, de glisser du jugement historique toujours en appel au tribunal définitif de l'Histoire. Contre cette tentation, je me suis efforcé tout au long de ce livre de définir les conditions politiques d'un juste exercice du jugement en matière historique, où mémoire, deuil et oubli contribuent chacun à sa façon à l'institution d'une société consciente et responsable.

BENSAÏD Daniel, Contes et légendes de la guerre éthique, Textuel, 1999.
De la guerre du Golfe à celle des Balkans, apparaît un nouveau discours de la guerre que dénonce ici Daniel Bensaïd. L'intervention militaire au Kosovo a été saluée comme un événement fondateur : La victoire de l'Humanité sans frontières. Une grande première donc, la «guerre éthique» désintéressée ! Une histoire à dormir debout ! Pour l'auteur, cette guerre qui refuse de dire son nom se présente comme une simple descente policière de maintien de l'ordre mondial. Le droit est-il désormais soluble dans la morale ? Les souverainetés politiques dans la souveraineté éthique ? Sous prétexte du «droit du plus faible», c'est en réalité la morale du plus fort qui prend le relais du droit du plus fort. Un discours aux relents de guerre sainte.

BENSAÏD Daniel, Éloge de la résistance et l'air du temps, Textuel, 1999 [CNDP - l'Humanité - Revue Internationale des Livres et des Idées].
L'enthousiasme politique n'est pas mort ! Si l'air du temps est à la frilosité, cet ouvrage de Daniel Bensaïd, philosophe et militant, insuffle l'audace et le courage pour réhabiliter l'ambition politique. Pour menacée qu'elle soit, la politique dépend de ce que nous sommes capables d'en faire : Infléchir la pente des inégalités sociales, vouloir changer le monde. Tous les mouvements sociaux sont des points d'appui pour renouveler l'action politique. Car agir au plus près de ce que le monde nous apprend est la forme la plus haute de la responsabilité sociale.

BENSAÏD Daniel, Le sourire du spectre - Nouvel esprit du communisme Michalon, 2000

BENSAÏD Daniel, Les irréductibles - Théorèmes de la résistance à l'air du temps, Textuel, 2001
Contre la rhétorique cynique de la résignation, Daniel Bensaïd invite ici à la contre-attaque en cinq théorèmes. Ces «insolubles» et ces «irréductibles» constituent une critique à coups de marteaux du jargon post-moderne et de ses nouvelles idoles de cendre. Un solide mode d'emploi pour ne pas se rendre à la mode et ne pas céder à l'air du temps. Un temps de contre-réforme libérale, une époque opaque de passage entre deux mondes, entre chiens et loups, entre un passé en ruine et un avenir incertain. La griserie de l'instant sans lendemain et la dissolution de la politique dans l'esthétique désenchantée sont au goût du jour. Le danger est grand, dans l'affaissement du vieux mouvement ouvrier, de se cramponner à quelques acquis à l'efficacité polémique.

BENSAÏD Daniel, Karl Marx - Les hiéroglyphes de la modernité, Textuel, 2001
C'est un Marx profane que Daniel Bensaïd fait revivre. Un Marx libéré de l'icône religieuse qui a putréfié sa théorie du dogme. Un Marx en prise avec les misères matérielles, les servitudes familiales, avec les épreuves de l'amitié comme les passions politiques. 500 documents et une riche correspondance avec Engels, sa mère et ses proches illustrent ce livre.

BENSAÏD Daniel, Résistances - Essai de taupologie générale, Fayard, 2001
De Shakespeare à Marx, la taupe est la métaphore de ce qui chemine obstinément, des résistances souterraines et des irruptions soudaines. Creusant avec patience ses galeries dans l'épaisseur obscure de l'histoire, elle surgit parfois au grand jour, dans l'éclat solaire de l'événement. Elle incarne le refus de se résigner à toute idée que l'histoire serait parvenue à son terme. Cet essai de taupologie générale explore les figures philosophiques de cette résistance à travers de grands penseurs contemporains, notamment Louis Althusser, Alain Badiou, Jacques Derrida, Antonio Negri ou Françoise Proust. Si les désastres du siècle écoulé ont ruiné les grandes espérances d'antan, il n'en est que plus nécessaire de déchiffrer le rapport entre l'histoire et l'événement, où s'enracine la possibilité d'une action politique rebelle aux déraisons d'une économie érigée en destin implacable. Car elle creuse encore, cette vieille amie la taupe.

BENSAÏD Daniel, Les trotskysmes, QSJ PUF, 2002 [Amazon]
S'opposant à Staline dès les années 1920, Léon Trotsky, théoricien marxiste et chef de l'Armée rouge, a tenté de perpétuer le souffle de la révolution communiste internationale. Exilé puis assassiné en 1940, il a légué un héritage que se sont disputés les divers courants se réclamant de son combat. Aussi est-il préférable, pour retracer l'histoire de ce mouvement protéiforme, de parler aujourd'hui de trotskysmes au pluriel.
Des controverses théoriques aux épreuves historiques, en passant par la double répression fasciste et stalinienne, la politique singulière de l'«entrisme» et l'effort pour s'orienter dans le labyrinthe d'une histoire plus sinueuse que prévu, c'est l'aventure de ceux et celles qui ont cherché avec passion à sauver l'honneur du communisme révolutionnaire qui est retracée ici.

BENSAÏD Daniel, Le nouvel Internationalisme - Contre les guerres impériales et la privatisation du monde, Textuel, 2003
La mondialisation de l'époque victorienne avait eu pour contrepartie la fondation de la Première Internationale. La mondialisation libérale s'accompagne d'une globalisation planétaire des résistances, dont témoignent les contre-sommets de Porto Alegre ou de Gênes, les manifestations de Seattle ou de Florence, la multiplication des Forums sociaux par régions ou continents. Depuis une quinzaine d'années, un nouvel internationalisme prend ainsi son essor. Il s'oppose aussi bien au cosmopolitisme marchand qu'aux replis "souverainistes" et aux "paniques identitaires". Rassemblant syndicats ouvriers ou paysans, mouvements écologistes et féministes, organisations non gouvernementales et mouvements culturels, clubs de réflexion et réseaux de revues, ce mouvement confronte pour la première fois les traditions anciennes du socialisme européen ou nord-américain aux expériences plus récentes d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine.

BENSAÏD Daniel, Un monde à changer - Mouvements et stratégie, Textuel, 2003
De manifestations en Forums sociaux, «Un autre monde est possible !» s'est imposé comme le cri de ralliement des mouvements sociaux et des mobilisations anti-guerre.
Il exprime la prise de conscience d'une crise de civilisation où les dérèglements du monde combinent une profonde crise sociale (inégalités et exclusions), une fracture écologique, et une incertitude quant à la maîtrise de technologies nouvelles permettant d'agir non seulement sur le monde dans lequel nous entendons vivre, mais sur l'espèce même que nous pouvons devenir.

BENSAÏD Daniel, Une lente impatience, Stock, 2004 [Là-bas si j'y suis I - [Là-bas si j'y suis II - La Brèche - Le Courrier - LesInrocks - , Télérama].
"Ce livre n'a d'autre ambition que d'aider à comprendre un itinéraire politique, après le désastre du stalinisme, à l'époque de l'apothéose marchande, lorsque les hiéroglyphes de la modernité livrent leurs secrets au grand jour." Philosophe et militant de la Ligue communiste, Daniel Bensaïd revient sur un parcours où l'individuel et le collectif interfèrent sans cesse. Alternant le "je" et le "nous", les souvenirs singuliers et les expériences partagées, il inscrit sa trajectoire personnelle, assumée sans complaisance, dans une histoire politique qui commence au milieu des années 1960. Des années de formation toulousaines dans le bistro familial où l'on "chantait rouge" à la fondation des Jeunesses communistes révolutionnaires, des débats de l'ENS de Saint-Cloud aux meetings de Nanterre, de "l'affaire non classée" de 1968 à l'expérience douloureuse des luttes en Argentine, de la relecture de Marx à la piste "marrane", des combats d'hier à ceux d'aujourd'hui, il raconte une révolte obstinée qui a dû apprendre la durée. Une lente impatience, tendue entre action et réflexion, qui se révèle aussi dans le plaisir d'une écriture vive.

BENSAÏD Daniel, Fragments mécréants - 1. Sur les mythes identitaires et la république imaginaire, Léo Scheer-Lignes, 2005 [Europe Solidaire Sans Frontières - [Là-bas si j'y suis].
Homme de doute opposé à l'homme de foi, le mécréant parie sur les incertitudes du siècle, sans les rassurantes rigueurs de la règle. Il met une énergie absolue au service de certitudes relatives. C'est aussi son dilemme. Résister, lutter, ne pas céder à la lassitude ou à la résignation. Brosser l'histoire à rebrousse-poil, inlassablement. Les Fragments mécréants que nous donne ici Daniel Bensaïd dessinent des lignes de résistance qui ne cèdent pas à la niaiserie du retour au giron de l'église, de la mosquée ou de la yeshiva. Ce travail de déniaisement suppose une relance et un approfondissement de la mécréance, un corps à corps profane avec nos fétiches cachés, une critique implacable de la tentation de croire.

BENSAÏD Daniel, Les Dépossédés - Karl Marx, Les voleurs de bois et le droit des pauvres, La Fabrique, 2007 [Le Panoptique I - Le Panoptique II].
En 1842, Karl Marx publie une série d'articles concernant les débats à la Diète rhénane à propos du vol de bois. Droit de propriété, liberté de la presse, rapport du délit à la peine : tels sont les enjeux de ces articles. L'essor du capitalisme entraînait alors un déplacement de la ligne de partage entre le droit coutumier des pauvres (glanage ou ramassage du bois mort) et le droit de plus en plus envahissant des propriétaires. Deux ans plus tôt, le fameux pamphlet de Proudhon Qu'est-ce que la propriété? avait fait scandale en s'en prenant aux justifications libérales de l'appropriation privée. Plus d'un siècle et demi plus tard, les controverses en cours sur le brevetage du vivant, la propriété intellectuelle, le droit opposable au logement, etc., donnent aux questions théoriques et juridiques soulevées à l'époque une troublante actualité. A partir d'une lecture des articles de Marx, Daniel Bensaïd revient sur les sources philosophiques du débat pour en dégager les enjeux actuels. Aujourd'hui comme hier, les dépossédés se soulèvent contre la privatisation du monde et la logique glaciale du calcul égoïste.

BENSAÏD Daniel, Éloge de la politique profane, Albin Michel, 2008 [Critique, et critique de la critique - Là-bas si j'y suis - Mediapart - NouvelObs].
Alors que, depuis le XVIIe siècle, la modernité politique articulait un ordre territorial, un principe de souveraineté, un système de régulation internationale des conflits, ce modèle est entré récemment en crise sous le choc de la globalisation et de la privatisation du monde. L'espace public rétrécit à vue d'œil sous la poussée des appétits privés. La citoyenneté dépérit sous le règne anonyme des marchés financiers. Le droit international est mis à mal par la logique de la guerre globale, sans limites ni frontières. Les peuples se décomposent en meutes, les classes en masses. Les partis capitulent devant le despotisme des sondages et le tribunal des experts. Quand la politique s'efface ainsi devant les décrets d'une économie automate, la cote des idoles et des dieux est à la hausse : le sacré revient en force. Comment penser l'avenir d'une politique profane en ces temps obscurs ?

BENSAÏD Daniel, Fragments mécréants - 2. Un nouveau théologien Bernard-Henri Lévy, Lignes, 2008 [Nonfiction].
"Pour que la gauche d'imposture que Bernard-Henri Lévy s'empresse de secourir puisse encore faire illusion en se présentant comme la seule possible, la seule raisonnable, la seule concevable, il se doit de disqualifier l'autre gauche, d'exorciser ses vieux démons. Pour que sa nouvelle gauche moderne, riche de candidats aux transferts, puisse être "sans frontières" sur sa droite, il faut la garder et la murer solidement sur sa gauche. Il faut donc changer les noms, brouiller les cartes, inverser les valeurs. II faut, absolument, par un simple détournement rhétorique orwellien, par un détournement de novlangue aussi audacieux que celui transformant les exploités en privilégiés et les patrons en otages, il faut donc que la gauche fidèle, la gauche non reniée, non frelatée, non repentie, soit stigmatisée." Daniel Bensaïd répond ici au dernier livre de Bernard-Henri Lévy, Ce grand cadavre à la renverse: il réfute point par point les prétendus "sept péchés capitaux" que son auteur, en nouveau théologien, impute à la gauche radicale. Le présent essai est également une vigoureuse affirmation de la nécessité d'une politique anticapitaliste aujourd'hui.

BENSAÏD Daniel, Penser Agir, Lignes, 2008 [Europe Solidaire Sans Frontières].
A l'injonction de la ministre des finances "Assez pensé, maintenant!", ritournelle d'une époque régie par des marchés ventriloques, Daniel Bensaïd oppose son analyse méthodique des changements intervenus depuis la chute du mur de Berlin jusqu'à la crise actuelle. Le présent essai, qui alterne interventions politiques et réflexions théoriques, est la chronique d'une double faillite annoncée: celle d'un capitalisme dévastateur aussi bien que celle d'une gauche parlementaire reniée. Alors que le capitalisme financier est entré dans une crise historique, il est aussi urgent de "penser" l'alternative que d'"agir" pour la rendre réelle.

BENSAÏD Daniel, KRIVINE Alain, 1968, fins et suites, Lignes, 2008 [Là-bas si j'y suis].
1968 est à présent plus éloigné des nouvelles générations en révolte, que 1936 et le Front Populaire ne l'étaient de 1968. Il ne s'agit pas pour autant d'une "histoire ancienne". Chaque décennie-anniversaire de 1968, avec son lot de commémorations médiatiques, semble vouloir en estomper le caractère de déflagration populaire pour n'en retenir qu'une "révolution des moeurs". II s'agissait bien pourtant, comme le rappellent ici Daniel Bensaïd et Alain Krivine, deux de ses acteurs non repentis, d'un événement global, national et international, social et culturel, autrement dit: d'une contestation politique jamais égalée depuis. Contre le discours expiatoire de Nicolas Sarkozy, qui fait aujourd'hui de Mai 68 le péché originel responsable des misères de notre temps, il s'agit de rester fidèle à cette conviction : l'émancipation ne s'hérite pas, elle se conjugue au présent. Historiographie critique de Mai 68, le présent recueil est aussi un instrument à l'usage de ceux qui ne se satisfont pas de l'alternative qui leur est proposée, entre souvenir pieux et restauration rampante.

BENSAÏD Daniel (sous la direction de), Entretiens du XXIe siècle - Politiquement incorrects, Textuel, 2008.
Hannah Arendt craignait que, broyée entre les automatismes du marché et les mécaniques de la domination, la politique finisse par disparaître complètement du monde. Cette crainte semble aujourd'hui confirmée par l'impuissance proclamée des politiques face aux fatalités économiques : éclipse de la politique, retour en force de la philosophie, de la morale, de la religion. Les résistances aux conséquences sociales et écologiques de la mondialisation libérale sont elles-mêmes tentées d'opposer la pureté des mouvements sociaux à l'impureté des pratiques politiques. Transformation des engagements et des pratiques intellectuels, évolution du dialogue entre philosophie et politique, production sociale et critique des savoirs, nouvelles radicalités sociales et politiques : depuis sa naissance, en 2001, la revue Contretemps s'est attachée, par de grands entretiens avec des chercheurs en sciences sociales, des philosophes, des scientifiques, des acteurs des mouvements sociaux, à soumettre leurs pratiques respectives à l'épreuve de la question politique. En rassemblant ces entretiens, le présent volume éclaire de multiples points de vue le rapport problématique de l'action politique aux différents champs des savoirs. Il ne prétend pas en faire la synthèse ou en tirer une conclusion, mais donner matière à réflexion au seuil d'un nouveau siècle inquiétant et incertain.

BESANCENOT Olivier et BENSAÏD Daniel, Prenons Parti - Pour un socialisme du XXIe siècle, Mille et une nuits, 2009 [Là-bas si j'y suis].
Le capitalisme est malade. Les anticapitalistes ne sont plus les seuls à le diagnostiquer. I y a encore quelques mois, les tenants du nouvel ordre mondial n'avaient pas de mots assez flatteurs pour vanter les mérites indépassables de l'économie de marché. Si c'est la soupe à la grimace pour tous ceux patrons, banquiers et spéculateurs qui ont vu leurs avoirs fondre comme neige au soleil, la situation est autrement dramatique pour nous, simples citoyens salariés. Le monde est entré en récession à l'automne 2008. Chacun sait, chez les travailleurs, les retraités, les chômeurs, au sein des familles, que des nuages noirs s'accumulent à l'horizon, et que nous allons payer la débâcle du système. L'exaspération sociale gronde. Elle peut gronder plus fort encore à la base de la société. Au sommet, dans les sphères économiques et politiques, les stratèges du capital ne sont pas d'accord entre eux. Mais le président. Sarkozy et le Medef' s'entendent à continuer leur casse sociale... Pour nous, pas d'hésitation: nous combattons le modèle défaillant de la contre-réforme néolibérale. Renverser le capitalisme, nous le voulons. Pour bâtir une nouvelle société, solidaire et réellement démocratique, nous sommes déterminés à ne plus subir, à nous regrouper et à prendre parti.

AGAMBEN Giorgio, BADIOU Alain, BENSAÏD Daniel, BROWN Wendy, NANCY Jean-Luc, RANCIÈRE Jacques, KROSS Kristin, ZIZEK Slavoj, Démocratie, dans quel état ?, La Fabrique, 2009 [NPA].
«Qu'est-ce donc qu'un démocrate, je vous prie ? C est là un mot vague, banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc.» Cette question, ce jugement sans appel d'Auguste Blanqui datent d'un siècle et demi mais gardent une actualité dont ce livre est un signe. Il ne faut pas s'attendre à y trouver une définition de la démocratie, ni un mode d'emploi et encore moins un verdict pour ou contre. Les huit philosophes qui ont accepté d'y participer n'ont sur le sujet qu'un seul point commun : ils et elles rejettent l'idée que la démocratie consisterait à glisser de temps à autre une enveloppe dans une boîte de plastique transparent. Leurs opinions sont précises dans leurs divergences, voire contradictoires ce qui était prévu et même souhaité. Il en ressort, pour finir, que tout usé que soit le mot «démocratie», il n est pas à abandonner à l'ennemi car il continue à servir de pivot autour duquel tournent, depuis Platon, les plus essentielles des controverses sur la politique.

BENSAÏD Daniel, Marx [mode d'emploi], La Découverte, 20092009 [Texte en ligne Zones - Alternative libertaire - L'Appel et la Pioche - Là-bas si j'y suis I - Là-bas si j'y suis II].
Dans les années 80, en pleine offensive néolibréale, le magazine Newsweek pouvait titrer, triomphalement : «Marx est mort.»
Mais les spectres ont la peau dure. Aujourd'hui, Marx est de retour. En ces temps de crise fracassante du capitalisme et de grande débandade idéologique, on le redécouvre. Même le très libéral conseiller de l'Élysée, Alain Minc, s'est récemment déclaré «marxiste» - sans rire - en matière d'analyse économique.
Mais qui fut Marx ? Qu'a-t-il vraiment dit ? Ce petit ouvrage offre une introduction ludique à sa pensée, sa vie, son œuvre. Un panorama clair et souvent drôle qui associe bande dessinée et philosophie, humour et esprit de synthèse pour présenter dans toute son actualité la pensée du principal théoricien de l'anticapitalisme.