30 juillet 2010

La saga des revues


Les pages "Débats" du Monde proposent cet été une série consacrée à l'histoire de trente grandes revues françaises et étrangères. Sans prétendre à l'exhaustivité, elles donnent une bonne idée de la richesse de la vie intellectuelle telle qu'elle est répercutée, depuis deux siècles, au travers de ces publications à la fois savantes et généralistes.
Le Monde

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Lire aussi : Dossier Guide des ressources documentaires, Monde en Question.

29 juillet 2010

Israël prolonge de vingt ans le secret sur les archives de l'Etat

Les autorités israéliennes ont décidé de prolonger de vingt ans l'interdiction d'accès aux archives gouvernementales, la portant à soixante-dix ans. Ces archives concernent en particulier la campagne du Sinaï contre l'Egypte en 1956, lancée en coordination avec la France et la Grande-Bretagne, des affaires d'espionnage et le début du programme nucléaire israélien.

"Ces archives continueront à être classifiées de crainte d'atteinte à la vie privée des personnes mentionnées ou de leurs proches" a déclaré à l'AFP le directeur des Archives nationales, Yehoshua Freundlich. "Nous devons également maintenir le secret défense" compte tenu du risque qu'Israël peut se faire accuser "de violer le droit international", a-t-il ajouté. Selon lui, dans un certain nombre de pays occidentaux, "des documents d'Etat restent classifiés soixante-dix ans voire plus".

Selon le quotidien Ha'aretz, le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, a décidé il y a deux semaines de prolonger la période du secret, sous la pression des services secrets.

L'historien israélien Tom Segev a dénoncé cette mesure estimant qu'elle traduisait une "tendance antidémocratique" dans la société israélienne. "S'il est légitime de ne pas dévoiler certains noms et de maintenir le secret sur des sujets ultrasensibles, interdire globalement de publier ou même de consulter ces documents, relève d'une démarche antidémocratique inquiétante et d'une volonté de masquer des fautes, voire des crimes de guerre passés", a-t-il déclaré à l'AFP. Le maintien du secret a également été dénoncé comme une mesure "arbitraire et injustifiée" par l'Association des droits civiques en Israël.

En février 1995, les Archives nationales israéliennes avaient censuré des documents officiels concernant l'expulsion de Palestiniens pendant la première guerre israélo-arabe, en 1948. Les Archives, qui relèvent du bureau du premier ministre, avaient publié quatre mille pages de protocoles des réunions du gouvernement provisoire israélien entre mai 1948, date de la proclamation de l'Etat hébreu, et avril 1949.

Elles les avaient cependant expurgées de passages concernant l'exode des plus de sept cent mille Palestiniens qui ont fui l'avance de l'armée israélienne ou ont été chassés de chez eux, ainsi que des atrocités commises par l'armée israélienne.

AFP

28 juillet 2010

Hommage à Marie de GOURNAY

Toute femme née pourvue d'un grand don au XVIe siècle serait certainement devenue folle, ce serait tuée ou aurait terminé ses jours dans une chaumière solitaire à l'orée du village, à demi sorcière, à demi magicienne, crainte et faisant l'objet de moqueries...
WOOLF Virginia, Un chambre à soi [1929], 10x18, 2001.
Cette affirmation, reprise en chœur par les néo-féministes, est une insulte à l'histoire. Marie de Gournay en est un merveilleux contre exemple.

Certaines post-féministes ont bien tenté de la cantonner dans le rôle de la victime qui aurait vécu «dans l'ombre de Montaigne», mais ce qu'elle écrit à Lipse plus de trois ans après la mort de Montaigne prouve qu'elle a construit elle-même le personnage de la «fille d'alliance».
Monsieur, comme les autres méconnaissent à cette heure mon visage, je crains que vous méconnaissiez mon style, tant ce malheur de la perte de mon père m'a transformée entièrement ! J'étais sa fille, je suis son sépulcre ; j'étais son second être, je suis ses cendres. Lui perdu, rien ne m'est resté ni de moi-même ni de la vie, sauf justement ce que la fortune a jugé qu'il en fallait réserver pour y attacher le sentiment de mon mal.
VENESOEN Constant, op. cit. p.21.
Même si Michèle Fogel reprend les lieux communs du mythe féministe, elle retrace néanmoins une biographie beaucoup plus nuancée.
A vingt-cinq ans, Marie Le Jars croyait avoir atteint la gloire : Lipse, le plus célèbre érudit du temps, l'avait présentée à toute l'Europe lettrée comme un prodige et reconnu le nom qu'elle s'était donné, Marie de Gournay. A trente ans, elle assurait la première publication posthume des "Essais".

Suivant l'exemple des hommes de lettres, elle travaille à se construire un réseau de protecteurs : non sans mal, ni sans échecs, puisque ses espoirs de ligueuse s'effondrent devant la victoire finale d'Henri de Navarre. Du moins devient-elle de plus en plus habile à se mouvoir parmi les soubresauts de la politique. Elle offre sa plume aux souverains, quels q' ils soient, et à leurs serviteurs : la reine Marguerite, Henri IV, Marie de Médicis, Louis XIII, la marquise de Guercheville, première dame d'honneur de la reine mère, les ministres Villeroy et Jeannin, puis Richelieu. Elle obtient les privilèges l'édition des "Essais" et de ses propres œuvres. Elle bénéficie d une pension royale.

Elle s'affirme alors comme femme qui pense, publie ses avis sur la traduction, la langue, la poésie, l'actualité politique et religieuse.

Sur ce chemin écarté elle rencontre d'autres aventuriers : Théophile de Viau, le poète persécuté dont elle prend la défense, et tous ceux qui ont fait le pari d'explorer l'impensable, les libertins.
Comme d'autres écrivains de son temps, Marie de Gournay fut oubliée suite à la nouvelle esthétique qui s'impose sous le règne de Louis XIV et que les auteurs du XIXe siècle nommeront classicisme.

Contrairement à la légende, Marie de Gournay ne fut pas redécouverte par les féministes. Dès le XIXe siècle elle a bénéficié d'analyses admiratives liées à la mode du romantisme qui s'est développé par réaction contre le classicisme.

On se demande si les féministes ont vraiment lu Marie de Gournay car «le concept gournayen de la femme ne s'harmonise qu'avec une société mythique imaginée par l'érudite». «Marie de Gournay voudrait retourner à un monde intellectuellement androgyne». De même «elle ne fait pas le procès de toute la gent masculine, mais seulement celui des hommes médiocres» et sa défense des femmes «est un plaidoyer pour la femme d'esprit» [NOIRET Marie-Thérèse, op. cit., p.72].
Gournay se situe donc au-delà des considérations relatives aux rapports entre les hommes et les femmes. Elle gomme même volontiers les différences entre les hommes et les femmes, et soucieuse de ne pas se retrancher dans un camp ou dans l'autre, mais bien de s'affirmer comme partie d'un ensemble universel, «celle qui escrit» confond celles-ci et ceux-là par l'emploi conjoint des deux genres tout au long de son argumentation: «hommes et femmes», «homme ou femme», «ceux et celles», «ni homme ni femme», «d'associés et d'associées», «des amis et amies».
GOURDE Sylvie, op. cit., p.65
Marie de Gournay est avant tout une femme de lettres. Elle prend une part singulière aux démêlés littéraires de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle. «Pour Marie, les mots sont une arme, un instrument à son service». Et elle a la dent dure notamment contre le «processus d'épuration linguistique entrepris pat la "nouvelle bande" de Malherbe. Marie prône l'emploi de synonymes, archaïsmes, néologismes» [DEVINCENZO Giovanna, op. cit. p.10].


La lecture de cette grande érudite console de la médiocrité des débats et du langage dans la société médiatico-publicitaire du XXIe siècle.

26/07/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Œuvres de Marie de GOURNAY :
• GOURNAY Marie Le Jars de (1565-1645), Œuvres, BNF-Gallica [livres à télécharger].
• GOURNAY Marie de, Fragments d'un discours féminin [Textes établis, présentés et commentés par Elyane DEZON-JONES], Corti, 1988 Recherches féministes.
• GOURNAY Marie de, Égalité des hommes et des femmes - Grief des Dames suivis de Proumenoir de Monsieur de Montaigne [Textes établis, annotés et commentés par Constant VENESOEN], Droz, 1993 [BooksGoogle].
• GOURNAY Marie de, Les advis, ou, Les presens de la Demoiselle de Gournay I [Textes établis, annotés et commentés par Jean-Philippe BEAULIEU et Hannah FOURNIER], Rodopi, 1997.
• GOURNAY Marie de, Les advis, ou, Les presens de la Demoiselle de Gournay II [Textes établis, annotés et commentés par Jean-Philippe BEAULIEU et Hannah FOURNIER], Rodopi, 1997 [BooksGoogle].
• GOURNAY Marie de, Textes relatifs à la calomnie [Textes établis, annotés et commentés par Constant VENESOEN], Gunter Narr Verlag, 1998 [BooksGoogle].
• GOURNAY Marie de, Œuvres complètes 2 vol. [Édition critique sous la direction de Jean-Claude ARNOULD], Champion, 2002 [Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance].
• GOURNAY Marie de, Égalité des hommes et des femmes suivi de Grief des Dames [Édition établie par Claude PINGANAUD et présentée par Séverine AUFFRET, Arléa, 2008.

Études sur Marie de GOURNAY :
• Actes du Colloque de Duke 31 mars-1er avril 1995 réunis et présentés par Marcel TETEL, Montaigne et Marie de Gournay, Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance n°1, vol. 49, 1999 p.90-91.
• BERRIOT-SALVADOR Evelyne, «Les femmes et les pratiques de l'écriture de Christine de Pisan à Marie de Gournay», Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance n°16, 1983 p.52-69.
• DESEAN Philippe, «Editer et publier les Essais au XVIIe siècle», Cahiers de l'Association internationale des études françaises n°51, 1999 p.205-223.
• DEVINCENZO Giovanna, «Marie de Gournay - Une femme de lettres dans une période de transition» in D'un siècle à l'autre - Littérature et société de 1590 à 1610, Presses Paris Sorbonne, 2001, p.219-230 [BooksGoogle].
• DEVINCENZO Giovanna, Marie de Gournay - Un cas littéraire, Presses Paris Sorbonne, 2002 [BooksGoogle].
• DEZON-JONES Elyane, «Marie de Gournay, femme de lettres et amie de Montaigne», Canal Académie, 11/07/2010.
• FOGEL Michèle, Marie de Gournay - Itinéraires d'une femme savante, Fayard, 2004 [L'Humanité].
• FRELICK Nancy, «(Re)Fashioning Marie de Gournay» in La femme au XVIIe siècle - Actes du colloque de Vancouver, Gunter Narr Verlag, 2002 p.165-180 [BooksGoogle].
• GOURDE Sylvie, «Écriture contre parole - Marie de Gournay et son autodéfense dans Apologie pour celle qui escrit», Tangence n°77, 2005 p. 61-72.
• KRIER Isabelle, «Souvenirs sceptiques de Marie de Gournay dans l'Égalité des hommes et des femmes», Clio n°29, 2009.
• NOIRET Marie-Thérèse, «Les dimensions multiples des traités de Marie de Gournay», Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance n°43, 1996 p.65-77.
• NOISET Marie-Thérèse, «Marie de Gournay et le caprice des siècles», Études françaises n°3, vol. 29, 1993 p.193-205.
• NOISET Marie-Thérèse, Marie de Gournay et son œuvre, Les éditions namuroises, 2004.
• SCHIFF Mario, La fille d'alliance de Montaigne - Marie de Gournay [1910], BiblioBazaar, 2009 [BooksGoogle].
• VENESOEN Constant, Études sur la littérature féminine au XVIIe siècle, Summa Publications, 1990 p.13-42 [BooksGoogle].

Études sur la littérature aux XVIe et XVIIe siècles :
• BASTIAENSEN Michel (sous la directon de), La femme lettrée à la Renaissance, Peeters, 1997 [Clio].
• BULCKAERT Barbara, «Une lettre de l’humaniste Anna Maria van Schurman (1607-1678) sur l’accès des femmes au savoir», Clio n°13, 2001 p.167-183.
• DESEAN Philippe et DOTOLI Giovanni (sous la direction de), D'un siècle à l'autre - Littérature et société de 1590 à 1610, Presses Paris Sorbonne, 2001 [BooksGoogle].
• DOTOLI Giovanni, Littérature et société en France au XVIIe siècle, Presses Paris Sorbonne, 2004 [BooksGoogle].
• FRANÇOIS Carlo, FALLEUR Georgette, Précieuses et autres indociles, Summa Publications, 1987 [BooksGoogle].
• HAASE-DUBOSC Danielle, «Intellectuelles, femmes d'esprit et femmes savantes au XVIIe siècle», Clio n°13, 2001 p.43-67.
• LA CHARITÉ Claude (sous la direction de), Masques et figures du sujet féminin aux XVIe et XVIIe siècles, Tangence n°7, Hiver 2005.
• RHR - Réforme, Humanisme, Renaissance, Université de Saint-Etienne, 1998 [BooksGoogle].
• STEINBERG Sylvie, ARNOULD Jean-Claude, Les femmes et l'écriture de l'histoire : 1400-1800, Publication des Universités de Rouen et du Havre, 2009 [BooksGoogle - Clio].

Généralités :
• Gournay, Marie Le Jars, dite Marie de (1565-1645), Dictionnaire de la SIEFAR.
• Marie de Gournay, Mairie de Gournay Sur Aronde.
• Marie de Gournay, Wikipédia.
Dossier documentaire & Bibliographie Féminisme, Monde en Question.

27 juillet 2010

Brèves Afghanistan

26/07/2010, Rapports explosifs sur la guerre en Afghanistan, Le Monde diplomatique.
Une masse considérable de fichiers confidentiels de l’armée américaine vient d’être dévoilée, lundi 26 juillet, par le site Internet Wikileaks.org. Ces documents relatent, événement après événement, le quotidien d’une guerre entamée en octobre 2001 et d’une occupation qui n’en finit pas.
Lire aussi :
WikiLeaks met au point une version non censurable de Wikipédia, afin de divulguer et d'analyser des documents, dont la source ne soit pas identifiable et pour une diffusion à grande échelle.
OWNI Digital Journalism.
War Logs vous donne accès à 6 ans de guerre résumés dans 75 000 documents.
• Afghanistan: The war logs, The Guardian.
• The War Logs, The New York Times.
• The Afghanistan Protocol, Spiegel.
Dossier documentaire & Bibliographie Afghanistan, Monde en Question.

26 juillet 2010

Osez le crime féministe !

Abandonner mes enfants sur l'autoroute et cacher le corps de mon mari dans un fourré, c'est vrai, c'est pas ce que j'ai fait de mieux en ce début d'été. Me suis emportée. Juste après, j'ai incendié la voiture, non sans y avoir placé le cadavre d'une marginale esseulée qui, la malheureuse, me ressemblait. Me laissant pour morte, j'ai décollé avec un faux passeport vers un paradis offshore. Il fallait bien ça pour détourner l'assurance-vie conjugale au détriment de mes orphelins. Se préparer une retraite décente, c'est aujourd'hui un sacré défi !

Mais rassurez-vous, mon mari n'a pas trop-trop souffert, a priori. Quant à mes têtes blondes, elles trouveront probablement une famille d'accueil rieuse et honorable. La Dass, c'est comme une colonie, m'a-t-on dit. Les vacances avaient pourtant bien commencé mais, soudainement, sur la route, ça a mal tourné : un flash info sur la réforme des retraites à la radio, et j'ai disjoncté.

J'y apprenais que les femmes - dont les retraites sont déjà inférieures de 38 % à celles des hommes et, pour la moitié, sous la barre des 900 euros par mois - allaient encore se trouver discriminées par la réforme. On fait des enfants et ça, ça fait perdre du temps. Et le temps, c'est de l'argent : d'après les copines d'Osez le féminisme !, « 64 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par un parent qui cesse le travail, la mère dans plus de 98 % des cas. Et pendant ce temps-là, le compteur des trimestres de cotisation ne tourne plus. » Le raisonnement donné pour justifier la réforme : la crise, la finance, les traders, les fonds pourris, l'État endetté, les vieux qui se reproduisent de plus en plus vite. Tout ça, c'est très compliqué et, si on ne paye pas maintenant, on va finir par le payer. Ah bon. Que nous devions travailler jusqu'à 67 ans pour avoir une retraite pleine, vu le retard accumulé, c'est cette idée qui m'a précipitée dans le crime et l'arnaque à l'assurance-vie. Vous ne m'en voudrez pas trop. Mon nouvel environnement, maintenant que je suis en cavale, c'est un monde de vice, de peur, de trahison et de bandits, de mafias, d'espions, d'assassins et de trafiquants. Un monde noir, glauque, dangereux et effrayant. Ce monde qui émerge quand l'individualisme et la loi du plus fort prennent le pas. Quand la violence expulse la confiance. Allongée sous les vagues, quelques grains de sable joueurs me frottant le dos, glissant entre mes seins et me gommant la peau, je me régale. Je suis une femme fatale.

Éditorial du magazine Causette, Juillet-Août 2010.
Cette femme fatale ressemble étrangement à la Christine Vuillemin imaginée par Marguerite Duras. Dans un article publié le 17 juillet 1985 par Libération, elle avait accusé Christine Vuillemin d'être la meurtrière du petit Grégory, mais elle avait justifié son crime sous prétexte qu'elle subissait «la loi de l'homme» [1] !

Gageons que la femme fatale de Causette effectuera un jour ou l'autre un revirement à la Duras des Parleuses :
Il y a un para chez tout homme. [...] ils le sont tous, je crois que tout homme est beaucoup plus près d'un général, d'un militaire que de la moindre femme.
Marguerite DURAS, Xavière GAUTHIER, Les parleuses, Éditions de Minuit, 1974 p.33.

Quand une femme est pénétrée par un homme, le cœur est touché... Il faut retrouver la nature. On l'a perdue avec le féminisme...
Marguerite DURAS, Le Quotidien de Paris, 23 janvier, 1981.
Dans le même entretien elle a ajouté : «Le féminisme, qu'a-t-il apporté sur le plan social ? Ça m'est égal. C'est le dernier des plans auquel je m'intéresse.»
Les féministes d'aujourd'hui, à quelques exceptions près, campent sur cette ligne de l'indifférence voire de l'hostilité aux questions sociales. Beaucoup même se sont engagées, armées d'un string vengeur, dans les troupes hétéroclites (d'Arlette Laguiller à Jean-Marie Le Pen) du racisme colonial. L'ennemi à abattre n'est plus l'abstrait patriarcat (plus fantasmé que réel), mais l'homme musulman - cet ennemi de l'intérieur qui minerait la civilisation occidentale.

24/07/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Dossier documentaire & Bibliographie Presse féminine, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Voile & Burqa, Monde en Question.

[1] Sélection bibliographique :
• Affaire Grégory, Wikipédia.
• DURAS Marguerite, Sublime, forcément sublime, Christine V., Libération, 17 juillet 1985.
- Texte repris dans Duras, Cahiers de L'Herne n°86, 2005.
- Texte traduit en anglais, Janus Head - Journal of Interdisciplinary Studies in Literature, Continental Philosophy, Phenomenological Psychology, and the Arts, 2006.
- Texte repris et précédé de Duras aruspice par Catherine MAVRIKAKIS, Héliotrope, 2007.
• ANDERSON Stéphanie, Le discours féminin de Marguerite Duras - Un désir pervers et ses métamorphoses, Droz, 1995.
• JOUVENOT Christian, La folie de Marguerite - Marguerite Duras et sa mère, L'Harmattan, 2008 [Amazon].
• 2005, JOUVENOT Christian, Marguerite Obscur Donnadieu Duras : "Sublime, forcément sublime", Revue française de psychanalyse n°69.
L'auteur fait l'hypothèse d'une sublimation-création de survie en rapport avec une traumatophilie dans l'œuvre de Marguerite Duras, à partir de son article paru en 1985 dans Libération : "Sublime, forcément sublime".
• 03/03/2006, ARMEL Aliette, De la mendiante à Christine V, les errances féminines de M. Duras (1), Remue.net.
« Regardez bien autour de vous : quand les femmes sont comme celle-ci, inattentives, oublieuses de leurs enfants, c'est qu'elles vivent dans la loi de l'homme, qu'elles chassent des images, que toutes leurs forces, elles s'en servent pour ne pas voir, survivre »
« Aucun homme au monde ne peut savoir ce qu'il en est pour une femme d'être prise par un homme qu'elle ne désire pas. La femme pénétrée sans désir est dans le meurtre. Le poids cadavérique de la jouissance virile au-dessus de son corps a le poids du meurtre qu'elle n'a pas la force de rendre : celui de la folie. »
• 26/10/2006, Denis Robert : "J'ai dérapé au moment de l'inculpation de Bernard Laroche", 20 minutes.
Il y a une Une symbolique de cette affaire dans un Libé de juillet 1985. Au moment où Christine Villemin est libérée de prison, vous faites un article en parlant du droit à l'innocence. Et dans la même édition [pleine page en quatrième de couverture], il y a le papier de Marguerite Duras et le fameux « Christine V., sublime forcément sublime »…
C'était une idée de July et j'étais en désaccord avec lui. Mais en réalité, c'est une version soft qui est passée. Dans une première version, elle développait l'idée qu'une mère qui donne la vie a le droit de la retirer.
• Été 2007, SÉCAIL Claire, L'affaire Grégory et la télévision : l'image adoucit-elle les mœurs ?, Les cahiers du journalisme n°17.
Les plus graves dérives sensationnalistes de cette affaire restent largement imputables à la presse écrite et radiophonique. Qu'en est-il plus particulièrement de la télévision ? Quelle place a tenu le média du son et de l'image dans cette surenchère collective ?
• 15/04/2008, GUILLON Claude, Credo et confiteor, Site de l'auteur.
Sollicitée par Libération d'effectuer un reportage sur une affaire d'infanticide dont la presse avait fait un passionnant roman à épisodes, elle « s'est précipité » (selon Serge July) à Lépanges-sur-Vologne, résidence de la famille Villemin. Christine Villemin est, à l'époque où Duras écrit, en détention provisoire, soupçonnée du meurtre de son fils Grégory, dont le corps a été retrouvé dans un étang. Mais c'est la maison familiale qui attire Duras : « Dès que je vois la maison, je crie que le crime a existé. C'est ce que je crois. C'est au-delà de la raison. [...] L'enfant a dû être tué à l'intérieur de la maison. Ensuite il a dû être noyé. C'est ce que je vois. Je vois ce crime sans juger de cette justice qui s'exerce à son propos. » À partir de son délire visionnaire, Duras instruit à charge contre la jeune femme, qu'elle ne désigne jamais que sous le pseudonyme de Christine V., comme s'il fallait, pour mieux lui voler sa parole, la priver d'abord de son nom. Qu'importent ses dénégations, Duras la croit, la voit, la sait coupable : elle a tué son fils. Les derniers sacrements, Duras les réserve à sa propre victime : « Christine V. est sublime. Forcément sublime. »
• 09/07/2008, Grégory : Une affaire hors-norme, Le JDD.
La France est alors divisée en deux camps, ceux qui sont sûrs de la culpabilité de la mère, la majorité, et ceux qui la dédouanent. L'affaire fait la une de tous les médias, et a un retentissement en dehors des frontières. Les médias prennent parti et mènent leur propre enquête, sur cette affaire hors-norme, en dehors de toute règle déontologique. Ce ne sera pas le seul dérapage du dossier, qui en verra de nombreux autres, entre les violations du secret de l'instruction et de la vie privée, la rivalité exacerbée entre les enquêteurs de la gendarmerie et ceux de la SRPJ qui ont ralenti l'enquête. [...] Dans une tribune publiée en 1985 par Libération, Marguerite Duras choque en prenant fait et cause pour la mère, tout en l'estimant coupable. L'écrivain estime que Christine Villemin est "sublime, forcément sublime" et justifie son geste par une vie terne, et une rancoeur contre son époux.
• 04/12/2008, L'affaire du petit Grégory redémarre grâce aux experts lausannois, 24 heures.
L'affaire Grégory a rendu folle la justice et délirants les médias. Certes, tous les éléments d'un crime hors-norme étaient réunis: assassinat d'un petit de 4 ans; dissensions familiales; envie suscitée par la réussite professionnelle du contremaître Jean-Marie Villemin, le père de Grégory; intervention d'un mystérieux «Corbeau» qui revendique l'assassinat dans ses lettres anonymes; multiples rebondissements spectaculaires.
Mais cela ne suffit pas à expliquer les incessants dérapages commis par les enquêteurs et par les journalistes. Le sommet du délire a été atteint par un article du grand écrivain Marguerite Duras que Libération a publié le 17 juillet 1985. Elle y exprime sa conviction que l'assassin du petit Grégory n'est autre que sa mère: «Sublime, forcément sublime, Christine V.» Et Duras d'entonner une glorification de l'infanticide. Répétons-le : Christine Villemin a été définitivement et entièrement innocentée en 1993.
• 09/12/2008, DRISSI Hamida, L'œuvre de Marguerite Duras ou l'expression d'un tragique moderne, Université Paris-Est.
Dans son article « Sublime, forcément sublime » publié dans Libération en 1985, Marguerite Duras justifie et excuse en quelque sorte l'infanticide présumé de Christine Villemin par une oppression millénaire exercée sur la femme et une maternité vécue dans la douleur et le morcellement. Pour elle, cette maternité empiète sur tout, même sur la féminité. Au risque de choquer certains esprits puritains, Duras commence d'abord, dans son article, par interpeller avec force le lectorat : « Pourquoi une maternité ne serait-elle pas mal venue ? », puis confère au geste infanticide de Christine Villemin une dimension tragique et universelle, révélatrice de la condition de toute femme pour conclure enfin sur l'innocence de l'accusée :
Du moment que ce crime, dans le cas précis où elle était d'avoir à le commettre personne n'aurait pu l'éviter, coupable elle n'a pas été... J'ose avancer que si Christine V. est consciente de l'injustice qui lui a été faite durant la traversée du long tunnel qu'a été sa vie, elle est complètement étrangère à cette culpabilité que l'on réclame d'elle. Elle ne sait pas ce que veut dire ce mot. Qu'elle ait été, elle, victime de traitements injustes, oui, mais coupable, non, elle ne l'a pas été.
Il n'est donc pas étonnant que la femme soit appréhendée comme mère et comme amante, deux images contiguës mais peu compatibles dans l'œuvre de Marguerite Duras, où la figure maternelle est souvent évincée au profit de l'amante.