10 février 2011

Vacances aux frais des dictateurs


Le Président de la République, la ministre des Affaires étrangères et le Premier ministre (pour ne citer qu'eux) prétendent donner des leçons de "démocratie" au monde entier - nouvel évangile des puissances occidentales -, mais trouvent tout à fait naturel d'être invités à titre privé par Mohammed VI, Zine Ben Ali ou Hosni Moubarak... Le cynisme des actes révèle celui des discours.

09/02/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Revue de presse du 09/02/2011 :

• Après MAM... François Fillon !
On apprend donc, grâce au Canard Enchaîné que le Premier ministre s'est fait payer ses vacances, avion intérieur, balade sur le Nil et hébergement en Egypte, par Hosni Moubarak, ou plutôt par le contribuable égyptien. Voilà qui vient sauver in extremis Michèle Alliot-Marie. Imaginez la ministre des affaires étrangères renvoyée du gouvernement (avec son mari, également ministre), il faudrait que François Fillon soit logé à la même enseigne! Le gouvernement serait alors décapité. Donc il ne se passera rien. C'est vrai, rien d'illégal n'ayant été commis, on peut en rester là et ce sera le cas parce que c'est comme ça en France. Pourtant en juin, après l'affaire Joyandet, le président avait été obligé de réaffirmer ce qui paraissait la moindre des choses pour tout le monde : les ministres doivent payer leur vacances. Il y a - c'est vrai - dans les relations internationales, une part de relations personnelles nécessaires entre les chefs d'États et aussi entre les ministres des affaires étrangères ; on s'invite un week-end dans sa maison de campagne en marge d'un voyage officiel, pourquoi pas. On peut même comprendre une certaine proximité avec des chefs d'État de pays qui, disons, n'ont pas les mêmes standards démocratiques que nous mais c'est aux dirigeants de trouver la limite entre ce qui relève des relations professionnelles plus ou moins amicales et ce qui pourrait relever du conflit d'intérêts ou tout simplement du mauvais goût. Les vacances privées offertes par des chefs d'État peu démocratiques et de pays pauvres sont largement au-delà de la limite !
L'édito politique
• Les vacances de la diplomatie française
François Fillon, dit-on, n'aurait pas pu refuser de laisser payer ses vacances par Hosni Moubarak sans blesser le président d'un pays ami auquel la France est nécessairement iée. C'est vrai. C'est absolument vrai mais c'est bien la raison pour laquelle le Premier ministre n'aurait pas dû aller passer ses vacances en Egypte alors qu'il était évident que ce problème se poserait. François Fillon, ajoute-t-on, n'est pas le premier dirigeant français à aller bronzer en famille aux frais d'un dictateur et c'est encore vrai.
Hassan II, l'ancien souverain marocain, c'était ainsi fait une spécialité d'offrir des vacances de rêve à tout ce qui comptait dans la politique française mais ce n'est pas parce que d'autres se sont compromis dans ces facilités qu'il faut les perpétuer car ce n'est parce que tant de gens traversent hors des clous que le Premier ministre devrait en faire autant.
Géopolitique
• Sous le regard du Sphinx...
L'été dernier, raconte Libération, Angela Merkel a pris ses vacances dans le Tyrol, son mari sous un bras et une biographie de Staline sous l'autre. Voilà ce qu'on peut appeler un voyage irréprochable.
Et dans le gouvernement, "Est-ce que ça décolle à plein tube ?" comme le titre Le Canard Enchaîné cette semaine... Le Canard qui révèle donc que François Fillon a passé ses vacances de Noël en Egypte, aux frais de Moubarak.
Mais que diable allait-il faire dans cette felouque ? se demande Bruno Dive dans Sud-Ouest... "il est choquant que le premier ministre ait passé ses vacances aux frais d'un chef d'Etat étranger"... Choquante "cette connivence persistante de nos dirigeants avec les autocrates arabes".
Connivence... le mot est également utilisé par Laurent Joffrin. Nos gouvernants deviennent "une confrérie suprême qui finit par mépriser les critères éthiques du commun des mortels".
Le Figaro rappelle les arguments de Matignon : à l'étranger, le Premier Ministre doit bénéficier de mesures de sécurité d'où l'utilisation d'un avion du gouvernement égyptien. Et refuser l'invitation de Moubarak aurait été une forme d'affront à une époque où le Raïs était considéré comme un élément de stabilité au Proche-Orient.
Et puis, il y a l'argument de l'hypocrisie de la gauche que ces pratiques n'ont pas toujours choqué. Libération mentionne les voyages de François Mitterrand en Egypte. Et dans Le Point, Robert Badinter lui-même rappelle que toute la galaxie politique française a été reçue par l'ancien roi du Maroc, Hassan 2.
Seulement, il y a la promesse de République irréprochable qu'avait faite Nicolas Sarkozy.
La revue de presse
Revue de presse internationale

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