13 juillet 2011

Coupable, forcément coupable

Tous ceux qui accusent ou défendent l'accusé Dominique Strauss-Kahn ou la plaignante X étalent complaisamment des spéculations fondées sur leurs préjugés et non sur des faits que personne ne connaît aujourd'hui et que personne ne connaîtra peut-être jamais, ce qui alimentera les spéculations...

Nous ne connaissons rien ou presque rien des faits de cette affaire :
  1. Dominique Strauss-Kahn fut arrêté à l'aéroport de New York le 14 mai 2011 vers 16h40 (source : The New York Times) ;
  2. suite à une plainte déposée le jour même (l'heure est incertaine) : L'accusé a tenté d'avoir, par la force, une relation sexuelle anale et orale avec une autre personne ; l'accusé a tenté d'avoir des rapports vaginaux avec une autre personne ; l'accusé a forcé une autre personne à un contact sexuel ; l'accusé a séquestré une autre personne : l'accusé a obligé une autre personne à un contact sexuel sans le consentement de cette dernière ; l'accusé a de façon intentionnelle et sans raison légitime touché les parties sexuelles et autres parties intimes d'une autre personne dans le but d'avilir une autre personne et d'abuser d'elle, et dans le but d'assouvir le désir sexuel de l'accusé (source : ABC News).
  3. Il fut incarcéré puis libéré sous caution et placé en résidence surveillée. Il est libéré sur parole le 1er juillet, mais les charges de la plaignante sont maintenues (source : The New York Times).
Les médias fabriquent un récit qui semble cohérent, mais qui reste un récit fictionnel. Un jour, l'accusé est présenté comme un porc. Un autre jour, la plaignante est présentée comme une pute. Les récits en faveur de la plaignante (les plus nombreux) ou de l'accusé (plus rares [1]) ne reposent sur aucun fait, mais sur des préjugés - une construction a priori - qui alimentent les spéculations et les rumeurs.

Les récits en faveur de la plaignante jugent Dominique Strauss-Kahn par principe coupable et justifient leur parti pris par la défense d'une cause juste : la cause des travailleurs, la cause de l'antiracisme, la cause des Palestiniens et surtout la cause des femmes.

La cause des travailleurs


• 04/07/2011, Derrière leur spectacle, l'affrontement à préparer, Lutte Ouvrière [2] :
Il y a le feuilleton DSK, ses frasques, son fric, son déjeuner entre amis à 600 dollars, et la lancinante question qui taraude les journalistes et les sondeurs : quel avenir politique pour l'ex-directeur général du FMI, ex-candidat présumé du Parti socialiste à la présidence de la République ? À peine ce feuilleton a-t-il connu une brève interruption qu'on lui a substitué le conte de fée d'un prince épousant une roturière dans une principauté d'opérette, entre banques et casinos. Et comme ces deux affaires commencent à lasser sérieusement un téléspectateur normal, voilà le Tour de France avec ses affaires de dopage réel ou supposé, ses vrais et faux suspenses !
Pendant qu'on amuse la galerie, les nuages d'une nouvelle crise financière s'amoncellent partout dans le monde.

La cause de l'antiracisme


• 05/07/2011, Qui est le plus nuisible ?, Les mots sont importants :
Sans préjuger de ce que décidera la Justice américaine, on ne peut pas ne pas être écoeuré-e par la manière dont, en France en tout cas, les possibles "mensonges" et "accointances délinquantes" de Nafissatou Diallo, aussi dérisoires soient-elles, et surtout éloignées de l'affaire en cours, tendent à blanchir Dominique Strauss-Kahn d'un crime d'une tout autre gravité : une tentative de viol. En soutien à Nafissatou Diallo, qui est, pour le moins, victime d'un ahurissant déballage sexiste et raciste...

La cause des Palestiniens


• 02/07/2011, DSK : le coup du "coup monté", CAPJPO - EuroPalestine :
"Tout ça va finir avec un gros chèque" : conclusion tout à fait plausible de Franz Olivier Giesbert ce jeudi soir sur France 2", écrivions-nous sur le site le 19 mai à propos de l'affaire DSK. Bien entendu, l'affaire ne sera jamais présentée de la sorte et il faut que Strauss-Kahn essaie de s'en sortir par le haut.
Quant aux autres "casseroles" que se traînent DSK dans ce domaine et qui sont de notoriété publique, il serait de mauvais goût d'en faire étalage face à une telle "réhabilitation" promise de la victime.

• 06/07/2011, La pensée tribale : POLANSKY, DSK., Islam et engagement :
C'est ainsi que l'un des plus ardents porte-parole de la pensée tribale raciste n'est autre que le sioniste BHL, qui a pris successivement la défense de Polansky et de DSK.
C'est au nom de ce même instinct primitif que vous le verrez célébrer de façon continue Tsahal, alors même que les soldats israéliens commettent les pires atrocités. Toujours au nom de la tribu.

La cause des femmes



• 02/07/2011, DSK. Les féministes gardent le cap, NouvelObs :
Même menteuse, Nafissatou Diallo ne met pas en péril le discours des féministes... Pas d'inquiétudes donc, pour ces femmes qui continueront à porter haut leur combat. "On se bat depuis trente ans, conclue Emmanuelle Piette, je savais qu'on n'allait pas tout gagner en une fois, mais la parole des femmes a été entendue."

• 04/07/2011, Ivan RIOUFOL, Pourquoi DSK est coupable, Blog Le Figaro :
Dominique Strauss-Kahn, dont on a appris qu'il redoutait les pièges et les complots liés à son goût pour les femmes, persistait néanmoins à jouer avec le feu. C'est cette légèreté qui lui est reprochée. Un probable candidat à la présidence de la République s'interdit d'inutiles comportements à risques, sauf à estimer pouvoir tout se permettre.

• 04/07/2011, Clémentine AUTAIN et Audrey PULVAR, Non au procès du féminisme !, Le Monde :
S'il était prouvé que Nafissatou Diallo avait menti, ce serait un camouflet pour la justice, une délivrance pour DSK et ses proches après une terrible épreuve, ainsi qu'un coup très dur porté aux femmes victimes de viol.

L'article La bonne sœur et la putain, publié par Agnès Maillard le 05/07/2011, est symbolique de la dérive d'un discours construit sur les a priori d'une cause - la cause des femmes en l'occurrence.
Une grande partie de ma vie d'adulte, je me suis appliquée à ne porter que des chaussures sans talon, des pulls informes, des pantalons et non des jupes, les cheveux courts, des coupes amples, des couleurs ternes, et surtout, j'ai réussi à me convaincre que c'était par goût. Le goût du sobre, le rejet de la mode, la nécessité de n'exister que sur le registre mental, de ne jamais incorporer ma pensée. Bien sûr, un bon fond féministe m'a permis de justifier ce genre de choix politiquement, comme refus de subir la dictature de la futilité et de l'apparence. Jusqu'à ne pas me reconnaître dans un miroir. Mais cela me rassurait. Et me donnait l'illusion que je pouvais réussir à exister en dehors de mon statut de femme, dans un strict rapport d'égalité, désincarné, asexué.
La vérité, c'est que j'avais peur. [...] Parce que, finalement, j'avais parfaitement bien intériorisé ce savoir commun qui laisse entendre qu'une femme qui se fait chopper, elle l'a bien un peu cherché. Parce qu'elle a traîné au mauvais endroit, au mauvais moment, parce qu'elle a peint ses lèvres de la couleur de sa vulve, parce qu'elle a montré une cheville évocatrice que surmonte un mollet bien galbé, parce que la chevelure dansante appelle à l'empoignade, parce que la robe qui souligne sa taille et magnifie ses fesses est un hymne à l'enculade, parce que ses seins qui l'empêchent de courir sont arrogants sous le tissu trop tendu de sa chemise cintrée, parce qu'une femme séduisante et épanouie est forcément un appeau à bites. Parce que nous savons toutes et on nous le rappelle sans cesse, qu'il nous suffit de ne pas être des saintes pour que tout mâle normalement constitué ait une irrépressible envie de nous fourrer son pénis dans notre vagin sans nous demander notre avis. Et c'est tout.
Cette affirmation péremptoire méritait des explications que l'auteure n'était pas disposée à donner et qu'elle ne pouvait pas donner sans renoncer au dogme.


L'auteure croit que Dominique Strauss-Kahn est coupable, forcément coupable, parce que cet homme symbolise la dépravation masculine dont seraient victimes les femmes... de toute éternité. Amen.
Le dernier rebondissement de l'affaire DSK ne raconte jamais rien d'autre que l'histoire éternelle de la femme pécheresse, tentatrice, manipulatrice et coupable par défaut de la chute de l'homme. Qu'importe si l'homme en question avait un lourd passif dans les affaires de mœurs des plus éloquentes, ce qui compte c'est l'idée, finalement, que si la femme n'est pas une sainte, c'est qu'elle est forcément une catin et que ce simple retournement suffit à absoudre l'homme de tout soupçon de viol.
Ce "Coupable, forcément coupable" rappelle le "Sublime, forcément sublime" de Marguerite Duras dans l'affaire Grégory, construit sur la même croyance :
Il y a un para chez tout homme. [...] ils le sont tous, je crois que tout homme est beaucoup plus près d'un général, d'un militaire que de la moindre femme.
Marguerite DURAS, Xavière GAUTHIER, Les parleuses, Éditions de Minuit, 1974 p.33.
08/07/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Revue de presse Dominique Strauss-Kahn, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Propagande, Monde en Question.

[1] Les récits en faveur de Dominique Strauss-Kahn sont le plus souvent construits sur la thèse d'un complot. Lire par exemple WSWS (groupe trotskyste américain) :
• 19/05/2011, David NORTH et David WALSH, Les questions sérieuses soulevées par l'affaire Dominique Strauss-Kahn, WSWS :
La présomption d'innocence sert d'argument à WSWS pour défendre la thèse d'un complot : "la destruction de la réputation politique de Strauss-Kahn".
• 04/07/2011, L'accusation de viol à New York contre l'ex-chef du FMI s'effondre, WSWS :
Il n'est pas encore possible de déterminer si la relation avec la femme de chambre était un coup monté délibéré, comme de nombreux partisans de Strauss-Kahn en France l'ont suggéré. Mais le déroulement des faits après son arrestation montre clairement que, au minimum, l'affaire a été manipulée pour atteindre un but politique.
[2] La démagogie de LO rappelle étrangement celle des maoïstes dans l'affaire de Bruay-en-Artois.

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