15 avril 2011

Les théories de la Géopolitique

Malgré la popularité acquise désormais par la géopolitique, malgré l'usage devenu courant, et parfois de manière inconsidérée, du vocable, et en dépit de la prolifération des articles, revues, livres et atlas excipant d'elle, le doute n'est toujours pas vraiment levé quant à son existence comme discipline authentique ; c'est à dire dotée d'un objet propre, de concepts et de méthodes d'investigation et d'exposition appropriés. Ni parmi les universitaires, ni dans le grand public, la géopolitique n'impose complètement la stature d'un cadre d'expertise. La faute de tout cela incombe à une sémantique dispersée et imprécise, à une approximation terminologique qui altère sa propre définition, à l'empirisme des travaux qui se revendiquent d'elle et qui ne démontrent rien. Certes, il ne faut pas trop noircir le tableau parce que la conscience de ces insuffisances existe, et qu'au gré des publications, on trouve heureusement de nombreuses analyses factuelles pertinentes et fortement instructives. Par ailleurs, il faut se dire que la géopolitique ne sera jamais une science pure, et cela pas plus et pas moins que n'importe laquelle des autres « sciences sociales » qui ont toutes montré leurs limites. Cette terminologie, rappelons le, faisait frémir Claude Lévi-Strauss parce qu'il voyait en elle une imposture.
Les théories de la Géopolitique, L'espace politique

Lire aussi :
Dossier documentaire & Bibliographie Géopolitique, Monde en Question.
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13 avril 2011

La chasse aux musulmans


Trois personnages emblématiques caractérisent la guerre contre le terrorisme : le "dangereux" Musulman, la Musulmane "en péril" et l'Européen "civilisé". Le présent ouvrage étudie la manière dont ces trois figures sont utilisées pour créer une véritable fable, celle d'une grande famille de nations occidentales qui s'estiment contraintes d'employer la force, tant militaire que politique et juridique, pour se protéger contre la "menace" des populations du tiers-monde. Sherene Razack montre qu'on entretient délibérément cette fable pour justifier l'expulsion des Musulmans de l'espace politique, en les stigmatisant d'abord, puis en les plaçant sous surveillance, en les emprisonnant, en les torturant, ou en larguant des bombes sur leurs pays.

Dans cet essai d'une grande actualité, Sherene Razack explique de quelle façon la "pensée raciale" – logique qui divise le monde entre ceux qui méritent d'être protégés par les lois et ceux qui ne le méritent pas – nous habitue à l'idée qu'il est nécessaire et légitime, pour des raisons de sécurité nationale, de suspendre les droits de certains groupes racialisés. L'auteure montre aussi que le refus de reconnaître une même nature humaine chez les peuples d'ascendance européenne et ceux qui ne le sont pas a favorisé l'implantation et la prolifération de "camps", au sens propre et figuré, c'est-à-dire de lieux où les libertés fondamentales sont bafouées et les lois ignorées.

Sherene RAZACK,