29 mars 2013

Jagten vs Présumé coupable

Ces deux films traitent de la descente en enfer d’un homme accusé à tort de pédophilie, tabou absolu du monde contemporain, et posent la question de la sacralisation de la parole de l’enfant qui peut conduire aux pires excès.

Jagten – La chasse


Lucas, abattu par son divorce, tente de se reconstruire auprès de sa bande de copains chasseurs et bons buveurs. Éducateur dans la crèche de la ville, il tisse une relation très forte avec Klara, la fille dun de ses amis, perturbée par les nombreuses disputes de ses parents. Mais Klara idéalise Lucas et lorsqu’il la repousse, sentant qu’elle transfère sur lui l’amour parental qui lui manque, la fillette évoque des attouchements fantaisistes auprès des adultes qui l’entourent. Se répandant comme une traînée de poudre, laccusation met Lucas au ban de la communauté, lisolement qu’il subit se transformant vite en véritable chasse à l’homme.

Malgré la présence de Mads Mikkelsen, excellent acteur, le film s’enlise. La descente aux enfers est crédible, mais pas le retournement après le miracle de la messe de Noël. Cela souligne l’emprise de l’église sur la société danoise :
Dans la Constitution il est écrit que « l’Eglise évangélique luthérienne est l’Eglise du peuple danois » et qu’elle est soutenue par l’État.
Lorsque l’on est baptisé à l’Eglise Danoise, on en devient automatiquement membre, mais chacun est libre de s’en retirer par la suite. Néanmoins, 90% des Danois sont membres de l’Eglise Danoise. Un enfant baptisé reçoit un certificat de naissance et de baptême où sont inscrits son lieu de naissance, sa date de naissance son numéro personnel (plus ou moins comme celui de la sécurité sociale) ainsi que l’identité de ses parents. Si l’on ne souhaite pas faire baptiser son enfant à l’Eglise Danoise, on doit tout de même s’adresser à un de ses bureaux pour recevoir l’attestation de naissance et d’identité. L’enfant n’est alors pas membre de l’Eglise Danoise, mais tous les enfants doivent avoir leur numéro personnel, un numéro que seule l’Eglise Danoise est habilitée à délivrer. L’attestation de naissance et d’identité contient le nom de l’enfant, son numéro personnel, ses lieu et date de naissance ainsi que l’identité de ses parents, et éventuellement si l’enfant est baptisé dans une autre Eglise.
Serge LEFORT, La guerre des images, Monde en Question

Quant à l’incident de chasse, réel ou imaginaire, il est une pirouette trop facile : « L’épilogue énigmatique est un écran de fumée qui masque mal tout ce à quoi le cinéaste est prêt pour mettre les spectateurs dans sa poche » (Télérama).


Thomas VINTERGERG, Jagten – La chasse, 2012, AlloCinéTélécharger VOSTFR.

Présumé coupable


L’histoire de l’affaire d’Outreau, a priori connue de tous, est racontée ici du point de vue de Alain Marécaux, l’un des accusés. Il évoque surtout l’engrenage policier et judiciaire, mais ne parle pas du rôle pourtant important des médias.

La performance de Philippe Torreton est impressionnante car sa descente aux enfers est aussi terrible que l’aveuglement de la machine judiciaire conduite par le juge Fabrice Burgaud. Le spectateur, qui sait que l’accusation est fausse, est saisi d’effroi par la perquisition musclée qui brisera cette famille car la femme divorcera et les enfants resteront éloignés de leur père, puis par la longue incarcération dans l’attente du procès en Cour d’assises.

On sait que les accusés David Brunet, Lydia Cazin-Mourmand, Jeanine Couvelard, Thierry Dausque, Karine Duchochois, Christian Godard, Roselyne Godard, Franck Lavier, Sandrine Lavier, Daniel Legrand (père), Daniel Legrand (fils), Alain Marécaux, Odile Marécaux, Pierre Martel et Dominique Wiel furent acquittés. Ils ont eu l’occasion de s’exprimer lors de l’enquête parlementaire, en 2006, et furent indemnisées pour cette erreur judiciaire, mais leur vie resta brisée alors que Fabrice Burgaud ne souffrit que d’une « réprimande avec inscription au dossier » en 2009.


Vincent GARENQ, Présumé coupable, 2011, AlloCinéTélécharger VF.

26/03/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Jagten – La chasse :
Critikat
Ecran large Interview de Thomas Vinterberg
Le Monde
RFI

Présumé coupable :
Critikat
Le Monde
Rue89

Affaire d’Outreau :
• 2004, Les durs enseignements d’outreau, Le Carnet PSY nº92.
• 14/12/2005, « Affaire d’Outreau » : Après le « délire » médiatique, l’amnésie collective, Acrimed.
18/01/2006-09/02/2006, Auditions ouvertes à la presse, Assemblée Nationale.
• 02/02/2006, Serge LEFORT, La voie royale de l’apolitisme, Monde en Question.
Ardente avocate des valeurs familiales et du néo-puritanisme de la droite, Marie-Ségolène Royal devra justifier ses déclarations dans l’affaire d’Outreau.
Plaçant toujours la parole de l’enfant au-dessus de la présomption d’innocence, Ségolène Royal a, à maintes reprises, soupçonné les défenseurs de la présomption d’innocence de vouloir « couvrir les pédophiles ».
• mars-avril 2006, Outreau, faillite judiciaire et peur des réseaux, Esprit nº3-4, p.6-7.
• avril 2006, Julie Joly-Hurard, La responsabilité civile, pénale et disciplinaire des magistrats, Revue internationale de droit comparé Vol. 58 n°2, p.439-475.
mai 2006, Rapport de l’Inspection Générale des Services Judiciaires, Ministère de la justice, 151 pages.
06/06/2006, Rapport de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement Assemblée Nationale, 628 pages.
• octobre 2006, Guy Canivet, Julie Joly-Hurard, La responsabilité des juges, ici et ailleurs, Revue internationale de droit comparé Vol. 58 n°4, p.1049-1093.
• 08/12/2006, La presse et Outreau (2001-2006), Le Tigre.
• janvier 2007, Outreau : anatomie d’une aberration judiciaire, Le Débat nº143.
• janvier 2007, Michelle Lecolle, Polysignifiance du toponyme, historicité du sens et interprétation en corpus. Le cas de Outreau, Corpus nº6, p.101-125.
• mars 2007, Justice – L’après-Outreau, Études tome 406, p.333-345.
• juillet 2007, Claudio Parisi, L’extension du système de juge unique en Europe, Revue internationale de droit comparé Vol. 59 n°3, p.647-671.
janvier 2008, Parole(s) : l’affaire d’Outreau, Droit et cultures nº55.
• janvier 2008, Roselyne Koren, Éthique de conviction et/ou éthique de responsabilité, Questions de communication nº13, p.25-45.
• janvier 2008, Gilles Bastin, Une exception d’irresponsabilité ? – Médias et journalistes dans l’affaire d’Outreau, Questions de communication nº13, p.89-107.
• janvier 2009, Jean-Louis Halperin, La preuve judiciaire et la liberté du juge, Communications nº84, p.21-32.
• janvier 2009, Bernard Paillard, La rumeur, ou la preuve ordinaire, Communications nº84, p.119-135.
• mai 2009, Le juge, la parole et l’enfant, Le Journal des psychologues nº268.
• Printemps 2010, Fadila Chourfi , La construction de la loi du 5 mars 2007. Pour une analyse sociopolitique des mutations de la Protection de l’enfance, Sociétés et jeunesses en difficulté n°9.
• 2011, Brice GRAVELLE, Le traitement médiatique de l’affaire Outreau : un exemple du fonctionnement du champ médiatique dans l’engrenage d’un fait-divers, Mémoire IEP de Toulouse, 105 pages.
• janvier 2012, Enfant, enfance et discernement, Recherches familiales nº9.
• Bibliographie, Wikipédia [Dossier mis à jour par Serge LEFORT le 28/03/2013].

Lire aussi :
Revue de presse Cinéma 2013, Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.

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