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15 avril 2003

Le destin de Jospin

Souvenons-nous. Giscard d'Estaing avait théâtralisé son échec à l'élection présidentielle de 1981 par une chaise vide. L'image, qui se voulait dramatique, n'émût pas grand monde.
Une fois digéré ce double échec, Giscard n'eut de cesse de montrer qu'il vivait encore et qu'il pouvait « être utile ». Mais, plus il se démenait dans les médias plus il agaçait ses amis politiques et faisait sourire la majorité des gens.
Ces interventions, largement médiatisées, permettaient au maire de Saint-Chamond de satisfaire sa manie à distribuer les bons et les mauvais points, mais pas son ambition de peser politiquement au-delà de l'UDF [1].
Lassé de l'ingratitude des français, l'ex-président de la République endossa un temps les habits de camelot de l'Auvergne. Puis, à la quête d'un emploi plus gratifiant, il prit le chemin de Bruxelles où on l'embaucha comme scribe de la future Constitution de l'Union européenne.

Jospin suit la même trajectoire, mais en qualité d'ex-candidat à la présidence de la République.
Après avoir abandonné son camp le soir du 21 avril et annoncé publiquement qu'il se retirait de la vie politique, le citoyen Jospin a néanmoins pris soin d'entretenir une présence médiatique.
Dans un premier temps, il a fait parler les autres : sa femme, son ex-femme et sa mère. Puis, il prend la parole dans Le Monde du 1er février 2003, sur deux pleines pages, pour affirmer qu'il voulait « être utile » [2].
Ce militant ordinaire aurait conservé un bureau et sa secrétaire au siège du PS, rue de Solférino. Il accepte complaisamment d'assister à une réunion de sa section du XVIIIe arrondissement sous les projecteurs des caméras.
Aujourd'hui, « l'homme libre » accorde une interview à Jean-Pierre Elkabbach et distribue aux autres ses bons et ses mauvais points pour ne pas faire le bilan de sa propre défaite – la perte de 2,5 millions d'électeurs entre 1995 et 2001. Jospin se comporte comme un demandeur d'emploi qui maquille son CV.

Serge LEFORT
15 avril 2003

[1] Il pesa d'ailleurs de moins en moins dans son propre parti.
[2] Le Monde du 18 octobre 2002 lui avait ouvert la voie en réalisant un curieux sondage destiné à prouver que « Si c'était à refaire, Jospin serait au second tour ». Ce quotidien oublia qu'il avait publié un dossier, les 17 et 18 mars 2002, sur « la fabrique de l'opinion » par « la folie des sondeurs ». La même « logique industrielle » permet à Jean-Marie Colombani de justifier « qu'il imprime le quotidien gratuit 20 minutes » « alors même que la rédaction du Monde, dans l'éditorial du 7 mars 2003, s'est inquiétée des conséquences d'une gratuité de la presse pour la profession de journaliste ».

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