Pages

30 novembre 2006

"Le problème avec Israël"

Une analyse de Jeff halper, coordinateur du Comité Israélien contre la destruction des maisons (ICAHD), qui fait parfaitement le point sur la politique israélienne de refus systématique de toute perspective de paix, avec l’énumération de toutes les offres de paix rejetées par Israël depuis 1948.

«Soyons honnêtes (pour une fois). Le problème au Proche-Orient ce n’est pas le peuple palestinien, ni le Hamas, ni les Arabes, ni le Hezbollah ou les Iraniens ou la totalité du monde musulman. C’est nous, les Israéliens.

Le conflit israélo-palestinien, la véritable grande raison de l’instabilité, de l’extrémisme et de la violence dans notre région, c’est peut-être le conflit le plus simple du monde à résoudre. Depuis presque 20 ans, depuis la reconnaissance par l’OLP d’Israël dans les frontières de l’armistice de 1949 (la «ligne verte» qui sépare Israël de la Cisjordanie et de Gaza) tous les leaders palestiniens soutenus par la grande majorité de la population palestinienne, ont proposé à Israël une offre des plus généreuses : un état juif sur 78% (du territoire) d’Israël/Palestine en échange d’un état palestinien sur seulement 22% (du territoire restant) La Cisjordanie, Jérusalem Est et Gaza.

En fait, c’est une proposition soutenue par une grande majorité des peuples Palestinien comme Israélien. (Selon le Ha’aretz du 18 janvier 2005, quelque 63 % des Palestiniens soutiennent le projet selon lequel, après l’établissement de l‘état Palestinien et une solution pour tous les problèmes en suspens, y compris celui des réfugiés et de Jérusalem, une déclaration serait publiée reconnaissant l’état d’Israël en tant qu’état du peuple juif et l’état palestinien en tant qu’état du peuple palestinien. Du côté israélien 70 % soutenaient l’idée d’une reconnaissance mutuelle. (...)

Si Israel mettait fin à l’Occupation avec un arrangement politique qui satisferait les besoins fondamentaux des deux peuples, les Palestiniens pourraient faire ce qui serait peut-être la contribution la plus importante de toute à la paix et à la stabilité du Proche Orient. Les Palestiniens possèdent, malgré leur faiblesse, l’unique source d’un formidable pouvoir, l’unique atout critique : ils sont les gardiens du Proche Orient. Parce que le conflit palestinien est emblématique il résume le «clash des civilisations», tel qu’il est vécu par l’ensemble des musulmans.

Le problème c’est Israël, à la fois dans ses formes d’avant et d’après l’Etat qui depuis les cent dernières années a fermement refusé de reconnaître l’existence nationale et les droits à l’auto détermination du peuple palestinien. Dans le passé, et maintenant encore, il a toujours dit «non» à toute possibilité de faire véritablement la paix et dans les termes les plus clairs.

Le dernier exemple c’est le Plan de Convergence (ou de Réalignement) d’Ehoud Olmert qui cherche à mettre un terme définitif au conflit en imposant le contrôle israélien sur un pseudo état palestinien «souverain».

«Israël maintiendra son contrôle sur les zone de sécurité, les blocs de colonies juives, et les endroits qui ont une importance suprême et nationale pour le peuple juif, d’abord et avant tout Jérusalem unifiée sous souveraineté israélienne» a déclaré Olmert à la conférence d’Herzliya de janvier 2006. «Nous ne permettrons pas l’entrée des réfugiés palestiniens dans l’état d’Israël». Le plan d’Olmert qu’il avait promis de mettre en route dès que le Hamas et le Hezbollah seraient supprimés, devrait perpétuer le contrôle israélien sur les Territoires Occupés. Cela ne rendrait pas possible l’existence d’un état palestinien viable. Alors que la «Mur de séparation», la frontière démographique d’Israël à l’Est, ne prend que 10 à 15% de la Cisjordanie, il incorpore à Israël les blocs majeurs de colonies, découpe la Cisjordanie en petit «cantons» (le mot est de Sharon) sans continuité territoriale, et appauvris, et enlève aux Palestiniens leurs riches terres agricoles et l’une des principales ressources en eau. Il crée aussi une «grande» Jérusalem israélienne sur tout une portion centrale de Cisjordanie, coupant du même coup le cœur économique, culturel, religieux et historique de tout état palestinien. Il prend alors en sandwich les Palestiniens entre le Mur/frontière et une autre frontière de sécurité, la vallée du Jourdain, donnant à Israël deux frontières à l’est. Israël garderait le contrôle de toutes les ressources nécessaires à un état palestinien viable et pour faire bonne mesure Israël s’approprierait l’espace aérien palestinien, leur sphère de communications et même le droit de l’ Etat palestinien à conduire sa propre politique étrangère.

Ce plan est évidemment inacceptable pour les Palestiniens - une évidence qu’Olmert ne connaît que trop bien - aussi doit-on l’imposer unilatéralement, avec le concours américain. Mais qui s’en soucie ? Nous avons refusé de dialoguer vraiment avec Arafat, refusé absolument de parler avec Abu Mazen, boycotté en ce moment tout le gouvernement Hamas pourtant élu, en arrêtant ou en assassinant ceux qui y sont associés. Et si «Convergence» ne flotte pas cette fois dans l’air, eh bien, le maintien du statu quo pendant qu’on construit des colonies a été la véritable politique des quarante dernières années et peut durer indéfiniment. En vérité, Israël est tombé dans une violence aveugle et inutile. La guerre du Liban en 2006 et, au moment où j’écris ces lignes, l’assaut d’une violence croissante contre Gaza.

Mais le public israélien a accepté la ligne de Barak selon laquelle il n’y a pas de «partenaire pour la paix». Ainsi ,si il y a un mécontentement parmi les votants, ils vont plus probablement jeter la gauche libérale au «cœur saignant» et ramener la droite avec sa doctrine d’échec, de sécurité basée sur le militaire. Pourquoi ? Si les israéliens ont un besoin vital de paix et de sécurité - «Le droit d’être normal» selon Olmert récemment, alors pourquoi n’ont ils pas saisi, ou au moins exploré, chacune et toutes les occasions de résoudre le conflit ? Pourquoi élisent-ils continuellement des gouvernements qui poursuivent agressivement l’expansion des colonies et la confrontation militaire avec les Palestiniens et les voisins d’Israël s’ils veulent se débarrasser quand même du fardeau de l’occupation ? Pourquoi, si la plupart des israéliens désirent se «séparer» des Palestiniens, offrent-ils tellement peu de choses que la séparation n’est tout simplement pas une option, même si les Palestiniens veulent faire des concessions majeures ?

«Les dossiers du Ministère Israélien des Affaires Etrangères» écrit l’historien israélo-anglais Avi Shlaim dans «le Mur de fer» (2001 : 49) «croulent sous les preuves que des éclaireurs arabes étaient prêts à négocier avec Israël dès Septembre 1948». Prenons simplement quelques exemples des occasions délibérément rejetées :

Au printemps et à l’été de 1949 Israël et les états arabes se sont rencontrés sous les auspices du Comité de Conciliation pour la Palestine des Nations Unies (PCC) à Lausanne en Suisse. Israël n’a voulu faire aucune concession territoriale ni faire revenir 100 000 des 700 000 réfugiés ce que réclamaient les Arabes. Pour autant, cependant, il y a eu la remarque que fit Ben Gourion lors d’une réunion de son cabinet, à savoir que le public israélien était «ivre de la victoire» et nullement d’humeur à des concessions «maximales ou minimales» selon le négociateur israélien Elias Sasson.

En 1949, le leader syrien Husni Zaim avait déclaré ouvertement qu’il était prêt à être le premier leader arabe à conclure un traité de paix avec Israël - et à accueillir la moitié des réfugiés palestiniens en Syrie. Il offrit sans relâche de rencontrer Ben Gourion, qui refusa obstinément. A la fin c’est seulement un accord d’armistice qui fut signé.

Le roi Abdallah de Jordanie engagea deux ans de négociations avec Israël mais ne pût jamais faire de percée significative sur aucun sujet important avant son assassinat. Son offre de rencontrer Ben Gourion fut aussi refusée. Ce que le ministre des affaires étrangères Moshe Sharett a commenté de manière révélatrice : «Un Transjordanien a dit nous sommes prêts pour une paix immédiate ; nous avons dit, évidemment, que nous voulions aussi la paix, mais nous ne pouvons pas courir, nous devons marcher». Trois semaines avant d’être assassiné, le roi Abdallah avait déclaré «Je pourrai justifier la paix si je pouvais souligner les concessions faites par les Juifs. Mais sans aucune concession de leur part, j’ai perdu avant de commencer».

En 1952-53 d’intenses négociations se sont tenues avec le gouvernement Syrien d’Adib Shishakli un leader pro américain qui était pour un r’églement avec Israël. Ces conversations ont échoué parce qu’Israël insistait pour avoir le contrôle exclusif de la mer de Galilée, le Lac Huleh et le Jourdain.

Les offres constantes de Nasser pour avoir des conversations de paix avec Ben Gourion commençant peut après la Révolution de 1952, ont terminé en définitive sur un refus du successeur de Ben Gourion, Moshe Sharett, de continuer le processus et sur une attaque israélienne dévastatrice (conduite par Ariel Sharon) contre une base militaire égyptienne à Gaza.

En général l’inflexibilité israélienne de l’après guerre était due à son succès dans les négociations des accords d’armistice, qui lui laissa une situation politique, territorial et militaire supérieure. «La menace de guerre avait été repoussée» écrit l’historien israélien Benny Morris dans son livre «Righteous Victims» «Aussi pourquoi s’efforcer de faire une paix impliquant des concessions territoriales majeures ?». Dans un télégramme à Sharett, Ben Gourion proclama catégoriquement ce que deviendrait la politique israélienne à long terme, essentiellement valide jusqu’à aujourd’hui : «Israël ne discutera pas d’une paix impliquant la concession de quelque morceau que ce soit du territoire. Les états voisins ne méritent pas un pouce de la terre d’Israël. Nous sommes prêts pour la paix en échange de la paix». En juillet 1949, il déclara à un journaliste américain venu le rencontrer «Je ne suis pas pressé et je peux attendre dix ans. Nous ne subissons aucune pression». Et pourtant, cette période a vu émerger l’image de leaders arabes, en ennemis inflexibles, épicée si soigneusement par Israël et représentant une part si puissante du cadrage Israélien. (Morris (1999 : 268) le résume succinctement et franchement : «Pendant des dizaines d’années, Ben Gourion e après lui les administrations successives, ont menti à l’opinion publique israélienne sur les ouvertures de paix de l’après 48 et sur l’intérêt arabe pour un accord. Les leaders arabes (avec la possible exception d’Abdallah) étaient présentés, une fois pour toutes, comme un tas de bellicistes irrécupérables, décidés à détruire Israël. L’ouverture récente des archives israéliennes offre une image autrement plus complexe.

A la fin de l’année 1965 Abdel Hakim Amer, le vice président et le commandant adjoint de l’armée égyptienne invita le chef du Mossad, Meir Arnit, à venir au Caire. Cette visite fut interdite après une dure opposition de la part d’Isser Harel, le conseil en renseignement d’Eshkol. La guerre de 1967 aurait-elle pu être évitée ? Nous ne le saurons jamais.

Immédiatement après la guerre de 1967 Israël envoya des émissaires à la recherche d’un accord avec les Palestiniens de Cisjordanie et de Jordanie. Les Palestiniens voulaient entrer dans des discussions de paix, mais seulement si cela signifiait un état palestinien indépendant, une option qu’Israël n’a jamais même conçue. Les Jordaniens étaient aussi prêts, mais seulement s’ils recevaient tout le contrôle sur la Cisjordanie et en particulier, Jérusalem Est et ses lieux saints. Le roi Hussein tint même des réunions avec les responsables israéliens mais le refus d’Israël d’admettre un plein retour des territoires ont fait échoué le processus. L’annexion d’une zone du «grand» Jérusalem et le programme immédiat de construction de colonies ont bloqué toute chance à la paix pleine et entière.

En 1971 Sadate envoya une lettre à la Commission Jarring des Nations Unies exprimant la volonté de l’Egypte d’entamer un accord de paix avec Israël. L’acceptation israélienne aurait pu empêcher la guerre de 1973. Après la guerre Golda Meir repoussa sommairement de nouvelles conversations de Sadate pour une ouverture de paix faites.

Israël a ignoré de nombreux émissiares envoyés par Arafat et d’autres leaders palestiniens au début des années 1970, ignorant leur volonté de discuter de la paix avec Israël.

Les tentatives de Sadate en 1978 pour résoudre le problème palestinien en tant que participant du processus de paix ont été repoussés par Begin qui refusait de considérer autre chose que «l’autonomie» palestinienne.

En 1988 à Alger, faisant partie de sa déclaration de l’indépendance palestinienne, l’OLP a reconnu Israël à l’intérieur de la Ligne verte et exprimé la volonté d’entamer des discussions.



En 1993, au début du processus d’Oslo, Arafat et l’OLP ont réitéré par écrit leur reconnaissance d’Israël à l’intérieur des frontières de 1967. (pour mémoire, sur 78% de la Palestine historique.). Bien qu’ils aient reconnu Israël comme état «légitime» au Proche Orient, Israël n’a pas rendu la pareille. Le gouvernement Rabin n’a pas reconnu le droit national des Palestiniens à l’auto détermination, mais voulait seulement reconnaître les palestiniens comme partenaires de négociation. Ni à Oslo ni ensuite Israël n’a jamais été d’accord pour abandonner les territoires qu’il a conquis en 1967, en faveur d’un état palestinien, bien que ce soit la position des Nations Unies (Résolution 242), la communauté internationale (incluant jusqu’à Bush, les Américains) et depuis 1988 les Palestiniens.

Peut-être l’occasion ratée la plus importante de toutes a-t-elle été la façon dont les gouvernements successifs Travailliste et Likoud ont sapé tout état palestinien viable en doublant la population de colons israélien au cours des sept années du «processus de paix» d’Oslo (1993-2000), éliminant ainsi à coup sûr la solution à deux états.

A la fin de 1995, Yossi Beilin, membre clef de l’équipe des négociateurs d’Oslo , a présenté à Rabin «le document d’Oslo» (négocié avec l’équipe d’Abu Mazen) pour résoudre le conflit. Ces accords étaient si prometteurs qu’Abu Mazen avait les larmes aux yeux après l’avoir signé. RAbin a été assassiné quelques jours plus tard et son successeur, Shimon Peres, l’a vidé de son sens.

Le refus d’Israël de la volonté syrienne de négocier la paix, répété sans fin jusqu’à ce jour,tant qu’ Israël devrait faire des concessions à propos des Hauteurs occupées du Golan

Le parfait mépris de Sharon pour l’offre en 2000 de la Ligue Arabe de reconnaissance, de paix et d’intégration régionale en échange de sa renonciation à l’Occupation

La disqualification par Sharon d’Arafat, de loin le plus aimable et coopératif partenaire qu’Israël ait jamais eu, et son boycott ultérieur d’Abu Mazen.

Olmert a déclaré hors sujet le Document des Prisonniers dans lequel toutes les factions palestiniennes, y compris le Hamas, s’accordait sur un programme politique recherchant une solution à deux états, suivi de la tentative de détruire par la force le gouvernement démocratiquement élu du Hamas, et encore à ce jour.

En Septembre et Octobre 2006 Bachar el Assad a fait des ouvertures répétées pour la paix avec Israël en déclarant publiquement : «Je suis prêt pour une paix immédiate avec Israël grâce à quoi nous voulons vivre en paix». Le jour de la première déclaration d’Assad à cet égard, le premier ministre Olmert déclara «Nous ne quitterons jamais les Hauteurs du Golan» accusa la Syrie «d’héberger des terroristes» et avec le ministre des affaires étrangères Tzipi Livni il annonça que «les conditions ne sont pas murs pour la paix avec la Syrie».

A tout cela nous pouvons ajouter les guerres inutiles, des conflits plus limités et les sanglantes attaques qui ont principalement servi à encourager la position d’Israël ou indirectement, à encourager Israël, dans ses tentatives pour étendre son contrôle sur toute la terre à l’ouest de la Jordanie : les tueries systématiques entre 1948-1956 contre 3000 à 5000 «infiltrateurs», réfugiés palestiniens, principalement sans armes qui cherchaient surtout à retrouver leurs maisons, à labourer leurs champs ou à reprendre leur propriété perdue ; la guerre de 1956 avec l’Egypte, entreprise en partie pour empêcher la réémergence sur l’agenda international du «Problème Palestinien», et pour renforcer Israël, militairement, territorialement et diplomatiquement, les opérations militaires contre les civils palestiniens commençant avec les tristement célèbres tueries de Sharafat, Beit Jala et plus notoirement encore Qibia, conduites par l’unité 101 de Sharon. Ces opérations continuent dans les Territoires Occupés et le Liban jusqu’à ce jour, principalement dans le but de «punir collectivement» et de «pacifier». D’autres opérations incluent la campagne, vieille de dizaines d’années, de liquidation systématique de tout réel leader palestinien, les trois guerres du Liban (Opération Litani en 1978 ; opération Paix sur la Galilée en 1982 et la guerre de 2006).

Persistant, derrière tous ces actes militaires, que ce soit les guerres importantes ou les «assassinats ciblés», est le refus Israélien constant et résolu (en fait un retour grandissant aux jours de l’avant sionisme des années 1880) de dialoguer directement et sérieusement avec les Palestiniens. La stratégie d’Israël jusqu’à aujourd’hui est de les contourner et de les encercler, en nouant des accords avec les gouvernements qui les isolent et, sans succès jusqu’à présent, neutralise les Palestiniens en tant que partenaires. Ce fut encore plus net lors des conversations de paix de Madrid où il n’a autorisé la participation palestinienne qu’en tant que faisant partie de la délégation jordanienne. Et cela inclut aussi le «processus de paix» d’Oslo. Tandis qu’Israël a réclamé une lettre d’Arafat reconnaissant explicitement Israël comme «constructeur légitime» du Proche Orient. et plus tard a demandé une déclaration particulière reconnaissant Israël en tant qu’état Juif (il avait déjà obtenu les deux) aucun gouvernement israélien n’a jamais reconnu les droits collectifs du peuple palestinien à l’auto détermination. Rabin était sans ambiguïté à ce propos : si Israël reconnaît les droits des Palestiniens à l’auto détermination, cela voulait dire qu’un état palestinien devait par définition émerger - et Israël ne voulait pas promettre cela (Savir ; 1998 : 47). Aussi, excepté la vague déclaration sur le fait de ne pas vouloir dominer un autre peuple et «notre main est tendue pour la paix». Israël n’a jamais permis un cadre pour de véritables négociations. Les Palestiniens doivent être pris en compte, on doit leur demander de réagir à l’une ou l’autre de nos quatre propositions, mais ils ne sont certainement pas des partenaires égaux dans leur revendication à un pays rivalisant avec le nôtre.

La féroce réponse d’Israël à l’éruption de la seconde intifada, quand il a tiré plus d’un million de balles y compris des missiles sur les centres civils de Cisjordanie et de Gaza en dépit de l’absence complète de tir de la part du côté palestinien au cours des cinq premiers jours de l’Intifada, ne peut s’expliquer que pour les punir d’avoir rejeté ce que Barak a essayé de leur imposer à Camp David, les détrompant sur l’idée qu’ils étaient égaux pour décider du futur de «notre» pays. Nous les battrons avait fréquemment l’habitude de dire Sharon, «jusqu’à ce qu’ils comprennent le message». Et qu’est-ce que ce «message ?»/ Il est que ceci est notre pays et que seulement nous, juifs israéliens avons la prérogative de décider si et comment nous voulons le diviser."

Jeff Halper
Lundi 27 Novembre 2006
Traduit par Carole SANDREL pour EuroPalestine

28 novembre 2006

La colonisation : un État mafieux

Shalom Arshav a publié un rapport qui montre pour la première fois, chiffres à l’appui, que 40% au moins des terres sur lesquelles sont bâties les colonies, même les plus anciennes, appartiennent à des personnes palestiniennes privées. En attendant de traduire ce rapport, voici la tribune publiée ce jour dans Ha’aretz par Dror Etkes, responsable de l’Observatoire de la colonisation de Shalom Arshav et auteur de ce rapport.

Les chiffres qu’a publiés hier l’Observatoire de la colonisation de Shalom Arshav (La Paix Maintenant) à propos des terres privées sur lesquelles sont bâties les colonies, montrent une image effrayante du comportement de l’Etat d’Israël dans les territoires. Environ 40% des terres occupées par les colonies sont des terres qui appartiennent à des personnes privées palestiniennes, chiffres de l’Administration civile. Pour le dire plus simplement : pendant des dizaines d’années, Israël a étendu et renforcé l’entreprise de colonisation en dépossédant des propriétaires palestiniens de leurs terres, propriété que même l’Etat d’Israël ne conteste pas. A rapprocher de l’argument, souvent invoqué par les colons ou par les représentants de l’Etat, selon lequel « les colonies sont établies sur des terres d’Etat. » [1]

Quelles ont été les méthodes utilisées ? De 1967 à 1979, l’administration militaire israélienne (connue sous le nom d’Administration civile) en Cisjordanie a fait un usage intensif de la procédure d’ »acquisition de terres pour raisons de sécurité » pour s’emparer de milliers d’hectares de terres palestiniennes privées. En pratique, ces terres ont servi à l’extension des colonies.

Bien que « l’acquisition de terres pour raisons de sécurité » dans une zone occupée soit permise par le droit international, elle est également limitée dans le temps. La Haute cour de Justice a ainsi rejeté les recours déposés par les propriétaires contre ces acquisitions, en se fondant sur l’argument que les colonies avaient bien une valeur ajoutée en termes de sécurité, étant situées au coeur de zones dont la population est hostile. Ce qui signifie qu’au départ, ces colonies destinées à durer ont été établies sur des terres dont l’acquisition devait être temporaire. Or, à ce jour, des dizaines de colonies doivent leur existence juridique à un rituel absurde : le Commandement central signait une extension du décret d’acquisition des terres sur lesquelles elles sont bâties, tout en déclarant qu’il était convaincu que la terre en question nécessaire « nécessaire à la sécurité ».

Ironie de l’histoire : cette méthode s’est heurtée à un problème à cause du refus des colons de continuer à coopérer avec cette mascarade, au coeur de toutes ces déclarations fournies par l’armée à la Haute cour de Justice. Dans une réponse donnée à la Haute cour par les colons en 1979, alors qu’elle examinait les acquisitions de terres pour la colonie d’Elon Moreh, ce furent les colons eux-mêmes qui refusèrent de reconnaître la nature provisoire de la colonie qu’ils allaient créer, en disant qu’elle n’était pas créée pour des raisons temporaires de sécurité, mais pour répondre à « un ordre divin suprême et moral ». La Haute cour n’eut plus d’autre choix que d’annuler ses décisions précédentes et d’ordonner à l’Etat de s’abstenir d’acquérir des terres destinées à accueillir des colonies. Elon Moreh a dû déménager sur un autre site, mais toutes les colonies qui avaient été créées de cette manière demeurent en place jusqu’à ce jour.

Suite au cas Elon Moreh, la construction de colonies dans les territoires, qui n’a fait que s’accélérer durant cette période, a opté pour deux techniques parallèles. La première, pseudo-légale, où le gouvernement a déclaré terres d’Etat d’immenses portions de Cisjordanie. De cette manière, sans même que les gouvernements israéliens aient eu à rendre quelque compte que ce soit, ni pour la façon contestable dont ces terres ont été déclarées terres d’Etat, ni pour le fait même que ces terres n’ont été allouées qu’à des Juifs (bien qu’ils fussent et restent une petite minorité au sein de la population de Cisjordanie), l’entreprise de colonisation a pu se renforcer.

La deuxième technique utilisée par Israël constitue une étape plus avancée encore du mépris qu’a le gouvernement pour l’état de droit, dont l’application, comme on le pense souvent, est censée être de son ressort : les gouvernements successifs d’Israël ont continué à initier, ou « seulement » à permettre la construction de colonies, de quartiers ou d’avant-postes sur des terres privées sans même prendre la peine de publier des décrets d’acquisition, puisque de toute manière, il était probable que la Haute cour de Justice les annulerait.

Comme cela a été mentionné plus haut, tout cela s’est produit alors que l’Administration civile avait une pleine connaissance de ces faits. Celle-ci n’est d’ailleurs pas restée les bras croisés, et à pris soin de documenter ce phénomène et ses dimensions, tout en soulignant avec insolence son droit de les cacher au grand public. Voici ce qu’a écrit à la cour le bureau du procureur du district de Jérusalem pour motiver son refus de communiquer ses informations : « le sujet de cette procédure est très sensible. Il implique, entre autres, des considérations liées à la sécurité de l’Etat d’Israël et à ses relations internationales. »

S’il est difficile de comprendre de quelles « considérations pour la sécurité » il est question, il est facile en revanche de deviner en quoi les relations internationales d’Israël auraient pu être affectées par ces informations. Malheureusement, il faut en conclure qu’en ce qui concerne sa politique de gestion de la terre, l’Etat d’Israël agit en Cisjordanie comme un Etat mafieux.

Publié par Samizdat.
Lire aussi : Les terres volées aux Palestiniens - Rapport de Shalom Arshav sur la construction des colonies sur des terres privées palestiniennes
Le rapport explosif de Shalom Arshav qui décrit pour la première fois, et avec une précision clinique, la manière dont des terres appartenant à des propriétaires palestiniens ont été détournées au profit des colonies de Cisjordanie, et l’ampleur du phénomène. Samizdat.


[1] Le rapport de Shalom Arshav détaille avec précision la notion de « terre d’Etat », héritée du droit ottoman, ainsi que le statut juridique de « terre privée ». En attendant sa traduction en français, on peut consulter ce rapport en anglais, Peacenow.