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1 décembre 2008

Le terrorisme, une arme de propagande (5)

L'assaut sur Mumbai

Le Premier ministre indien, Manmohan Singh, a insisté sur le fait que les terroristes étaient basés à l'extérieur du pays. Les médias indiens ont fait l'écho de cette ligne en présentant le Pakistan (via le groupe indépendantiste Lashkar-e-Taiba) et Al-Qaïda comme les suspects habituels.

Mais il s'agit d'une version préméditée issue des fantasmes politiques de l'Inde. Sa fonction est de nier que les terroristes pourrait être d'origine locale, un produit de la radicalisation de jeunes musulmans indiens qui ont finalement renoncé au système politique indigène.

[...]

Pourquoi serait-on surpris que les auteurs soient des Indiens musulmans ? Il est visible qu'il y a eu beaucoup de colère dans les couches les plus pauvres de la communauté musulmane contre la discrimination systématique et les actes de violence perpétrés à leur encontre. Le pogrom anti-musulman au Gujarat en 2002 fut l'épisode le plus flagrant, appuyé par le gouvernement central de l'Etat et les collectivités locales de l'Etat.

De plus, le Cachemire fut pendant des décennies traité comme une colonie par les troupes indiennes : arrestations au hasard, torture et viol étaient le lot quotidien des Cachemiriens. Des conditions, pires qu'au Tibet, mais qui ont suscité peu de sympathie à l'Ouest où la défense des droits de l'homme est fortement instrumentalisée.

[...]

Rien de tout cela ne justifie le terrorisme, mais il devrait, au moins, forcer les dirigeants de l'Inde à regarder en face leur propre pays et la réalité. Les disparités économiques sont profondes. La notion absurde que les bienfaits du capitalisme mondial permettraient de résoudre la plupart des problèmes peuvent maintenant être considérée pour ce qu'elle a toujours été : une feuille de vigne pour cacher de nouveaux modes d'exploitation.

Tariq Ali
27/11/2008
Publié par Counterpunch.
Traduction Serge LEFORT pour Monde en Question.


Source : PeaceReporter


Mumbai, le Pakistan en point de mire

Pourquoi cette obstination à présenter à l'opinion publique mondiale la tragédie de Mumbai comme «le 11 Septembre indien", la relance de la menace d'Al-Qaïda associée au Pakistan?
Pourquoi ne pas l'avoir associée au 11 Juillet 2006, lorsque plus de deux cents personnes sont mortes dans les attaques contre les stations de métro de Mumbai ?
Peut-être parce que à ce moment-là la guerre mondiale contre le terrorisme par les États-Unis avait encore mis l'accent sur l'Iraq, mais maintenant la ligne de mire se déplace sur le Pakistan. Les bombardements américains au Pakistan ont déjà commencé il y a trois mois, une escalade de l'intervention, loin d'être improbable, nécessiterait un large consensus international.
"L'attentat de Mumbai est une nouvelle étape terrifiante du djihad mondial", a déclaré au Washington Post un ancien agent de la CIA Bruce Reidel, maintenant un conseiller à Obama pour le Pakistan.
Le mantra hypnotique récité par les télévisions et les journaux a déjà commencé: "Al Qaida", "Pakistan", "11 Septembre", "Pakistan", "Oussama ben Laden", "Pakistan", "guerre contre le terrorisme", "Pakistan"...

Enrico Piovesana
28/11/2008
Publié par PeaceReporter.
Traduction Lou QUÉTIERO pour Monde en Question.

Le commentaire d'Olivier Berger

La main d'Al-Qaïda, la patte du Pakistan ou le bras émergent de djihadistes de l'intérieur ? Les trois à la fois ? Les attaques, qui plongent Bombay dans le chaos depuis trois jours, illustrent la complexité régionale. Loin de l'Irak et des délires de George W. Bush, l'épicentre du terrorisme islamiste s'enracine durablement.

Plus de soixante ans après, la décolonisation britannique n'a jamais été digérée par l'Inde et son ennemi voisin créé en 1947, le Pakistan. La guerre au Cachemire, zone réclamée par les deux parties, la course à la bombe nucléaire achevée par les deux pays en 1998, et de réguliers soupçons de manipulations d'extrémistes alimentent la rivalité.

[...]

Le nationalisme hindou (représenté par le parti extrémiste PJB, repassé dans l’opposition) est une réalité dans un pays où 900 millions d’habitants pratiquent cette religion. Les 150 millions de musulmans, ce qui fait de l’Inde la troisième puissance islamique du monde (derrière l’Indonésie et le Pakistan), souffrent régulièrement de violences. La destruction de la mosquée d’Ayodhya en 1992 avait fait deux mille morts. Des pogroms à Gujarat et sa capitale Ahmedabad en 2002 avaient provoqué autant de victimes et cent mille réfugiés. Les emplois dans les administrations leur sont souvent refusés. Cette discrimination commande un repli communautaire, avec ses dérives.

[...]

Dans ce dédale d'influences, les moudjahidines indiens, comme à Bombay, sont-ils cornaqués par l'ISI, par Al Qaïda, ou signalent-ils l'émergence d'un mouvement islamiste autochtone ? La réponse est entière, triple, trouble. De toute façon, redoutable.

Le rapprochement récent des pays européens (accord nucléaire avec la France fin septembre) et des États-Unis avec l'Inde, ou l'annonce faite par Barack Obama d'intégrer le Pakistan dans la lutte contre le terrorisme, prouvent que le "sous-continent" et ses voisins immédiats sont désormais les clés de l'équilibre mondial.

«Commencez par changer en vous ce que vous voulez changer autour de vous», disait le Mahatma Gandhi, père de la nation et apôtre de la non-violence [1].

Olivier Berger, La Voix du Nord
29/11/2008
Publié par La Voix du Nord.



[1] C'est précisément ce que ne fait pas le gouvernement indien qui attribue invariablement la responsabilité de ses problèmes internes au Pakistan.

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