En attendant mon retour de vacances, vous pouvez analyser vous-même l'actualité mondiale avec Monde en Question.
1) L'actualité fabriquée par les agences de presse :
• AP, Reuters et AFP, Yahoo! Actualités.
• Agence de presse chinoise, Xinhua.
• Agence de presse russe, RIA Novosti.
• Agence de presse israélienne, Guysen.
• Agence de presse iranienne, IRNA.
2) L'actualité fabriquée par les médias dominants à partir des dépêches d'agences :
• Alvinet Actualité.
• NouvelObs. Les liens proposés sont le seul intérêt de ce média.
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12 décembre 2008
11 décembre 2008
Regardez ce qui se passe en Grèce : c’est de ça dont ils ont peur
Eric Hazan est éditeur. Pas n’importe quel éditeur : la maison qu’il a lancée avec d’autres esprits libres en 1998, La Fabrique, est un modèle d’indépendance et d’engagement, jolie preuve qu’on peut aller contre le médiocre esprit du temps et publier des textes de très grande qualité. Lui l’explique - mieux que je le saurais faire - sur le site de la maison d’édition :
Eric Hazan est aussi un intellectuel, auteur d’ouvrages indispensables. Avec Chronique de la Guerre civile, publié en 2004, il décortiquait l’offensive mondialisée des possédants et gouvernants contre le peuple et les classes jugées dangereuses. Précieux. Avec LQR : la propagande du quotidien, paru en 2006, il analysait « la domestication contemporaine des cerveaux par l’omniprésence du langage libéral et de ses avatars » [1]. Essentiel. Avec Notes sur l’occupation : Naplouse, Kalkilyia, Hébron, publié aussi en 2006, il décrivait, après un séjour d’un mois en Palestine et de nombreux entretiens, l’abominable étau israélien enserrant les territoires occupés, asphyxie d’un peuple abandonné et lente agonie de ses derniers espoirs. Implacable. Avec Changement de propriétaire, la guerre civile continue, paru en 2007, il contait d’une plume acerbe les cent premiers jours de présidence de Nicolas Sarkozy, listant ses coups de butoir successifs contre la liberté et la cohésion nationale. Salvateur.
Eric Hazan est enfin un homme sous le feu des projecteurs depuis que L’insurrection qui vient, ouvrage publié en 2007 par La Fabrique, s’est vu promu au rang imbécile de pièce à conviction par le ministère de l’Intérieur et de petit bréviaire du sabotage de catenaires par les médias. Face à la tempête d’approximations et d’incongruités déversées depuis deux semaines sur les neuf inculpés de Tarnac, l’éditeur a pleinement joué son rôle, appelant à la modération et à la réflexion. Affable et disponible, il a accepté d’en parler à Article11.
Que vous inspire l’attitude des médias dans l’affaire dite de Tarnac ?
Elle est très éclairante, parce qu’elle illustre précisément la relation qu’il existe entre le journaliste spécialisé des affaires judiciaires et la police. Dans un premier temps, les journalistes de tous les quotidiens ont repris sans aucun recul les communiqués de la police. C’est humain, d’une certaine manière : ils sont comme des journalistes embedded dans des unités combattantes, ils ne peuvent mettre en doute les déclarations de la police sans perdre leur source.
Cette tendance à reprendre telles quelles les déclarations de la police a duré une semaine. Puis, au bout d’un moment, les journalistes ont quand même commencé à se poser des questions sur ce qui leur était présenté comme des preuves, soit un horaire des chemins de fer, une lampe frontale, une échelle et L’insurrection qui vient. Là, ils se sont mis à trouver le dossier assez foireux et à se demander s’il ne s’agissait pas d’un montage.
Vous comprenez qu’ils aient mis tant de temps à questionner la version officielle ?
Encore une fois, c’est humain. Les gens ne sont pas forcément très courageux ni indépendants d’esprit. Le sous-ensemble des journalistes est juste représentatif : prenez n’importe quel échantillon de population, il n’y aura pas parmi eux un nombre extravagant de gens à la fois courageux et capables de discriminations.
C’est pourtant justement ce qu’on demande aux journalistes…
Il faut prendre en compte l’énorme changement qui s’est produit en une vingtaine d’années dans leur recrutement. Il y a 20 ans, les journalistes étaient issus de tous les milieux, origines, formations : c’était un agglomérat de gens très hétéroclites. Aujourd’hui, ils sont formatés par les écoles de journalisme à l’esprit sciences-po et au moule républicain laïc et libéral… Et il n’y a même plus besoin de censure tant ceux qui sont aux postes de responsabilité, quadragénaires en bonne partie, sont formatés [2]. Il s’agit là de l’une de ces grandes tendances lourdes, si progressive que les gens n’en prennent pas conscience.
Cela renvoie d’ailleurs à un autre phénomène, qui sort un brin de notre sujet : on entend souvent dire qu’il n’y aurait plus de grande pensée française, comparable à la génération des Deleuze et Foucault. Et qu’après Badiou ou Rancière, il n’y aura plus de relève. Mais il y a une raison à cela : ce n’est pas que les Français soient devenus des crétins, mais simplement que le mode de recrutement des universités a évolué. Au premier filtre du mandarinat traditionnel - qui a toujours existé - est venu se superposer le filtre politique : si tu as une étiquette « marxiste », « bourdieusien » ou « trotskiste », tu n’auras jamais de poste universitaire important. Tous les gens qui sont catalogués comme des enseignants potentiellement dangereux pour leurs étudiants sont exclus des universités de sciences humaines. Les esprits féconds, fertiles, curieux et travailleurs - qui ne peuvent néanmoins vivre de leurs écrits - deviennent ainsi souvent professeurs de lycée, profession qui ne leur laisse que peu de temps libre. Et ils n’ont plus la possibilité de maturer, de ciseler leur pensée.
Cet univers de conformisme laisse quand même quelques marges de liberté…
Heureusement ! Sur l’affaire de Tarnac, il y a quelques journaux qui ont senti le truc et ont réagi dans le bon sens : L’humanité, le Canard Enchaîné et Politis, plus les gens du Monde et de l’AFP qui ont assez rapidement émis quelques doutes. A part ça… Libération, il leur aura fallu un temps fou pour se montrer un peu critique ; c’est d’ailleurs frappant de voir que c’est le même journaliste qui a écrit un article infâme sur L’insurrection qui vient et qui signe le long entretien d’aujourd’hui… [3]
Tout n’est pas toujours tranché, pourtant : après la manchette L’ultra-gauche déraille de Joffrin, il y a eu une émeute à Libé, une vague de protestation des journalistes qui ne partageaient pas ce point de vue.
Quant au Figaro… C’est un vrai flic qui a écrit les articles. Lui, c’est vraiment une erreur de casting, il aurait dû faire l’école de la police… Mais même dans ce quotidien, il y a des gens qui ne sont pas convaincus, qui n’en pensent pas moins.
Quels leçons tirez-vous de cette histoire ?
Elle montre plusieurs choses. C’est d’abord la preuve qu’avec la législation antiterroriste, on peut arrêter n’importe qui pour n’importe quoi, puisqu’on inculpe les gens sur des intentions ; c’était d’ailleurs le but de cette législation.
Ensuite se pose une question : pourquoi maintenant ? En fait, je crois que le pouvoir pète de trouille… Regardez ce qui se passe en Grèce : c’est de ça dont ils ont peur. Il se trouve que ça a explosé en Grèce, mais la police aurait aussi bien pu tuer un adolescent ici. Ce ne serait pas si exceptionnel…
Enfin : pourquoi eux ? Je pense que les gens de Tarnac sont dangereux aux yeux de l’appareil d’Etat parce qu’ils peuvent représenter un lien entre la jeunesse étudiante et la jeunesse populaire. Ils sont un peu l’un et un peu l’autre, et cette liaison-là est quelque chose que le pouvoir craint terriblement. Sarkozy l’avait dit quand il était ministre de l’Intérieur : « Si la jeunesse étudiante et la jeunesse des quartiers font la jonction, la fin du quinquennat [4] sera épouvantable. »
Vous pensez qu’on est dans une situation pré-insurrectionnelle ?
Le pouvoir le craint. Et il n’a pas tort…
C’est une idée qu’on retrouve à la fois dans votre dernier livre, Changement de propriétaire, la guerre civile continue, et dans L’insurrection qui vient…
L’insurrection qui vient est un livre avec lequel je suis en parfait accord. Je l’assume en tant qu’éditeur, mais je partage aussi totalement son point de vue.
Quant à Changement de propriétaire [5]… C’est vrai que la situation actuelle semble confirmer l’épilogue de mon livre. Je ne souhaite pas la guerre civile, mais j’en dresse le constat : elle se déroule sous nos yeux. S’il pouvait y avoir la paix loin des flashballs et des paniers à salade, dans l’égalité et l’harmonie, je serais le premier ravi. Je ne suis pas un violent de tempérament, mais la violence est là.
Quand on parle de violence aujourd’hui, on pense aux mecs en fin de manifestations qui cassent des vitrines. Mais la violence qui s’exerce contre la population, contre les SDF, contre les sans-papiers et contre les exclus est incomparablement pire que celle qui touche trois vitrines et deux bagnoles… Quand on évoque la violence, il faut savoir de quoi on parle.
C’est une violence qui ne cesse de monter…
Je crois que le sarkozysme a fait péter quelques digues et a fait grandement progresser la guerre civile. C’est un phénomène qui est très bien analysé dans le livre d’Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ? : il montre parfaitement cette fin du système parlementaire avec alternance gauche-droite qui nous a bercé depuis la Libération. Le sarkozysme a fait voler en éclat cette prétendue alternance, tirant au fond toujours à droite. Cette illusion n’est plus. Et l’actuelle déréliction socialiste en est une des conséquences.
Vous avez évoqué récemment la construction d’un ennemi intérieur [6], celui du pseudo danger autonomiste. A quoi sert-il ?
Un ennemi intérieur est nécessaire pour légitimer les lois antiterroristes : s’il n’y a pas d’ennemi intérieur, faire voter et appliquer des lois qui n’ont plus rien à voir avec le droit est beaucoup plus délicat. Ces lois ont été votées il y a un moment, mais elles n’étaient jusqu’alors appliquées qu’à des imams barbus et tout le monde s’en fichait. Les gens vont maintenant se poser davantage de questions…
La construction de cet ennemi intérieur permet aussi de légitimer la constitution d’un énorme appareil guerrier, très sophistiqués. Une véritable armée ! On ne peut pas dire à quoi elle va vraiment servir, on ne peut pas annoncer qu’elle est destinée à mater le plus vite possible toute révolte des quartiers populaires, à l’étouffer dans l’œuf et à l’empêcher de s’étendre. C’est pourtant l’objectif : accumuler hommes et matériels de manière à ce que n’importe quel coin de banlieue de n’importe quelle ville de France puisse être écrasé dans l’heure.
Cet ennemi intérieur, il renvoie à l’ennemi extérieur que constitue l’Afghanistan ?
Je ne sais pas… Je dirais que ça ressemble plus à la Palestine qu’à l’Afghanistan. En mettant les choses au pire, on pourrait très bien imaginer des checkpoints pour passer de la banlieue à Paris, ça ne serait pas très compliqué à mettre en place. D’ailleurs, ça existe déjà autour de certains quartiers.
Vous évoquiez la Palestine. Vous en revenez tout juste…
Oui, j’ai même dû écourter mon séjour quand j’ai appris que les neuf de Tarnac étaient en tôle. Je n’y ai passé que huit jours : je suis juste allé à Ramallah et à Jénine et je ne peux tirer de ce bref passage de vraies conclusions.
Vous connaissez pourtant très bien la question, puisque vous avez publié le très percutant Notes sur l’occupation [7] il y a deux ans. Avez-vous constaté des changements ?
La seule chose que je puisse dire, c’est que les gens rencontrés pour le livre d’entretien [8] que je prépare avec Eyal Sivan [9] sont tous persuadés du naufrage de l’Autorité Palestinienne. Ce qui apparaît clairement, c’est que l’Autorité Palestinienne ne représente plus rien en Palestine… Tout le monde - même le dernier petit gamin qui pousse des cageots de tomates sur son diable - sait que ces gens sont des supplétifs des Israéliens et des Américains. Ils sont complètement coupés de la population, ils n’ont plus aucune légitimité.
L’autre point qui apparaît évident est le progrès considérable de l’idée de « one state », d’Etat unique, parmi les Palestiniens.
C’est quelque chose que vous avez toujours mis en avant…
Oui. A cet égard, j’ai été très influencé par Edward Saïd, que j’ai connu quand j’ai édité son livre, Israël, Palestine : l’égalité ou rien [10]. Il s’agit de se battre pour que les deux peuples coexistent pacifiquement dans le même Etat.
Ce n’est pas un peu utopique ?
Je crois que l’utopie est plutôt dans l’Etat Palestinien. L’idée de séparation a pour la première fois été formalisée par les Anglais en 1936, avec le plan Peel. C’était il y a 72 ans… Ça fait trois quarts de siècle que l’idée de séparation piétine et n’aboutit qu’à la ruine et à la désolation, sur fond de poignée de main historique blabla-blablabla…
Au fond, c’est la solution des deux Etats qui est une utopie : ça ne marchera jamais. Il n’y a qu’une issue, celle du constat qu’entre le Jourdain et la Méditerranée vivent 10 millions de personnes, toutes citoyennes de ce territoire. L’Etat unique existe déjà, mais c’est un Etat raciste d’apartheid : il faut en faire un Etat où règne l’égalité de tous avec tous.
Et les extrémistes, les colons jusqu’au boutistes ?
On ne peut pas dire que les gens refusent quelque chose qu’on ne leur a jamais proposé. Une des tares chroniques de la direction palestinienne est de ne jamais parler aux Israéliens. Il n’y a pas longtemps, Abou Mazen, le président de l’Autorité Palestinienne, a pris une page de pub dans un grand journal, Haaretz je crois. Mais ce n’est pas comme ça qu’on parle aux gens, sauf si on s’appelle Gaz de France… Un vrai homme palestinien devrait s’adresser aux Israéliens de la même façon que Mandela s’adressait aux blancs.
Il y a aussi un autre point qui m’a sauté à la figure : avec les accords d’Oslo, les Palestiniens sont devenus les gens qui habitent en Cisjordanie et à Gaza. Mais en mettant les choses au mieux, ils ne représentent qu’un tiers du peuple palestinien, les deux autres tiers étant les Palestiniens d’Israël et ceux des camps de réfugiés et de la diaspora. C’est dire à quel point le droit au retour est central, essentiel.
Entretien avec Eric Hazan
Publié par Article11.
[1] La citation est de Lémi, collaborateur émérite de ce site qui avait publié en 2007, sur le blog Zapa, un passionnant entretien avec Eric Hazan.
[2] Ce dont fait état le très bon livre de François Ruffin, Les petits soldats du journalisme, édifiante description du fonctionnement de la machine à décérébrer les apprentis journalistes.
Dossier Médias, Monde en Question.
[3] Il s’agit d’une longue interview, publiée en date du 9 décembre, de Benjamin Rosoux, l’un des cinq mis en examen dans le cadre de l’enquête sur les sabotages des lignes SNCF.
[4] Il s’agit du quinquennat de Chirac.
[5] Publié au Seuil, ce livre dresse le bilan, sous forme de chroniques, des cent premiers jours de règne de Nicolas Sarkozy.
[6] Eric Hazan a développé ce thème dans une interview vidéo donnée à Médiapart. Le visionnage de cet entretien en trois parties est fortement conseillé : interview (I), interview (II), interview (III), Mediapart - Dailymotion.
[7] Editions La Fabrique.
[8] Ce livre s’intitulera Reprendre l’initiative.
[9] Eyal Sivan est notamment l’un des deux réalisateurs du documentaire Route 181.
[10] Editions La Fabrique.
Nous avons fondé la fabrique en 1998. "Nous", c’est un groupe d’amis, les uns philosophes, les autres historiens, d’autres encore éditeurs, qui ont envie de travailler ensemble à publier des livres de théorie et d’action. Ces livres, nous les voulons ancrés politiquement, à gauche de la gauche, mais sans céder à aucun esprit de chapelle, sans être inféodés à aucun groupe ni parti. Ce sont des textes de philosophie, d’histoire, d’analyse de notre temps. Français ou étrangers, contemporains ou classiques, célèbres ou très jeunes, les auteurs sont de ceux qui remettent en cause l’idéologie de la domination. La Fabrique est encore une petite voix. Nous avons bon espoir qu’elle sera entendue.
Eric Hazan est aussi un intellectuel, auteur d’ouvrages indispensables. Avec Chronique de la Guerre civile, publié en 2004, il décortiquait l’offensive mondialisée des possédants et gouvernants contre le peuple et les classes jugées dangereuses. Précieux. Avec LQR : la propagande du quotidien, paru en 2006, il analysait « la domestication contemporaine des cerveaux par l’omniprésence du langage libéral et de ses avatars » [1]. Essentiel. Avec Notes sur l’occupation : Naplouse, Kalkilyia, Hébron, publié aussi en 2006, il décrivait, après un séjour d’un mois en Palestine et de nombreux entretiens, l’abominable étau israélien enserrant les territoires occupés, asphyxie d’un peuple abandonné et lente agonie de ses derniers espoirs. Implacable. Avec Changement de propriétaire, la guerre civile continue, paru en 2007, il contait d’une plume acerbe les cent premiers jours de présidence de Nicolas Sarkozy, listant ses coups de butoir successifs contre la liberté et la cohésion nationale. Salvateur.
Eric Hazan est enfin un homme sous le feu des projecteurs depuis que L’insurrection qui vient, ouvrage publié en 2007 par La Fabrique, s’est vu promu au rang imbécile de pièce à conviction par le ministère de l’Intérieur et de petit bréviaire du sabotage de catenaires par les médias. Face à la tempête d’approximations et d’incongruités déversées depuis deux semaines sur les neuf inculpés de Tarnac, l’éditeur a pleinement joué son rôle, appelant à la modération et à la réflexion. Affable et disponible, il a accepté d’en parler à Article11.
Que vous inspire l’attitude des médias dans l’affaire dite de Tarnac ?
Elle est très éclairante, parce qu’elle illustre précisément la relation qu’il existe entre le journaliste spécialisé des affaires judiciaires et la police. Dans un premier temps, les journalistes de tous les quotidiens ont repris sans aucun recul les communiqués de la police. C’est humain, d’une certaine manière : ils sont comme des journalistes embedded dans des unités combattantes, ils ne peuvent mettre en doute les déclarations de la police sans perdre leur source.
Cette tendance à reprendre telles quelles les déclarations de la police a duré une semaine. Puis, au bout d’un moment, les journalistes ont quand même commencé à se poser des questions sur ce qui leur était présenté comme des preuves, soit un horaire des chemins de fer, une lampe frontale, une échelle et L’insurrection qui vient. Là, ils se sont mis à trouver le dossier assez foireux et à se demander s’il ne s’agissait pas d’un montage.
Vous comprenez qu’ils aient mis tant de temps à questionner la version officielle ?
Encore une fois, c’est humain. Les gens ne sont pas forcément très courageux ni indépendants d’esprit. Le sous-ensemble des journalistes est juste représentatif : prenez n’importe quel échantillon de population, il n’y aura pas parmi eux un nombre extravagant de gens à la fois courageux et capables de discriminations.
C’est pourtant justement ce qu’on demande aux journalistes…
Il faut prendre en compte l’énorme changement qui s’est produit en une vingtaine d’années dans leur recrutement. Il y a 20 ans, les journalistes étaient issus de tous les milieux, origines, formations : c’était un agglomérat de gens très hétéroclites. Aujourd’hui, ils sont formatés par les écoles de journalisme à l’esprit sciences-po et au moule républicain laïc et libéral… Et il n’y a même plus besoin de censure tant ceux qui sont aux postes de responsabilité, quadragénaires en bonne partie, sont formatés [2]. Il s’agit là de l’une de ces grandes tendances lourdes, si progressive que les gens n’en prennent pas conscience.
Cela renvoie d’ailleurs à un autre phénomène, qui sort un brin de notre sujet : on entend souvent dire qu’il n’y aurait plus de grande pensée française, comparable à la génération des Deleuze et Foucault. Et qu’après Badiou ou Rancière, il n’y aura plus de relève. Mais il y a une raison à cela : ce n’est pas que les Français soient devenus des crétins, mais simplement que le mode de recrutement des universités a évolué. Au premier filtre du mandarinat traditionnel - qui a toujours existé - est venu se superposer le filtre politique : si tu as une étiquette « marxiste », « bourdieusien » ou « trotskiste », tu n’auras jamais de poste universitaire important. Tous les gens qui sont catalogués comme des enseignants potentiellement dangereux pour leurs étudiants sont exclus des universités de sciences humaines. Les esprits féconds, fertiles, curieux et travailleurs - qui ne peuvent néanmoins vivre de leurs écrits - deviennent ainsi souvent professeurs de lycée, profession qui ne leur laisse que peu de temps libre. Et ils n’ont plus la possibilité de maturer, de ciseler leur pensée.
Cet univers de conformisme laisse quand même quelques marges de liberté…
Heureusement ! Sur l’affaire de Tarnac, il y a quelques journaux qui ont senti le truc et ont réagi dans le bon sens : L’humanité, le Canard Enchaîné et Politis, plus les gens du Monde et de l’AFP qui ont assez rapidement émis quelques doutes. A part ça… Libération, il leur aura fallu un temps fou pour se montrer un peu critique ; c’est d’ailleurs frappant de voir que c’est le même journaliste qui a écrit un article infâme sur L’insurrection qui vient et qui signe le long entretien d’aujourd’hui… [3]
Tout n’est pas toujours tranché, pourtant : après la manchette L’ultra-gauche déraille de Joffrin, il y a eu une émeute à Libé, une vague de protestation des journalistes qui ne partageaient pas ce point de vue.
Quant au Figaro… C’est un vrai flic qui a écrit les articles. Lui, c’est vraiment une erreur de casting, il aurait dû faire l’école de la police… Mais même dans ce quotidien, il y a des gens qui ne sont pas convaincus, qui n’en pensent pas moins.
Quels leçons tirez-vous de cette histoire ?
Elle montre plusieurs choses. C’est d’abord la preuve qu’avec la législation antiterroriste, on peut arrêter n’importe qui pour n’importe quoi, puisqu’on inculpe les gens sur des intentions ; c’était d’ailleurs le but de cette législation.
Ensuite se pose une question : pourquoi maintenant ? En fait, je crois que le pouvoir pète de trouille… Regardez ce qui se passe en Grèce : c’est de ça dont ils ont peur. Il se trouve que ça a explosé en Grèce, mais la police aurait aussi bien pu tuer un adolescent ici. Ce ne serait pas si exceptionnel…
Enfin : pourquoi eux ? Je pense que les gens de Tarnac sont dangereux aux yeux de l’appareil d’Etat parce qu’ils peuvent représenter un lien entre la jeunesse étudiante et la jeunesse populaire. Ils sont un peu l’un et un peu l’autre, et cette liaison-là est quelque chose que le pouvoir craint terriblement. Sarkozy l’avait dit quand il était ministre de l’Intérieur : « Si la jeunesse étudiante et la jeunesse des quartiers font la jonction, la fin du quinquennat [4] sera épouvantable. »
Vous pensez qu’on est dans une situation pré-insurrectionnelle ?
Le pouvoir le craint. Et il n’a pas tort…
C’est une idée qu’on retrouve à la fois dans votre dernier livre, Changement de propriétaire, la guerre civile continue, et dans L’insurrection qui vient…
L’insurrection qui vient est un livre avec lequel je suis en parfait accord. Je l’assume en tant qu’éditeur, mais je partage aussi totalement son point de vue.
Quant à Changement de propriétaire [5]… C’est vrai que la situation actuelle semble confirmer l’épilogue de mon livre. Je ne souhaite pas la guerre civile, mais j’en dresse le constat : elle se déroule sous nos yeux. S’il pouvait y avoir la paix loin des flashballs et des paniers à salade, dans l’égalité et l’harmonie, je serais le premier ravi. Je ne suis pas un violent de tempérament, mais la violence est là.
Quand on parle de violence aujourd’hui, on pense aux mecs en fin de manifestations qui cassent des vitrines. Mais la violence qui s’exerce contre la population, contre les SDF, contre les sans-papiers et contre les exclus est incomparablement pire que celle qui touche trois vitrines et deux bagnoles… Quand on évoque la violence, il faut savoir de quoi on parle.
C’est une violence qui ne cesse de monter…
Je crois que le sarkozysme a fait péter quelques digues et a fait grandement progresser la guerre civile. C’est un phénomène qui est très bien analysé dans le livre d’Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ? : il montre parfaitement cette fin du système parlementaire avec alternance gauche-droite qui nous a bercé depuis la Libération. Le sarkozysme a fait voler en éclat cette prétendue alternance, tirant au fond toujours à droite. Cette illusion n’est plus. Et l’actuelle déréliction socialiste en est une des conséquences.
Vous avez évoqué récemment la construction d’un ennemi intérieur [6], celui du pseudo danger autonomiste. A quoi sert-il ?
Un ennemi intérieur est nécessaire pour légitimer les lois antiterroristes : s’il n’y a pas d’ennemi intérieur, faire voter et appliquer des lois qui n’ont plus rien à voir avec le droit est beaucoup plus délicat. Ces lois ont été votées il y a un moment, mais elles n’étaient jusqu’alors appliquées qu’à des imams barbus et tout le monde s’en fichait. Les gens vont maintenant se poser davantage de questions…
La construction de cet ennemi intérieur permet aussi de légitimer la constitution d’un énorme appareil guerrier, très sophistiqués. Une véritable armée ! On ne peut pas dire à quoi elle va vraiment servir, on ne peut pas annoncer qu’elle est destinée à mater le plus vite possible toute révolte des quartiers populaires, à l’étouffer dans l’œuf et à l’empêcher de s’étendre. C’est pourtant l’objectif : accumuler hommes et matériels de manière à ce que n’importe quel coin de banlieue de n’importe quelle ville de France puisse être écrasé dans l’heure.
Cet ennemi intérieur, il renvoie à l’ennemi extérieur que constitue l’Afghanistan ?
Je ne sais pas… Je dirais que ça ressemble plus à la Palestine qu’à l’Afghanistan. En mettant les choses au pire, on pourrait très bien imaginer des checkpoints pour passer de la banlieue à Paris, ça ne serait pas très compliqué à mettre en place. D’ailleurs, ça existe déjà autour de certains quartiers.
Vous évoquiez la Palestine. Vous en revenez tout juste…
Oui, j’ai même dû écourter mon séjour quand j’ai appris que les neuf de Tarnac étaient en tôle. Je n’y ai passé que huit jours : je suis juste allé à Ramallah et à Jénine et je ne peux tirer de ce bref passage de vraies conclusions.
Vous connaissez pourtant très bien la question, puisque vous avez publié le très percutant Notes sur l’occupation [7] il y a deux ans. Avez-vous constaté des changements ?
La seule chose que je puisse dire, c’est que les gens rencontrés pour le livre d’entretien [8] que je prépare avec Eyal Sivan [9] sont tous persuadés du naufrage de l’Autorité Palestinienne. Ce qui apparaît clairement, c’est que l’Autorité Palestinienne ne représente plus rien en Palestine… Tout le monde - même le dernier petit gamin qui pousse des cageots de tomates sur son diable - sait que ces gens sont des supplétifs des Israéliens et des Américains. Ils sont complètement coupés de la population, ils n’ont plus aucune légitimité.
L’autre point qui apparaît évident est le progrès considérable de l’idée de « one state », d’Etat unique, parmi les Palestiniens.
C’est quelque chose que vous avez toujours mis en avant…
Oui. A cet égard, j’ai été très influencé par Edward Saïd, que j’ai connu quand j’ai édité son livre, Israël, Palestine : l’égalité ou rien [10]. Il s’agit de se battre pour que les deux peuples coexistent pacifiquement dans le même Etat.
Ce n’est pas un peu utopique ?
Je crois que l’utopie est plutôt dans l’Etat Palestinien. L’idée de séparation a pour la première fois été formalisée par les Anglais en 1936, avec le plan Peel. C’était il y a 72 ans… Ça fait trois quarts de siècle que l’idée de séparation piétine et n’aboutit qu’à la ruine et à la désolation, sur fond de poignée de main historique blabla-blablabla…
Au fond, c’est la solution des deux Etats qui est une utopie : ça ne marchera jamais. Il n’y a qu’une issue, celle du constat qu’entre le Jourdain et la Méditerranée vivent 10 millions de personnes, toutes citoyennes de ce territoire. L’Etat unique existe déjà, mais c’est un Etat raciste d’apartheid : il faut en faire un Etat où règne l’égalité de tous avec tous.
Et les extrémistes, les colons jusqu’au boutistes ?
On ne peut pas dire que les gens refusent quelque chose qu’on ne leur a jamais proposé. Une des tares chroniques de la direction palestinienne est de ne jamais parler aux Israéliens. Il n’y a pas longtemps, Abou Mazen, le président de l’Autorité Palestinienne, a pris une page de pub dans un grand journal, Haaretz je crois. Mais ce n’est pas comme ça qu’on parle aux gens, sauf si on s’appelle Gaz de France… Un vrai homme palestinien devrait s’adresser aux Israéliens de la même façon que Mandela s’adressait aux blancs.
Il y a aussi un autre point qui m’a sauté à la figure : avec les accords d’Oslo, les Palestiniens sont devenus les gens qui habitent en Cisjordanie et à Gaza. Mais en mettant les choses au mieux, ils ne représentent qu’un tiers du peuple palestinien, les deux autres tiers étant les Palestiniens d’Israël et ceux des camps de réfugiés et de la diaspora. C’est dire à quel point le droit au retour est central, essentiel.
Entretien avec Eric Hazan
Publié par Article11.
[1] La citation est de Lémi, collaborateur émérite de ce site qui avait publié en 2007, sur le blog Zapa, un passionnant entretien avec Eric Hazan.
[2] Ce dont fait état le très bon livre de François Ruffin, Les petits soldats du journalisme, édifiante description du fonctionnement de la machine à décérébrer les apprentis journalistes.
Dossier Médias, Monde en Question.
[3] Il s’agit d’une longue interview, publiée en date du 9 décembre, de Benjamin Rosoux, l’un des cinq mis en examen dans le cadre de l’enquête sur les sabotages des lignes SNCF.
[4] Il s’agit du quinquennat de Chirac.
[5] Publié au Seuil, ce livre dresse le bilan, sous forme de chroniques, des cent premiers jours de règne de Nicolas Sarkozy.
[6] Eric Hazan a développé ce thème dans une interview vidéo donnée à Médiapart. Le visionnage de cet entretien en trois parties est fortement conseillé : interview (I), interview (II), interview (III), Mediapart - Dailymotion.
[7] Editions La Fabrique.
[8] Ce livre s’intitulera Reprendre l’initiative.
[9] Eyal Sivan est notamment l’un des deux réalisateurs du documentaire Route 181.
[10] Editions La Fabrique.
10 décembre 2008
9 décembre 2008
Inde-États-Unis-Pakistan (6)
Le ton monte entre le Pakistan et l'Inde, où les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d'extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre le Pakistan. La carte majeure du gouvernement pakistanais, malgré sa faiblesse [1], est son alliance avec les États-Unis dans sa "guerre contre le terrorisme". Ainsi, les USA seront obligé de faire pression sur l'Inde pour ne pas perdre ses ambitions de victoire militaire contre l'Afghanistan.
L'OTAN prétend ne pas être affecté par la répétition des attaques de convois militaires, mais dissimule les coûts de l'alternative du transport par voie aérienne.
[1] Les attentats qui ont visé Bombay fin novembre ont plongé le pays dans le désarroi. Car le pouvoir n'a pas les moyens de lutter efficacement contre le terrorisme.
[...]
Le gouvernement a beau se méfier des groupes terroristes, la droite et les militaires pakistanais semblent aujourd'hui plus puissants que lui, alors qu'il souhaite débarrasser le pays de ses éléments terroristes et rechercher un compromis de paix acceptable avec l'Inde. Mais ce que les gens doivent comprendre par-dessus tout, c'est qu'Islamabad aura du mal à combattre les menaces intérieures si les pressions extérieures deviennent trop fortes. L'accroissement des divergences entre pouvoirs politique et militaire au Pakistan ne pourra qu'aggraver les tensions dans la région. Les armées pakistanaise et indienne ne penseront qu'à une réponse militaire face à la menace terroriste actuelle. Un tel scénario augmenterait le risque d'une confrontation armée, peut-être nucléaire, entre les deux pays, et constituerait donc plus un danger qu'une réponse adéquate.
Courrier international.
Commentaires : Le Courrier international détaille les "groupes terroristes, la droite et les militaires pakistanais", mais ne dit rien des mêmes forces réactionnaires en Inde. Ce média entretient le mythe de "la plus grande démocratie du monde" où les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d'extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre le Pakistan. Les deux pays ont hérité des pratiques du colonialisme britannique...
Le Pakistan ne livrera pas à l'Inde les personnes arrêtées récemment dans l'enquête sur les attaques de Bombay mais les jugera lui-même si elles sont soupçonnées d'y avoir participé, a annoncé mardi le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi.
[...]
"Nous ne voulons pas la guerre mais nous sommes totalement prêts pour le cas où elle nous serait imposée", a averti M. Qureshi. "Nous sommes conscients de nos responsabilités pour défendre notre terre mais nous ne souhaitons pas la guerre", a-t-il insisté.
AFP - Yahoo! Actualités.
Le Pakistan a assuré mardi qu'il ne livrerait à l'Inde aucun éventuel suspect dans les attaques de Bombay et qu'il les jugerait lui-même si nécessaire, mais s'est dit prêt à faire face à une nouvelle guerre si New Delhi décidait d'une action militaire, même ciblée.
[...]
L'Inde a remis une liste de suspects au Pakistan, son rival de toujours, et exige qu'il les lui livre, en menaçant à demi-mot de représailles dans le cas contraire.
[...]
La presse indienne bruisse depuis plusieurs jours de rumeurs de frappes indiennes ciblées sur des camps d'entraînement de combattants islamistes de l'autre côté de la frontière, si les forces pakistanaises n'agissent pas elles-mêmes.
[...]
Aujourd'hui, la situation est encore plus dramatique et ni les États-Unis, ni l'Inde, ni le Pakistan ne peuvent se payer le luxe d'une guerre, estiment unanimement les experts de la région, les diplomates, mais aussi de hauts responsables pakistanais.
[...]
Or le Pakistan a averti qu'un simple mouvement de troupes indiennes vers la frontière impliquerait automatiquement le retrait de son armée des zones tribales pour un redéploiement à la frontière indo-pakistanaise. Ce que les États-Unis, empêtrés dans les combats contre l'insurrection des talibans qui gagne en intensité en Afghanistan, verraient évidemment d'un mauvais oeil.
AFP - Yahoo! Actualités.
AP - Yahoo! Actualités.
L'OTAN prétend ne pas être affecté par la répétition des attaques de convois militaires, mais dissimule les coûts de l'alternative du transport par voie aérienne.
L'Isaf sous commandement Otan peut aussi compter sur l'acheminement de matériel par la voie aérienne, en attendant la conclusion d'accords de transit ferroviaire pour le matériel non létal négociés avec les Républiques d'Asie centrale pour compléter celui déjà conclu cette année avec la Russie.
AFP - Yahoo! Actualités.
[1] Les attentats qui ont visé Bombay fin novembre ont plongé le pays dans le désarroi. Car le pouvoir n'a pas les moyens de lutter efficacement contre le terrorisme.
[...]
Le gouvernement a beau se méfier des groupes terroristes, la droite et les militaires pakistanais semblent aujourd'hui plus puissants que lui, alors qu'il souhaite débarrasser le pays de ses éléments terroristes et rechercher un compromis de paix acceptable avec l'Inde. Mais ce que les gens doivent comprendre par-dessus tout, c'est qu'Islamabad aura du mal à combattre les menaces intérieures si les pressions extérieures deviennent trop fortes. L'accroissement des divergences entre pouvoirs politique et militaire au Pakistan ne pourra qu'aggraver les tensions dans la région. Les armées pakistanaise et indienne ne penseront qu'à une réponse militaire face à la menace terroriste actuelle. Un tel scénario augmenterait le risque d'une confrontation armée, peut-être nucléaire, entre les deux pays, et constituerait donc plus un danger qu'une réponse adéquate.
Courrier international.
Commentaires : Le Courrier international détaille les "groupes terroristes, la droite et les militaires pakistanais", mais ne dit rien des mêmes forces réactionnaires en Inde. Ce média entretient le mythe de "la plus grande démocratie du monde" où les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d'extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre le Pakistan. Les deux pays ont hérité des pratiques du colonialisme britannique...
Pogroms contre des Palestiniens à Hébron
Le Premier ministre israélien Ehud Olmert estime que les agressions commises par des colons juifs contre des Palestiniens à Hébron constituent des "pogroms".
Le chef du gouvernement a également estimé que la police israélienne devait cesser de faire preuve d'une "clémence intolérable" à l'égard des agresseurs.
"En tant que juif, j'ai honte que d'autres juifs fassent une telle chose", a dit Olmert devant son gouvernement.
"Nous sommes un peuple dont historiquement, l'éthos (ndlr: ensemble de comportements caractéristiques d'un groupe social) est fondé sur le souvenir des pogroms", a dit Olmert, dont les propos ont été cités dans un communiqué. "Voir des juifs armés tirer sur des civils palestiniens innocents ne peut que nous rappeler les pogroms."
Cette déclaration, l'une des plus fortes du Premier ministre démissionnaire, fait suite à la diffusion d'une vidéo montrant un colon qui fait usage d'une arme à feu et blesse des Palestiniens.
Le terme de pogrom, d'origine russe, est employé pour désigner les massacres perpétrés contre les juifs notamment au XIXe siècle dans l'ancien empire de Russie.
Olmert a également annoncé qu'il souhaitait que soient organisées des poursuites judiciaires et que cesse "la clémence intolérable à l'égard des colons qui enfreignent la loi".
Les incidents entre les communautés juive et palestinienne se sont multipliés depuis quelques semaines en Cisjordanie et notamment à Hébron.
Samedi, des colons juifs ont mis le feu à une maison palestinienne dans la ville pour protester contre l'expulsion deux jours auparavant d'une dizaine de familles de colons installées dans un bâtiment qu'elles affirmaient avoir acheté à un Palestinien.
Quelques jours plus tôt, des affrontements inter-communautaires avaient fait six blessés, cinq Palestiniens et un colon. La police avait procédé à l'interpellation de 15 jeunes juifs.
Le mois dernier, des colons avaient peint des graffitis insultant le prophète Mahomet sur les murs d'une mosquée avant de vandaliser des tombes dans un cimetière voisin.
La mosquée était située près de bâtiments occupés par des colons juifs depuis 2007 et dont la cour suprême israélienne avait ordonné l'évacuation.
Environ 650 colons israéliens résident dans une enclave fortifiée, protégée par des soldats et située au coeur de la ville où vivent quelque 180.000 Palestiniens.
Reuters - Yahoo! Actualités.
Le chef du gouvernement a également estimé que la police israélienne devait cesser de faire preuve d'une "clémence intolérable" à l'égard des agresseurs.
"En tant que juif, j'ai honte que d'autres juifs fassent une telle chose", a dit Olmert devant son gouvernement.
"Nous sommes un peuple dont historiquement, l'éthos (ndlr: ensemble de comportements caractéristiques d'un groupe social) est fondé sur le souvenir des pogroms", a dit Olmert, dont les propos ont été cités dans un communiqué. "Voir des juifs armés tirer sur des civils palestiniens innocents ne peut que nous rappeler les pogroms."
Cette déclaration, l'une des plus fortes du Premier ministre démissionnaire, fait suite à la diffusion d'une vidéo montrant un colon qui fait usage d'une arme à feu et blesse des Palestiniens.
Le terme de pogrom, d'origine russe, est employé pour désigner les massacres perpétrés contre les juifs notamment au XIXe siècle dans l'ancien empire de Russie.
Olmert a également annoncé qu'il souhaitait que soient organisées des poursuites judiciaires et que cesse "la clémence intolérable à l'égard des colons qui enfreignent la loi".
Les incidents entre les communautés juive et palestinienne se sont multipliés depuis quelques semaines en Cisjordanie et notamment à Hébron.
Samedi, des colons juifs ont mis le feu à une maison palestinienne dans la ville pour protester contre l'expulsion deux jours auparavant d'une dizaine de familles de colons installées dans un bâtiment qu'elles affirmaient avoir acheté à un Palestinien.
Quelques jours plus tôt, des affrontements inter-communautaires avaient fait six blessés, cinq Palestiniens et un colon. La police avait procédé à l'interpellation de 15 jeunes juifs.
Le mois dernier, des colons avaient peint des graffitis insultant le prophète Mahomet sur les murs d'une mosquée avant de vandaliser des tombes dans un cimetière voisin.
La mosquée était située près de bâtiments occupés par des colons juifs depuis 2007 et dont la cour suprême israélienne avait ordonné l'évacuation.
Environ 650 colons israéliens résident dans une enclave fortifiée, protégée par des soldats et située au coeur de la ville où vivent quelque 180.000 Palestiniens.
Reuters - Yahoo! Actualités.
8 décembre 2008
Inde-États-Unis-Pakistan (5)
La propagande suit son cours :
• Guysen, l'agence de presse israélienne bien informée par les USA publie cette dépêche : Les terroristes de Mumbai, en Inde, ont utilisé le sol pakistanais afin de préparer leurs attaques, a déclaré dimanche la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice.
Commentaires : Depuis le premier jour, on connaît les sources américaines des accusations des autorités indiennes contre le Pakistan.
• Le Figaro titre son reportage "Les talibans sèment la peur dans Peshawar".
Commentaires : Le Figaro évoque l'attaque des convois militaires de l'OTAN attribuée à des Tâlebân qu'il qualifie d'"acte terroriste" comme les autorités allemandes le faisaient pour désigner les actes de résistance contre l'occupant.
• RFI titre "Peshawar : capitale mondiale du terrorisme".
Commentaires : Il s'agit d'une reprise plus spectaculaire de l'article du Figaro.
• Le Monde titre "La galaxie djihadiste pakistanaise à l'épreuve de Bombay".
Commentaires : Le titre est destiné à amplifier la peur. Après les expressions comme "le monde arabo-musulman", la propagande nous sert le plat plus épicé de "la galaxie djihadiste". Le contenu du reportage contient d'autres formules chocs comme la "force de frappe médicale" pour désigner l'efficacité des services médicaux du Jamaat-ud-Dawa lors des séismes du Cachemire en 2005.
Des militants du mouvement de droite Hindu Shiv Sena clament des slogans anti-Pakistan et brûlent un mannequin à l'effigie d'un membre du Lashkar-e-Taiba le 8 décembre 2008 à Amritsar
Source : AFP
La préparation de la guerre contre le Pakistan se poursuit :
• Les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d'extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre les musulmans en général et contre les Pakistanais en particulier.
• Les USA, qui veulent leur victoire en Afghanistan [1] à tout prix, manipulent les uns et les autres - la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le directeur du renseignement Mike McConnell et le chef d'état-major interarmées Michael Mullen ne sont pas venus dans la région pour cueillir des fleurs.
• La chasse au cerveau est ouverte. Elle rappelle étrangement celle organisée pour traquer Ben Laden et Mohammad Omar, qui courent toujours...
Des camions de l'Otan calcinés à Peshawar après une attaque d'insurgés le 8 décembre 2008
Source : AFP
Pendant ce temps, une centaine de véhicules de l'Otan ont été incendié apparemment dans un autre dépôt près de Peshawar. Le traitement médiatique de cette attaque diffère :
[1] Lire aussi : La guerre américaine : escalade de l’Irak vers l’Afghanistan et le Pakistan, Monde en Question.
• Guysen, l'agence de presse israélienne bien informée par les USA publie cette dépêche : Les terroristes de Mumbai, en Inde, ont utilisé le sol pakistanais afin de préparer leurs attaques, a déclaré dimanche la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice.
Commentaires : Depuis le premier jour, on connaît les sources américaines des accusations des autorités indiennes contre le Pakistan.
• Le Figaro titre son reportage "Les talibans sèment la peur dans Peshawar".
Commentaires : Le Figaro évoque l'attaque des convois militaires de l'OTAN attribuée à des Tâlebân qu'il qualifie d'"acte terroriste" comme les autorités allemandes le faisaient pour désigner les actes de résistance contre l'occupant.
• RFI titre "Peshawar : capitale mondiale du terrorisme".
Commentaires : Il s'agit d'une reprise plus spectaculaire de l'article du Figaro.
• Le Monde titre "La galaxie djihadiste pakistanaise à l'épreuve de Bombay".
Commentaires : Le titre est destiné à amplifier la peur. Après les expressions comme "le monde arabo-musulman", la propagande nous sert le plat plus épicé de "la galaxie djihadiste". Le contenu du reportage contient d'autres formules chocs comme la "force de frappe médicale" pour désigner l'efficacité des services médicaux du Jamaat-ud-Dawa lors des séismes du Cachemire en 2005.
Des militants du mouvement de droite Hindu Shiv Sena clament des slogans anti-Pakistan et brûlent un mannequin à l'effigie d'un membre du Lashkar-e-Taiba le 8 décembre 2008 à Amritsar
Source : AFP
La préparation de la guerre contre le Pakistan se poursuit :
• Les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d'extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre les musulmans en général et contre les Pakistanais en particulier.
• Les USA, qui veulent leur victoire en Afghanistan [1] à tout prix, manipulent les uns et les autres - la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le directeur du renseignement Mike McConnell et le chef d'état-major interarmées Michael Mullen ne sont pas venus dans la région pour cueillir des fleurs.
• La chasse au cerveau est ouverte. Elle rappelle étrangement celle organisée pour traquer Ben Laden et Mohammad Omar, qui courent toujours...
La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, assurait qu'Islamabad était conscient de sa responsabilité pour agir contre ses groupes "terroristes".
[...]
New Delhi et son nouvel allié américain imputent les attaques coordonnées de Bombay au LeT, l'un des mouvements armés fondamentalistes pakistanais qui assurent lutter contre l'"occupation" indienne du Cachemire et contre les "persécutions" dont seraient victimes les 150 millions de musulmans en Inde.
[...]
Des responsables militaires et de l'antiterrorisme américains, cités lundi par le New York Times, admettent que le LeT est plus puissant que ce qu'ils pensaient. Mais ils ne croient pas à l'implication des services secrets.
[...]
New Delhi accuse quasi-systématiquement le Pakistan à chaque attentat sur son territoire, en particulier les services de renseignements pakistanais qui, selon New Delhi, soutiennent et utilisent les nombreux groupes islamistes qui s'attaquent à l'Inde.
[...]
Dimanche, le ministre indien des Affaires étrangères Pranab Mukherjee a encore fustigé le Pakistan, sur fond de rumeurs relayées par Islamabad d'une éventuelle frappe militaire de représailles menée par New Delhi. Le président élu américain Barack Obama a reconnu dimanche "le droit d'un pays attaqué à se défendre", sans aller jusqu'à reconnaître à l'Inde le droit de poursuivre le LeT au Pakistan.
AFP - Yahoo! Actualités et AFP - Yahoo! Actualités.
Des camions de l'Otan calcinés à Peshawar après une attaque d'insurgés le 8 décembre 2008
Source : AFP
Pendant ce temps, une centaine de véhicules de l'Otan ont été incendié apparemment dans un autre dépôt près de Peshawar. Le traitement médiatique de cette attaque diffère :
• hier, on parlait d'une "attaque audacieuse et spectaculaire" menée par "250 talibans" pour incendier "200 camions et d'autres véhicules"
• aujourd'hui, on d'une "attaque" parle menée par "200 hommes armés" pour incendier "une centaine de véhicules, dont 50 camions"
AFP - Yahoo! Actualités.
[1] Lire aussi : La guerre américaine : escalade de l’Irak vers l’Afghanistan et le Pakistan, Monde en Question.
Inde-États-Unis-Pakistan (4)
Les médias dominants se délectent de lieux communs, construits pour provoquer une peur réflexe : "talibans, islamistes, djihadistes... terrorisme". A partir de la même dépêche d'agence, qui contient des informations souvent contradictoires, ils tissent un récit cohérent, trop cohérent pour être honnête. Mais le plus souvent, ils se contentent de réaliser un un simple copier-coller du contenu accompagné d'un titre et/ou d'une image choc [1].
Un autre lieu commun est l'expression "zones tribales" ("un repaire pour des groupes de talibans et combattants du réseau islamiste Al-Qaïda") pour désigner une région que le Pakistan contrôle mal.
Environ 250 combattants ont attaqué deux dépôts de l'Otan près de Peshawar au Pakistan le 7 décembre 2008
Source : RFI
La dépêche AFP titre "Pakistan : 200 talibans attaquent un terminal d'approvisionnement de l'Otan", puis indique "Les insurgés armés, présentés comme étant des talibans" sans préciser qui présentent "les insurgés armés" "comme étant des talibans". En l'espèce, il s'agit de combattants contre l'occupation de l'Afghanistan par des troupes de l'OTAN sous commandement américain.
On apprend par la même occasion combien les troupes de l'OTAN sont dépendantes de l'armée pakistanaise pour assurer la sécurité des convois qui transitent par son territoire vers l'Afghanistan. Nul doute que cela a un coût politique qui fait l'objet des tractations en cours entre l'amiral Michael Mullen, chef d'état-major interarmées américain, et les dirigeants de l'Inde et du Pakistan [2].
Des activistes du parti nationaliste Akali Dal criant des slogans anti-pakistanais à New Delhi le 7 décembre 2008
Source : AFP
Non seulement le parti religieux Akali Dal, mais aussi le parti nationaliste BJP allié au parti d'extrême-doite Shiv Sena et le gouvernement lui-même attisent la haine contre les Pakistanais et contre les musulmans. De plus, Barack Obama a reconnu "le droit d'un pays attaqué à se défendre" [3]. Ces pressions sur les autorités pakistanaises font parti du "grand jeu" des États-Unis pour gagner la guerre en Afghanistan au risque de déstabiliser cette région [4].
[1] Exemple :
• AFP - Yahoo! Actualités.
• 20 minutes.
• Le Monde.
Il est facile de réaliser ce travail comparatif grâce à un agrégateur de flux RSS. A défaut, on peut comparer les dépêches d'agences de presse (AP, Reuters, AFP) publiées par Yahoo! Actualités et les articles publiés par les médias dominants via Alvinet Actualité.
[2] Un blog de Libération met en perspective cet événement :
[3] AFP - Yahoo! Actualités.
[4] Les troupes de l'OTAN sous commandement américain font la guerre en Afghanistan sous le couvert du FIAS - Force internationale d’assistance à la sécurité, qui légitime les crimes de guerre contre la population civile en parlant de simples "bavures" ou "dégâts collatéraux".
Un autre lieu commun est l'expression "zones tribales" ("un repaire pour des groupes de talibans et combattants du réseau islamiste Al-Qaïda") pour désigner une région que le Pakistan contrôle mal.
Environ 250 combattants ont attaqué deux dépôts de l'Otan près de Peshawar au Pakistan le 7 décembre 2008
Source : RFI
La dépêche AFP titre "Pakistan : 200 talibans attaquent un terminal d'approvisionnement de l'Otan", puis indique "Les insurgés armés, présentés comme étant des talibans" sans préciser qui présentent "les insurgés armés" "comme étant des talibans". En l'espèce, il s'agit de combattants contre l'occupation de l'Afghanistan par des troupes de l'OTAN sous commandement américain.
On apprend par la même occasion combien les troupes de l'OTAN sont dépendantes de l'armée pakistanaise pour assurer la sécurité des convois qui transitent par son territoire vers l'Afghanistan. Nul doute que cela a un coût politique qui fait l'objet des tractations en cours entre l'amiral Michael Mullen, chef d'état-major interarmées américain, et les dirigeants de l'Inde et du Pakistan [2].
Des activistes du parti nationaliste Akali Dal criant des slogans anti-pakistanais à New Delhi le 7 décembre 2008
Source : AFP
Non seulement le parti religieux Akali Dal, mais aussi le parti nationaliste BJP allié au parti d'extrême-doite Shiv Sena et le gouvernement lui-même attisent la haine contre les Pakistanais et contre les musulmans. De plus, Barack Obama a reconnu "le droit d'un pays attaqué à se défendre" [3]. Ces pressions sur les autorités pakistanaises font parti du "grand jeu" des États-Unis pour gagner la guerre en Afghanistan au risque de déstabiliser cette région [4].
[1] Exemple :
• AFP - Yahoo! Actualités.
• 20 minutes.
• Le Monde.
Il est facile de réaliser ce travail comparatif grâce à un agrégateur de flux RSS. A défaut, on peut comparer les dépêches d'agences de presse (AP, Reuters, AFP) publiées par Yahoo! Actualités et les articles publiés par les médias dominants via Alvinet Actualité.
[2] Un blog de Libération met en perspective cet événement :
75% du ravitaillement des 70.000 militaires occidentaux présents en Afghanistan passent par le Pakistan. Les containers et le matériel militaire débarquent à Karachi puis prennent la route vers le nord. Il n'existe que deux axes : au sud via la ville de Quetta vers Kandahar - une zone très dangereuse. Vers le nord, via Peshawar puis le col de Khyber (35 kilomètres de route de montagne, qu'il ne faut traverser que de jour et sous bonne garde). Avant cette dernière étape, les camions de ravitaillement, la plupart du temps affretés par des compagnies privées - s'arrête dans la base logistique Al-Faisal.
Cette attaque témoigne de la volonté des insurgés (talibans, djihadistes ou islamistes) de s'en prendre à la logistique de l'opération militaire occidentale. En terme militaire, il s'agit d'une très bonne stratégie (couper le ravitaillement) contre laquelle la coalition risque fort de se trouver désarmée puisqu'elle ne peut pas intervenir sur le territoire pakistanais.
Si la route du Pakistan devient de plus en plus dangereuse, quelles seraient les autres solutions : l'Iran est évidemment impossible. Outre la voie aérienne, horriblement couteuse, reste celle du nord, par les ex-républiques soviétiques. Donc au final, avec l'accord de la Russie - qu'il faudra alors ménager.
Afghanistan : les insurgés s'en prennent aux convois de ravitaillement au Pakistan, Secret Défense.
[3] AFP - Yahoo! Actualités.
[4] Les troupes de l'OTAN sous commandement américain font la guerre en Afghanistan sous le couvert du FIAS - Force internationale d’assistance à la sécurité, qui légitime les crimes de guerre contre la population civile en parlant de simples "bavures" ou "dégâts collatéraux".