Un soldat israélien ordinaire, Les blogs du Diplo.
C’est un film qui dérange, d’autant plus qu’il sort juste après l’offensive sur Gaza. Z32 raconte l’histoire d’un jeune soldat israélien appartenant à l’une de ces unités d’élite qui opèrent dans les territoires occupés. Lors d’une opération de représailles, il tue un policier palestinien. Le meurtre d’un innocent, commis de sang froid, sur ordre de sa hiérarchie, pour venger la mort de soldats israéliens dans un attentat. Un acte que, deux ans après, il ne parvient pas à oublier. L’histoire a pris une fois de plus Avi Mograbi de vitesse. Mais, paradoxe, le décalage entre son film et l’actualité, l’horreur perpétrée à Gaza avec le large soutien de la population israélienne, démontre à quel point son œuvre est essentielle. Car Mograbi ne cède pas un pouce de terrain politique ou artistique face à la machine de mort israélienne.
Ses films démontent de l’intérieur les ressorts de la mécanique politique israélienne. Comment la machine étatique s’immisce, distille dans chaque espace de la société, à commencer par l’école, dès la maternelle, sa propagande de mort, de haine, en falsifiant l’histoire, en manipulant les mythes, en brouillant toutes les images. Comment elle contamine les individus, jusqu’au cœur de leur intimité. Dans son film précédent, Pour un seul de mes deux yeux , Mograbi montre le détournement idéologique des mythes bibliques de Massada et de Samson pour justifier l’occupation. Saisissantes images que celles de ces guides touristiques demandant aux visiteurs du site de Massada de mimer le suicide collectif des Zélotes pour échapper à l’occupant romain, car elles évoquent en creux les attentats-suicides. Autre armée d’occupation. De jeunes militaires israéliens, filmés contre leur gré en train d’humilier des Palestiniens, mères de famille, écoliers, paysans, ouvriers dans les situations les plus banales, les plus quotidiennes, le retour de l’école, l’urgence de se rendre à l’hôpital, l’arrêt d’un tracteur en plein champ, l’attente des heures durant à un check-point, sur un pied, car tel a été l’ordre.
Faire des films, pour Mograbi, relève donc d’une nécessité impérieuse, d’une urgence politique. Mais sa démarche est hors normes, car elle interroge le cinéma à l’endroit où ça fait mal. Présentées comme le réel, les images n’en sont qu’une reconstruction, du point de vue de celui qui les manipule. Le système d’information les distille, les sélectionne pour pérenniser une idéologie dominante – la fameuse « preuve par l’image ». Cela dépasse évidemment le cas d’Israël, dont la propagande d’Etat n’en est que l’acmé. Mograbi interroge le cinéma au raz des conditions de faisabilité dans ce pays-là, dans cette guerre-là. Il fait œuvre en posant les questions du politique et de l’esthétique en même temps, car elles sont indissociables. Qui filmer, comment filmer, comment faire rendre gorge aux images : ces questions concernent le cinéma en général. Et sa méthode constitue une tentative de réponse là-bas et maintenant.
Lire aussi :
• Dossier Avi MOGRABI
• Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine
• Bibliographie Palestine/Israël
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