Le 24 juin, Un commando de nervis de la CGT «au crâne rasé» a délogé les travailleurs sans-papiers de la Bourse du travail à coups de bâtons et de gaz lacrymo sous prétexte de «mettre un terme à une occupation [de la Bourse du Travail] qui était devenue un squatt» [2].
Le lien entre ces deux affaires est le racisme colonial qui, de l'extrême droite à l'extrême gauche, gangrène la société française depuis presque deux siècles.
On retrouve la même coalition hétéroclite et les mêmes arguments dans l'affaire du voile et celle de la burqa. La coalition rassemble des membres de tous les partis et de toutes les organisations d'Arlette Laguiller à Jean-Marie Le Pen, mais pas la majorité de chaque camp. Les arguments, qui puisent dans les valeurs du politiquement correct : principes républicains, laïcité et libération de la femme, sont des habillages sémantiques du racisme ordinaire et du nouvel ordre moral.
Ceux qui sont prêts pas à interdire le port d'un vêtement (hier le voile, aujourd'hui la burqa et demain ?) au nom des principes républicains violent, sans peut-être le savoir, l'un des des principes républicains :
8 BRUMAIRE an 2 (29 octobre 1793)
Décret relatif aux vêtements des personnes des deux sexes (L. 16, 346 ; B. 36, 83.)
Art. 1er. Nulle personne de l'un et de l'autre sexe ne pourra contraindre aucun citoyen ni citoyenne à se vêtir d'une manière particulière sous peine d être considérée et traitée comme suspecte et poursuivie comme perturbateur du repos public. Chacun est libre de porter tel vêtement et ajustement de son sexe que bon lui semble.
Art. 2. La Convention nationale n'entend point déroger aux précédens décrets rendus sur le fait de la cocarde nationale, sur le costume des prêtres et sur les travestissemens ainsi qu'à tous autres décrets relatifs au même objet.
Art. 3. Le présent décret sera inséré dans le Bulletin du 9 brumaire.
Source : Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens avis du Conseil d'état
Ceux qui s'insurgent du port d'un vêtement par les musulmans au nom de la laïcité seraient bien inspirés de commencer par balayer devant leur porte en luttant contre le poids de la religion catholique dans les institutions publiques, dans l'enseignement et dans la vie quotidienne : le calendrier scolaire, par exemple, est fondé sur celui de l'Église catholique.
Il est affligeant de voir des militants, qui ont perdu la bataille de la création d'un grand service public de l'éducation, préférer la chasse aux musulmans à la lutte contre le financement de l'école privée confessionnelle.
Combien s'émeuvent du fait que des maires, comme celui de Paris, financent des associations catholiques qui font tant de bénéfices qu'elles les placent en bourse ? Le Canard enchaîné dénonce régulièrement l'aide massive à l'école privée catholique aux dépends de l'école publique, le financement public d'associations catholiques et les dérives sectaires au sein de l'Eglise catholique.
Ceux enfin qui prétendent parler au nom des femmes sont étrangement muets sur le racisme dont sont victimes les femmes d'origine étrangère en matière d'emploi, de logement ou de droits sociaux. L'affaire des travailleurs sans-papiers concernent aussi les femmes : mères, épouses, compagnes, sœurs ou filles de ceux qu'on traquent comme des bêtes.
Les discours sur la libération de la femme sonnent creux quand ceux qui les prononcent se désintéressent des femmes contraintes par la religion catholique ou juive car l'islam n'a pas l'exclusivité de pratiques contraires à l'égalité entre les sexes.
Les envolées lyriques contre le voile et la burqa masquent le silence des féministes sur le voile catho-laïque de la mariée, symbole de la soumission de l'épouse à son mari, et sur le foulard qui, même relooké par les grandes marques, reste le symbole de la pudeur imposée aux femmes par la religion catholique.
L'agitation médiatique sur le voile et la burqa réunit dans la confusion la plus totale ceux qui veulent intégrer et ceux qui veulent exclure. Cette alliance contre-nature se réalisa sous la IIIe République pour mener une politique coloniale au nom de la civilisation.
Il faut le dire nettement : oui, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures.
Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a pour elles un devoir, qui est de civiliser les races inférieures.
Jules Ferry
MANCERON Gilles (textes présentés par), 1885 - Le tournant colonial de la République, La Découverte, 2006
Les belles déclarations sur les principes républicains, la laïcité et la libération de la femme égarent les militants et les militantes qui se battent pour ces causes qui deviennent des alibis pour imposer une croisade contre les musulmans et un nouvel ordre moral.
Le discours politico-médiatique sur le vêtement nommé burqa est artificiel et totalement biaisé. Il relève de l'idéologie du racisme colonial. Je recommande, pour conclure, la lecture de la contribution de Geneviève PETIOT, Voile, tchador ou foulard ? - Problèmes de dénomination dans les discours médiatiques in BEACCO Jean-Claude et MOIRAND Sophie (sous la direction de), Les enjeux des discours spécialisés, Presses Sorbonne Nouvelle, 1995.
Serge LEFORT
28/06/2009
Lire aussi :
• Revue de presse Burqa, Monde en Question.
• Revue de presse Voile, Monde en Question.
• Bibliographie Voile & Burqa, Monde en Question.
• Bibliographie Vêtement, Monde en Question.
• Bibliographie Colonialisme, Monde en Question.
• Bibliographie Racisme, Monde en Question.
[1] Revue de presse :
• 17/06/2006, Des députés réclament une commission d'enquête sur le port de la burka, Le Monde
• 17/06/2006, "Ni putes ni soumises" veut un débat, Le Point
• 17/06/2006, Les burqas et les niqabs inquiètent, France Info
[2] Revue de presse :
• 24/06/2006, «Ils sont rentrés et ont balancé les lacrymo», Libération
• 24/06/2006, La CGT évacue de force les sans-papiers, Rue89
• 25/06/2006, «Maintenant, ce sera les CRS ou les papiers», Libération
• 25/06/2006, Très dur avec les faibles, si doux avec les puissants - Honte à toi, camarade cégétiste !, Article11
• 26/06/2006, Sans-papiers : en plein Paris, la rue pour dortoir, Rue89
Mail de Jean-Pierre Demol
RépondreSupprimer"Monde en Question" Nous sommes le 01/07/2009, et si vous voulez vous habiller en paysans des Monts Atlas, libre à vous, mais alors allez habiter la-bas et ne venez pas transformer notre paysage occidental en oriental, trop is t' veel comme on dit chez nous, et nous n'avons pas besoin de lois datant de 1793 pour exprimer notre désaccord sur l'envahissement islamique par des tenues vestimentaires qui le montrent.
Que ces jeunes femmes qui vivent chez nous, profitent d'êtres ici pour aider leurs compatriotes dans leurs pays d'origine, qui elles au moins luttent pour avoir plus de liberté et ne plus devoir se promener dans les rues comme des sacs de pommes-de-terres ambulants.
D'autre part, nous n'avons que faire de principes républicains, la Belgique est un Royaume !!! A mon avis, vous avez des tendances communistes, allez plutôt chanter "l'internationale" en levant le poing et en marchant sur les 200 millions de morts massacrés au nom de cette mouvance.
Je vous invite à lire l'article L’action citoyenne contre la propagande coloniale en Belgique publié par Monde en Question.