Pages

5 juillet 2009

S'habiller


Collectif, S’habiller, Le Sociographe n° 17, mai 2005 [Texte intégral en ligne]

Présentation
Signe, marque, mais peut-être aussi linguistique... le vêtement parle. Il n'est pas seulement une protection et un paraître, il est aussi un support à la relation sociale. En ce sens, il nous inscrit dans notre environnement.
Du col blanc à l'exclu, qui habille le corps et qui habite les vêtements ? Dialogue des usages et des médiations du vêtement dans les pratiques éducatives.

Du vêtement en général... et de celui de l'exclusion en particulier
La ville moderne constitue un théâtre d’images où la représentation et la mise en scène des formes sociales permettent à l’individu de se confronter à l’exacerbation et à la valorisation de la différence sous toutes ses formes. Ainsi ce qui se joue ou peut potentiellement se jouer pour l’individu dans le domaine de la représentation vestimentaire c’est l’effacement de soi ou son hyper-représentativité, la simplicité ou l’extravagance, la neutralité ou la provocation. L’individu anonyme des villes est toujours dans une relation de confrontation à l’illimitation des possibles. A partir de cette apparente liberté, peut-on parler d’un vêtement spécifique de l’exclusion sociale ?

Just wear it. Sur la prédominace des marques dans l'habillement des jeunes
Le vêtement, l’habit est un moyen d’affirmer son appartenance au groupe social tout en se démarquant par son originalité, sa touche personnelle. Le vêtement permet de cacher le corps, d’en modifier les contours pour en changer la réalité. Il cache ses imperfections et ses parties intimes. Mais il donne aussi à voir, il exhibe une partie de celui qui le porte. Grâce au vêtement, on montre son appartenance à un groupe social mais aussi son caractère, ses choix idéologiques, ses goûts. Ces contradictions sur le fait de s’associer en se dissociant et donner à voir en cachant, qui sont vraies pour les adultes le sont encore plus pour les adolescents.

Humeurs étudiantes... sur le vêtement des travailleurs sociaux
Quel est le sens du vêtement et du (je)u des apparences ? D’une conséquence de l’impéritie humaine à "l'explosion" des fonctions du vêtement, qu’en est-il des représentations actuelles des travailleurs sociaux autour de la question du vêtement, des apparences et du travail social ? Une enquête tournée vers les assistants sociaux et éducateurs spécialisés se propose d’alimenter ce champ de questions.

Branding games. Modes, marques, magie
« Postmode » ou « mode achevée » signent aujourd’hui la production comme la consommation de masse et marquent l’influence du code à travers les objets de notre quotidienneté. Le vêtement marqué et son logo permettent de se distinguer de cette production/consommation massifiée et horizontalement nivelée. Il réalise de manière quasi-magique un transfert de valeur symbolique dont l’efficacité repose sur la croyance collective en la valeur produite par la marque, c’est-à-dire construite par le langage. C’est pourquoi, discours et produits s’unissent aujourd’hui dans une même résolution de signes consommables.

Vêture du bébé, investiture du papa
L’arrivée d’un nouveau-né au sein du foyer entraîne une réorganisation des tâches, généralement invisible et informulée. Le linge et le nourrisson apparaissent comme deux « domaines réservés », imprégnés d’une forte connotation féminine. En y regardant de plus près, on s’aperçoit pourtant qu’il existe de nombreux intérêts à ce que le père participe à l’habillement de son enfant. L’approche paternelle, différenciée de celle de la mère, s’organise progressivement autour d’un nouveau modèle de la paternité ; plus que bénéfique pour le développement du nourrisson, elle lui est nécessaire.

Perceval se change
« Changer mes bons habits que me fit ma mère… » : Le roman de Perceval offre une allégorie du travail de perte et de transformation du statut des enveloppes vestimentaires : changer en se changeant. Il pose les bases d’une réflexion sur la relation d’habillement. Ces enveloppes imaginaires et symboliques sont conçues dès l’attente de l’enfant, «à l’horizon des rêves maternels » comme le dit Mallarmé. Toute relation d’habillement se construit entre «se faire habiller » et «s’habiller ». Ces enveloppes sont intimement dépositaires de l’identité mais elles interrogent tout autant l’altérité : l’habillement vient de l’autre et va vers l’autre. En tant qu’objet, les habits circulent en famille, hors famille, entre pairs et transportent des affects, des représentations imaginaires et symboliques, des sensations, des humeurs.

L'hôpital par son linge. Analyse socio-linguistique d'une organisation
Comment s’échange le linge en hôpital ? Cette question permet d’aborder, en termes socio-linguistiques, le fonctionnement de l’organisation dont le linge est un analyseur. L’objet central étudié, c’est la fiche d’échange, le texte donc, mais aussi l’usage qui en est fait, la parole en quelque sorte. Repris d’un article ancien, le texte est mis en perspective dans une courte introduction et une conclusion qui soulève quelques questions sur nos manières actuelles d’observer — et d’apprendre à observer — et sur les outils théoriques pertinents pour le faire dans le champ socio-sanitaire.

La construction vestimentaire. Au carrefour du social, du symbolique et du psychique
Seconde peau, transition entre le corps nu intime et le corps socialisé couvert, le vêtement signale l’appartenance géographique, l’activité, la classe d’âge, le sexe de son propriétaire comme la crainte, la honte ou encore le désir de laisser paraître quelque chose de sa filiation ou de soi-même. Par son agencement singulier, il élabore un discours pour autrui ; un discours tenu dans la référence au collectif puisque la fabrication du vêtement dépend de critères économiques, culturels et plus généralement sociaux. Cet agencement s’effectue à partir d’unités articulées de significations qui construisent une parole du « moi » sur lui-même, et révèle aussi indirectement les pulsions qui l’agitent.

Habits vécus. Nudité, intimité, identité
De la naissance à la mort, nous vivons la plupart du temps habillés. Se vêtir est une alchimie faite de goût, de circonstances, d’environnement. Le rapport du sujet à la nudité n’est pas sans évoquer sa propre intériorité qu’aucun vêtement ne saurait durablement cacher, mais qui se révèle sous tous les climats dans la vie partagée. Petit bréviaire subjectif sur les relativités du vêtement, tout au long d’une vie.

Habiller le corps handicapé. L'exemple d'Habicap
La couture est un des plus vieux métier du monde : l’habit raconte notre histoire et celle de notre vieux monde. Il n’a cessé d’accompagner nos quotidiens, comme une seconde peau. Aujourd’hui, le corps standardisé par une industrie textile de masse et planétaire impose ses normes physiques et vestimentaires. Comme on ne coud plus au sein des familles, il est devenu très difficile pour certains de s’habiller. C’est l’objectif que s’est fixé Habicap : redonner d’ autonomie à des personnes physiquement contraintes et les accompagner au mieux dans leurs quotidiens.

Des bédouines en Jordanie. Vie tribale et identités
Montrer et cacher : l’anthropologie des échanges par le regard devrait s’enrichir de la connaissance des codes de l’apparence vestimentaire et de son rôle dans les communautés bédouines en Jordanie aujourd’hui. L’organisation tribale s’appuie sur l’esthétique, et elle tient par une floraison du sensible, et son partage, sous conditions. Couleurs, motifs, volumes de l’habit, mouvements et gestes concourent à reproduire un certain type d’échanges pour la fécondité du groupe, sa cohésion. Vêtements et parures des femmes montrent les limites entre le domaine réservé et ce qui est montré, qui n’est pas Haram. Né et déployé dans des espaces naturels vierges immenses et dans des cités, l’artifice est l’architecture, le maquillage de la part intime, qui procure distance et pouvoir.

Lire aussi : GIRAUD F., Le rôle du vêtement dans la construction des identités sexuées dans la classe supérieure, Mémoire, 2006 [en vente]
Quentin Bell dans Mode et société : essai sur la sociologie du vêtement nous rappelle que « dans presque toute société, les vêtements indiquent le sexe de celui qui les porte, et distribuent les hommes et les femmes dans des catégories différentes. ». Le vêtement est en effet différencié selon les sexes, tant dans les matières utilisées pour la confection, que dans les coupes, les couleurs...
Si le corps est porteur de l'identité sexuée, comme nous le rappelle C. Detrez dans La construction sociale du corps, il ne faut pas oublier que les soi-disant évidences biologiques ne le sont pas tout à fait. L'identité sexuée ne se résume pas « à un assemblage de chromosomes ou à une énumération de différences anatomiques » (C. Detrez, op cit). L'adéquation entre le sexe et le genre n'est pas automatique, l'identité sexuée est le produit d'un processus de « sexuation ». La société entre pour une large part dans les différences existant entre les hommes et les femmes, façonnant leurs modes d'être, leurs goûts...
C'est précisément parce l'identité sexuée n'est pas innée, mais est le résultat d'un apprentissage que nous intéresserons plus particulièrement aux processus par lesquels les individus incorporent et s'approprient cette identité sexuée.
Le vêtement peut être, comme l'est le jouet , une occasion privilégiée pour observer les processus de socialisation sexuée. Le vêtement est en effet une des premières images qui, dans le quotidien, nous est donnée du sexe des individus. Il semble que le vêtement est un révélateur des représentations que la société se fait de ce que « doivent être » un homme et une femme, dans ce domaine sont rappelées sans cesse les convenances à respecter, les attentes collectives.
Ce qui est donc intéressant dans le vêtement, c'est le poids des contraintes sociales contraignant le choix des vêtements. A la différence du monde des jouets où les parents peuvent ou non respecter dans leur choix les destinations de sexe, dans le domaine des vêtements, cette question ne se pose pas. Le vêtement n'est pas questionné comme pouvant être autre pour chacun des deux sexes. Pour beaucoup, c'est un donné de la société que les filles portent des jupes et des robes ainsi que des pantalons, tandis que les garçons portent uniquement des pantalons, de même au niveau des couleurs, les gens prennent pour acquis que le rose soit une couleur de fille. Ce sont ces idées que nous avons voulu interroger dans ce projet.
Le vêtement est un indicateur très significatif des représentations et des apprentissages sexués, il est un révélateur de la socialisation sexuée au sein de la famille, et plus largement dans toute la société. Il s'agira donc d'étudier comment le vêtement peut être un indicateur significatif des représentations et apprentissages sexués des enfants dans leur famille.
Mais par ailleurs nous nous plaçons dans un milieu social particulier les classes supérieures. Ceci amène une détermination supplémentaire par rapport au choix du vêtement et de son rôle vis à vis de la construction de l'identité sexuée. En effet, dans tous les milieux sociaux, l'image de la femme et de l'homme sont différentes.
La condition de la femme diffère suivant les milieux sociaux, selon qu'elle doit ou non travailler, selon le type de travail, selon qu'elle a ou non une femme de ménage. Historiquement les différences étaient très importantes entre l'ouvrière, dont l'archétype peut être représentée par Gervaise Macquart dans L'assommoir de Zola et la bourgeoise. A chaque milieu social est associé une image de la femme.
Le poids des contraintes économiques et sociales jouant, dans deux milieux sociaux différents, le rôle du vêtement dans la construction de la personnalité sera sensiblement différent.
Nous nous sommes à dessein concentrés sur un milieu où les personnes peuvent s'offrir des toilettes, faire attention à elles. Dans le milieu des classes supérieures, le vêtement revêt une importance bien plus grande que dans tous les autres milieux sociaux. Dans La Distinction, Bourdieu oppose l'usage « réaliste » et fonctionnaliste, que font les classes populaires du vêtement à l'usage qu'en font les classes dominantes qui sont attentives au paraître. Le vêtement n'a pas, dans ces milieux, pour fonction première une fonction protectrice, il permet de reconnaître socialement les individus.
Nous partons donc de trois idées essentielles :
•Le vêtement a une influence sur la représentation des identités sexuées.
•Le vêtement est un indicateur de l'appartenance de classe.
•Les représentations des genres, des identités sexuées sont différentes suivant les milieux sociaux.
Il s'agira donc d'étudier en quoi le vêtement est un indicateur des représentations et des apprentissages différenciés selon les sexes Mais plus précisément, on se demande donc en quoi le vêtement peut être un indicateur des représentations de l'homme et de la femme dans les classes supérieures
Qu'est-ce que le vêtement révèle de la construction différenciée selon les sexes des rôles de genre dans les classes supérieures ?
On essaiera ici de saisir les variations individuelles de l'habitus vestimentaire des classes supérieures.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commenter pour enrichir
Le but des commentaires est d'instaurer des échanges à partir des articles publiés par Monde en Question.

Respecter vos interlocuteurs
Appuyer vos commentaires sur des faits et des arguments, non sur des invectives.