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17 janvier 2009
Israéliens contre la guerre coloniale en Palestine (1)
Michel Warschawski est le président du mouvement israélien Centre d'information alternative. Anti-sioniste, il souhaite le remplacement d'Israël par un État dit bi-national.
27/12/2008, "Inculpez Barak, Livni, Olmert pour crimes de guerre !", AFPS - Info-Palestine - CCIPPP.
28/12/2008, Israël, État terroriste, Mediapart.
28/12/2008, Michel Warschawski sort un livre sur l'état de "l'occupation-colonisation" des territoires palestiniens par Israël, Bakchich.
29/12/2008, Union nationale contre le Hamas en Israël, Radio Suisse Romande.
31/12/2008, Condamner les « deux côtés » : pire que les assassins !, UJPF - AFPS - Info-Palestine - CCIPPP.
02/01/2009, Le carnage à Gaza : criminel et abject, CCIPPP.
02/01/2009, Pathétique ? Enlève la poutre que tu as dans l’oeil, Ari Shavit !, CCIPPP.
04/01/2009, Il qualifie le "carnage de Gaza d’abject et de criminel", Liberté (Algérie).
07/01/2009, "En Israël, le soutien massif à l'opération a commencé à s'éroder", Le Monde.
08/01/2009, Mouvement Global de Résistance Non Violente, Mediapart.
08/01/2009, Le carnage de Ghaza vu par l'Israélien Michel Warschawski, Le Matin (Algérie).
09/01/2009, Des doutes en Israël aussi, Le Temps (Suisse).
11/01/2009, Pourquoi le carnage ?, Temps obscurs.
12/01/2009, Il s’agit « de punir les Palestiniens du seul fait qu’ils continuent à exister », Article 11 - Alternatives - UJPF.
15/01/2009, Entretien avec Michael Warschawski, AFPS.
15/01/2009, Pour Michael Warschawski, l'opinion de Chavez, Morales et Lula compte en Israël, Mediapart.
15/01/2009, La note sanglante, Alternatives International.
Autres textes de Michel Warschawski :
• UJPF.
• AFPS.
• Info-Palestine.
• CCIPPP.
• Palestine - Solidarité.
• Alternatives.
Alternative Information Center, AIC - Alternatives International.
Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.
16 janvier 2009
"Juger Livni, Barak et Olmert pour crimes de guerre"
Entretien avec Pierre Stambul, Président de l'Union Juive Française pour la Paix, publié dans Le Jour d'Algérie à lire au format PDF.
Le sionisme responsable de la guerre à Gaza
La guerre sanglante que l’armée israélienne mène à Gaza n’est pas venue de nulle part. Tzipi Livni a prévenu tous les partis politiques sionistes 48 heures avant l’agression et tous l’ont approuvée, y compris le Meretz (la gauche sioniste). Le mouvement « La Paix Maintenant » et les écrivains dits « de gauche » (mais farouchement sionistes) Amos Oz, Avraham Yehoshua et David Grossman ont aussi approuvé l’invasion en prônant peu après une trêve. Tous partagent le point de vue officiel en Israël : pour eux, le Hamas est un monstre infréquentable contre lequel le droit de tuer va de soi, même s’il y a des « dommages collatéraux ».
Des Israéliens juifs anticolonialistes s’opposent à la guerre. Ils témoignent et manifestent quotidiennement avec un grand courage. Ils ne représentent qu’une petite minorité (il paraît que 95% des Israéliens juifs étaient d’accord avec la perspective d’attaquer le Hamas) mais leur importance et leur influence dépassent leur nombre. Tous sont non sionistes ou antisionistes. Ils sont les seuls à comprendre la nature du crime commis à Gaza : crime de guerre et crime contre l’humanité. Il faudra bien qu’on en finisse avec l’impunité de cet Etat-voyou. Cela passera par le boycott d’Israël tant que durera l’occupation et par le jugement des criminels de guerre.
Une idéologie totalitaire
En Israël, tout est sioniste. L’identité, la mentalité, l’histoire enseignée, les médias, les lois, l’air que l’on respire. Personne ne peut échapper à cette idéologie qui s’insinue partout. Au nom de cette idéologie, 60 ans après la création de l’Etat d’Israël, la moitié des Bédouins du Néguev vivent dans des bidonvilles sans route, ni eau, ni électricité, ni maison en dur, parce que l’Etat Juif ne reconnaît pas leurs villages et leurs actes de propriété. Entre Méditerranée et Jourdain, il y a environ 5 millions de Palestiniens et 5 millions et demi de Juifs. À cause du sionisme, les premiers n’ont aucun droit. Ils sont soit bombardés et massacrés, soit occupés, soit des sous citoyens dans leur propre pays. L’apartheid s’est installé.
Dans l’histoire multiple et diverse du judaïsme, le sionisme a fait irruption, il y a un peu plus d’un siècle et il a la prétention aujourd’hui de s’imposer à tous les Juifs. Si on le critique et qu’on n’est pas juif, on est forcément antisémite. Si on est juif, alors on est un « traître qui a la haine de soi ». Et si on est palestinien, le sionisme délivre un droit de tuer, pour la bonne cause bien sûr, la sacro-sainte « sécurité d’Israël ».
Il n’en a pas toujours été ainsi. En 1948, tous les grands noms du judaïsme américain avec en tête Albert Einstein et Hannah Arendt signent une adresse au président Truman lui enjoignant d’arrêter ou d’expulser le terroriste Menahem Begin qui vient de massacrer 200 villageois à Deir Yassine. Aux yeux du monde, le judaïsme à l’époque, c’est Rosa Luxembourg, Freud, Kafka, Einstein, Arendt. Tou-te-s étaient non croyant-e-s et non sionistes comme la majorité des 6 millions de morts du génocide nazi. Comment est-on arrivé à cette inversion qui fait que les valeurs de fascistes (je ne trouve pas d’autre mot) comme Begin, Shamir, Liberman , Sharon se sont imposées et sont devenues celles des criminels Olmert, Perès, Barak, Livni ...ou celles d’un grand nombre de dirigeants communautaires en France.
Cette mutation est incompréhensible si on n’examine pas ce qu’est le sionisme : à la fois un nationalisme, une forme de colonialisme, un messianisme qui a fabriqué un « homme juif nouveau ». Et une idéologie devenue ultra militariste, ayant fabriqué un pays devenu la tête de pont de l’impérialisme au Proche-Orient. Une idéologie affirmant offrir un « havre de paix » aux Juifs. Avec à la clé une instrumentalisation du génocide nazi et de l’antisémitisme.
Une histoire falsifiée
Les sionistes ont fabriqué une histoire fantastique du judaïsme. Alors que la grande majorité des premiers sionistes étaient non-croyants et souvent très hostiles aux religieux, ils sont allés chercher dans la Bible toutes les « justifications » au projet colonial qu’ils étaient en train d’inventer.
Depuis des dizaines d’années, il y a consensus chez les archéologues et les spécialistes de l’histoire antique (lire « La Bible Dévoilée » de Finkelstein et Silberman chez Bayard). Les épisodes d’Abraham et de Moïse sont totalement légendaires. Mais, ce qui est plus important, la conquête de Canaan par Josué est totalement légendaire. Ce texte qui est une véritable apologie du nettoyage ethnique et du massacre de « l’autre » n’a aucune réalité historique. C’est pourtant lui qui sert de base « historique » à l’installation des colons en Cisjordanie et aux partisans de l’expulsion des Palestiniens (la moitié de la société israélienne y est favorable). Il n’y a aucune trace archéologique de l’existence du royaume unifié de David et Salomon. À l’époque, Jérusalem était un village. Il est très probable que le royaume d’Israël (détruit par les Assyriens) et celui de Juda (détruit par les Babyloniens) aient toujours été des entités distinctes. Et il est surtout avéré que, pendant toute l’antiquité des peuples différents, des langues différentes et des religions différentes ont cohabité sur cette terre qui était un véritable carrefour. Les sionistes qui affirment que c’est la terre du peuple juif et que l’Etat d’Israël est une reconstitution du « royaume unifié » ont entériné une légende religieuse à laquelle ils ne croyaient pas eux-mêmes.
Dans la théorie sioniste, le peuple juif a été expulsé de sa terre au moment de la guerre menée par Titus et de la destruction du temple. Il aurait vécu 2000 ans en exil dans des conditions épouvantables jusqu’à ce que le sionisme lui permette de retourner dans son pays.
Or cette théorie est une affabulation. Dans « Comment le peuple juif fut inventé » (chez Fayard), Shlomo Sand montre, documents à l’appui, qu’il n’y a eu ni exil ni retour. Au moment de la destruction du temple, il y avait déjà des Juifs à Babylone, Alexandrie, Rome, en Espagne ...Après la défaite face aux Romains, c’est la religion qui s’est dispersée, pas le peuple. Donc les descendants des Hébreux sont essentiellement les Palestiniens. Ben Gourion en était d’ailleurs persuadé et il a d’abord songé à les intégrer au projet sioniste.
Pendant plusieurs siècles dans l’empire Romain puis dans d’autres régions, la religion juive a été prosélyte. Les Juifs ont formé un pourcentage notable des habitants de l’empire romain. De nombreuses conversions ont eu lieu plus tard chez les Berbères d’Afrique du Nord puis chez les Khazars (une tribu turque ayant établi un empire entre Caspienne et Mer Noire). Bref les Juifs d’aujourd’hui seraient majoritairement descendants de convertis. Quant au retour, à plusieurs reprises, les Juifs auront l’occasion de s’installer à Jérusalem et ils préfèreront aller à Bagdad, Alexandrie ou Salonique. Il n’y a pas de « race » juive et (d’après Sand) même pas de « peuple » juif. La théorie sioniste de l’exil et du retour est complètement une construction idéologique.
Les sionistes ont instrumentalisé l’épisode de Massada. Après la prise de Jérusalem par Titus, des Juifs révoltés sont assiégés par les Romains dans la citadelle de Massada au-dessus de la Mer Morte et ils préfèrent le suicide à la reddition. D’où le complexe de Massada : « personne n’aime les Juifs, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et ils sont menacés en permanence de destruction ». En réalité, les révoltés de Massada étaient des fanatiques religieux (les zélotes) qui ont commencé par massacrer les Juifs qui acceptaient le mélange avec les autres peuples de la région et la souveraineté romaine.
Diaspora et antisémitisme
Pour les sionistes, la diaspora (=dispersion) est une parenthèse qui se serait terminée avec la fondation de l’Etat d’Israël. C’est faux : la diaspora est le centre de l’histoire des différents judaïsmes. C’est le lieu où la religion s’est structurée. C’est là que les différentes langues juives (judéo-arabe, ladino, yiddish) se sont développées. Le sionisme s’est acharné à faire disparaître les langues, les traditions et les cultures des différentes communautés juives de la diaspora. La plupart des Israéliens ont des noms et des prénoms qui n’ont rien à voir avec ceux de leurs ancêtres. L’Hébreu s’est imposé, la culture israélienne a fonctionné comme un effaceur du passé. Pour fabriquer l’Israélien nouveau, il a fallu « tuer » le Juif (le cosmopolite, le minoritaire, le dispersé). La plupart des Israéliens ignorent tout de leur histoire. Cette absence de mémoire, remplacée par une mémoire falsifiée est une des explications de leur indifférence à « l’autre ».
Le sionisme décrit la vie en diaspora comme une suite ininterrompue de persécutions et de malheurs qui auraient pris fin avec la création d’Israël. Avec l’idée que le mélange ou l’égalité des droits entre Juifs et Non Juifs est impossible et que les Juifs ne peuvent vivre qu’entre eux dans un Etat juif.
Il y a là une vision réductrice. La persécution des Juifs commence sous l’empereur Constantin (IVe siècle ap JC) quand le christianisme devient religion officielle. Cet antijudaïsme chrétien a des origines multiples : le christianisme est issu du judaïsme, les 2 religions ont longtemps été en concurrence, l’accusation de « déicide » est centrale chez les Chrétiens. Les Juifs subiront de très nombreuses expulsions (la plus importante étant l’Espagne en 1492), de grands massacres (croisades, Ukraine), un enfermement et une discrimination systématiques. Mais il y a eu aussi des périodes plus fastes marquées par une vie culturelle intense. Les sionistes essaient de montrer que les Musulmans ont toujours été les ennemis des Juifs. C’est faux : le statut de « dhimmi » n’est certes pas la citoyenneté, mais il a assuré aux Juifs une paix relative qui n’a rien à voir avec les persécutions chrétiennes.
C’est paradoxalement l’Emancipation des Juifs européens (qui commence au XVIIIe siècle en Allemagne et en France) qui provoque la transformation de l’antijudaïsme chrétien en antisémitisme racial. Le Juif personnifie l’obstacle à la construction d’Etats-nations ethniquement purs. Il devient le bouc émissaire de tous les nationalismes. C’est le consensus antisémite en Europe qui permettra le génocide nazi.
Le sionisme contre l’Emancipation
Vers 1900, une dizaine de millions de Juifs vivent en Europe de l’Est. Ils parlent le Yiddish. Les transformations sociales les ont massivement prolétarisés. Une grande partie d’entre eux abandonne la religion et se tourne vers les idées socialistes. Pour beaucoup, la révolution, en émancipant les prolétaires, résoudra la question de l’antisémitisme. Si les principaux partis révolutionnaires mettent entre parenthèse la « question juive », le Bund, parti révolutionnaire juif, propose dans le cadre de la Révolution, une « autonomie culturelle » des Juifs là où ils vivent.
C’est à cette époque qu’apparaît le sionisme. Il se présente au départ comme une version juive des différents nationalismes (qui mèneront à la boucherie de 1914 et au nazisme) avec l’équation simple : un peuple = un état. Problème : s’il y a à l’évidence un peuple Yiddish entre Baltique et Mer Noire, ce peuple a peu à voir avec les Juifs marocains, irakiens ou yéménites. Les sionistes inventent donc le peuple et l’exil. Alors que le Bund crée des milices d’autodéfense contre les pogromistes, les sionistes considèrent que l’antisémitisme est inévitable, qu’il est inutile de le combattre et que la seule solution est la fuite vers le futur Etat Juif. Ils tournent délibérément le dos à toute idée d’égalité, d’émancipation, de citoyenneté, de mélange. Peu avant sa mort, Herzl rencontre un des pires ministres antisémites du tsar en lui expliquant que sionistes et tsaristes ont des intérêts communs : faire partir un maximum de Juifs. Le pogrom de Kichinev ou l’Affaire Dreyfus sont utilisés pour convaincre que tout combat en Europe est inutile. L’Affaire Dreyfus a pourtant montré que l’antisémitisme concernait toute la société et que la victoire des forces de progrès était possible.
Les sionistes, très souvent laïques voire athées, s’emparent du texte biblique et décident de s’installer en Palestine. C’est le fameux mensonge fondateur de Zangwill (« une terre sans peuple pour un peuple sans terre »). Leur installation commence donc par la négation de l’existence du peuple palestinien. Du coup, ils fabriquent une histoire de la Palestine, où paraît-il les Juifs auraient vécu sans interruption depuis 4000 ans. C’est bien sûr faux. Après la dernière révolte juive contre les Romains (Bar Kochba), il y a très peu de Juifs en Palestine, la population étant devenue chrétienne puis musulmane. Vers 1900, les Juifs forment 4% de la population en Palestine, ce qui est la même proportion que dans les pays voisins. Ils sont majoritairement arrivés au XVIIIe siècle, sont très bien intégrés et sont contre toute idée d’Etat Juif.
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, les sionistes seront très minoritaires parmi les Juifs. Ceux qui émigrent pour fuir la misère ou l’antisémitisme partent très majoritairement vers les Etats-Unis ou l’Europe occidentale. Toutes les élections qui ont lieu en Pologne ou en Lituanie dans les ghettos montrent que les partis sionistes sont minoritaires. En 1939, il n’y a que 3% de la population juive mondiale qui est partie en Palestine.
Le sionisme n’est pas au départ religieux. Le courant religieux sioniste (celui du rabbin Kook) sera au départ très faible, les religieux étant majoritairement sceptiques, voire très hostiles au sionisme. Ils considèrent que l’Etat Juif se substituent au Messie. Il faudra attendre 1967 avec l’émergence du courant national-religieux pour voir l’horrible synthèse entre colonialisme et intégrisme.
Du colonialisme au nettoyage ethnique
Les sionistes sont arrivés en Palestine avec le même complexe de supériorité vis-à-vis des autochtones et le même comportement que les colonialistes de l’époque. Il s’agissait d’accaparer le maximum de terre et de repousser, confiner, domestiquer le peuple qui vivait là. Au musée de la ville israélienne de Hadera, il y a une grande photo avec la légende : « Moshé X, fondateur de Hadera ». Autour de l’individu en question, il y a une quinzaine de Palestiniens, mais les fondateurs du musée n’ont même pas vu qu’ils existaient. Tout sera bon pour acquérir des terres. L’argent qui sert à « arroser » quelques féodaux et à valoriser les terres mais aussi la force. La déclaration Balfour marque la complicité entre le sionisme et l’impérialisme. Pour Balfour qui partage les préjugés antisémites de l’époque, c’est un coup double : faire partir les Juifs d’Europe et assurer une présence européenne au Moyen-Orient où l’empire ottoman s’est effondré.
Quand les Palestiniens réalisent que l’immigration juive a pour projet d’établir un Etat juif et de les déposséder de leur propre pays, ils se révoltent (1929, 1936) et c’est l’armée britannique qui les écrase. Pendant toute cette période, les sionistes construisent un véritable appareil d’état et ils sont totalement absents de la lutte contre la montée du nazisme. Pire, l’aile droite du sionisme dont le chef de file est Jabotinski, s’inspire directement des idées fascistes (il a vécu en Italie et admirait Mussolini) pour proposer dès 1930 l’expulsion des Palestiniens au-delà du Jourdain. Le groupe Stern d’Itzhak Shamir (futur premier ministre d’Israël) avait une telle conscience du génocide nazi qu’il assassinera des soldats britanniques jusqu’en 1942 et tentera de négocier avec les Nazis.
Les sionistes ont joué un rôle confidentiel dans la résistance juive au nazisme qui a été principalement communiste ou bundiste. Et pourtant, c’est le génocide (qui a tué la moitié des Juifs européens et a fait définitivement disparaître le Yiddishland) qui va permettre la fondation d’Israël.
Les Européens, les Américains et les Soviétiques se rallient dès 1945 à l’idée d’un Etat Juif. Ils vont faire payer au peuple palestinien pour un crime européen (l’antisémitisme et le génocide) dans lequel il n’a pas le début d’une responsabilité.
On sait de façon sûre, les nouveaux historiens israéliens (surtout Ilan Pappé) ayant confirmé ce que les Palestiniens ont toujours dit, que l’expulsion de 800000 Palestiniens en 1948 était préméditée. Ce nettoyage ethnique (la Naqba) est un crime et aucune paix ne pourra être signée sans la reconnaissance de ce crime qu’il faudra, d’une façon ou d’une autre, « réparer ». Or, pour le sionisme, cette reconnaissance est une négation du projet fondateur et de la prétendue légitimité de ce projet. Dans le film sioniste « Décryptage », Ehud Barak interviewé le dit : « j’aurais voulu qu’Arafat reconnaisse la légitimité du sionisme ». Bref il aurait voulu sa capitulation. On est au cœur du problème. Le sionisme est bien un obstacle à la paix.
Ajoutons puisque aujourd’hui le Hamas est accusé de terrorisme que le terrorisme sioniste pendant la guerre de 48 a été bien réel avec l’Irgoun et le groupe Stern (mais la Haganah, armée officielle occupait les zones « nettoyées » par les terroristes). De Deir Yassine à l’attentat contre l’hôtel King David ou à l’assassinat du comte Bernadotte, on voit que les auteurs de ces crimes sont devenus plus tard Premiers ministres. Et aujourd’hui, on découvre que Tzipi Livni qui a travaillé dans les services secrets est la responsable d’un attentat anti-palestinien à Rome.
La politique du fait accompli et l’instrumentalisation du génocide
Après 1948, les sionistes ont accéléré la stratégie qui leur avait si bien réussi en se faisant reconnaître par l’ONU sur des frontières qui n’avaient plus rien à voir avec celles du plan de partage : la stratégie du fait accompli. Dès 1949, les terres et les propriétés des Palestiniens chassés sont confisquées. Alors qu’Israël a dû reconnaître dans les conventions d’armistice de 1949 le droit au retour des Palestiniens, ce droit va immédiatement être nié et même présenté comme une revendication inacceptable mettant en question l’existence d’Israël.
En 1948, il y a moins d’un million de Juif dans le nouvel état. Tout va être mis en route pour provoquer partout l’émigration. Sionisme et antisémitisme vont devenir complémentaires, le second alimentant le premier et le premier cherchant à provoquer le second quand l’émigration se tarit. L’arrivée d’un million de Juifs du monde arabe est le résultat conjoint d’une propagande très intense pour les arracher de pays où ils vivaient depuis des siècles et de l’attitude de la plupart des gouvernements arabes ravis de ces départs. Pour les Juifs venus des pays de l’Est, la persistance d’un antisémitisme d’état a provoqué une rupture avec le communisme (qui avait la sympathie d’un très grand nombre de Juifs) et l’émigration vers Israël.
Le fait accompli va prendre un tour nouveau en 1967. On sait maintenant que les menaces de Nasser ont été un prétexte. La guerre, l’annexion et la colonisation étaient programmées. L’annexion (par vote de la Knesset) de Jérusalem Est a lieu dès 1967. Elle sera suivie de celle du Golan. Ne disposant pas du « personnel » pour créer des colonies, les travaillistes au pouvoir vont littéralement créer le courant national-religieux (qui représente aujourd’hui 1/4 de la population) en leur offrant des colonies. C’est Ygal Allon (réputé être « de gauche ») qui est à l’origine de cette colonisation. 500000 Israéliens vivent aujourd’hui dans les territoires conquis en 1967 et tout a été fait pour faire disparaître la « ligne verte » et rendre l’annexion définitive.
Le sionisme a eu au départ une attitude ambiguë vis-à-vis du génocide. Les rescapés ont été très mal reçus en Israël (aujourd’hui, beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté). On opposait leur prétendue résignation à l’Israélien fier de lui qui défrichait, se battait et « transformait le désert en jardin ». Mais très rapidement, le gouvernement a vu le parti à tirer du génocide. D’où la création du musée Yad Vashem, l’arrestation et l’exécution d’Eichmann. Plus tard le « devoir de mémoire » est devenu obligatoire.
Aujourd’hui, ce devoir est devenu une horreur. Il y a d’abord l’idée que les Juifs ont été, sont et seront toujours des victimes. Les Israéliens ont « peur de ne plus avoir peur », ça les obligerait à examiner l’impasse meurtrière dans laquelle ils se trouvent. Quand les dirigeants israéliens ont négocié avec les Palestiniens, le seul sujet qu’ils voulaient traiter, c’était la sécurité de l’occupant. Pour eux, le « peuple élu », c’est celui qui a tous les droits. Les sionistes célèbrent les quatre Israéliens tués par les Qassams du Hamas et se moquent totalement des 1000 morts de Gaza. Israël est le pays (après la Turquie) où il y a le plus de négationnistes du génocide arménien, le seul génocide valable étant celui des Juifs. Couramment on présente les Palestiniens comme les héritiers du Nazisme. Arafat a été qualifié de « nouvel Hitler » et Begin a dit en 1982 en lançant ses troupes sur Beyrouth « qu’il avait l’impression d’attaquer le bunker d’Hitler ». Sharon a déclaré lors du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz que cela prouvait que « les Juifs ne pouvaient se défendre que par eux-mêmes », bref que tout était permis. Pour les rescapés et leurs descendants (dont je suis), cette instrumentalisation est obscène.
Le sionisme prétendait apporter un « havre de paix » aux Juifs persécutés. Il a fabriqué un projet criminel pour les Palestiniens mais suicidaire pour les Israéliens et même pour les Juifs. S’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est Israël et il en sera ainsi tant que la destruction de la Palestine se poursuivra.
Israël est devenu un pays odieusement militariste. On dit d’ailleurs que ce n’est pas un pays doté d’une armée mais « une armée dotée d’un état ». D’ailleurs la plupart des dirigeants politiques viennent de l’armée ou des services secrets. Et Israël est devenu une tête de pont de l’Occident au Moyen-Orient dans le cadre du « choc des civilisations ». Ce pays incarne l’Occident face aux « barbares ». D’où le « permis de tuer » à Gaza qui a été octroyé.
Le sionisme a gommé les différences idéologiques
Les différents gouvernements d’Union Nationale en Israël ou le fait qu’en France, le CRIF soutienne inconditionnellement toute politique israélienne montrent qu’il n’y a aucune différence entre sionistes de droite et sionistes « de gauche ». Les premiers ont toujours été « sincères ». Ils sont depuis 70 ans pour le nettoyage ethnique et l’expulsion des Palestiniens. Les seconds ont fait la même chose mais sans oser l’avouer. La « gauche » sioniste était au pouvoir au moment de tous les crimes commis par la Palestine : la Naqba, la colonisation, la construction du mur de l’Apartheid. Jamais les sionistes n’ont accepté les Palestiniens comme des égaux. Le processus d’Oslo a échoué parce que tous les courants sionistes exigeaient une capitulation des Palestiniens, une renonciation à tous leurs droits, l’acceptation de bantoustans éclatés qu’on aurait baptisé Etat palestinien.
Il n’y a pas de sionisme à visage humain. Le crime commis à Gaza et l’indifférence en Israël face à ce crime en sont une preuve supplémentaire. La paix fondée sur l’égalité des droits et la justice passera par une « désionisation » d’Israël, une rupture avec cette fuite en avant criminelle. Le sionisme a rendu plus que malade la société israélienne devenue autiste et complice de crimes.
Alors, nous dira-t-on, vous autres antisionistes, vous êtes pour la destruction de l’Etat d’Israël ? Ne mélangeons pas les choses. Les Israéliens juifs (5 millions et demi de personnes) forment aujourd’hui un peuple et ils resteront. Mais aucune paix n’est envisageable sans une égalité totale, politique et économique entre les peuples de la région. Quelle que soit la solution envisagée (un ou deux états), cela devra être les sociétés de tous leurs citoyens. Donc oui l’existence d’un « Etat Juif » (Etat Français, ça sonne mal et ça rappelle de mauvais souvenirs, n’est-ce pas ?) où les Non Juifs sont des sous citoyens est un cauchemar. Un Etat ne peut pas être à la fois juif et démocratique, c’est une contradiction. La paix passe par le respect de la citoyenneté de tous et par celui des droits humains fondamentaux.
Le sionisme est une idéologie criminelle. Et c’est une catastrophe pour le judaïsme quel que soit le sens qu’on donne à ce terme. En mélangeant sciemment juif et sioniste et en assimilant toute critique d’Israël à l’antisémitisme, les sionistes transforment «l’antiisraélisme» (selon la formule d’Edgar Morin) en antijudaïsme. Ils se comportent en véritables pyromanes. Il est temps que la parenthèse sioniste se referme.
Pierre Stambul, Président de l'Union Juive Française pour la Paix.
15 janvier 2009
Publié par UJFP.
Des Israéliens juifs anticolonialistes s’opposent à la guerre. Ils témoignent et manifestent quotidiennement avec un grand courage. Ils ne représentent qu’une petite minorité (il paraît que 95% des Israéliens juifs étaient d’accord avec la perspective d’attaquer le Hamas) mais leur importance et leur influence dépassent leur nombre. Tous sont non sionistes ou antisionistes. Ils sont les seuls à comprendre la nature du crime commis à Gaza : crime de guerre et crime contre l’humanité. Il faudra bien qu’on en finisse avec l’impunité de cet Etat-voyou. Cela passera par le boycott d’Israël tant que durera l’occupation et par le jugement des criminels de guerre.
Une idéologie totalitaire
En Israël, tout est sioniste. L’identité, la mentalité, l’histoire enseignée, les médias, les lois, l’air que l’on respire. Personne ne peut échapper à cette idéologie qui s’insinue partout. Au nom de cette idéologie, 60 ans après la création de l’Etat d’Israël, la moitié des Bédouins du Néguev vivent dans des bidonvilles sans route, ni eau, ni électricité, ni maison en dur, parce que l’Etat Juif ne reconnaît pas leurs villages et leurs actes de propriété. Entre Méditerranée et Jourdain, il y a environ 5 millions de Palestiniens et 5 millions et demi de Juifs. À cause du sionisme, les premiers n’ont aucun droit. Ils sont soit bombardés et massacrés, soit occupés, soit des sous citoyens dans leur propre pays. L’apartheid s’est installé.
Dans l’histoire multiple et diverse du judaïsme, le sionisme a fait irruption, il y a un peu plus d’un siècle et il a la prétention aujourd’hui de s’imposer à tous les Juifs. Si on le critique et qu’on n’est pas juif, on est forcément antisémite. Si on est juif, alors on est un « traître qui a la haine de soi ». Et si on est palestinien, le sionisme délivre un droit de tuer, pour la bonne cause bien sûr, la sacro-sainte « sécurité d’Israël ».
Il n’en a pas toujours été ainsi. En 1948, tous les grands noms du judaïsme américain avec en tête Albert Einstein et Hannah Arendt signent une adresse au président Truman lui enjoignant d’arrêter ou d’expulser le terroriste Menahem Begin qui vient de massacrer 200 villageois à Deir Yassine. Aux yeux du monde, le judaïsme à l’époque, c’est Rosa Luxembourg, Freud, Kafka, Einstein, Arendt. Tou-te-s étaient non croyant-e-s et non sionistes comme la majorité des 6 millions de morts du génocide nazi. Comment est-on arrivé à cette inversion qui fait que les valeurs de fascistes (je ne trouve pas d’autre mot) comme Begin, Shamir, Liberman , Sharon se sont imposées et sont devenues celles des criminels Olmert, Perès, Barak, Livni ...ou celles d’un grand nombre de dirigeants communautaires en France.
Cette mutation est incompréhensible si on n’examine pas ce qu’est le sionisme : à la fois un nationalisme, une forme de colonialisme, un messianisme qui a fabriqué un « homme juif nouveau ». Et une idéologie devenue ultra militariste, ayant fabriqué un pays devenu la tête de pont de l’impérialisme au Proche-Orient. Une idéologie affirmant offrir un « havre de paix » aux Juifs. Avec à la clé une instrumentalisation du génocide nazi et de l’antisémitisme.
Une histoire falsifiée
Les sionistes ont fabriqué une histoire fantastique du judaïsme. Alors que la grande majorité des premiers sionistes étaient non-croyants et souvent très hostiles aux religieux, ils sont allés chercher dans la Bible toutes les « justifications » au projet colonial qu’ils étaient en train d’inventer.
Depuis des dizaines d’années, il y a consensus chez les archéologues et les spécialistes de l’histoire antique (lire « La Bible Dévoilée » de Finkelstein et Silberman chez Bayard). Les épisodes d’Abraham et de Moïse sont totalement légendaires. Mais, ce qui est plus important, la conquête de Canaan par Josué est totalement légendaire. Ce texte qui est une véritable apologie du nettoyage ethnique et du massacre de « l’autre » n’a aucune réalité historique. C’est pourtant lui qui sert de base « historique » à l’installation des colons en Cisjordanie et aux partisans de l’expulsion des Palestiniens (la moitié de la société israélienne y est favorable). Il n’y a aucune trace archéologique de l’existence du royaume unifié de David et Salomon. À l’époque, Jérusalem était un village. Il est très probable que le royaume d’Israël (détruit par les Assyriens) et celui de Juda (détruit par les Babyloniens) aient toujours été des entités distinctes. Et il est surtout avéré que, pendant toute l’antiquité des peuples différents, des langues différentes et des religions différentes ont cohabité sur cette terre qui était un véritable carrefour. Les sionistes qui affirment que c’est la terre du peuple juif et que l’Etat d’Israël est une reconstitution du « royaume unifié » ont entériné une légende religieuse à laquelle ils ne croyaient pas eux-mêmes.
Dans la théorie sioniste, le peuple juif a été expulsé de sa terre au moment de la guerre menée par Titus et de la destruction du temple. Il aurait vécu 2000 ans en exil dans des conditions épouvantables jusqu’à ce que le sionisme lui permette de retourner dans son pays.
Or cette théorie est une affabulation. Dans « Comment le peuple juif fut inventé » (chez Fayard), Shlomo Sand montre, documents à l’appui, qu’il n’y a eu ni exil ni retour. Au moment de la destruction du temple, il y avait déjà des Juifs à Babylone, Alexandrie, Rome, en Espagne ...Après la défaite face aux Romains, c’est la religion qui s’est dispersée, pas le peuple. Donc les descendants des Hébreux sont essentiellement les Palestiniens. Ben Gourion en était d’ailleurs persuadé et il a d’abord songé à les intégrer au projet sioniste.
Pendant plusieurs siècles dans l’empire Romain puis dans d’autres régions, la religion juive a été prosélyte. Les Juifs ont formé un pourcentage notable des habitants de l’empire romain. De nombreuses conversions ont eu lieu plus tard chez les Berbères d’Afrique du Nord puis chez les Khazars (une tribu turque ayant établi un empire entre Caspienne et Mer Noire). Bref les Juifs d’aujourd’hui seraient majoritairement descendants de convertis. Quant au retour, à plusieurs reprises, les Juifs auront l’occasion de s’installer à Jérusalem et ils préfèreront aller à Bagdad, Alexandrie ou Salonique. Il n’y a pas de « race » juive et (d’après Sand) même pas de « peuple » juif. La théorie sioniste de l’exil et du retour est complètement une construction idéologique.
Les sionistes ont instrumentalisé l’épisode de Massada. Après la prise de Jérusalem par Titus, des Juifs révoltés sont assiégés par les Romains dans la citadelle de Massada au-dessus de la Mer Morte et ils préfèrent le suicide à la reddition. D’où le complexe de Massada : « personne n’aime les Juifs, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et ils sont menacés en permanence de destruction ». En réalité, les révoltés de Massada étaient des fanatiques religieux (les zélotes) qui ont commencé par massacrer les Juifs qui acceptaient le mélange avec les autres peuples de la région et la souveraineté romaine.
Diaspora et antisémitisme
Pour les sionistes, la diaspora (=dispersion) est une parenthèse qui se serait terminée avec la fondation de l’Etat d’Israël. C’est faux : la diaspora est le centre de l’histoire des différents judaïsmes. C’est le lieu où la religion s’est structurée. C’est là que les différentes langues juives (judéo-arabe, ladino, yiddish) se sont développées. Le sionisme s’est acharné à faire disparaître les langues, les traditions et les cultures des différentes communautés juives de la diaspora. La plupart des Israéliens ont des noms et des prénoms qui n’ont rien à voir avec ceux de leurs ancêtres. L’Hébreu s’est imposé, la culture israélienne a fonctionné comme un effaceur du passé. Pour fabriquer l’Israélien nouveau, il a fallu « tuer » le Juif (le cosmopolite, le minoritaire, le dispersé). La plupart des Israéliens ignorent tout de leur histoire. Cette absence de mémoire, remplacée par une mémoire falsifiée est une des explications de leur indifférence à « l’autre ».
Le sionisme décrit la vie en diaspora comme une suite ininterrompue de persécutions et de malheurs qui auraient pris fin avec la création d’Israël. Avec l’idée que le mélange ou l’égalité des droits entre Juifs et Non Juifs est impossible et que les Juifs ne peuvent vivre qu’entre eux dans un Etat juif.
Il y a là une vision réductrice. La persécution des Juifs commence sous l’empereur Constantin (IVe siècle ap JC) quand le christianisme devient religion officielle. Cet antijudaïsme chrétien a des origines multiples : le christianisme est issu du judaïsme, les 2 religions ont longtemps été en concurrence, l’accusation de « déicide » est centrale chez les Chrétiens. Les Juifs subiront de très nombreuses expulsions (la plus importante étant l’Espagne en 1492), de grands massacres (croisades, Ukraine), un enfermement et une discrimination systématiques. Mais il y a eu aussi des périodes plus fastes marquées par une vie culturelle intense. Les sionistes essaient de montrer que les Musulmans ont toujours été les ennemis des Juifs. C’est faux : le statut de « dhimmi » n’est certes pas la citoyenneté, mais il a assuré aux Juifs une paix relative qui n’a rien à voir avec les persécutions chrétiennes.
C’est paradoxalement l’Emancipation des Juifs européens (qui commence au XVIIIe siècle en Allemagne et en France) qui provoque la transformation de l’antijudaïsme chrétien en antisémitisme racial. Le Juif personnifie l’obstacle à la construction d’Etats-nations ethniquement purs. Il devient le bouc émissaire de tous les nationalismes. C’est le consensus antisémite en Europe qui permettra le génocide nazi.
Le sionisme contre l’Emancipation
Vers 1900, une dizaine de millions de Juifs vivent en Europe de l’Est. Ils parlent le Yiddish. Les transformations sociales les ont massivement prolétarisés. Une grande partie d’entre eux abandonne la religion et se tourne vers les idées socialistes. Pour beaucoup, la révolution, en émancipant les prolétaires, résoudra la question de l’antisémitisme. Si les principaux partis révolutionnaires mettent entre parenthèse la « question juive », le Bund, parti révolutionnaire juif, propose dans le cadre de la Révolution, une « autonomie culturelle » des Juifs là où ils vivent.
C’est à cette époque qu’apparaît le sionisme. Il se présente au départ comme une version juive des différents nationalismes (qui mèneront à la boucherie de 1914 et au nazisme) avec l’équation simple : un peuple = un état. Problème : s’il y a à l’évidence un peuple Yiddish entre Baltique et Mer Noire, ce peuple a peu à voir avec les Juifs marocains, irakiens ou yéménites. Les sionistes inventent donc le peuple et l’exil. Alors que le Bund crée des milices d’autodéfense contre les pogromistes, les sionistes considèrent que l’antisémitisme est inévitable, qu’il est inutile de le combattre et que la seule solution est la fuite vers le futur Etat Juif. Ils tournent délibérément le dos à toute idée d’égalité, d’émancipation, de citoyenneté, de mélange. Peu avant sa mort, Herzl rencontre un des pires ministres antisémites du tsar en lui expliquant que sionistes et tsaristes ont des intérêts communs : faire partir un maximum de Juifs. Le pogrom de Kichinev ou l’Affaire Dreyfus sont utilisés pour convaincre que tout combat en Europe est inutile. L’Affaire Dreyfus a pourtant montré que l’antisémitisme concernait toute la société et que la victoire des forces de progrès était possible.
Les sionistes, très souvent laïques voire athées, s’emparent du texte biblique et décident de s’installer en Palestine. C’est le fameux mensonge fondateur de Zangwill (« une terre sans peuple pour un peuple sans terre »). Leur installation commence donc par la négation de l’existence du peuple palestinien. Du coup, ils fabriquent une histoire de la Palestine, où paraît-il les Juifs auraient vécu sans interruption depuis 4000 ans. C’est bien sûr faux. Après la dernière révolte juive contre les Romains (Bar Kochba), il y a très peu de Juifs en Palestine, la population étant devenue chrétienne puis musulmane. Vers 1900, les Juifs forment 4% de la population en Palestine, ce qui est la même proportion que dans les pays voisins. Ils sont majoritairement arrivés au XVIIIe siècle, sont très bien intégrés et sont contre toute idée d’Etat Juif.
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, les sionistes seront très minoritaires parmi les Juifs. Ceux qui émigrent pour fuir la misère ou l’antisémitisme partent très majoritairement vers les Etats-Unis ou l’Europe occidentale. Toutes les élections qui ont lieu en Pologne ou en Lituanie dans les ghettos montrent que les partis sionistes sont minoritaires. En 1939, il n’y a que 3% de la population juive mondiale qui est partie en Palestine.
Le sionisme n’est pas au départ religieux. Le courant religieux sioniste (celui du rabbin Kook) sera au départ très faible, les religieux étant majoritairement sceptiques, voire très hostiles au sionisme. Ils considèrent que l’Etat Juif se substituent au Messie. Il faudra attendre 1967 avec l’émergence du courant national-religieux pour voir l’horrible synthèse entre colonialisme et intégrisme.
Du colonialisme au nettoyage ethnique
Les sionistes sont arrivés en Palestine avec le même complexe de supériorité vis-à-vis des autochtones et le même comportement que les colonialistes de l’époque. Il s’agissait d’accaparer le maximum de terre et de repousser, confiner, domestiquer le peuple qui vivait là. Au musée de la ville israélienne de Hadera, il y a une grande photo avec la légende : « Moshé X, fondateur de Hadera ». Autour de l’individu en question, il y a une quinzaine de Palestiniens, mais les fondateurs du musée n’ont même pas vu qu’ils existaient. Tout sera bon pour acquérir des terres. L’argent qui sert à « arroser » quelques féodaux et à valoriser les terres mais aussi la force. La déclaration Balfour marque la complicité entre le sionisme et l’impérialisme. Pour Balfour qui partage les préjugés antisémites de l’époque, c’est un coup double : faire partir les Juifs d’Europe et assurer une présence européenne au Moyen-Orient où l’empire ottoman s’est effondré.
Quand les Palestiniens réalisent que l’immigration juive a pour projet d’établir un Etat juif et de les déposséder de leur propre pays, ils se révoltent (1929, 1936) et c’est l’armée britannique qui les écrase. Pendant toute cette période, les sionistes construisent un véritable appareil d’état et ils sont totalement absents de la lutte contre la montée du nazisme. Pire, l’aile droite du sionisme dont le chef de file est Jabotinski, s’inspire directement des idées fascistes (il a vécu en Italie et admirait Mussolini) pour proposer dès 1930 l’expulsion des Palestiniens au-delà du Jourdain. Le groupe Stern d’Itzhak Shamir (futur premier ministre d’Israël) avait une telle conscience du génocide nazi qu’il assassinera des soldats britanniques jusqu’en 1942 et tentera de négocier avec les Nazis.
Les sionistes ont joué un rôle confidentiel dans la résistance juive au nazisme qui a été principalement communiste ou bundiste. Et pourtant, c’est le génocide (qui a tué la moitié des Juifs européens et a fait définitivement disparaître le Yiddishland) qui va permettre la fondation d’Israël.
Les Européens, les Américains et les Soviétiques se rallient dès 1945 à l’idée d’un Etat Juif. Ils vont faire payer au peuple palestinien pour un crime européen (l’antisémitisme et le génocide) dans lequel il n’a pas le début d’une responsabilité.
On sait de façon sûre, les nouveaux historiens israéliens (surtout Ilan Pappé) ayant confirmé ce que les Palestiniens ont toujours dit, que l’expulsion de 800000 Palestiniens en 1948 était préméditée. Ce nettoyage ethnique (la Naqba) est un crime et aucune paix ne pourra être signée sans la reconnaissance de ce crime qu’il faudra, d’une façon ou d’une autre, « réparer ». Or, pour le sionisme, cette reconnaissance est une négation du projet fondateur et de la prétendue légitimité de ce projet. Dans le film sioniste « Décryptage », Ehud Barak interviewé le dit : « j’aurais voulu qu’Arafat reconnaisse la légitimité du sionisme ». Bref il aurait voulu sa capitulation. On est au cœur du problème. Le sionisme est bien un obstacle à la paix.
Ajoutons puisque aujourd’hui le Hamas est accusé de terrorisme que le terrorisme sioniste pendant la guerre de 48 a été bien réel avec l’Irgoun et le groupe Stern (mais la Haganah, armée officielle occupait les zones « nettoyées » par les terroristes). De Deir Yassine à l’attentat contre l’hôtel King David ou à l’assassinat du comte Bernadotte, on voit que les auteurs de ces crimes sont devenus plus tard Premiers ministres. Et aujourd’hui, on découvre que Tzipi Livni qui a travaillé dans les services secrets est la responsable d’un attentat anti-palestinien à Rome.
La politique du fait accompli et l’instrumentalisation du génocide
Après 1948, les sionistes ont accéléré la stratégie qui leur avait si bien réussi en se faisant reconnaître par l’ONU sur des frontières qui n’avaient plus rien à voir avec celles du plan de partage : la stratégie du fait accompli. Dès 1949, les terres et les propriétés des Palestiniens chassés sont confisquées. Alors qu’Israël a dû reconnaître dans les conventions d’armistice de 1949 le droit au retour des Palestiniens, ce droit va immédiatement être nié et même présenté comme une revendication inacceptable mettant en question l’existence d’Israël.
En 1948, il y a moins d’un million de Juif dans le nouvel état. Tout va être mis en route pour provoquer partout l’émigration. Sionisme et antisémitisme vont devenir complémentaires, le second alimentant le premier et le premier cherchant à provoquer le second quand l’émigration se tarit. L’arrivée d’un million de Juifs du monde arabe est le résultat conjoint d’une propagande très intense pour les arracher de pays où ils vivaient depuis des siècles et de l’attitude de la plupart des gouvernements arabes ravis de ces départs. Pour les Juifs venus des pays de l’Est, la persistance d’un antisémitisme d’état a provoqué une rupture avec le communisme (qui avait la sympathie d’un très grand nombre de Juifs) et l’émigration vers Israël.
Le fait accompli va prendre un tour nouveau en 1967. On sait maintenant que les menaces de Nasser ont été un prétexte. La guerre, l’annexion et la colonisation étaient programmées. L’annexion (par vote de la Knesset) de Jérusalem Est a lieu dès 1967. Elle sera suivie de celle du Golan. Ne disposant pas du « personnel » pour créer des colonies, les travaillistes au pouvoir vont littéralement créer le courant national-religieux (qui représente aujourd’hui 1/4 de la population) en leur offrant des colonies. C’est Ygal Allon (réputé être « de gauche ») qui est à l’origine de cette colonisation. 500000 Israéliens vivent aujourd’hui dans les territoires conquis en 1967 et tout a été fait pour faire disparaître la « ligne verte » et rendre l’annexion définitive.
Le sionisme a eu au départ une attitude ambiguë vis-à-vis du génocide. Les rescapés ont été très mal reçus en Israël (aujourd’hui, beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté). On opposait leur prétendue résignation à l’Israélien fier de lui qui défrichait, se battait et « transformait le désert en jardin ». Mais très rapidement, le gouvernement a vu le parti à tirer du génocide. D’où la création du musée Yad Vashem, l’arrestation et l’exécution d’Eichmann. Plus tard le « devoir de mémoire » est devenu obligatoire.
Aujourd’hui, ce devoir est devenu une horreur. Il y a d’abord l’idée que les Juifs ont été, sont et seront toujours des victimes. Les Israéliens ont « peur de ne plus avoir peur », ça les obligerait à examiner l’impasse meurtrière dans laquelle ils se trouvent. Quand les dirigeants israéliens ont négocié avec les Palestiniens, le seul sujet qu’ils voulaient traiter, c’était la sécurité de l’occupant. Pour eux, le « peuple élu », c’est celui qui a tous les droits. Les sionistes célèbrent les quatre Israéliens tués par les Qassams du Hamas et se moquent totalement des 1000 morts de Gaza. Israël est le pays (après la Turquie) où il y a le plus de négationnistes du génocide arménien, le seul génocide valable étant celui des Juifs. Couramment on présente les Palestiniens comme les héritiers du Nazisme. Arafat a été qualifié de « nouvel Hitler » et Begin a dit en 1982 en lançant ses troupes sur Beyrouth « qu’il avait l’impression d’attaquer le bunker d’Hitler ». Sharon a déclaré lors du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz que cela prouvait que « les Juifs ne pouvaient se défendre que par eux-mêmes », bref que tout était permis. Pour les rescapés et leurs descendants (dont je suis), cette instrumentalisation est obscène.
Le sionisme prétendait apporter un « havre de paix » aux Juifs persécutés. Il a fabriqué un projet criminel pour les Palestiniens mais suicidaire pour les Israéliens et même pour les Juifs. S’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est Israël et il en sera ainsi tant que la destruction de la Palestine se poursuivra.
Israël est devenu un pays odieusement militariste. On dit d’ailleurs que ce n’est pas un pays doté d’une armée mais « une armée dotée d’un état ». D’ailleurs la plupart des dirigeants politiques viennent de l’armée ou des services secrets. Et Israël est devenu une tête de pont de l’Occident au Moyen-Orient dans le cadre du « choc des civilisations ». Ce pays incarne l’Occident face aux « barbares ». D’où le « permis de tuer » à Gaza qui a été octroyé.
Le sionisme a gommé les différences idéologiques
Les différents gouvernements d’Union Nationale en Israël ou le fait qu’en France, le CRIF soutienne inconditionnellement toute politique israélienne montrent qu’il n’y a aucune différence entre sionistes de droite et sionistes « de gauche ». Les premiers ont toujours été « sincères ». Ils sont depuis 70 ans pour le nettoyage ethnique et l’expulsion des Palestiniens. Les seconds ont fait la même chose mais sans oser l’avouer. La « gauche » sioniste était au pouvoir au moment de tous les crimes commis par la Palestine : la Naqba, la colonisation, la construction du mur de l’Apartheid. Jamais les sionistes n’ont accepté les Palestiniens comme des égaux. Le processus d’Oslo a échoué parce que tous les courants sionistes exigeaient une capitulation des Palestiniens, une renonciation à tous leurs droits, l’acceptation de bantoustans éclatés qu’on aurait baptisé Etat palestinien.
Il n’y a pas de sionisme à visage humain. Le crime commis à Gaza et l’indifférence en Israël face à ce crime en sont une preuve supplémentaire. La paix fondée sur l’égalité des droits et la justice passera par une « désionisation » d’Israël, une rupture avec cette fuite en avant criminelle. Le sionisme a rendu plus que malade la société israélienne devenue autiste et complice de crimes.
Alors, nous dira-t-on, vous autres antisionistes, vous êtes pour la destruction de l’Etat d’Israël ? Ne mélangeons pas les choses. Les Israéliens juifs (5 millions et demi de personnes) forment aujourd’hui un peuple et ils resteront. Mais aucune paix n’est envisageable sans une égalité totale, politique et économique entre les peuples de la région. Quelle que soit la solution envisagée (un ou deux états), cela devra être les sociétés de tous leurs citoyens. Donc oui l’existence d’un « Etat Juif » (Etat Français, ça sonne mal et ça rappelle de mauvais souvenirs, n’est-ce pas ?) où les Non Juifs sont des sous citoyens est un cauchemar. Un Etat ne peut pas être à la fois juif et démocratique, c’est une contradiction. La paix passe par le respect de la citoyenneté de tous et par celui des droits humains fondamentaux.
Le sionisme est une idéologie criminelle. Et c’est une catastrophe pour le judaïsme quel que soit le sens qu’on donne à ce terme. En mélangeant sciemment juif et sioniste et en assimilant toute critique d’Israël à l’antisémitisme, les sionistes transforment «l’antiisraélisme» (selon la formule d’Edgar Morin) en antijudaïsme. Ils se comportent en véritables pyromanes. Il est temps que la parenthèse sioniste se referme.
Pierre Stambul, Président de l'Union Juive Française pour la Paix.
15 janvier 2009
Publié par UJFP.
15 janvier 2009
Dossier presse Palestine/Israël
Sources d'information :
• Agences de presse AP - AFP - Reuters, Yahoo! Actualités.
• Agence de presse Israël, Guysen International News.
• Agence de presse Chine, Xinhua.
• Agence de presse Russie, RIA Novosti.
• Union Juive Francaise pour la Paix, UJFP.
• Association France Palestine Solidarité, AFPS - Analyses, AFPS.
• Info-Palestine - Analyses, Info-Palestine.
• Protection Palestine, CCIPPP - Analyses, CCIPPP.
• CAPJPO, EuroPalestine.
• Palestine-Israël, Tlaxcala.
• Israël/Palestine, ContreInfo.
• Palestine, Alternatives - Israël, Alternatives.
• Palestine, Global Voices.
• Offensive israélienne sur Gaza, Le Monde diplomatique.
• Nouvelles d'Orient, Le Monde diplomatique.
• Blog, Julien Salingue.
• Blog, Silvia Cattori.
• Dossier Palestine/Israël, Monde en Question.
Fuentes de información :
• Israel | Cobertura Especial, Yahoo! Noticias.
• Palestina | Cobertura Especial, Yahoo! Noticias.
• Agencia de noticias Israel, Guysen International News.
• Agencia de noticias China, Xinhua.
• Agencia de noticias Rusia, RIA Novosti.
• Palestina-Israel, Tlaxcala.
• Palestina y Oriente Próximo, Rebelión.
• Palestina, Global Voices.
• Blog, Silvia Cattori.
14 janvier 2009
Offensive israélienne contre Gaza : une mise en perspective
L’offensive israélienne contre Gaza, loin d’être un « coup de sang » causé par un trop grand nombre de tirs de roquettes sur le Sud d’Israël, est une action d’ampleur, préparée de longue date, avec des objectifs politiques et militaires précis. Tout a été envisagé pour que cette opération ne se solde pas par un échec tel que celui de la guerre contre le Liban à l’été 2006. Cette offensive doit être comprise comme une nouvelle étape dans l’intense combat que livre l’Etat d’Israël depuis des décennies contre les droits nationaux du peuple palestinien. C’est ce que je me propose de faire ici, en tentant de mettre en perspective l’opération en cours et d’indiquer pourquoi elle est non seulement la tragique illustration des impasses du projet sioniste, mais aussi de celles de la construction du pseudo-appareil d’Etat nommé « Autorité Palestinienne ».
Retour aux sources : le sionisme contre le partage
Un rapide retour aux sources permet d’ordonner l’apparent chaos qui règne actuellement dans l’ancienne Palestine mandataire. L’instabilité permanente dans cette région résulte en effet, en dernière analyse, de l’indépassable contradiction entre le projet sioniste d’établir un Etat juif en Palestine et la présence sur cette terre d’un peuple autochtone refusant d’abandonner ses droits nationaux. De la grande révolte arabe de 1936, provoquée par l’accélération de la colonisation juive, à l’offensive en cours contre Gaza, en passant par la Grande Expulsion de 1947-49 et les prétendus Accords de Paix de 1993-94, c’est cette contradiction essentielle qui demeure le moteur du conflit.
Le projet des dirigeants sionistes n’a jamais été de partager la terre de Palestine. De David Ben Gourion, père fondateur de l’Etat d’Israël (« L’acceptation de la partition ne nous engage pas à renoncer à la Cisjordanie. On ne demande pas à quelqu’un de renoncer à sa vision. Nous accepterons un Etat dans les frontières fixées aujourd’hui ; mais les frontières des aspirations sionistes sont les affaires des Juifs et aucun facteur externe ne pourra les limiter ») à Ehud Olmert, actuel Premier Ministre (« Chaque colline de Samarie et chaque vallée de Judée est partie intégrante de notre patrie historique (…). Nous revendiquons avec fermeté le droit historique du peuple d’Israël à l’entièreté de la terre d’Israël »), la souveraineté israélienne sur l’ensemble de la Palestine du mandat britannique est demeurée l’objectif principal.
Pour y parvenir le mouvement sioniste a eu (et a encore) besoin du soutien des grandes puissances. Mais ce soutien a un prix : l’Etat d’Israël doit avoir, au moins en apparence, les attributs d’une démocratie. Une seconde contradiction a donc rapidement fait son apparition, qui a résulté de la nécessité de préserver simultanément le caractère juif et le caractère démocratique de l’Etat. La solution envisagée par les dirigeants du mouvement sioniste, puis de l’Etat d’Israël, a été de s’assurer que les citoyens de l’Etat soient dans leur très grande majorité, sinon dans leur totalité, des Juifs. Ils ont donc dû trouver, avant même l’indépendance d’Israël en 1948, une solution au « problème » palestinien, sachant que la Palestine n’était pas une « terre sans peuple » et que l’immigration ne pourrait suffire à assurer la suprématie démographique juive.
Du nettoyage ethnique à l’enfermement
Entre 1947 et 1949, environ 800 000 Palestiniens, soit 80% de ceux qui résidaient à l’intérieur du territoire sur lequel Israël proclame son indépendance, sont expulsés et deviennent des réfugiés. Ce ne sont pas des victimes « collatérales » de la guerre de 1948, mais les victimes d’un plan d’expulsion minutieusement établi, le Plan Daleth, dont l’objectif était simple : le plus de terre et le moins d’Arabes possible sous juridiction israélienne. L’Etat juif est né du nettoyage ethnique, au terme duquel moins d’1/3 de la population s’est attribué 78% de la superficie de la Palestine du Mandat.
La guerre de 1967 est la seconde étape de la prise de contrôle de la Palestine par Israël. Israël conquiert, entre autres, la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Une victoire militaire plus rapide et plus facile qu’en 1947-1949, mais avec une différence notable : la majorité des Palestiniens ne sont pas partis. Le succès militaire crée donc une difficulté politique : Israël abrite désormais en son sein les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, qui s’ajoutent aux Palestiniens de 1948. La prétention de l’Etat d’Israël à être simultanément un Etat juif et démocratique est donc sérieusement menacée.
C’est pour répondre à cette contradiction qu’un Général travailliste, Ygal Allon, présente au Premier Ministre Levi Eshkol, dès juillet 1967, une solution alternative à l’expulsion, qui compromettrait le soutien international dont jouit l’Etat d’Israël. La philosophie du « Plan Allon » est la suivante : renoncer à la souveraineté sur les zones palestiniennes les plus densément peuplées tout en conservant le contrôle exclusif sur la vallée du Jourdain, sur la rive occidentale de la Mer Morte et sur Jérusalem, dont les limites municipales doivent être considérablement étendues. Une entité palestinienne constituée de cantons isolés sera ainsi établie, avec des attributs de souveraineté limités.
Même si le Plan Allon n’est pas officiellement adopté par Israël, c’est lui qui guidera dans les grandes lignes la politique de l’Etat sioniste à partir de l’année 1967. La disposition des colonies, le tracé des routes réservées aux colons, et la fragmentation de la Cisjordanie sont la mise en application concrète des vues d’Allon. Les Accords d’Oslo et la division de la Cisjordanie en Zones A, B et C, en sont directement inspirés. Même le Général Sharon, farouche partisan de l’expulsion des Palestiniens, finira par adopter, en le modifiant, le Plan Allon. C’est le sens du « retrait unilatéral » de Gaza en 2005 qui, loin d’être un « geste de paix », est le choix pragmatique d’abandonner et d'encercler une zone palestinienne trop densément peuplée. La décision de construire le Mur, si elle fut interprétée à juste titre comme la renonciation à l’annexion de l’ensemble de la Cisjordanie, n’est que l’ultime étape de la mise en pratique du Plan Allon et de la cantonisation de la Palestine [1].
Oslo et la quête d’un pouvoir autochtone soumis
Loin d’être un compromis historique, les Accords d’Oslo ne sont qu’une adaptation du projet sioniste aux réalités du terrain : l’Intifada de 1987 a exposé au grand jour la situation faite aux Palestiniens des territoires occupés, contribuant à délégitimer l’Etat d’Israël et menaçant de déstabiliser le Moyen-Orient. Le Nouvel Ordre Mondial que Bush père souhaite alors instituer passe nécessairement par une pacification (même provisoire) de la région et donc par un accord israélo-palestinien. Les Israéliens les plus pragmatiques acceptent de « négocier », en réalité d’imposer à une direction de l’OLP à bout de souffle et ruinée financièrement et politiquement des accords essentiellement économiques et sécuritaires : normalisation des relations économiques entre Israël et le monde arabe, sous-traitance des tâches de maintien de l’ordre dans les villes palestiniennes à la nouvelle Autorité Palestinienne (AP) [2].
Si l’AP, sous la direction de Yasser Arafat, tente de s’acquitter au mieux de sa tâche, la poursuite de la colonisation, de la répression, l’impasse des discussions sur Jérusalem et les réfugiés, auxquelles s’ajoutent les pratiques autoritaires, clientélistes, voire mafieuses de la direction palestinienne, vont conduire logiquement à une nouvelle révolte palestinienne en 2000. Arafat et ses proches tentent de contrôler le soulèvement, en sapant les structures auto-organisées et en encourageant la militarisation de la lutte pour ne pas perdre de terrain face au Hamas, afin de renforcer leur position face à Israël et d’obtenir un peu plus que les miettes que les Etats-Uniens et les Israéliens sont prêts à leur donner. C’est ce qui conduira Ariel Sharon à détruire les structures de l’AP et à isoler Arafat, tout en se déclarant, dès 2003, prêt à discuter avec d’autres dirigeants palestiniens hostiles à l’Intifada, comme Mahmoud Abbas.
Israël et les Etats-Unis imposent des réformes à l’AP afin de marginaliser les dirigeants palestiniens les plus liés à l’histoire de la lutte de libération, ainsi que des élections, en 2005 et en 2006, sensées faire émerger un nouveau leadership, encore plus enclin à courber l’échine. Avec le résultat que l’on connaît : une véritable Intifada électorale, la victoire du Hamas, qui est apparu comme « l’autre voie », en alliant soutien matériel à la population (hôpitaux, écoles, aides financières directes…), critique virulente du Processus d’Oslo et poursuite de la résistance contre Israël. Ces élections, expression déformée du refus populaire de la collaboration et de la capitulation, contituent une défaite majeure pour tous ceux qui espéraient imposer aux Palestiniens un pouvoir autoritaire soumis aux intérêts israéliens [3].
Du boycott au putsch
Dès les premières semaines qui suivent le vote, un boycott économique, politique et diplomatique se met en place, qui va considérablement renforcer l’isolement international des Palestiniens et aggraver leurs conditions de vie. Ce boycott est organisé conjointement par l’Union européenne, les Etats-Unis, Israël et la plupart des régimes arabes, et sera doublé à l’été 2006 d’une offensive israélienne contre la Bande de Gaza, place-forte du Hamas. Il s’agit d’isoler ce dernier et de le désigner comme responsable de la dégradation de la situation, afin d’encourager la population à se soulever contre lui. Mais la manœuvre échoue puisque la popularité du Hamas, loin de diminuer, a tendance à s’accroître.
Israël et ses alliés passent donc au « Plan B » : renverser militairement le Hamas. Un plan est élaboré à Washington, par le Département d’Etat, la CIA, les services israéliens et la fraction pustchiste de l’AP, dirigée par le député Fatah Mohammad Dahlan, qui bénéficie du soutien du Président Abbas. Il s’agit, en armant et en formant plusieurs centaines d’hommes de Dahlan en Egypte et en Jordanie, en les introduisant progressivement dans la Bande de Gaza et en armant les milices de Dahlan déjà implantées sur place, de renverser militairement le Hamas et de rendre le pouvoir aux « amis » des Etats-Unis et d’Israël. En juin 2007, le Hamas, qui a pressenti la menace, décide de prendre les devants et inflige en à peine 48 heures une défaite aux putschistes qui sont contraints de fuir la Bande de Gaza [4].
Les territoires palestiniens sont alors divisés politiquement : le Hamas assure son emprise sur la Bande de Gaza, assiégée et coupée du monde. Ce contrôle du territoire va s’accompagner de mesures répressives (arrestations, interdiction de journaux…) à l’égard des autres forces politiques et d’un refus de partager le pouvoir, y compris avec les organisations déterminées à poursuivre la résistance. En Cisjordanie, Abbas nomme Salam Fayyad, ancien haut fonctionnaire du FMI et de la Banque Mondiale, Premier Ministre : ils mènent, en échange du retour des aides internationales, une politique alliant normalisation des relations économiques et sécuritaires avec Israël, répression contre le Hamas, désarmement des combattants et purge au sein des appareils de sécurité [5].
Malgré le retour des aides internationales, Abbas et Fayyad ne sont pas en mesure d’imposer les « plans de paix » israéliens à l’ensemble de la population palestinienne, a fortiori à Gaza. Qui plus est, une date butoir approche, que nombre de commentateurs semblent avoir oubliée : le mandat présidentiel d’Abu Mazen prend fin le 9 janvier 2009, et selon les termes de la loi palestinienne, c’est le Président du Conseil Législatif Palestinien qui devient Président de l’AP en l’absence de nouvelles élections. Or le Président du CLP n’est autre qu’Abdel Aziz Duwaik, membre du Hamas, qui pourrait dès lors prétendre être le seul parti représentant légitimement le peuple palestinien.
L’offensive contre Gaza
Malgré la bonne volonté dont le Hamas a fait preuve durant la trêve (en ne tirant aucune roquette et en décourageant nombre d’actions militaires des autres organisations, y compris par des arrestations), Israël refuse que le mouvement acquière une trop grande capacité de nuisance, et a donc décidé de passer à l’offensive, avec un timing et des objectifs précis :
Le choix de la date n’est pas anodin : vacance de pouvoir aux Etats-Unis (qui laisse les mains libres à Israël pendant 3 semaines), période de congés pour nombre de journalistes occidentaux (qui ont quitté la Bande de Gaza et qui ne peuvent plus y retourner), campagne électorale en Israël (le duo Livni-Barak tente de prouver qu’il est au moins aussi « dur » que Netanyahu [6]) et terme du mandat d’Abu Mazen. La fin du mois de décembre et le début du mois de janvier étaient donc la fenêtre de tir idéale et logique pour Israël.
Mais personne ne peut penser sérieusement que l’Etat sioniste espère détruire politiquement et militairement le Hamas. Il s’agit plutôt de l’affaiblir, pour l’empêcher de contester le pouvoir à Abu Mazen au terme de son mandat et pour renégocier une « trêve » selon des termes fixés par Israël [7], qui pourraient inclure, hypothèse de plus en plus souvent évoquée, l’envoi d’une force internationale sous commandement égyptien chargée de « maintenir le calme » à Gaza, entendre « mettre le Hamas hors d’état de nuire ».
Derrière les faux prétextes (les tirs de roquettes ont fait moins de 20 morts depuis septembre 2000), le but d’Israël est donc clair : à défaut de pouvoir se débarrasser du peuple palestinien, les dirigeants sionistes peuvent les tolérer dans des cantons isolés, à condition que ces cantons ne soient pas contrôlés par des forces hostiles à Israël. L’offensive actuelle est donc un sanglant « coup de pression » sur le Hamas et sur la population palestinienne : capitulez ou vous connaîtrez l’enfer.
L’offensive contre Gaza se situe donc dans la continuité des politiques israéliennes depuis plus de 60 ans : il s’agit de démontrer au peuple palestinien et à leurs dirigeants que s’ils sont tolérés dans des réserves entourées de murs, ils ne peuvent espérer obtenir davantage. Il s’agit de rappeler que c’est Israël qui fixe les règles du jeu, qui choisit les dirigeants, qui assassine ou menace de mort ceux qui ne sont pas assez conciliants, qui arme et désarme les forces de sécurité selon son bon vouloir, qui ouvre et ferme les portes d’entrée des cantons.
Un retour aux contradictions fondamentales
La Bande de Gaza est très majoritairement peuplée de familles de réfugiés qui ont été expulsés de leur terre en 1947-49. Ce petit bout de terre, berceau de la Première Intifada, bastion de la résistance armée, est un miroir qui renvoie l’image de la véritable nature et les contradictions inhérentes au projet d’établissement d’un Etat juif en Palestine : l’expulsion, la répression et l’enfermement, consubstantielles à l’établissement et à la survie de l’Etat d’Israël ne peuvent faire disparaître un peuple et ses aspirations. Des opérations comme celle menée actuellement contre la Bande de Gaza sont l’expression de la nécessaire fuite en avant d’Israël face à ses contradictions : Israël est né de la négation des droits du peuple palestinien et ne peut dès lors survivre qu’en continuant de les nier, chaque jour davantage, jalonnant son avenir d’autant de bombes à retardement qui, tôt ou tard, exploseront [8].
Depuis sa victoire électorale, une fraction significative de la direction du Hamas semblait prête à faire preuve de sa « bonne volonté » et de sa capacité à réussir là où l’AP avait échoué : contrôler les zones palestiniennes et faire respecter une trêve malgré la poursuite du siège et de la colonisation. Ceux qui se prenaient à rêver de diriger les futurs bantoustans palestiniens en sont pour leurs frais : Israël ne partagera pas le pouvoir avec un mouvement ou des individus qui ont la moindre velléité de poursuivre la lutte contre l’oppression coloniale. Les premières déclarations d’Abu Mazen sont à ce titre exemplaires : il a pointé les responsabilités du Hamas dans l’offensive israélienne à Gaza, à l’image du clan Hariri lors de la guerre au Liban en 2006, qui avait accusé le Hezbollah d’être responsable de la guerre israélienne. L’AP et le Fatah ont tenté d’encadrer et de canaliser les manifestations de solidarité avec Gaza organisées en Cisjordanie, n’hésitant pas à empêcher les manifestants de marcher en direction des positions de l’armée israélienne et multipliant les arrestations. Quitte à se délégitimer encore un peu plus [9].
L’AP est une structure qui a été conçue, lors des Accords d’Oslo, pour neutraliser la résistance et la population palestiniennes, et pour donner l’illusion d’une autonomie et d’interlocuteurs légitimes pour « négocier ». La création de l’AP est une vaine tentative du mouvement sioniste de résoudre la contradiction entre l’existence de l’Etat juif et la présence des Palestiniens. Ceux qui ont cru, comme le Hamas, pouvoir transformer l’AP « de l’intérieur », savent désormais ce qu’il en est : le problème n’était pas tant celui d’individus peu scrupuleux et enclins à la collaboration que celui d’une pseudo-autonomie qui n’est que la poursuite de l’occupation par d’autres moyens. Nombre de voix lucides en Palestine s’élèvent aujourd’hui : l’heure est la reconstruction de la résistance (création de structures militantes unitaires à la base, d’un commandement unifié de la lutte, de syndicats indépendants de l’AP, de coopératives agricoles, de comités de village…) et non à la lutte stérile pour le contrôle d’un pseudo-appareil d’Etat prêt à signer un accord entérinant la cantonisation et voué à n’être qu’un sous-traitant des basses œuvres de l’armée israélienne, ou à être liquidé s’il ose revendiquer des droits pour les Palestiniens.
Julien Salingue
06/01/2009
Publié par Julien Salingue & Contretemps.
[1] Plus de détails sur le processus de cantonisation de la Palestine dans « La fin du mythe de l’Etat palestinien indépendant ».
[2] Cf. « Retour sur… Les Accords d’Oslo ».
[3] Voir « Après les élections palestiniennes et israéliennes ».
[4] Sur la tentative de putsch, cf. « Comment les Etats-Unis ont organisé une tentative de putsch contre le Hamas ».
[5] On pourra se reporter ici à « L’échec programmé du plan silence contre nourriture : où va le gouvernement de Salam Fayyad ? ».
[6] Voir notamment Jonathan Cook, « Israeli electioneering with bombs », Electronic Intifada, 30 décembre 2008 et Neve Gordon, « What, Exactly, is Israel’s Mission ? », Couterpunch, 29 décembre 2008.
[7] Voir notamment Barak Ravid, « Shin Bet Chief : Hamas has eased its demands for truce with Israel », Haaretz, 4 janvier 2009.
[8] Voir Oren Ben-Dor, « The Self-Defense of Suicide », Counterpunch, 1er janvier 2009.
[9] Voir Tobias Buck, « Abbas risks becoming biggest political casualty », Financial Times, 30 décembre 2008.
Retour aux sources : le sionisme contre le partage
Un rapide retour aux sources permet d’ordonner l’apparent chaos qui règne actuellement dans l’ancienne Palestine mandataire. L’instabilité permanente dans cette région résulte en effet, en dernière analyse, de l’indépassable contradiction entre le projet sioniste d’établir un Etat juif en Palestine et la présence sur cette terre d’un peuple autochtone refusant d’abandonner ses droits nationaux. De la grande révolte arabe de 1936, provoquée par l’accélération de la colonisation juive, à l’offensive en cours contre Gaza, en passant par la Grande Expulsion de 1947-49 et les prétendus Accords de Paix de 1993-94, c’est cette contradiction essentielle qui demeure le moteur du conflit.
Le projet des dirigeants sionistes n’a jamais été de partager la terre de Palestine. De David Ben Gourion, père fondateur de l’Etat d’Israël (« L’acceptation de la partition ne nous engage pas à renoncer à la Cisjordanie. On ne demande pas à quelqu’un de renoncer à sa vision. Nous accepterons un Etat dans les frontières fixées aujourd’hui ; mais les frontières des aspirations sionistes sont les affaires des Juifs et aucun facteur externe ne pourra les limiter ») à Ehud Olmert, actuel Premier Ministre (« Chaque colline de Samarie et chaque vallée de Judée est partie intégrante de notre patrie historique (…). Nous revendiquons avec fermeté le droit historique du peuple d’Israël à l’entièreté de la terre d’Israël »), la souveraineté israélienne sur l’ensemble de la Palestine du mandat britannique est demeurée l’objectif principal.
Pour y parvenir le mouvement sioniste a eu (et a encore) besoin du soutien des grandes puissances. Mais ce soutien a un prix : l’Etat d’Israël doit avoir, au moins en apparence, les attributs d’une démocratie. Une seconde contradiction a donc rapidement fait son apparition, qui a résulté de la nécessité de préserver simultanément le caractère juif et le caractère démocratique de l’Etat. La solution envisagée par les dirigeants du mouvement sioniste, puis de l’Etat d’Israël, a été de s’assurer que les citoyens de l’Etat soient dans leur très grande majorité, sinon dans leur totalité, des Juifs. Ils ont donc dû trouver, avant même l’indépendance d’Israël en 1948, une solution au « problème » palestinien, sachant que la Palestine n’était pas une « terre sans peuple » et que l’immigration ne pourrait suffire à assurer la suprématie démographique juive.
Du nettoyage ethnique à l’enfermement
Entre 1947 et 1949, environ 800 000 Palestiniens, soit 80% de ceux qui résidaient à l’intérieur du territoire sur lequel Israël proclame son indépendance, sont expulsés et deviennent des réfugiés. Ce ne sont pas des victimes « collatérales » de la guerre de 1948, mais les victimes d’un plan d’expulsion minutieusement établi, le Plan Daleth, dont l’objectif était simple : le plus de terre et le moins d’Arabes possible sous juridiction israélienne. L’Etat juif est né du nettoyage ethnique, au terme duquel moins d’1/3 de la population s’est attribué 78% de la superficie de la Palestine du Mandat.
La guerre de 1967 est la seconde étape de la prise de contrôle de la Palestine par Israël. Israël conquiert, entre autres, la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Une victoire militaire plus rapide et plus facile qu’en 1947-1949, mais avec une différence notable : la majorité des Palestiniens ne sont pas partis. Le succès militaire crée donc une difficulté politique : Israël abrite désormais en son sein les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, qui s’ajoutent aux Palestiniens de 1948. La prétention de l’Etat d’Israël à être simultanément un Etat juif et démocratique est donc sérieusement menacée.
C’est pour répondre à cette contradiction qu’un Général travailliste, Ygal Allon, présente au Premier Ministre Levi Eshkol, dès juillet 1967, une solution alternative à l’expulsion, qui compromettrait le soutien international dont jouit l’Etat d’Israël. La philosophie du « Plan Allon » est la suivante : renoncer à la souveraineté sur les zones palestiniennes les plus densément peuplées tout en conservant le contrôle exclusif sur la vallée du Jourdain, sur la rive occidentale de la Mer Morte et sur Jérusalem, dont les limites municipales doivent être considérablement étendues. Une entité palestinienne constituée de cantons isolés sera ainsi établie, avec des attributs de souveraineté limités.
Même si le Plan Allon n’est pas officiellement adopté par Israël, c’est lui qui guidera dans les grandes lignes la politique de l’Etat sioniste à partir de l’année 1967. La disposition des colonies, le tracé des routes réservées aux colons, et la fragmentation de la Cisjordanie sont la mise en application concrète des vues d’Allon. Les Accords d’Oslo et la division de la Cisjordanie en Zones A, B et C, en sont directement inspirés. Même le Général Sharon, farouche partisan de l’expulsion des Palestiniens, finira par adopter, en le modifiant, le Plan Allon. C’est le sens du « retrait unilatéral » de Gaza en 2005 qui, loin d’être un « geste de paix », est le choix pragmatique d’abandonner et d'encercler une zone palestinienne trop densément peuplée. La décision de construire le Mur, si elle fut interprétée à juste titre comme la renonciation à l’annexion de l’ensemble de la Cisjordanie, n’est que l’ultime étape de la mise en pratique du Plan Allon et de la cantonisation de la Palestine [1].
Oslo et la quête d’un pouvoir autochtone soumis
Loin d’être un compromis historique, les Accords d’Oslo ne sont qu’une adaptation du projet sioniste aux réalités du terrain : l’Intifada de 1987 a exposé au grand jour la situation faite aux Palestiniens des territoires occupés, contribuant à délégitimer l’Etat d’Israël et menaçant de déstabiliser le Moyen-Orient. Le Nouvel Ordre Mondial que Bush père souhaite alors instituer passe nécessairement par une pacification (même provisoire) de la région et donc par un accord israélo-palestinien. Les Israéliens les plus pragmatiques acceptent de « négocier », en réalité d’imposer à une direction de l’OLP à bout de souffle et ruinée financièrement et politiquement des accords essentiellement économiques et sécuritaires : normalisation des relations économiques entre Israël et le monde arabe, sous-traitance des tâches de maintien de l’ordre dans les villes palestiniennes à la nouvelle Autorité Palestinienne (AP) [2].
Si l’AP, sous la direction de Yasser Arafat, tente de s’acquitter au mieux de sa tâche, la poursuite de la colonisation, de la répression, l’impasse des discussions sur Jérusalem et les réfugiés, auxquelles s’ajoutent les pratiques autoritaires, clientélistes, voire mafieuses de la direction palestinienne, vont conduire logiquement à une nouvelle révolte palestinienne en 2000. Arafat et ses proches tentent de contrôler le soulèvement, en sapant les structures auto-organisées et en encourageant la militarisation de la lutte pour ne pas perdre de terrain face au Hamas, afin de renforcer leur position face à Israël et d’obtenir un peu plus que les miettes que les Etats-Uniens et les Israéliens sont prêts à leur donner. C’est ce qui conduira Ariel Sharon à détruire les structures de l’AP et à isoler Arafat, tout en se déclarant, dès 2003, prêt à discuter avec d’autres dirigeants palestiniens hostiles à l’Intifada, comme Mahmoud Abbas.
Israël et les Etats-Unis imposent des réformes à l’AP afin de marginaliser les dirigeants palestiniens les plus liés à l’histoire de la lutte de libération, ainsi que des élections, en 2005 et en 2006, sensées faire émerger un nouveau leadership, encore plus enclin à courber l’échine. Avec le résultat que l’on connaît : une véritable Intifada électorale, la victoire du Hamas, qui est apparu comme « l’autre voie », en alliant soutien matériel à la population (hôpitaux, écoles, aides financières directes…), critique virulente du Processus d’Oslo et poursuite de la résistance contre Israël. Ces élections, expression déformée du refus populaire de la collaboration et de la capitulation, contituent une défaite majeure pour tous ceux qui espéraient imposer aux Palestiniens un pouvoir autoritaire soumis aux intérêts israéliens [3].
Du boycott au putsch
Dès les premières semaines qui suivent le vote, un boycott économique, politique et diplomatique se met en place, qui va considérablement renforcer l’isolement international des Palestiniens et aggraver leurs conditions de vie. Ce boycott est organisé conjointement par l’Union européenne, les Etats-Unis, Israël et la plupart des régimes arabes, et sera doublé à l’été 2006 d’une offensive israélienne contre la Bande de Gaza, place-forte du Hamas. Il s’agit d’isoler ce dernier et de le désigner comme responsable de la dégradation de la situation, afin d’encourager la population à se soulever contre lui. Mais la manœuvre échoue puisque la popularité du Hamas, loin de diminuer, a tendance à s’accroître.
Israël et ses alliés passent donc au « Plan B » : renverser militairement le Hamas. Un plan est élaboré à Washington, par le Département d’Etat, la CIA, les services israéliens et la fraction pustchiste de l’AP, dirigée par le député Fatah Mohammad Dahlan, qui bénéficie du soutien du Président Abbas. Il s’agit, en armant et en formant plusieurs centaines d’hommes de Dahlan en Egypte et en Jordanie, en les introduisant progressivement dans la Bande de Gaza et en armant les milices de Dahlan déjà implantées sur place, de renverser militairement le Hamas et de rendre le pouvoir aux « amis » des Etats-Unis et d’Israël. En juin 2007, le Hamas, qui a pressenti la menace, décide de prendre les devants et inflige en à peine 48 heures une défaite aux putschistes qui sont contraints de fuir la Bande de Gaza [4].
Les territoires palestiniens sont alors divisés politiquement : le Hamas assure son emprise sur la Bande de Gaza, assiégée et coupée du monde. Ce contrôle du territoire va s’accompagner de mesures répressives (arrestations, interdiction de journaux…) à l’égard des autres forces politiques et d’un refus de partager le pouvoir, y compris avec les organisations déterminées à poursuivre la résistance. En Cisjordanie, Abbas nomme Salam Fayyad, ancien haut fonctionnaire du FMI et de la Banque Mondiale, Premier Ministre : ils mènent, en échange du retour des aides internationales, une politique alliant normalisation des relations économiques et sécuritaires avec Israël, répression contre le Hamas, désarmement des combattants et purge au sein des appareils de sécurité [5].
Malgré le retour des aides internationales, Abbas et Fayyad ne sont pas en mesure d’imposer les « plans de paix » israéliens à l’ensemble de la population palestinienne, a fortiori à Gaza. Qui plus est, une date butoir approche, que nombre de commentateurs semblent avoir oubliée : le mandat présidentiel d’Abu Mazen prend fin le 9 janvier 2009, et selon les termes de la loi palestinienne, c’est le Président du Conseil Législatif Palestinien qui devient Président de l’AP en l’absence de nouvelles élections. Or le Président du CLP n’est autre qu’Abdel Aziz Duwaik, membre du Hamas, qui pourrait dès lors prétendre être le seul parti représentant légitimement le peuple palestinien.
L’offensive contre Gaza
Malgré la bonne volonté dont le Hamas a fait preuve durant la trêve (en ne tirant aucune roquette et en décourageant nombre d’actions militaires des autres organisations, y compris par des arrestations), Israël refuse que le mouvement acquière une trop grande capacité de nuisance, et a donc décidé de passer à l’offensive, avec un timing et des objectifs précis :
Le choix de la date n’est pas anodin : vacance de pouvoir aux Etats-Unis (qui laisse les mains libres à Israël pendant 3 semaines), période de congés pour nombre de journalistes occidentaux (qui ont quitté la Bande de Gaza et qui ne peuvent plus y retourner), campagne électorale en Israël (le duo Livni-Barak tente de prouver qu’il est au moins aussi « dur » que Netanyahu [6]) et terme du mandat d’Abu Mazen. La fin du mois de décembre et le début du mois de janvier étaient donc la fenêtre de tir idéale et logique pour Israël.
Mais personne ne peut penser sérieusement que l’Etat sioniste espère détruire politiquement et militairement le Hamas. Il s’agit plutôt de l’affaiblir, pour l’empêcher de contester le pouvoir à Abu Mazen au terme de son mandat et pour renégocier une « trêve » selon des termes fixés par Israël [7], qui pourraient inclure, hypothèse de plus en plus souvent évoquée, l’envoi d’une force internationale sous commandement égyptien chargée de « maintenir le calme » à Gaza, entendre « mettre le Hamas hors d’état de nuire ».
Derrière les faux prétextes (les tirs de roquettes ont fait moins de 20 morts depuis septembre 2000), le but d’Israël est donc clair : à défaut de pouvoir se débarrasser du peuple palestinien, les dirigeants sionistes peuvent les tolérer dans des cantons isolés, à condition que ces cantons ne soient pas contrôlés par des forces hostiles à Israël. L’offensive actuelle est donc un sanglant « coup de pression » sur le Hamas et sur la population palestinienne : capitulez ou vous connaîtrez l’enfer.
L’offensive contre Gaza se situe donc dans la continuité des politiques israéliennes depuis plus de 60 ans : il s’agit de démontrer au peuple palestinien et à leurs dirigeants que s’ils sont tolérés dans des réserves entourées de murs, ils ne peuvent espérer obtenir davantage. Il s’agit de rappeler que c’est Israël qui fixe les règles du jeu, qui choisit les dirigeants, qui assassine ou menace de mort ceux qui ne sont pas assez conciliants, qui arme et désarme les forces de sécurité selon son bon vouloir, qui ouvre et ferme les portes d’entrée des cantons.
Un retour aux contradictions fondamentales
La Bande de Gaza est très majoritairement peuplée de familles de réfugiés qui ont été expulsés de leur terre en 1947-49. Ce petit bout de terre, berceau de la Première Intifada, bastion de la résistance armée, est un miroir qui renvoie l’image de la véritable nature et les contradictions inhérentes au projet d’établissement d’un Etat juif en Palestine : l’expulsion, la répression et l’enfermement, consubstantielles à l’établissement et à la survie de l’Etat d’Israël ne peuvent faire disparaître un peuple et ses aspirations. Des opérations comme celle menée actuellement contre la Bande de Gaza sont l’expression de la nécessaire fuite en avant d’Israël face à ses contradictions : Israël est né de la négation des droits du peuple palestinien et ne peut dès lors survivre qu’en continuant de les nier, chaque jour davantage, jalonnant son avenir d’autant de bombes à retardement qui, tôt ou tard, exploseront [8].
Depuis sa victoire électorale, une fraction significative de la direction du Hamas semblait prête à faire preuve de sa « bonne volonté » et de sa capacité à réussir là où l’AP avait échoué : contrôler les zones palestiniennes et faire respecter une trêve malgré la poursuite du siège et de la colonisation. Ceux qui se prenaient à rêver de diriger les futurs bantoustans palestiniens en sont pour leurs frais : Israël ne partagera pas le pouvoir avec un mouvement ou des individus qui ont la moindre velléité de poursuivre la lutte contre l’oppression coloniale. Les premières déclarations d’Abu Mazen sont à ce titre exemplaires : il a pointé les responsabilités du Hamas dans l’offensive israélienne à Gaza, à l’image du clan Hariri lors de la guerre au Liban en 2006, qui avait accusé le Hezbollah d’être responsable de la guerre israélienne. L’AP et le Fatah ont tenté d’encadrer et de canaliser les manifestations de solidarité avec Gaza organisées en Cisjordanie, n’hésitant pas à empêcher les manifestants de marcher en direction des positions de l’armée israélienne et multipliant les arrestations. Quitte à se délégitimer encore un peu plus [9].
L’AP est une structure qui a été conçue, lors des Accords d’Oslo, pour neutraliser la résistance et la population palestiniennes, et pour donner l’illusion d’une autonomie et d’interlocuteurs légitimes pour « négocier ». La création de l’AP est une vaine tentative du mouvement sioniste de résoudre la contradiction entre l’existence de l’Etat juif et la présence des Palestiniens. Ceux qui ont cru, comme le Hamas, pouvoir transformer l’AP « de l’intérieur », savent désormais ce qu’il en est : le problème n’était pas tant celui d’individus peu scrupuleux et enclins à la collaboration que celui d’une pseudo-autonomie qui n’est que la poursuite de l’occupation par d’autres moyens. Nombre de voix lucides en Palestine s’élèvent aujourd’hui : l’heure est la reconstruction de la résistance (création de structures militantes unitaires à la base, d’un commandement unifié de la lutte, de syndicats indépendants de l’AP, de coopératives agricoles, de comités de village…) et non à la lutte stérile pour le contrôle d’un pseudo-appareil d’Etat prêt à signer un accord entérinant la cantonisation et voué à n’être qu’un sous-traitant des basses œuvres de l’armée israélienne, ou à être liquidé s’il ose revendiquer des droits pour les Palestiniens.
Julien Salingue
06/01/2009
Publié par Julien Salingue & Contretemps.
[1] Plus de détails sur le processus de cantonisation de la Palestine dans « La fin du mythe de l’Etat palestinien indépendant ».
[2] Cf. « Retour sur… Les Accords d’Oslo ».
[3] Voir « Après les élections palestiniennes et israéliennes ».
[4] Sur la tentative de putsch, cf. « Comment les Etats-Unis ont organisé une tentative de putsch contre le Hamas ».
[5] On pourra se reporter ici à « L’échec programmé du plan silence contre nourriture : où va le gouvernement de Salam Fayyad ? ».
[6] Voir notamment Jonathan Cook, « Israeli electioneering with bombs », Electronic Intifada, 30 décembre 2008 et Neve Gordon, « What, Exactly, is Israel’s Mission ? », Couterpunch, 29 décembre 2008.
[7] Voir notamment Barak Ravid, « Shin Bet Chief : Hamas has eased its demands for truce with Israel », Haaretz, 4 janvier 2009.
[8] Voir Oren Ben-Dor, « The Self-Defense of Suicide », Counterpunch, 1er janvier 2009.
[9] Voir Tobias Buck, « Abbas risks becoming biggest political casualty », Financial Times, 30 décembre 2008.
"Israël est le seul responsable de la situation à Gaza"
Secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne, une formation qui se veut une alternative aux factions existantes, Moustapha Al-Barghouthi analyse la crise actuelle dans la bande de Gaza et évoque les perspectives d’avenir.
« Israël est le seul responsable de la situation à Gaza »
Al-ahram hebdo : Comment qualifiez-vous l’attaque militaire sans précédent menée par Israël contre la bande de Gaza ?
Moustapha Al-Barghouthi : Ce qui se passe à Gaza peut être un véritable génocide contre notre peuple, un acte sauvage, barbare qui va à l’encontre de toutes les lois internationales. Israël est une force d’occupation de Gaza, qui est en train d’anéantir sa population par des attaques aériennes. Gaza, un territoire ayant la plus grande densité démographique au monde, est aujourd’hui victime des attaques aériennes et terrestres israéliennes, alors qu’elle se trouve sous occupation. Le nombre de martyrs et de blessés est le plus élevé depuis 1967. Devant l’opinion internationale, Israël prétend avoir l’intention de s’attaquer uniquement aux éléments du Hamas. Il a même prétendu auparavant posséder une technologie qui lui permet d’effectuer des opérations presque « chirurgicales » sur le terrain.
— L’Etat hébreu affirme pourtant avoir pour seul objectif de détruire le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) ...
— Toutes les allégations d’Israël ne sont rien d’autre que des mensonges. En réalité, la guerre n’est pas dirigée contre le Hamas, mais plutôt contre tout le peuple palestinien. L’objectif réel des Israéliens est de briser la volonté palestinienne, de mettre les Palestiniens à genoux et de les obliger d’accepter un règlement injuste, en rayant, par exemple, le droit d’avoir Jérusalem pour capitale, ou le refus du droit au retour des réfugiés. Les Israéliens veulent obliger les Palestiniens d’accepter le règlement qu’ils ont essayé de leur imposer à la conférence d’Annapolis (novembre 2007), mais ont échoué.
Ce qui se passe en ce moment est très dangereux, car en s’attaquant de cette manière si féroce à notre population, Israël veut détruire la volonté et la résistance du peuple palestinien et nous imposer ses propres règles par la force.
En effet, Israël ne s’attaque pas uniquement au Hamas. Il a comme principale cible, la démocratie palestinienne. C’était très clair : les attaques israéliennes ont détruit le siège du Parlement palestinien et l’Etat juif a arrêté 45 de nos parlementaires. Les Israéliens se sont attaqués au gouvernement d’Unité nationale qui représentait 95 % des électeurs palestiniens et ont fortement contribué à l’effondrement de ce gouvernement. Et lorsque ceci a eu lieu, ils ont commencé à propager l’idée que les Palestiniens étaient responsables de leurs divisions internes. Tout cela n’était qu’un jeu dont le but était de briser la volonté politique palestinienne et l’attachement de notre peuple à son droit légitime à la résistance. Un autre mensonge qu’Israël tente de faire passer dans les médias américains et européens est celui que la trêve a été rompue par le Hamas, alors qu’en réalité, c’est Israël qui l’a rompue, en novembre dernier, un mois avant ces attaques.
Le troisième mensonge qu’Israël essaye de propager est celui que les Israéliens sont les « victimes » et que les Palestiniens sont les « attaquants ». Or, on constate que de leur côté, ils n’ont eu qu’une seule victime, alors que du côté palestinien nous avons perdu plus de 500 martyrs, jusqu’à dimanche dernier.
Les observateurs sont unanimes à expliquer les attaques israéliennes contre la population de Gaza par la course électorale en Israël. Tzipi Livni et le parti Kadima ne veulent pas paraître faibles face à leurs opposants de la ligne dure du Likoud ou du parti du Travail.
— Quelles sont les différences entre les trois candidats aux prochaines élections israéliennes ? Est-ce que vous pourriez imaginer un scénario particulier pour chaque candidat ?
— Il n’y a aucune différence entre eux. Aussi bien Livni que Netanyahu ou Olmert, ils sont tous originaires du Likoud. Quand à Barak, il n’a rien à envier aux autres en matière de férocité et de racisme. Ce qui est désolant, c’est qu’Israël est devenu, dans sa totalité, une nation raciste au sens propre du terme. Ils ont créé un système d’apartheid et de barrières racistes. Ils ne veulent pas qu’un seul Palestinien puisse lever la tête. Peu importe qui va gagner les élections, s’il n’y aura pas de différence dans leur position vis-à-vis des Palestiniens. Ils adoptent et suivent tous la même vision politique sioniste qui refuse l’existence d’un Etat palestinien indépendant, que Jérusalem soit la capitale de la Palestine et que le droit au retour des réfugiés se fasse. Livni a bien dit qu’aucun réfugié ne serait accepté par Israël. Alors quelle différence y a-t-il entre elle et Netanyahu ? Cette guerre est faite juste pour que chacun d’entre eux puisse montrer ses muscles et le prix de cela est le sang des Palestiniens. Et le pire de tout, c’est que malgré toute la férocité démontrée par le gouvernement d’Israël contre les Palestiniens, le Likoud se renforce de plus en plus dans les sondages.
— Que pensez-vous de la stratégie du Hamas dans sa gestion de la résistance militaire ? Y aurait-il eu une erreur stratégique ou de calcul de leur part en tirant les roquettes contre le sud d’Israël ?
— Il n’y a pas du tout eu d’erreur commise par Hamas. Jusqu’au mois de novembre dernier, le Hamas avait arrêté les tirs de roquettes, et même empêché toute sorte d’attaque venant de Gaza. Celui qui a rompu l’accalmie était Israël. Les Israéliens sont entrés, attaqué et abattu 6 Palestiniens. C’est à ce moment que les roquettes ont commencé à être lancées depuis Gaza. En réalité, c’était le Hamas qui se défendait en tirant des roquettes sur Israël. Et nous savons tous que ces roquettes n’ont pas d’importante capacité de destruction. Mais il s’agissait d’une manière symbolique de se défendre contre les attaques des forces d’occupation. Nous ne pouvons pas jeter la responsabilité sur les victimes alors que les véritables agresseurs sont les Israéliens.
Tout cela a été soigneusement planifié. Au cours des derniers mois, l’on pouvait lire dans les journaux israéliens qu’Israël avait besoin de quelques mois d’accalmie afin de préparer son armée à une attaque majeure. Et cela est exactement ce qui se produit maintenant.
— Y a-t-il aujourd’hui une possibilité de rétablir la réconciliation palestinienne ?
— Le seul chemin cohérent à suivre, à mon avis, est celui de la reconstitution d’une administration politique unifiée en Palestine, et la formation d’un gouvernement d’unité nationale. Par la suite, nous devrons avoir des élections auxquelles prendront part tous les représentants des tendances palestiniennes, sans exception ou discrimination. Ces élections devront être transparentes et crédibles et avoir lieu dans l’ensemble des territoires occupés. Et, enfin, il faut absolument qu’il y ait des garanties que l’on acceptera inconditionnellement ses résultats.
— Pensez-vous que l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis apportera du changement dans la position de Washington dans le conflit israélo-palestinien ?
— C’est sûr que nous avons l’espoir d’un changement dans la politique étrangère américaine, mais je ne veux pas me faire des illusions. Nous espérons que le président Obama aura au moins une meilleure compréhension de la situation dans cette région. Contrairement à George Bush, le président Obama est sensé être plus sensible aux causes justes comme c’est le cas de la nôtre. Mais la question que nous nous posons est la suivante : est-ce qu’il pourra affronter le lobby israélien aux Etats-Unis ? Nous attendons pour voir comment il agira.
Mais ce que nous notons maintenant, c’est que l’administration Bush fait tout, jusqu’au dernier moment, pour qu’en arrivant, le président Obama retrouve une situation intenable et pour qu’il soit dans l’impossibilité d’opérer des changements dans la politique américaine vis-à-vis de cette région. L’administration Bush, conjointement avec Israël, est en train de construire trois murs qu’Obama pourra difficilement franchir en vue d’avoir des influences positives sur ce conflit. Le premier de ces murs est celui des engagements assumés par Bush vis-à-vis d’Israël où il a réduit, à travers une résolution du Conseil de sécurité, le processus de paix d’Annapolis. Le deuxième mur, ou entrave à l’action future d’Obama, est le feu vert donné par l’administration Bush à ce massacre des Palestiniens. Et le troisième point, qui est le plus important, c’est qu’à travers la tension produite par cette confrontation et ce massacre des Palestiniens, elle tente de détruire le plan annoncé par Obama d’entamer un dialogue avec la Syrie, l’Iran et toutes les forces de la région.
Propos recueillis par Randa Achmawi
Publié par Al-Ahram hebdo Semaine du 7 au 13 janvier 2009, numéro 748 (Invité).
« Israël est le seul responsable de la situation à Gaza »
Al-ahram hebdo : Comment qualifiez-vous l’attaque militaire sans précédent menée par Israël contre la bande de Gaza ?
Moustapha Al-Barghouthi : Ce qui se passe à Gaza peut être un véritable génocide contre notre peuple, un acte sauvage, barbare qui va à l’encontre de toutes les lois internationales. Israël est une force d’occupation de Gaza, qui est en train d’anéantir sa population par des attaques aériennes. Gaza, un territoire ayant la plus grande densité démographique au monde, est aujourd’hui victime des attaques aériennes et terrestres israéliennes, alors qu’elle se trouve sous occupation. Le nombre de martyrs et de blessés est le plus élevé depuis 1967. Devant l’opinion internationale, Israël prétend avoir l’intention de s’attaquer uniquement aux éléments du Hamas. Il a même prétendu auparavant posséder une technologie qui lui permet d’effectuer des opérations presque « chirurgicales » sur le terrain.
— L’Etat hébreu affirme pourtant avoir pour seul objectif de détruire le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) ...
— Toutes les allégations d’Israël ne sont rien d’autre que des mensonges. En réalité, la guerre n’est pas dirigée contre le Hamas, mais plutôt contre tout le peuple palestinien. L’objectif réel des Israéliens est de briser la volonté palestinienne, de mettre les Palestiniens à genoux et de les obliger d’accepter un règlement injuste, en rayant, par exemple, le droit d’avoir Jérusalem pour capitale, ou le refus du droit au retour des réfugiés. Les Israéliens veulent obliger les Palestiniens d’accepter le règlement qu’ils ont essayé de leur imposer à la conférence d’Annapolis (novembre 2007), mais ont échoué.
Ce qui se passe en ce moment est très dangereux, car en s’attaquant de cette manière si féroce à notre population, Israël veut détruire la volonté et la résistance du peuple palestinien et nous imposer ses propres règles par la force.
En effet, Israël ne s’attaque pas uniquement au Hamas. Il a comme principale cible, la démocratie palestinienne. C’était très clair : les attaques israéliennes ont détruit le siège du Parlement palestinien et l’Etat juif a arrêté 45 de nos parlementaires. Les Israéliens se sont attaqués au gouvernement d’Unité nationale qui représentait 95 % des électeurs palestiniens et ont fortement contribué à l’effondrement de ce gouvernement. Et lorsque ceci a eu lieu, ils ont commencé à propager l’idée que les Palestiniens étaient responsables de leurs divisions internes. Tout cela n’était qu’un jeu dont le but était de briser la volonté politique palestinienne et l’attachement de notre peuple à son droit légitime à la résistance. Un autre mensonge qu’Israël tente de faire passer dans les médias américains et européens est celui que la trêve a été rompue par le Hamas, alors qu’en réalité, c’est Israël qui l’a rompue, en novembre dernier, un mois avant ces attaques.
Le troisième mensonge qu’Israël essaye de propager est celui que les Israéliens sont les « victimes » et que les Palestiniens sont les « attaquants ». Or, on constate que de leur côté, ils n’ont eu qu’une seule victime, alors que du côté palestinien nous avons perdu plus de 500 martyrs, jusqu’à dimanche dernier.
Les observateurs sont unanimes à expliquer les attaques israéliennes contre la population de Gaza par la course électorale en Israël. Tzipi Livni et le parti Kadima ne veulent pas paraître faibles face à leurs opposants de la ligne dure du Likoud ou du parti du Travail.
— Quelles sont les différences entre les trois candidats aux prochaines élections israéliennes ? Est-ce que vous pourriez imaginer un scénario particulier pour chaque candidat ?
— Il n’y a aucune différence entre eux. Aussi bien Livni que Netanyahu ou Olmert, ils sont tous originaires du Likoud. Quand à Barak, il n’a rien à envier aux autres en matière de férocité et de racisme. Ce qui est désolant, c’est qu’Israël est devenu, dans sa totalité, une nation raciste au sens propre du terme. Ils ont créé un système d’apartheid et de barrières racistes. Ils ne veulent pas qu’un seul Palestinien puisse lever la tête. Peu importe qui va gagner les élections, s’il n’y aura pas de différence dans leur position vis-à-vis des Palestiniens. Ils adoptent et suivent tous la même vision politique sioniste qui refuse l’existence d’un Etat palestinien indépendant, que Jérusalem soit la capitale de la Palestine et que le droit au retour des réfugiés se fasse. Livni a bien dit qu’aucun réfugié ne serait accepté par Israël. Alors quelle différence y a-t-il entre elle et Netanyahu ? Cette guerre est faite juste pour que chacun d’entre eux puisse montrer ses muscles et le prix de cela est le sang des Palestiniens. Et le pire de tout, c’est que malgré toute la férocité démontrée par le gouvernement d’Israël contre les Palestiniens, le Likoud se renforce de plus en plus dans les sondages.
— Que pensez-vous de la stratégie du Hamas dans sa gestion de la résistance militaire ? Y aurait-il eu une erreur stratégique ou de calcul de leur part en tirant les roquettes contre le sud d’Israël ?
— Il n’y a pas du tout eu d’erreur commise par Hamas. Jusqu’au mois de novembre dernier, le Hamas avait arrêté les tirs de roquettes, et même empêché toute sorte d’attaque venant de Gaza. Celui qui a rompu l’accalmie était Israël. Les Israéliens sont entrés, attaqué et abattu 6 Palestiniens. C’est à ce moment que les roquettes ont commencé à être lancées depuis Gaza. En réalité, c’était le Hamas qui se défendait en tirant des roquettes sur Israël. Et nous savons tous que ces roquettes n’ont pas d’importante capacité de destruction. Mais il s’agissait d’une manière symbolique de se défendre contre les attaques des forces d’occupation. Nous ne pouvons pas jeter la responsabilité sur les victimes alors que les véritables agresseurs sont les Israéliens.
Tout cela a été soigneusement planifié. Au cours des derniers mois, l’on pouvait lire dans les journaux israéliens qu’Israël avait besoin de quelques mois d’accalmie afin de préparer son armée à une attaque majeure. Et cela est exactement ce qui se produit maintenant.
— Y a-t-il aujourd’hui une possibilité de rétablir la réconciliation palestinienne ?
— Le seul chemin cohérent à suivre, à mon avis, est celui de la reconstitution d’une administration politique unifiée en Palestine, et la formation d’un gouvernement d’unité nationale. Par la suite, nous devrons avoir des élections auxquelles prendront part tous les représentants des tendances palestiniennes, sans exception ou discrimination. Ces élections devront être transparentes et crédibles et avoir lieu dans l’ensemble des territoires occupés. Et, enfin, il faut absolument qu’il y ait des garanties que l’on acceptera inconditionnellement ses résultats.
— Pensez-vous que l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis apportera du changement dans la position de Washington dans le conflit israélo-palestinien ?
— C’est sûr que nous avons l’espoir d’un changement dans la politique étrangère américaine, mais je ne veux pas me faire des illusions. Nous espérons que le président Obama aura au moins une meilleure compréhension de la situation dans cette région. Contrairement à George Bush, le président Obama est sensé être plus sensible aux causes justes comme c’est le cas de la nôtre. Mais la question que nous nous posons est la suivante : est-ce qu’il pourra affronter le lobby israélien aux Etats-Unis ? Nous attendons pour voir comment il agira.
Mais ce que nous notons maintenant, c’est que l’administration Bush fait tout, jusqu’au dernier moment, pour qu’en arrivant, le président Obama retrouve une situation intenable et pour qu’il soit dans l’impossibilité d’opérer des changements dans la politique américaine vis-à-vis de cette région. L’administration Bush, conjointement avec Israël, est en train de construire trois murs qu’Obama pourra difficilement franchir en vue d’avoir des influences positives sur ce conflit. Le premier de ces murs est celui des engagements assumés par Bush vis-à-vis d’Israël où il a réduit, à travers une résolution du Conseil de sécurité, le processus de paix d’Annapolis. Le deuxième mur, ou entrave à l’action future d’Obama, est le feu vert donné par l’administration Bush à ce massacre des Palestiniens. Et le troisième point, qui est le plus important, c’est qu’à travers la tension produite par cette confrontation et ce massacre des Palestiniens, elle tente de détruire le plan annoncé par Obama d’entamer un dialogue avec la Syrie, l’Iran et toutes les forces de la région.
Propos recueillis par Randa Achmawi
Publié par Al-Ahram hebdo Semaine du 7 au 13 janvier 2009, numéro 748 (Invité).
Guerre d'Israël contre le peuple Palestinien (1)
Un millier de morts à Gaza en trois semaines de combats, Reuters - Yahoo! Actualités.
"Je répète mon appel à un cessez-le-feu immédiat et durable", a dit Ban Ki-moon au Caire, première étape de sa tournée d'une semaine au Proche-Orient, en reprenant les termes de la résolution adoptée sans opposition il y a une semaine par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Ce texte est resté lettre morte. Israël l'a dit inapplicable en l'absence de toute garantie que le Hamas ne pourra réarmer après l'arrêt des combats. Le mouvement islamiste a pour sa part exclu toute trêve avant un retrait israélien de Gaza et la levée du blocus du territoire.
La Chine s'inquiète sérieusement de la non application de la Résolution 1860 de l'ONU sur Gaza, Xinhua - Le Quotidien du peuple.
La Chine a exprimé de sérieuses inquiétudes à propos du non-respect de la Résolution 1860 des Nations Unies sur le conflit à Gaza par les parties concernées.
"La Résolution 1860 du Conseil de sécurité de l'ONU représente l'aspiration et les revendications communes de la communauté internationale concernant la situation actuelle à Gaza. Elle doit être respectée et appliquée", a déclaré la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Jiang Yu lors d'une conférence de presse mardi à Beijing.
Après plusieurs jours d'efforts diplomatiques, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté le 8 janvier une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza conduisant à un retrait total des forces israéliennes de la région.
Le conseil, qui est composé de 15 pays membres, a approuvé la résolution par 14 voix pour et une abstention, celle des Etats-Unis.
Israël a cependant décidé de continuer ses opérations militaires à Gaza et les Forces de Défense d'Israël (FDI) ont commencé à y déployer des réservistes le 11 janvier. Le Hamas a également refusé de respecter la résolution en déclarant qu'elle négligeait ses revendications.
"Israël et les parties y impliquées en Palestine doivent appliquer substantiellement la Résolution 1860 et cesser le feu immédiatement. En outre, Israël doit retirer de Gaza ses forces militaires et porter remède à la crise humanitaire dans la région le plus tôt possible", a fait remarquer la porte-parole.
Elle a souligné devant la presse que depuis l'éclatement de ce conflit, la Chine a joué un rôle constructif comme médiateur. Les dirigeants chinois ont échangé leurs points de vue avec les parties concernées et se sont prononcés au conseil de sécurité pour l'adoption de cette résolution.
Le ministre chinois des Affaires étrangères Yang Jiechi s'est entretenu à ce sujet par téléphone avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et ses homologues des pays concernés comme la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki et le ministre égyptien des Affaires étrangères Ahmed Abul Gheit.
L'envoyé spécial du gouvernement chinois au Moyen-Orient, Sun Bigan, s'est rendu dans la région et a eu des entretiens avec Ahmed Abul Gheit et le secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Mahmoud Moussa. Il doit aussi se rendre en Palestine et en Israël.
La Chine va continuer à soutenir les efforts de l'Egypte et des autres intervenants pour se poser en médiateur dans le conflit et accorder une aide humanitaire dans la région, a ajouté la porte-parole.
L'ONU assure que les civils ne sont "en sécurité nulle part" dans la bande de Gaza, Le Monde.
Avant le déclenchement de l'opération "Plomb durci" le 27 décembre 2008, le Hamas avait prévenu que la bande de Gaza serait "le cimetière" de l'armée israélienne. Aujourd'hui, les Gazaouis ne savent plus où enterrer leurs morts. Selon l'agence Reuters, ils sont obligés de rouvrir de vieilles tombes pour ensevelir les victimes d'un conflit dont on ne voit toujours pas la fin. Au moins 70 Palestiniens ont encore péri au cours de la journée du mardi 13 janvier, selon des sources palestiniennes.
"Voir autant de blessés est inacceptable. Il est nécessaire d'épargner leurs existences et de garantir la sécurité de ceux qui les soignent. Les blessés ne peuvent attendre. Le travail des personnels médicaux doit être respecté. Ce n'est pas négociable", s'est alarmé Jakob Kellenberger, président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à la suite d'une courte visite dans la bande de Gaza. Comme le rappelle John Ging, directeur des opérations de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), le drame est que "personne ne se sent en sécurité nulle part". Qu'il n'y a aucun refuge. Que la mort peut frapper n'importe où, n'importe quand. Tsahal signale, mardi matin, que soixante objectifs ont encore été touchés au cours de la nuit.
Rafah, au sud de la bande de Gaza, a encore été soumis à des violents bombardements visant principalement les tunnels sous la frontière égyptienne. Des centaines d'habitants ont fui leurs maisons pour tenter de trouver refuge ailleurs. Des dizaines et des dizaines d'habitations ont déjà été détruites jetant davantage de familles à la rue. De violents combats ont encore eu lieu au cours de la nuit à la périphérie de la ville de Gaza. Tsahal progresse de quelques centaines de mètres pour reconnaître le terrain puis les soldats se retirent sur des positions protégées.
"MISSION" NON ACCOMPLIE
Selon une technique depuis longtemps éprouvée, les fantassins utilisent au maximum leur puissance de feu, percent des trous dans les immeubles et progressent à couvert en prenant un maximum de précautions afin d'éviter les pertes, un objectif fondamental afin que l'opinion publique israélienne ne se retourne pas.
Les combattants du Hamas se défendent avec les moyens du bord, évitant les confrontations directes. Ils utilisent les pièges, les mines actionnées à distance et les lance-roquettes. Face à un adversaire suréquipé et doté de moyens techniques modernes, ils utilisent leur connaissance du terrain afin de créer des attaques surprises. Ehoud Barak, ministre de la défense, estime que "la plupart" des objectifs ont été atteints "mais probablement pas tous".
"Notre mission n'est pas terminée", a de son côté ajouté Gaby Ashkenazi, chef d'état-major. Si la capacité du Hamas de lancer des roquettes a été sensiblement réduite, dix-huit tirs ont encore été enregistrés au cours de la journée de mardi. Depuis le 27 décembre, 570 projectiles ont été lancés, faisant quatre morts, dont un soldat. "Nous voulons durcir le coup porté à la branche militaire du Hamas, réduire sa puissance de feu, renforcer notre dissuasion et la sécurité des habitants du sud d'Israël", a expliqué Gaby Ashkenazi devant la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset (Parlement).
Pour ce faire, Tsahal doit pénétrer plus avant dans les villes. Ehoud Barak est réticent à le faire, estimant que l'essentiel des objectifs a été atteint et que franchir une nouvelle étape dans l'opération "Plomb durci" comporte plus de risques que d'avantages. Le ministre de la défense souhaite que les négociations prennent le pas sur les combats et propose même, selon le journal Haaretz, une semaine de trêve afin de pouvoir assister la population de la bande de Gaza. Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères, pense, de son côté, que le coup de massue qui a été porté sur la tête du Hamas est suffisant et qu'il faut maintenir les troupes mobilisées au cas où les islamistes poursuivent leurs tirs sur Israël. Ehoud Olmert, le premier ministre, est convaincu pour sa part qu'il faut poursuivre l'offensive au moins jusqu'à ce que le président élu américain, Barack Obama, soit investi le 20 janvier.
Israël : un premier réserviste condamné pour refus de servir à Gaza, AFP - Yahoo! Actualités.
Un réserviste israélien a été condamné au cachot pour avoir refusé de servir dans la bande de Gaza, pour la première fois depuis le début de l'opération militaire dans le territoire palestinien, a indiqué lundi une organisation locale opposée à l'occupation israélienne.
Agé de 35 ans, ce réserviste d'une unité du génie militaire a été condamné à 14 jours de cachot pour insubordination. Il a expliqué qu'il entendait protester contre la mort de plusieurs centaines de Palestiniens dans l'opération israélienne lancée le 27 décembre, a précisé l'organisation "Ometz lesarev" (le courage de refuser) dans un communiqué.
Un porte-parole de l'armée a pour sa part indiqué que le réserviste avait été condamné à une semaine de prison pour "absence illégale", ne pouvant confirmer sa détention en quartier d'isolement.
Selon le porte-parole, le réserviste a été sanctionné car "il a refusé de se rendre à un stage professionnel pour des raisons personnelles, et cette affaire a été montée en épingle". Le militaire "ne faisait pas partie d'une unité de combat et n'aurait jamais été envoyé à Gaza", a-t-il souligné.
Ometz lesarev encourage les soldats à refuser de servir dans les territoires palestiniens pour ne pas cautionner l'occupation israélienne.
Elle a précisé que depuis le 27 décembre, huit réservistes s'étaient adressés à elle pour obtenir des conseils juridiques.
Sur ces huit, trois ont finalement refusé d'être envoyés à Gaza. Mais deux d'entre eux sont parvenus à un accord à l'amiable avec leur commandant les autorisant à ne pas combattre dans le territoire, selon la même source.
L'offensive israélienne contre le Hamas islamiste a fait plus de 900 morts palestiniens dans la bande de Gaza.
Israël interdit aux partis arabes de se présenter aux prochaines élections, AP - Questions Critiques.
La Commission Centrale Electorale a interdit lundi aux partis arabes de se présenter aux prochaines élections législatives qui auront lieu le mois prochain. Cette mesure a suscité des accusations de racisme de la part d’un député arabe qui a déclaré qu’il contestera cette décision auprès de la Cour Suprême d’Israël.
Cette décision, prise par l’organisme qui supervise les élections, reflétait les tensions accrues entre la majorité juive et la minorité arabe d’Israël, causées par l’offensive d’Israël contre la Bande de Gaza. Les Arabes israéliens ont organisé une série de manifestations contre cette offensive.
Le porte-parole de la Knesset [le parlement israélien], Giora Pordes, a déclaré que la commission électorale avait voté à une écrasante majorité en faveur de cette motion, accusant les partis arabes du pays d’encourager et de soutenir les groupes terroristes et de refuser de reconnaître le droit d’Israël à exister. Les députés arabes ont voyagé dans des pays figurant sur la liste des pires ennemis d’Israël, dont le Liban et la Syrie.
La commission de 37 membres est composée de représentants des principaux partis politiques d’Israël. Cette mesure a été proposée par deux partis ultra-nationalistes, mais elle a reçu un très large soutien.
Cette décision n’affecte pas les députés arabes membres de partis majoritairement juifs ou du parti communiste israélien, dont la liste comprend à la fois des candidats arabes et des candidats juifs. Environ 20% des 7 millions de citoyens israéliens sont des Arabes. Les Arabes israéliens bénéficient de droits civiques intégraux, mais ils sont victimes de discriminations et de pauvreté depuis des décennies.
Les députés arabes Ahmed Tibi et Djamal Zahalka, rivaux politiques qui dirigent les deux blocs arabes de la Knesset, se sont unis pour condamner la décision prise lundi.
« C’est un procès politique mené par un groupe de fascistes et de racistes qui veulent voir la Knesset sans Arabes et qui veulent voir ce pays sans Arabes », a déclaré Tibi.
Ensemble, les listes arabes détiennent sept des 120 sièges de la Knesset.
Tibi a déclaré qu’il ferait appel devant la haute cour, tandis que Zahalka a déclaré que son parti réfléchissait encore à la manière d’agir.
Pordes a fait remarquer que la dernière fois qu’un parti a été interdit était celui du Rabbin Meir Kahane, aujourd’hui décédé, une liste des années 80 qui recommandait l’expulsion des Arabes d’Israël.
Bibliographie Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.
11 janvier 2009
Les crises accélèrent l'Histoire
Les occasions sont rares (mais de moins en moins, après tout…) où l’on peut voir simultanément les événements se presser sur des fronts différents, en une occurrence qui semble être l’Histoire même en train de se faire. Un jour comme ce 9 janvier 2009, avec les nouvelles qui sont publiées, ressemble à une telle occasion, illustrant d’ailleurs une période d’une intensité extraordinaire [...]
Aujourd’hui, 9 janvier 2009, on voit donc l’accélération des événements sur trois fronts différents, dont on sait pourtant qu’ils sont liés entre eux par une extraordinaire intensité et par un rythme insensé des événements qui les caractérisent.
• La crise de Gaza entre dans une phase chaotique, entre les événements sur le terrain et les événements autour des événements sur le terrain. Le constat du jour est que les USA se trouvent dans l’obligation d’accepter une certaine implication à laquelle ils se sont refusés jusqu’ici. Par conséquent, leur “action” est indirecte, fragmentée, faite de réactions officielles improvisées ou d’informations officieuses pressantes. Le vote du Conseil de Sécurité de l’ONU demandant un cessez-le-feu à Gaza, par 14 voix et l’abstention des USA est une illustration de cette situation. [...]
• Parallèlement, le Guardian annonce tenir de bonnes sources que l’administration Obama devrait entreprendre des contacts avec le Hamas à un niveau moyen, chose jusqu’ici absolument proscrite de la politique US. D’une façon très caractéristique, le processus est décrit comme devant se faire selon des normes l’apparentant à un “processus secret”, mais il est annoncé, par l’intermédiaire du Guardian, avec un luxe de détails et de précisions qui fait s’interroger sur la signification du “secret” en question. Les causes avancées concernent autant une volonté de tenter de débloquer la situation que celle de faire rentrer les USA dans une crise dont ils ont été complètement absents.
• Mais il y a sans doute, ou bien évidemment, une autre raison dans cette évolution US. Il s’agit de la situation aux USA, qu’Obama et ses conseillers jugent de plus en plus dramatique, et qui nécessite une mobilisation extrême. Cette mobilisation passe par la nécessité de tenter de contenir les crises extérieures trop pressantes, notamment celle de Gaza ; et l’équation actuelle, notamment les positions internationales de plus en plus affirmées de malaise ou d’hostilité devant l’action d’Israël, implique éventuellement les ouvertures qu’on a vues. Quoi qu’il en soit, il y a aussi, aux USA, dans l’évaluation qu’on fait de la crise économique, une accélération et une dramatisation sans précédent. Obama parle désormais d’une “catastrophe économique” si des décisions ne sont pas prises dans les semaines qui viennent, voire dans les jours qui suivront son inauguration. L’atmosphère commence à ressembler effectivement à celle de l’inauguration de FDR le 5 mars 1933.
• La “crise du gaz” en Europe, entre l’Ukraine et la Russie avec des effets directs extrêmement sévères en Europe devient, elle aussi, dramatique et pressante, quelles qu’en soient les orientations. La Russie et l’Ukraine étant en désaccord commercial, le gaz russe vers l’Europe passant notamment par l’Ukraine, la Russie accusant l’Ukraine de prélever du gaz pour elle-même alors que la Russie ne veut plus lui en livrer, – tout cela a conduit à la décision russe de couper tous leurs envois à et par l'Ukraine (dont ceux pour l’Europe). Il fait froid et nombre de pays européens sont en difficultés. La Commission européenne va envoyer des observateurs en Ukraine (avec l'accord des Russes) pour enquêter sur la situation et déterminer les responsabilités. L’OTAN se réunit et annonce qu’il faut faire quelque chose, qu’elle va faire quelque chose…
On bouche les voies d’eau comme on peut
[...] Tous ces événements (Gaza, Obama, le gaz russe) pourraient être perçus comme n’ayant guère de liens directs entre eux, sauf qu’ils ont l’essentiel en commun, qui est le rythme justement, qui nous est imposé. On peut s’acharner à tenter de comprendre ces crises, c’est-à-dire les causes profondes, les intentions cachées, les manigances ; y arriverait-on, grâce à notre imagination prolixe pour trouver des plans et des manigances diverses, qu’on n’y aurait encore rien compris du tout. Ce qu’il importe de saisir et de mesurer, c’est le rythme des choses, qui passe par ce qui est commun à toutes ces crises, qui est la déstabilisation générale et commune, intervenue avec les événements de l’automne 2008, de situations diverses déjà très déstabilisées elles-mêmes. A ce moment-là, seulement, touche-t-on la substance de la chose, qui fait que ces crises sont différentes de ce qu’elles sont en général, – disons “de ce qu’elles sont d’habitude”, si ce terme d’“habitude” n’était un peu contradictoire avec ce qu’est une crise en général.
C’est pourtant le cas. La “turbo-crise” rend toutes les autres crises, les crises sectorielles, régionales, etc., complètement inhabituelles. Pour cette raison, il est vain de vouloir les comprendre pour ce qu’elles sont d’habitude, avec le risque en plus de partir sur des chemins de traverse passant par les spéculations si tentantes pour l’esprit à propos des manigances, des manœuvres secrètes, des plans mystérieux et grandioses qui ne se réalisent jamais là où on les attend, etc. Si les USA font ce qui semble être des concessions par rapport à leur politique rigide pro-israélienne, c’est moins parce qu’ils ont des intentions, voire un “plan” quelconque, que parce qu’ils sentent, Obama et Bush unis à cet égard, que la situation leur échappe complètement. Les projets d’Obama de “parler” au Hamas font partie de la séquence: on lance un “ballon d’essai” pour tenter de reprendre la main, – mais moins, beaucoup moins, pour un but régional précis (disons offensif) que pour tenter de stabiliser le front du Moyen-Orient en paraissant y être à nouveau présent, et ainsi réduire cette pression extérieure ; parce que, pour ce cas précis, ce qui importe est la situation intérieure US, la crise économique et psychologique catastrophique, et qu’Obama veut y disposer du maximum de liberté d’action. Même si “parler avec le Hamas” paraît révolutionnaire par rapport au courant habituel, c’est en fait une mesure plutôt stabilisatrice pour sortir d’une position radicale pro-israélienne qui tend à devenir intenable pour les USA, par rapport à leur statut général dans le monde et à leur situation de crise intérieure. On conviendra aussi et surtout que c’est mettre un évidence le lien entre tous ces événements, et ce lien est le rythme de la “turbo-crise”.
On raisonne trop, en raisonnant de façon compartimenté pour chaque crise, comme si les acteurs avaient les mains libres, pour notamment suivre leur plan secret, – puisqu’il paraît qu’ils en ont. La réalité est que nous sommes tous sur la défensive, pressés, bousculés, baladés par la “turbo-crise”. Le temps des neocons et de leur délire halluciné est passé. Nous en sommes, aujourd’hui, à tenter de boucher les voies d’eau qui se déclarent partout, prisonniers du rythme de la “turbo-crise” que notre système a enfantée.
Publié par dedefensa.
Aujourd’hui, 9 janvier 2009, on voit donc l’accélération des événements sur trois fronts différents, dont on sait pourtant qu’ils sont liés entre eux par une extraordinaire intensité et par un rythme insensé des événements qui les caractérisent.
• La crise de Gaza entre dans une phase chaotique, entre les événements sur le terrain et les événements autour des événements sur le terrain. Le constat du jour est que les USA se trouvent dans l’obligation d’accepter une certaine implication à laquelle ils se sont refusés jusqu’ici. Par conséquent, leur “action” est indirecte, fragmentée, faite de réactions officielles improvisées ou d’informations officieuses pressantes. Le vote du Conseil de Sécurité de l’ONU demandant un cessez-le-feu à Gaza, par 14 voix et l’abstention des USA est une illustration de cette situation. [...]
• Parallèlement, le Guardian annonce tenir de bonnes sources que l’administration Obama devrait entreprendre des contacts avec le Hamas à un niveau moyen, chose jusqu’ici absolument proscrite de la politique US. D’une façon très caractéristique, le processus est décrit comme devant se faire selon des normes l’apparentant à un “processus secret”, mais il est annoncé, par l’intermédiaire du Guardian, avec un luxe de détails et de précisions qui fait s’interroger sur la signification du “secret” en question. Les causes avancées concernent autant une volonté de tenter de débloquer la situation que celle de faire rentrer les USA dans une crise dont ils ont été complètement absents.
• Mais il y a sans doute, ou bien évidemment, une autre raison dans cette évolution US. Il s’agit de la situation aux USA, qu’Obama et ses conseillers jugent de plus en plus dramatique, et qui nécessite une mobilisation extrême. Cette mobilisation passe par la nécessité de tenter de contenir les crises extérieures trop pressantes, notamment celle de Gaza ; et l’équation actuelle, notamment les positions internationales de plus en plus affirmées de malaise ou d’hostilité devant l’action d’Israël, implique éventuellement les ouvertures qu’on a vues. Quoi qu’il en soit, il y a aussi, aux USA, dans l’évaluation qu’on fait de la crise économique, une accélération et une dramatisation sans précédent. Obama parle désormais d’une “catastrophe économique” si des décisions ne sont pas prises dans les semaines qui viennent, voire dans les jours qui suivront son inauguration. L’atmosphère commence à ressembler effectivement à celle de l’inauguration de FDR le 5 mars 1933.
• La “crise du gaz” en Europe, entre l’Ukraine et la Russie avec des effets directs extrêmement sévères en Europe devient, elle aussi, dramatique et pressante, quelles qu’en soient les orientations. La Russie et l’Ukraine étant en désaccord commercial, le gaz russe vers l’Europe passant notamment par l’Ukraine, la Russie accusant l’Ukraine de prélever du gaz pour elle-même alors que la Russie ne veut plus lui en livrer, – tout cela a conduit à la décision russe de couper tous leurs envois à et par l'Ukraine (dont ceux pour l’Europe). Il fait froid et nombre de pays européens sont en difficultés. La Commission européenne va envoyer des observateurs en Ukraine (avec l'accord des Russes) pour enquêter sur la situation et déterminer les responsabilités. L’OTAN se réunit et annonce qu’il faut faire quelque chose, qu’elle va faire quelque chose…
On bouche les voies d’eau comme on peut
[...] Tous ces événements (Gaza, Obama, le gaz russe) pourraient être perçus comme n’ayant guère de liens directs entre eux, sauf qu’ils ont l’essentiel en commun, qui est le rythme justement, qui nous est imposé. On peut s’acharner à tenter de comprendre ces crises, c’est-à-dire les causes profondes, les intentions cachées, les manigances ; y arriverait-on, grâce à notre imagination prolixe pour trouver des plans et des manigances diverses, qu’on n’y aurait encore rien compris du tout. Ce qu’il importe de saisir et de mesurer, c’est le rythme des choses, qui passe par ce qui est commun à toutes ces crises, qui est la déstabilisation générale et commune, intervenue avec les événements de l’automne 2008, de situations diverses déjà très déstabilisées elles-mêmes. A ce moment-là, seulement, touche-t-on la substance de la chose, qui fait que ces crises sont différentes de ce qu’elles sont en général, – disons “de ce qu’elles sont d’habitude”, si ce terme d’“habitude” n’était un peu contradictoire avec ce qu’est une crise en général.
C’est pourtant le cas. La “turbo-crise” rend toutes les autres crises, les crises sectorielles, régionales, etc., complètement inhabituelles. Pour cette raison, il est vain de vouloir les comprendre pour ce qu’elles sont d’habitude, avec le risque en plus de partir sur des chemins de traverse passant par les spéculations si tentantes pour l’esprit à propos des manigances, des manœuvres secrètes, des plans mystérieux et grandioses qui ne se réalisent jamais là où on les attend, etc. Si les USA font ce qui semble être des concessions par rapport à leur politique rigide pro-israélienne, c’est moins parce qu’ils ont des intentions, voire un “plan” quelconque, que parce qu’ils sentent, Obama et Bush unis à cet égard, que la situation leur échappe complètement. Les projets d’Obama de “parler” au Hamas font partie de la séquence: on lance un “ballon d’essai” pour tenter de reprendre la main, – mais moins, beaucoup moins, pour un but régional précis (disons offensif) que pour tenter de stabiliser le front du Moyen-Orient en paraissant y être à nouveau présent, et ainsi réduire cette pression extérieure ; parce que, pour ce cas précis, ce qui importe est la situation intérieure US, la crise économique et psychologique catastrophique, et qu’Obama veut y disposer du maximum de liberté d’action. Même si “parler avec le Hamas” paraît révolutionnaire par rapport au courant habituel, c’est en fait une mesure plutôt stabilisatrice pour sortir d’une position radicale pro-israélienne qui tend à devenir intenable pour les USA, par rapport à leur statut général dans le monde et à leur situation de crise intérieure. On conviendra aussi et surtout que c’est mettre un évidence le lien entre tous ces événements, et ce lien est le rythme de la “turbo-crise”.
On raisonne trop, en raisonnant de façon compartimenté pour chaque crise, comme si les acteurs avaient les mains libres, pour notamment suivre leur plan secret, – puisqu’il paraît qu’ils en ont. La réalité est que nous sommes tous sur la défensive, pressés, bousculés, baladés par la “turbo-crise”. Le temps des neocons et de leur délire halluciné est passé. Nous en sommes, aujourd’hui, à tenter de boucher les voies d’eau qui se déclarent partout, prisonniers du rythme de la “turbo-crise” que notre système a enfantée.
Publié par dedefensa.