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9 mars 2010

Ce que soulève la jupe


Christine BARD, Ce que soulève la jupe - Identités, transgressions, résistances, Autrement, 2010 [Du grain à moudre - L'Express - Le Temps - Radios Chrétiennes Francophones].
Une brève histoire de la jupe depuis les années 1960 par une historienne féministe. Du tailleur à la jupe punk, de la minijupe au kilt, séduire, provoquer ou se cacher, Christine Bard réfléchit à cet attribut controversé de la féminité, et à la revendication d'une nouvelle liberté pour les hommes. Alors que la jupe a longtemps été subie et vécue comme l'attribut d'une féminité imposée (puisque le pantalon était interdit aux femmes), elle a été reconquise, par les femmes, mais aussi par les hommes, homos ou hétérosexuels.

Nouvel étendard de féminité pour les uns, instrument de libération pour d'autres. Les positions de Ni Putes ni soumises, l'initiative du Printemps de la jupe et du respect, le film, La journée de la jupe, avec Isabelle Adjani, tous ces éléments révèlent des ambivalences radicales : la jupe est-elle forcément le signe de la soumission à l'ordre masculin ? Peut-elle aussi être un attribut de féminité reconquise ? Pour résister à la stigmatisation et au sexisme, pourquoi certaines filles choisissent-elles la jupe, quand d'autres préfèrent le pantalon, et d'autres encore le voile ? Et que dire de la jupe pour hommes, telle que la propose par exemple Jean-Paul Gautier ? Provocation pure et simple, ou désir d'égalité entre les sexes ? A l'évidence, la jupe et les questions vestimentaires sont au cœur des débats sur les identités de genre, pour une nouvelle génération : les enfants et petits-enfants de 68, garçons et filles, hétéro, homo ou transgenres.


Radios Chrétiennes Francophones
Dans les années 1970, les féministes jetèrent aux orties jupe et soutien-gorge symboles de la domination masculine. Pour être jeune, moderne, affranchie, libre dans son corps et l'égale de l'homme, il fallait porter le pantalon.

Dans les années 2000, les féministes défendent jupe et string, symboles de leur combat contre l'obscurantisme des hommes. La jupe est devenue un manifeste «anti-burqa».

Je suis très fière d'être en jupe devant vous ce soir. Fière car cette jupe est un manifeste qui, plus que jamais, doit être porté. Cette jupe, c'est celle que portent des milliers de jeunes filles et de femmes pour affirmer qu'elles refusent que l'on confonde l'islam avec l'aliénation et l'assujettissement des femmes.
Une jupe, ce n'est qu'un bout de tissu, mais qu'elle soit courte ou longue, son symbole peut nous aider à gagner une bataille contre l'obscurantisme. Et même contre ce qu'il faut bien appeler la haine des femmes. Alors, cette jupe, c'est justement l'anti-niqab, l'anti-burqa.
09/02/2010, Message d'Isabelle Adjani au jury des Globes de Cristal à propos de son rôle dans La journée de la jupe.
Aujourd'hui comme hier, les féministes rendent les hommes responsables de tout, y compris de leurs retournements idéologiques. Les féministes prétendent toujours parler au nom de toutes femmes sans donner la parole à celles qui dérangent comme l'Afghane Malalaï Joya.

Brice Couturier, porte-parole des "idiots utiles du racisme", a présenté en ces termes le livre de Christine BARD :
Le sait-on assez en ces temps où l'espace public est saturé de «niqab» et de «burqa» ? Le mot «jupe» vient du mot arabe «djoubba» qui désigne une sorte de robe que le prophète aurait portée, quelque chose comme la «veste du dessous».
Ironie des étymologies car aujourd'hui la jupe et le «niqab» non seulement ont oublié leur origines communes mais se croisent sans se fréquenter. Il serait facile de dépeindre le champ du féminisme français en ce début de 20ème siècle comme une bataille rangée entre les tenants du droit à porter la jupe et ceux du droit à porter le voile.
Ironie de l'histoire maintenant, la jupe a longtemps été décriée pour être un indice de soumission au désir masculin.
Aussi le renversement actuel est-il bien étonnant : le retour d'un certain sexisme dans les cours de récré comme en bas des immeubles enjoint parfois les jeunes femmes à se couvrir les jambes. Pour ne pas prêter le flanc aux moqueries ou aux affronts, mieux vaut éviter les signes de féminité qui vous désigneraient comme une «fille facile».
Du grain à moudre
L'organisation Lutte Ouvrière, qui n'a toujours pas fait le bilan de la faillite du trotskysme, soutient activement le projet de loi contre la burqa en reprenant à son compte les arguments sécuritaires du gouvernement et les arguments féministes de Ni Putes ni soumises [1].

Alors que se construit jour après jour un racisme post-colonial politiquement correct, il est urgent d'écouter d'autres voix :
Les droits des femmes, chèrement conquis par des vagues successives de féminisme, sont en danger ; et l'on voit soudain politiques, intellectuels et associations laïques brandir un drapeau féministe qui n'avait pas semblé, jusque là, figurer au centre de leurs préoccupations [2]. Même l'extrême droite découvre soudain que l'égalité entre les sexes est une des «valeurs fondamentales» de nos sociétés. Celle-ci sert alors trop souvent de prétexte pour stigmatiser des populations étrangères et défavorisées décidément incapables de «s'intégrer».

[...] pour ces nouveaux croisés, la menace ne saurait venir que de l'extérieur, de ces «autres» qui refusent à leurs femmes les libertés obtenues par les femmes occidentales.

Et encore, il ne s'agit pas de n'importe quels «autres» : on ne parle nullement de protéger les droits des nettoyeuses surexploitées, ni des aides-soignantes venues d'Europe de l'Est, d'Afrique ou d'Asie pour s'occuper de nos malades, de nos personnes âgées, à des conditions dont ne veulent plus les femmes belges ; ni même, tant qu'à parler de pressions religieuses, des femmes juives orthodoxes ou des chrétiennes chaldéennes qui peuvent continuer à se faire opprimer dans leurs familles, leur communauté, du moment qu'elles ne nous interpellent pas dans l'espace commun. Non, le danger vient de ces jeunes filles qui prétendent réussir à l'école, faire des études supérieures, travailler et partager notre espace commun – mais avec un foulard sur la tête, devenu soudain le signe de toutes les oppressions [3].

[...] certaines de ces autres femmes, venues d'ailleurs – que ce soit géographiquement ou culturellement – se revendiquent «féministes» tout en contestant une vision purement occidentale et ses prétentions à l'universalisme.

Dans nos pays développés, la vague féministe des années 1970 a été principalement portée par des femmes blanches, de classes moyennes et supérieures. Le mouvement des femmes s'est construit à partir de leur vécu, de leurs besoins et de leurs revendications. Mais voilà que depuis une dizaine d'années, l'hégémonie du mouvement féministe dominant se voit contestée par des groupes de femmes d'origine étrangère qui critiquent ce modèle d'émancipation dominant et contestent les définitions du bon combat et de la bonne stratégie féministes. Plus interpellant encore, elles dénoncent les rapports de domination à l'intérieur même du mouvement féministe et reprochent au mouvement occidental sa prétention à parler au nom de toutes les femmes – tout comme, il y a quarante ans, les féministes reprochaient aux hommes leur prétention à parler au nom de toute l'humanité.

Féminisme et multiculturalité - Entre malaise et défis, Politique n°63, Février 2010.
08/03/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Dossier documentaire & Bibliographie Masculin-Féminin, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Vêtement, Monde en Question.

[1] La mission parlementaire sur le port du voile intégral a rendu son rapport, qui préconise le vote d'une résolution condamnant le port de la burqa ainsi qu'une loi interdisant de «dissimuler son visage» dans les services publics (administrations, hôpitaux, sorties d'écoles, transports...). Et de fait, cela ne semble pas une mesure extraordinaire que de demander à quelqu'un d'entrer dans des services publics à visage découvert. Même les banques obligent leurs clients à le faire !
Lutte Ouvrière n°2165 du 30 janvier 2010.
[2] On ne les voit guère, par exemple, dans la mobilisation de la Marche mondiale des femmes qui connaîtra sa troisième édition en mars 2010, sur le thème de la pauvreté et des violences.
[3] C'est précisément parce que ce sont les femmes de culture musulmane qui posent le plus de questions au féminisme européen (tandis que le féminisme américain est davantage interpellé par les «black feminists») que nous leur avons donné une place privilégiée dans ce dossier.

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