Ah ils nous en ont fait avaler des couleuvresCette chanson répondit, en 1980, au «bilan globalement positif» de l'URSS défendu par Georges Marchais, secrétaire général du PCF.
De Prague à Budapest de Sofia à Moscou
Les staliniens zélés qui mettaient tout en œuvre
Pour vous faire signer les aveux les plus fous
Vous aviez combattu partout la bête immonde
Des brigades d'Espagne à celles des maquis
Votre jeunesse était l'histoire de ce monde
Vous aviez nom Kostov ou London ou Slansky
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Ah ils nous en ont fait applaudir des injures
Des complots déjoués des dénonciations
Des traîtres démasqués des procès sans bavures
Des bagnes mérités des justes pendaisons
Ah comme on y a cru aux déviationnistes
Aux savants décadents aux écrivains espions
Aux sionistes bourgeois aux renégats titistes
Aux calmniateurs de la révolution
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Ah ils nous en ont fait approuver des massacres
Que certains continuent d'appeler des erreurs
Une erreur c'est facile comme un et deux font quatre
Pour barrer d'un seul trait des années de terreur
Ce socialisme était une caricature
Si les temps on changé des ombres sont restées
J'en garde au fond du coeur la sombre meurtrissure
Dans ma bouche à jamais le soif de vérité
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
Mais quand j'entends parler de « bilan » positif
Je ne peux m'empêcher de penser à quel prix
Et ces millions de morts qui forment le passif
C'est à eux qu'il faudrait demander leur avis
N'exigez pas de moi une âme de comptable
Pour chanter au présent ce siècle tragédie
Les acquis proposés comme dessous de table
Les cadavres passés en pertes et profits
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui
C'est un autre avenir qu'il faut qu'on réinvente
Sans idole ou modèle pas à pas humblement
Sans vérité tracée sans lendemains qui chantent
Un bonheur inventé définitivement
Un avenir naissant d'un peu moins de souffrance
Avec nos yeux ouverts et grands sur le réel
Un avenir conduit par notre vigilance
Envers tous les pouvoirs de la terre et du ciel
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd'hui.
Que dire ? C'est triste, bien sûr, mais tous les morts étant des braves types, faut-il pour autant entonner les canons de la renommée ? On entend, depuis trois heures sur les radios francophones, en méconnaissance totale des prédécesseurs, «le grand parmi les grands», «le monstre sacré», «un des derniers géants» qui s'en est allé. C'est trop.Écouter aussi :
Nicolas Sarkozy, avec son élégance lexicale, a parlé de l'«intransigeance» face aux standards commerciaux. Pour une fois, on sera d'accord avec lui, même si l'art de la récupération n'a pas de limites en un week-end électoral. Pour le président français, c'est sans aucun doute un euphémisme pour parler de l'engagement communiste cher à cet emphatique de la langue et de la voix, aux idées souvent carrées.
Le Temps
Lire aussi : Jean Ferrat est mort, Le Temps
Commentaires : Cet hommage contrasté vaut mille fois mieux que l'article de l'odieux anti-communiste Pierre Haski dans Rue89. Car, contrairement à ce que sous-entend sournoisement le titre «le PCF perd sa plus belle voix», Jean Ferrat n'a jamais appartenu au PCF.
• 15/03/2010, Hommage à Jean Ferrat, Là-bas si j'y suis.
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Lire aussi :
• 21/03/2010, Hommage : Jean Ferrat chante « À la une », Acrimed.
• 15/03/2010, Jean Ferrat, contre l’« industrie culturelle », Le Monde diplomatique.
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