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14 décembre 2010

Robin des bois


Selon la légende, Robin des bois était un gentilhomme qui volait les riches pour donner aux pauvres. La légende devint un mythe populaire, très vivace jusqu'à nos jours, qui engendra d'autres héros - archétypes de justiciers - comme Zorro ou Batman.

La légende fut construite à partir du XVe siècle d'abord par transposition de récits oraux puis par remaniements successifs des récits précédents. Ainsi, le vulgaire bandit, qui détrousse les riches pour son propre compte, se transforma au fil du temps en en noble dépossédé volant les riches pour donner aux pauvres.

La légende atteignit son apogée au XIXe siècle avec Ivanhoé, le roman de Walter Scott dans lequel le bandit de grands chemins en vient à incarner la résistance du peuple d’Angleterre contre l’oppression de la noblesse normande. Au XXe siècle, la figure du justicier s'incarna dans d'autres personnages qui, selon une logique classique, dénatura le mythe en le prolongeant.

Curieusement la version des studios Disney de 1973 met en scène un Robin des bois à l'image du renard, personnage filou et retors, très proche du Roman de Renart médiéval, qui fut une critique sociale de la noblesse par la jeune bourgeoisie des XIIe et XIIIe siècles.


Ridley Scott, Robin des bois, Universal Pictures, 2010

L'interprétation du personnage que donne Ridley Scott, qui reprend les premiers récits, ne manque pas d'intérêt [1]. Robin Hood (littéralement "voleur encagoulé"), un homme du peuple - modeste archer - est un arriviste, qui, grâce à un concours de circonstances, usurpe l'identité d'un noble baron et aide le roi Jean à bouter les Français hors d'Angleterre. Contrairement à la légende, Robin mobilise les pauvres pour sauver les riches : pour sauver la patrie en danger il n'y a plus ni riches ni pauvres car "contre les Français nous sommes tous Anglais".

C'est avec le même vocabulaire nationaliste, au nom de l'ennemi près, que les puissances européennes mobilisèrent des millions de paysans et d'ouvriers, grâce au soutien des socialistes, pour participer "la fleur au fusil" à la première boucherie interethnique du XXe siècle (environ 20 millions de morts). Cette Union sacrée, réalisée en 1914, sera renouvelée avec le même enthousiasme (50 à 60 millions de morts) en 1939 [2].

12/12/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• Légende
- BibliObs
- Suite 101
- Wikipédia
• Film
- AlloCiné - Autres films et séries TV
- Critikat
- Excessif
- Le Figaro
- Le Monde
- Les Inrocks
- NouvelObs
- Rue89
- Suite 101
- Télérama

[1] Intérêt politique s'entend car la réalisation cinématographique n'est pas toujours à la hauteur de cette mise à nue de la légende. Les inexactitudes historiques, que des critiques ont justement relevées, font perdre aussi de la force à l'histoire contée par Ridley Scott.
[2] Jean GALTIER-BOISSiÈRE, La fleur au fusil, Éditions Baudinière, 1928 réédition Mercure de France, 1980 [Passion & Compassion 1914-1918].
Cet ouvrage parle de la première guerre mondiale et y décrit entre autres ces soldats qui, en 1914, partaient à la guerre avec insouciance vers ce qu'on leur avait présenté comme une promenade de santé, en étant persuadés que la chose serait de très courte durée et sans risques.
Il y écrit en effet : « Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n'avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre. Ils ne voyaient la bataille qu'à travers des chromos patriotiques. […] Persuadés de l'écrasante supériorité de notre artillerie et de notre aviation, nous nous représentions naïvement la campagne comme une promenade militaire, une succession rapide de victoires faciles et éclatantes. »
Lire sur ce thème :
• Serge LEFORT, Le Kirghizistan construit par les médias, Monde en Question.
• Serge LEFORT, La justice sociale face au marché, Monde en Question.
• Articles Guerre 1914-1918, Monde en Question.

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