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5 février 2010

Le Monde, agent de propagande


Le 24 juin 2009, Le Monde publiait ces quatre photos de l'AFP, accompagnées de commentaires de la rédaction, et titrait Les différents types de voile musulman. Le 3 février 2010, Le Monde publie les mêmes photos, accompagnées des mêmes commentaires et avec le même titre. La réédition d'un document non modifié permet à la rédaction de confirmer son point de vue... à moindre frais.

Les commentaires du Niqab, de la Burqa et du Tchador sont descriptifs : vêtement et zone géographique où il est porté. Le commentaire du Hijab est performatif : le hijab serait "la tenue conforme aux principes de l'islam". Ainsi Le Monde prétend que, selon les principes de l'islam, les musulmanes doivent sortir voilées et que, comme le signifie le titre, le voile est musulman !

Plusieurs remarques s'imposent :
Le terme voile est polysémique car il s'agit d'un vêtement qui couvre plus ou moins le corps et/ou plus ou moins le visage selon la région considérée. Cette variabilité montre déjà que le principe, prétendument immuable, ne l'est pas. Elle montre aussi que des facteurs culturels, autres que religieux, pèsent dans le port de ce type de vêtement.

Les commentaires taisent le paramètre quantitatif. Combien de femmes, musulmanes, portent le tchador en Iran ? Le Monde reste dans un flou suspect en écrivant "de nombreuses femmes". Des femmes non musulmanes portent-elles le tchador en Iran ? Question qu'aucun journaliste des médias dominants ne se pose préférant répéter inlassablement leur paranoïa sur le monde arabo-musulman.

Qu'en est-il dans les autres pays ? Le document passe sous silence la tenue vestimentaire de la majorité des musulmanes dans le monde. Qu'en est-il des musulmanes qui vivent en Indonésie, pays comptant le plus grand nombre de musulmans au monde ? Il est vrai que décrire une réalité contrastée n'est pas vendeur.

Enfin, cette infographie insinue que l'islam serait une religion condamnable parce qu'elle imposerait le port d'un voile à ses adeptes voire à toutes femmes. C'est naturellement faux et c'est oublier un peu vite ce que le catholicisme a imposé non seulement à ses fidèles (plus ou moins consentants) mais aussi à tous les convertis par la force dans les colonies aux Amériques, en Afrique et en Asie.

À partir d'exemples non quantifiés et limités à certains pays, comme par hasard l'Afghanistan et l'Iran, Le Monde nous assène une loi qui n'en est pas une. En jouant sur le choc de photos choisies à dessein, Le Monde poursuit le vieux projet colonialiste d'imposer les normes occidentales aux autres peuples [1].

Le Monde, agent de propagande du néo-colonialisme, se garde bien de rappeler à ses lecteurs que la République, celle de Jules Ferry, de Léon Blum et de Guy Mollet, a refusé d'accorder la citoyenneté aux populations conquises et leur a appliqué le Code de l'indigénat c'est-à-dire la loi coranique : «L'indigène musulman est français ; néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane». Aboli en 1946, le Code de l'indigénat perdurera en Algérie jusqu'à l'Indépendance en 1962 [2].

Serge LEFORT
Citoyen du Monde exilé au Mexique

Lire aussi :
• Irène KAUFER, Ni burqa ni photoshop, Politique.
• Revue de presse Voile (2004), Monde en Question.
• Revue de presse Burqa (2009), Monde en Question.
• Bibliographie Voile & Burqa, Monde en Question.
• Bibliographie Colonialisme, Monde en Question.

[1] Après le deuxième voyage de Christophe Colomb à Haïti à la fin de 1493, il ne s'agit plus d'exploration aventureuse, mais d'occupation armée de l'île rebaptisée Hispaniola. L'arrivée d'une armada de dis-sept navires avec douze à quinze cents hommes marque l'acte inaugural d'une colonisation européenne qui va bientôt s'abattre sur tout le continent américain. Et qui se distingue d'emblée par sa violence sans limites contre les peuples envahis qu'elle entend contraindre à produire ce qu'exige le colonisateur. Dès son premier voyage, Colomb en avait tracé le programme. Les naturels de l'île, écrivait-il, «sont donc propres à être commandés et à ce qu'on les fasse travailler, semer et mener tous autres travaux qui seraient nécessaires, à ce qu'on leur enseigne à aller vêtus et à prendre nos coutumes».
Christophe COLOMB, La découverte de l'Amérique, La Découverte, 1979.
Marc FERRO, Le livre noir du colonialisme, Pluriel Laffont, 2003.
[2] Références :
• Un code pour les indigènes, LDH-Toulon
• Le code de l'indigénat dans l'Algérie coloniale, LDH-Toulon
• Indigénat, Wikipédia

3 février 2010

Deux impasses de la psychanalyse


Depuis le 1er janvier 2010, l'oeuvre de Freud est tombée dans le domaine public, provoquant une avalanche de rééditions qui n'ajoutent rien à la compréhension de son œuvre car elles ne s'accompagnent pas de données nouvelles. On assiste à l'obscène de la production éditoriale, «machine à fabriquer des saucisses» (Erich Von Stroheim à propos des producteurs de Hollywood), cautionnée par les psychanalystes pour maintenir leur propre business.

La critique de la psychanalyse fait souvent l'impasse sur le continent noir du modèle théorique de la sexualité humaine.
En écrivant que «l'homme a un instinct sadique, et la femme un instinct masochiste», Freud a alimenté les fantasmes de nombreux féministes alors que, de son propre aveu, «Après trente ans passés à étudier la psychologie féminine, je n'ai toujours pas trouvé de réponse à la grande question : Que veulent-elles au juste ?» [1].

La critique de la psychanalyse fait aussi souvent l'impasse sur la structuration sectaire de la Société psychanalytique que Freud créa à Vienne et qu'il contrôla d'une main de fer pendant trente ans [2].
Dans une lettre inédite de 1912, publiée par Marinelli et Mayer, le psychiatre suisse Alphonse Maeder écrit à Freud : "Je remarque depuis quelque temps que nous en venons progressivement à nous constituer en véritable secte."
L'Express
La première impasse n'a été résolu ni par les disciples de Freud ni par les féministes tous genres confondus. Cette impasse est d'ordre philosophique et, à ce titre, liée aux héritages grec et judéo-chrétien de la civilisation occidentale que la psychanalyse n'a jamais remis en cause.
Il est symptomatique que les chinois se passent du recours à la psychanalyse que certains croient universelle, concept qui va si peu de soi qu'il est prescriptif. Cet écart de la pensée est aussi un écart du langage. Pour dire chose, le chinois dit est-ouest. Quand nous parlons de l'être, les chinois parlent d'une relation des opposés [3].

La deuxième impasse fut perpétuée par les disciples de Freud, dont Lacan est l'exemple caricatural mais non unique. Il est curieux que la psychanalyse soit totalement passée à côté des relations de domination au sein des organisations.
Robert Michels, sociologue allemand, a pourtant publié en 1911 au moment où Freud structurait la psychanalyse autour de sa personne, un ouvrage qui décortique le processus de captation du pouvoir par une minorité, voire par un chef inamovible [4].

Les fidèles de Freud ne reculent devant rien, même pas au recours de comparaisons abjectes, pour discréditer les critiques de leur Maître :
Il est des mots qu'il est interdit de prononcer. Il est des actes qui n'auraient jamais dû se produire. Qu'un jeune nazi, emporté par sa fougue, ait pu dire un jour : «pour la noblesse de l'âme humaine, je jette au feu les écrits de Freud». Et bien, une telle vocifération suivie d'un tel geste scandaleux devrait nous guérir à jamais de la tentation de l'anti-freudisme primaire. [...] La destruction de l'esprit par la «novlangue» nazie n'est plus à l'ordre du jour, mais la négation de l'impact de Freud et du mouvement freudien sur la culture européenne demeure une tentation pour les esprits les plus avertis.
La Fabrique de l'humain - France Culture
Serge LEFORT
Citoyen du Monde exilé au Mexique

Lire aussi :
• FREUD Sigmund, Wikipédia.
• BOURDIN Dominique, La psychanalyse de Freud à aujourd'hui - Histoire, concepts, pratiques, Bréal, 2007 [BooksGoogle].

• Critique de la psychanalyse, Wikipédia.
• BOUVERESSE-QUILLIOT Renée et QUILLIOT Roland, Les critiques de la psychanalyse, QSJ n°2620 PUF, 1991.
• MEYER Catherine Meyer (sous la direction de, Le Livre noir de la psychanalyse - Vivre, penser et aller mieux sans Freud, Les Arènes, 2005 [Wikipédia].
ROUSTANG François, Feuilles oubliées, feuilles retrouvées, Payot, 2009 [L'Express - Libération].

[1] Sélection bibliographique :
• 12/07/2001, ROSE Anne, La femme un continent noir ?, Hommes et Faits.
• 2008, GINÉSY Pierre, «Entendre ce qui est sans voix» - le continent noir de la psychanalyse, École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses.
[2] Sociétés psychanalytiques :
• 1908, Société psychanalytique de Vienne, Wikipédia.
• 1910, International Psychoanalytical Association, Wikipédia.
• 1926, Société psychanalytique de Paris, Wikipédia - Site.
[3] Lire :
• CORNAZ Laurent et MARCHAISSE Thierry (sous la direction de), L'indifférence à la psychanalyse - Sagesse du lettré chinois, désir du psychanalyste, PUF, 2004.
Dossier documentaire & Bibliographie François JULLIEN, Monde en Question.
[4] MICHELS Robert, Les partis politiques - Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Flammarion, 1914 et 1971 - Université de Bruxelles, 2009 [Amazon - Bibliothèque de l'école des chartes - Multitudes].
Lire aussi :
• LEFORT Claude, Eléments d'une critique de la bureaucratie, Tel Gallimard, 1979.
• CASTORIADIS Cornelius, L'institution imaginaire de la société, Seuil, 1975 et 2006
Dossier documentaire & Bibliographie Socialisme ou Barbarie, Monde en Question.

2 février 2010

Aux sources de l'islamogauchisme


Laurent LÉVY, «La gauche», les Noirs et les Arabes, La Fabrique, 2010 [Du grain à moudre - France Culture - LMSI].

La loi sur le foulard à l'école, les émeutes de novembre 2005 dans les banlieues françaises, l'Appel des Indigènes de la République : autant d'événements où sont apparus des clivages graves dans ce qu'on appelle « la gauche » - qu'il s'agisse de l'ex-LCR, du Parti communiste, des Verts ou des anarchistes. Dans tous ces groupes et partis, on trouve des fondamentalistes de la laïcité, des « républicains », des féministes institutionnelles qui crient aux valeurs bafouées ou au communautarisme.

Laurent Lévy décode le racisme et la haine de l'islam dissimulés derrière chacun de ces discours. Il décrit le combat de la jeunesse populaire postcoloniale : les « islamogauchistes », le collectif « Une école pour toutes et tous », les Indigènes.

Un livre qui fera grincer bien des dents mais qui défend l'égalité de n'importe qui avec n'importe qui - valeur républicaine après tout.

Laurent Lévy présentera son livre :
• Vendredi 5 février à 20h à la librairie Envie de Lire (16 rue Gabriel Péri, 94200 Ivry sur Seine),
• Jeudi 25 février à 19h à la librairie Terre des livres (86 rue de Marseille, 69007 Lyon),
• Samedi 27 février à 17h30 à la librairie Résistances (4 Villa Compoint, 75017 Paris, Métro Guy Môquet).
Démosphère - Le Monde diplomatique

Articles de Laurent Lévy :
Mouvements
Oumma.com

Lire aussi :
Laurent Levy, caricature d’un anti-racisme dégénéré, Riposte Laique [intégristes de la laïcité issus de Respublica].
Burqa et pantalon... quid des lois ?, EuroPalestine.
Sa burqa dans notre gueule, Le Monolecte.
La diversité contre l'égalité, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Voile & Burqa, Monde en Question.

1 février 2010

Good Night and Good Luck


Winchell, un film pratiquement inconnu en France, est l'envers de Good Night and Good Luck. Le premier raconte l'histoire du journaliste américain Walter Winchell et le second celle du journaliste américain Edward R. Murrow.

Walter Winchell fut, de son propre aveu, «un fils de pute» c'est-à-dire un acteur du système de désinformation. Profondément anticommunisme, il a naturellement soutenu la campagne du sénateur Joseph McCarthy. Il travaillait pour sa propre gloire, ce que montre bien le film, et acceptait toutes les compromissions susceptibles de renforcer son audience.

Edward R. Murrow, reconnu pour l'honnêteté et l'intégrité de son travail, fut l'un des journalistes qui contribuèrent à la chute du sénateur Joseph McCarthy. Journaliste au pluriel car ses reportages n'auraient jamais été diffusés sans la solidarité d'une équipe au sein de CBS. Malgré ses qualités professionnelles, il n'échappa pas à un système médiatique qui est soumis au marché depuis les origines de la presse.

Le mariage de la presse et des financiers, via la publicité, se réalisa dès les années 1830 :
En France, l'industrie du journalisme repose sur une base essentiellement fausse, c'est-à-dire plus sur les abonnements que sur les annonces. Il serait désirable que ce fût le contraire.
Girardin dans les années 1830.

La presse est une industrie avant d'être un sacerdoce.
Paul Thibaudet dans les années 1930.

Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective "business", soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit.
[…]
Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible.
Patrick Le Lay en 2004.
Balzac dénonça en vain l'emprise de l'agence Havas qui était à la fois entreprise de presse et de publicité et qui deviendra l'Agence France Presse (AFP) :
Jadis, les journaux avaient tous un rédacteur spécial pour les Nouvelles Étrangères, qui les traduisait et les Premierparisait. Ceci a duré jusqu'en 1830. [...] Depuis, les journaux de Paris ont eu tous le même traducteur, ils n'ont plus ni agents ni correspondants, ils envoient rue Jean-Jacques-Rousseau, chez M. Havas, qui leur remet à tous les mêmes nouvelles étrangères, en en réservant la primeur à ceux dont l'abonnement est le plus fort.
BALZAC Honoré de, Monographie de la presse parisienne, 1843 [Éditions du Boucher - BooksGoogle - Paris-Sorbonne] [1]
Ce préambule historique permet de mesurer les limites de l'honnêteté intellectuelle de quelques journalistes, qualité d'autant plus soulignée qu'elle est rare. Malgré toutes ces réserves, le film est excellent.
L'utilisation du noir et blanc, au-delà de la justification technique pour insérer des citations comme dans Les cadavres ne portent pas de costard, sert magnifiquement le propos.
L'interprétation de David Strathairn rappelle étrangement le combat solitaire que mena Karl Kraus contre la propagande de la presse.
La corruption de la presse est en effet à ses yeux, écrira le critique Jean Blain, la source de toutes les autres et il voit dans le triomphe du journalisme un danger contre la culture - danger qui tient entre autres à la corruption du langage et à la réduction de la culture à une marchandise. En outre, tandis que le journalisme exige, pour être exercé correctement, un sens moral et un sens des responsabilités au-dessus de la moyenne, il est plutôt devenu, estime Kraus, symbole d'impunité et d'irresponsabilité. Ce que Kraus demande à la presse n'est évidement pas de cesser d'exister, mais de cesser de se mentir à elle-même et mentir aux autres sur ce qu'elle est capable de faire et sur la réalité de ce qu'elle fait.
Radio Prague
Serge LEFORT
Citoyen du Monde exilé au Mexique

Critiques :
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l'Humanité
Le Monde
Mac Carthy - Maccarthysme :
Arte
HistGéo
Wikipédia

• MUHLMANN Géraldine, Journalisme contre McCarthysme - Good Night and Good Luck, Le Temps des médias n°6, 2006.

• Aspects de l'anticommunisme, Communisme n°62-63, 2001 [BooksGoogle].
• Le Maccarthysme, L'histoire n°27, 1980.
• ROUCH Jean, Le maccarthysme - Cinéma et idéologie, Cinéma n°160, 1971.

• PERRIER Hubert (sous la direction de), L'anticommunisme et la chasse aux sorcières aux États-Unis (1946-1954), Didier, 1995 [Amazon].
• ROUGÉ Jean-Robert (sous la direction de), L'anticommunisme aux États-Unis de 1946 à 1954, Presses Paris Sorbonne, 1995 [BooksGoogle].
• TOINET Marie-France, La chasse aux sorcières - Le Maccarthysme, Complexe, 1999 [Amazon - BooksGoogle - BiblioMonde].
• WIEDER Thomas, Les sorcières de Hollywood - Chasse aux rouges et listes noires, Philippe Rey, 2006 - Ramsay, 2008 [BiblioMonde - l'Humanité].
• ZINN Howard, "Nous, le peuple des États-Unis ..." - Essais sur la liberté d'expression et l'anticommunisme, le gouvernement représentatif et la justice économique, les guerres justes, la violence et la nature humaine, Agone, 2004 [BiblioMonde].
Lire aussi :
Dossier documentaire & Bibliographie Cinéma, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Propagande, Monde en Question.

[1] L'argent des médias, Le Temps des Médias n°6, Printemps 2006 [SPHM].
Dossier documentaire & Bibliographie Agences de presse, Monde en Question.