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7 janvier 2013

Borderline


L'image du groupe féministe Femen illustre bien ce film canadien qui, sous prétexte de traiter un trouble de la personnalité, réalise un porno chic à la manière de Catherine Breillat. Le choix de Jean-Hugues Anglade (Nuit d'été en ville) est équivalent à celui de Rocco Siffredi dans Anatomie de l'enfer.

Le visage angélique d'Isabelle Blais et ses mimiques enfantines contrastent avec ses débordements provocateurs… à caractère uniquement sexuel. Ce choix très commercial masque du coup la souffrance et la dépression suicidaire qui mine une personnalité état-limite ou borderline.

Le choix d'une mise en scène clinquante dans le style des vidéoclips crée une distance entre le visuel et les déchirements internes du personnage. Le spectateur, pris par de belles images, reste indifférent au drame sous-jacent. De même, l'abus des flashbacks lasse car ils sont trop répétitifs et n'expliquent rien.

Enfin, le choix d'un "happy end" hollywoodien - romance avec un pâtissier-poète - ruine définitivement le sujet du film. La noirceur du conflit interne qui provoque une souffrance indicible, pas suffisamment montrée, vire à une ridicule amourette fleur bleue.

La féministe Évelyne Ledoux-Beaugrand écrit :
Pour justifier son choix de délaisser l'explicite postpornographique au profit d'un érotisme "de bon goût", Lyne Charlebois évoque des considérations d'ordre esthétique et affirme avoir voulu faire de Borderline un film poétique, "lumineux", loin du "film glauque" auquel l'univers narratif de Labrèche peut sembler d'emblée se prêter. Qu'elle relève d'une préférence esthétique ou qu'elle cherche à esquiver les effets d'une sanction juridique qui balise et assigne des espaces aux représentations visuelles de la sexualité, il reste que l'épuration à laquelle procède le film Borderline conditionne la signification du sexuel, privant celui-ci de son pouvoir qui repose, dans les récits de Marie-Sissi Labrèche, sur l'excessif et le vulgaire. On peut penser que l'évitement de la censure aurait pu néanmoins donner lieu à une forme moins léchée et préserver quelque chose du vulgaire et du grotesque qui travaillent l'écriture de Labrèche.
Le plus dérangeant dans cette esthétisation est qu'elle occulte surtout le vrai sujet du film.


06/01/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• Lyne Charlebois, Borderline, 2008, AlloCiné - Télécharger film.
• Évelyne Ledoux-Beaugrand, Le sexe rédimé par l'amour - Regard sur l'adaptation cinématographique de Borderline de Marie-Sissi Labrèche, Globe : revue internationale d'études québécoises, 2009.
• Trouble de la personnalité borderline, Wikipédia [Dossier mis à jour par Serge LEFORT le 06/01/2013].
• Jean BERGERET, La dépression et les états limites, Payot, 1975 réédition 1992.
• Jean BERGERET, Wilfrid REID (sous la direction de), Narcissisme et états-limites, Presses de l'Université de Montréal, 1986 - Dunod 1993.

Revue de presse Cinéma 2013, Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.

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