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3 septembre 2013

Hommage à Alice GUY


Alice Guy est la première femme cinéaste, mais pas le premier metteur en scène, ce titre revenant à Georges Méliès. Par contre, elle le fut incontestablement chez Gaumont entre 1900 ou 1902 et 1907.

Connue en France sous le nom d’Alice Guy et aux États-Unis sous celui d’Alice Blaché, le nom de son mari, ou celui d’Alice Guy-Blaché, elle fut oubliée puis redécouverte.

L’essentiel des connaissances la concernant a longtemps reposé sur son autobiographie (1976) et la biographie de Victor Bachy (1993) car les histoires du cinéma se résument à de pauvres informations :

Le premier film de Gaumont, Les méfaits d’une tête de veau, réalisé par Alice Guy.
Ce film fut réalisé par Ferdinand Zecca en 1903 selon Gianati et en 1904 selon Sadoul et McMahan.
Maurice BARDÈCHE et Robert BRASILLACH, Histoire du cinéma 1. Le cinéma muet, Denoël et Steele, 1935 réédition Livre de poche, 1964 p.12

[Léon Gaumont] entreprit l’enregistrement de petites bandes, dont sa secrétaire Alice Guy assumait la responsabilité. La première de ces bandes, quelque peu enfantine, fut La fée aux choux. Cette production se développa rapidement, Alice Guy abordant des sujets moins sommaires, empruntés au répertoire littéraire et théâtral ou à l’histoire ; certains de ces sujets, comme La Esmeralda et surtout La Passion, firent sensation.
L’auteur ne donne aucune date. La fée aux choux fut réalisé en 1900 et apparaît dans le catalogue Gaumont en 1901.
C’est sous la direction d’Alice Guy qu’était née la production de films dans les studios Gaumont, aux Buttes-Chaumont.
Vers 1900 Gaumont fait construire une petite verrière pour tourner les films, puis en 1905 les studios où Alice Guy tourna l’essentiel de ses films jusqu’en 1907.
René JEANNE et Charles FORD, Histoire illustrée du cinéma 1. Le cinéma muet 1895-1930, Robert Laffont, 1947 réédition Marabout 1966 p. 22, 31

Victorin Jasset fut appelé par Gaumont à collaborer avec Alice Guy pour diverses mises en scène.
Secrétaire de Léon Gaumont à partir de 1894, Chargée par lui de la mise en scène de ses studios après 1898. Réalise notamment, 1900 : La fée aux choux […]
La première femme metteur en scène, Alice Guy contribua beaucoup à élaborer le style qui caractérisa jusqu’à 1920 la firme Gaumont, et son œuvre aux États-Unis fut considérable.
Georges SADOUL, Histoire du cinéma français 1890-1962, Flammarion, 1962 réédition 1981 p.16, 193

1898 – Films de l’année : en France, La Passion (Alice Guy).
1901 – Autres films de l’année : en France, Folies masquées, Hussards et grisettes, (Alice Guy).
1902 – Autres films de l’année : en France, Sage-femme de première classe, (Alice Guy).
1903 – Films de l’année : en France, Les chats boxeurs (Alice Guy).
1906 – Films français,, La naissance, la vie et la mort du Christ (Alice Guy et Victorin Jasset), J’ai un hanneton dans mon pantalon (Alice Guy).
L’auteur présente bien Alice Guy comme une réalisatrice, mais ne cite que quelques films et selon une chronologie peu sûre. Alice Guy fera très tardivement son entrée dans l’Encyclopædia Universalis.
Philippe d’HUGUES, Almanach du cinéma 1. Des origines à 1945, Encyclopædia Universalis, 1992 p.31, 34, 35, 37, 43

L’hagiographie remplaçant aujourd’hui l’oubli d’hier, tout le monde répète les mêmes propos sans jamais les vérifier. Il faut attendre 2010 pour qu’un historien croise les données publiées avec des sources diversifiées :

Le travail de Maurice Gianati pour établir la filmographie d’Alice Guy est assez exemplaire du point de vue méthodologique puisqu’il croise histoire et archéologie. Tout a été passé au peigne fin, format de pellicule, catalogues, presse, correspondances personnelles et courriers professionnels pour établir une filmographie qui aujourd’hui semble être la plus proche de la réalité. Si ce travail fait apparaître que Méliès est "l’inventeur" du film de fiction, Alice Guy n’en est pas moins la première femme cinéaste du monde et apparaît comme l’instigatrice de la politique de production de la maison Gaumont 1905-1907 avant de partir avec son mari le réalisateur Herbert Blaché (1882-1953) s’installer aux États-Unis, où le couple fut chargé par Léon Gaumont de la promotion du chronophone.
Conférence (2010)Livre (2012)

La difficulté de réaliser une filmographie fiable (titre et date) tient à plusieurs raisons :
  • Le générique d’un film, indiquant les personnes qui ont participé à la création de l’œuvre, n’apparut que très progressivement à partir des années 1910 et s’imposa à partir des années 1930 avec l’apparition du star system.
  • Jusqu’en 1907, les films étaient vendus aux exploitants itinérants. En 1909, les sociétés de productions européennes et américaines décidèrent de cesser la vente des films et de les louer uniquement aux exploitants en salle. La plupart des films antérieurs à cette date échouèrent donc dans les brocantes puis à la poubelle.
  • À partir des années 1930 sont créées les cinémathèques nationales pour assurer la conservation et la restauration des films. Elles ne seront efficientes que dans les années 1970 après la création de l’American Film Institute (1967) et l’Anthology Film Archives (1970).
  • Le support des films est très fragile. La majorité des films, réalisés jusqu’en 1951, a été fabriquée sur une pellicule à base de nitrate, extrêmement inflammable. La pellicule acétate est nettement moins inflammable, mais se décompose. La seule solution pour sauver un film est alors d’en tirer une copie.
Pour toutes ces raisons, on estime que seulement 90 à 85% des films muets et un pourcentage important de films sonores d’avant 1950 sont irrémédiablement perdus.

Les féministes ont créé la légende d’une victime parce que femme – sempiternel discours qui déresponsabilise les femmes de leur destin – sans avoir lu Alice Guy. Elle ne revendiqua que la place qu’elle a aujourd’hui grâce à la découverte de films perdus :

Je ne revendique que le titre de première femme metteur en scène auquel je fus seule, pendant 17 ans, a avoir droit. La seconde femme metteur en scène fut une Americaine, Mrs. Smalley qui a travaillé d’abord sous nos ordres à Flushing pour le parlant.
Lettre d’Alice Guy à Louis Gaumont le 5 janvier 1954.

Parmi tous les films disponibles via YouTube celui-ci est particulièrement important car il montre Alice Guy en train de diriger la mise en scène (film dans le film) d’une phonoscène dans les studios Gaumont construits en 1905.


Alice Guy a réalisé beaucoup de films sur la danse. Celui-ci (non daté) s’inspire de Loïe Fuller, célèbre à l’époque pour les voiles qu’elle faisait tournoyer dans ses chorégraphies.


09/09/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Bibliographique :
Serge LEFORT, Dossier documentaire Alice GUY, Monde en Question.
Générique
• Nora THOES, Damian PÉREZ, The Film before the Film, Vimeo.
Ce court-métrage retrace en une dizaine de minutes l’évolution du générique de film au cours de l’histoire du cinéma. L’occasion de rendre hommage à ses précurseurs et au travail de certains de ses maîtres.
Alexandre TYLSKI, Le générique de cinéma – Histoire et fonctions d’un fragment hybride, Presses Universitaires du Mirail, 2009.
Cet ouvrage de synthèse comporte une partie historique retraçant l’évolution des génériques, des débuts du cinématographe à nos jours. La partie théorique propose quant à elle une réflexion de fond sur le rôle joué par le générique de film, tout en fournissant au lecteur des références bibliographiques solides.
Conservation et restauration des films
• Liens Conservation des films, BNF.
• Bibliographie Conservation et restauration des films, Reto Kromer.
• Conférences Conservation et restauration des films, Canal-U.

Lire aussi :
Revue de presse Cinéma 2013, Monde en Question.
Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.

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