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30 août 2013

Camille CLAUDEL

Camille Claudel 1915

Le film de Bruno Dumont est partiel et partial.
Partiel parce qu’il ne couvre que trois jours de l’année 1915. C’est beaucoup trop peu pour comprendre l’enfermement que Camille Claudel a subi pendant trente ans du fait de sa famille : sa mère et son frère.
Partial parce qu’il montre Montdevergues comme un havre de paix alors que Camille y crevait de faim et de froid comme beaucoup d’autres. Selon Max Lafont, entre 1940 et 1944, 40 000 malades mentaux meurent de faim dans les hôpitaux psychiatriques en France.

Montdevergues, 2 février 1927
Ma chère maman,
J’ai beaucoup tardé à t’écrire car il fait tellement froid que je ne pouvais tenir debout.
Pour écrire, je ne puis me mettre dans la salle où se trouve tôt le monde, où brûlotte un méchant petit feu, c’est un vacarme de tous les diables. Je suis forcée de me mettre dans ma chambre au second où il fait tellement glacial que j’ai l’onglée, mes doigts tremblent et ne peuvent tenir la plume. Je ne suis pas réchauffée de tout l’hiver, je suis suis glacée jusqu’aux os, coupée en deux par le froid. J’ai été très enrhumée. Une de mes amies, une pauvre professeur du Lycée Fénelon qui est venue s’échouer ici, a été trouvée morte de froid dans son lit. C’est épouvantable. Rien ne peut donner l’idée des froids de Montdevergues. Et ça qui dure 7 mois au grand complet.
[…]
Je t’embrasse.
Camille
Jacques CASSAR, Dossier Camille Claudel p.236

Partial encore parce qu’il prétend que Paul, un faux-cul béni, l’aurait visitée régulièrement alors que, selon l’Association Camille Claudel, il ne l’a vue que six fois en trente ans :
  • 1915 Mai ou juin
  • 1920 Juin
  • 1925 Mars ou avril
  • 1927 Août
  • 1928 Août
  • 1943 Septembre
La prestation de Juliette Binoche tourne dans le vide et ne sauve pas de l’ennui un film qui se réduit à trop belles images publicitaires du Vaucluse pour être honnête.

Fiche : AlloCiné
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Camille Claudel

Le film de Bruno Nuytten, même s’il s’agit d’une version romancée de sa vie, rend assez bien compte de la tragédie de Camille Claudel parfaitement interprétée par Isabelle Adjani. Sur le fond, le point faible vient du fait qu’il s’agit de l’adaptation du livre de Reine-Marie Paris, fille de Paul Claudel qui a créé la légende selon laquelle Rodin serait le responsable du délire paranoïaque de Camille.

Ne rapportons pas trop vite le délire paranoïaque de Camille à sa relation avec Rodin [ce que fait la famille Claudel] ; celle-ci entre certainement en ligne de compte, mais comme un élément d’un ensemble beaucoup plus large et qui se réfère au système familial, système dont Camille, en tant que porteur de symptôme, traduit le déséquilibre.
Denise MOREL, Porter un talent porter un symptôme – Les familles créatrices, Editions Universitaires, 1988 p.59

La mise en scène est très classique, ce qui n’est pas forcément une faiblesse. La scène du couple Camille-Rodin s’enlaçant sur un fond de vagues écumeuses est une image qui fonctionne toujours. Par contre la musique est trop présente, trop théâtrale et pas toujours en phase avec l’image.

La lecture du Dossier Camille Claudel de Jacques Cassar, largement pillé, s’impose pour avoir une idée de la complexité non seulement de la vie mais aussi de l’œuvre de Camille Claudel dispersée dans de nombreux musées en France et à l’étranger.

On peut s’interroger sur la représentation photographique de Camille Claudel. La photo la plus publiée, certainement parce qu’elle est la plus flatteuse, est celle qui illustre le livre Cassar.


Cette photo, la représentant le visage bouffi par l’alcool, est très rarement publiée comme si les hagiographes voulaient occulter les faits qui altèrent la légende. Ils évitent aussi d’évoquer que Camille partageait les idées antidreyfusardes de son frère, qui, en bon bourgeois catholique, avait des sympathies pour l’extrême droite.

Fiche : AlloCiné
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28/08/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Dossier documentaire Camille CLAUDEL, Monde en Question.
Revue de presse Cinéma 2013, Monde en Question.
Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.

26 août 2013

Khatyn vs Katyń

En 1943, le village de Khatyn (Хатынь en russe), situé près de Minsk, fut totalement détruit après le massacre de toute la population par un bataillon SS et un bataillon de miliciens biélorusses. En 1969, ce lieu inhabité fut déclaré Mémorial national de guerre.
En 1940, le village de Katyń (Катынь en russe), situé près de Smolensk, fut le théâtre du massacre d’officiers et de plusieurs milliers de civils polonais par le NKVD (police politique de l’URSS). En 1990, Mikhaïl Gorbatchev reconnut la responsabilité de l’URSS.

Ces deux massacres sont le sujet respectivement du film Idi i smotri d’Elem Klimov (1984), adapté de la nouvelle d’Ales Adamovitch (Le récit de Khatyne) et Katyń d’Andrzej Wajda (2007), adapté du roman d’Andrzej Mularczyk (Post mortem – Le roman de Katyń).
Le film d’Elem Klimov est un chef-d’œuvre cinématographique, mais trop politiquement correct. Celui d’Andrzej Wajda est un très conventionnel et trop national-catholique. Katyń est aujourd’hui plus connu que Khatyn comme si la mémoire d’un massacre devait effacer un autre.

Idi i smotri – Requiem pour un massacre

Elem Klimov a réalisé un très grand film de guerre sans montrer une seule bataille. Il raconte les horreurs de la guerre qui broie tout le monde, combattants et civils, et s’achève sur le massacre des habitants de Khatyn en 1943.

La mise en scène relève d’un réalisme naturaliste qui décrit la guerre vécue par le jeune Florya et, en contrepoint, d’un réalisme poétique incarné par le personnage de Glasha. Deux scènes illustrent le style d’Elem Klimov.

Florya et Glasha errent dans la forêt quand explosent des bombes larguées par des avions. L’image paraît banale tant nous sommes habitués à voir ce type de scène dans les films hollywoodiens. La bande son, construite à partir de cris d’animaux et d’effets électroniques, nous fait vivre avec brio le trouble de Florya qui est littéralement sonné.
À la fin du film, Florya tire sur un portrait de Hitler tombé dans la boue pendant que défilent des images d’archives en remontant le cours du temps. La caméra s’arrête sur une photo d’Hitler encore enfant sur laquelle Florya ne tire pas. "Parce qu’un enfant est si précieux qu’il ne faut pas le tuer, même s’il s’agit d’Hitler", explique Elem Klimov.

Ambiguïté de cet arrêt sur image alors que tout le film fait le jeu de la doxa selon laquelle seul Hitler serait le seul responsable de la guerre. Si le régime tsariste sombra au cours de la première Guerre mondiale, la bureaucratie stalinienne se renforça après la Seconde en colonisant une partie de l’Europe. Les États-Unis accrurent leur puissance économique en colonisant l’autre partie, la plus riche, via le plan Marshall. La lutte contre la nazisme fut donc l’alibi d’un nouveau partage du monde.

Fiche : AlloCiné
HD 720 VOSTFR : S’abonner à la Newsletter Cinéma pour télécharger le film.
Critiques : DVD Classik

Katyń

Andrzej Wajda nous inflige un long pensum académique pour dénoncer le massacre de Katyń d’un point de vue nationaliste et anti-communiste. Du coup, la réalité des faits se dilue dans une fiction mélodramatique. La dernière scène ne sauve pas le film de l’ennui d’une pesante "leçon d’histoire".

Wajda est le cinéaste polonais officiel, avant comme après l’ère communiste. En 1972, il devint président de l’Union des cinéastes polonais et diriga l’ensemble X, organisme chargé de produire les films polonais. Il apparait donc comme un opportuniste qui s’est compromis avec avec le pouvoir qu’il a dénoncé après que le vent de l’Histoire ait tourné. Dans son livre publié en 1987 (Polskie, arcypolskie), Andrzej Werner, un critique littéraire et cinématographique respecté, accusait Wajda d’opportunisme idéologique, et de s’être prêté à un compromis esthétique et politique.

Fiche : AlloCiné
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Critiques : La Cinémathèque française
• Khatyn — Another hoax, The Journal of Historical Review, 1980.
• Katyn: A difficult road to the truth, RIA Novosti, 12/04/2010.
• 1 article sur Khatyn RIA Novosti.
• 208 articles sur Katyń RIA Novosti.
• Wajda par Wajda : une leçon de cinéma, Canal-U.

23/08/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
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