La liberté, c’est l’esclavage
Le monde de 1984 est divisé en grands blocs ennemis, qui sont dans un état de guerre permanent, sans jamais s’affronter frontalement. Ils guerroient indirectement sur des territoires périphériques, régulièrement ravagés (en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, etc.). Ces combats lointains et la barbarie des ennemis sont donnés quotidiennement en spectacle aux citoyens grâce à des médias attisant la peur et la haine. De temps en temps, une bombe tombe sur le sol national, ce qui maintient le sentiment de guerre. Mais fondamentalement :
La guerre est menée par chaque groupe
dirigeant contre ses propres sujets, et l’objet de la guerre n’est pas
de faire ou d’empêcher des conquêtes territoriales, mais de garder la
structure de la société intacte. (p. 283)
La guerre contre les ennemis barbares est « une simple imposture » (p. 282) utilisée pour produire un sentiment d’unité, là où la société est en réalité divisée en groupes sociaux luttant pour des intérêts opposés. Cet état de guerre maintient la population dans l’angoisse, la haine, une humeur de panique et de lynchage, une excitation permanente, qui est l’état d’esprit nécessaire au fonctionnement du système totalitaire.
L’État terroriste décrit par Orwell joue de ces menaces. Il se présente comme un rempart contre la barbarie, le seul garant de la « sécurité », au prix de la restriction des libertés. D’où le slogan « la liberté, c’est l’esclavage » (p. 373). Traduit en langage énarque, tel que repris par l’article du Monde :
Fortement marqués par les attentats
récents, les élèves avaient à cœur de réaffirmer leur attachement à la
liberté d’expression et, de manière plus générale, aux libertés qu’il
appartient avant tout aux pouvoirs publics de protéger, indique ce
texte, qui souligne que l’œuvre de cet écrivain « appelle à une
conciliation vigilante entre la préservation des libertés et les
exigences liées à la sécurité des citoyens ».
La terreur est une situation émotionnelle, une situation où l’émotion devient impérative. 1984 décrit clairement comment la force « submergeante » des émotions – peur, haine et adoration – est utilisée pour noyer la faculté de juger et obliger à choisir son camp parmi ceux, factices, définis par le pouvoir. La politique de la terreur a largement recours aux mouvements émotionnels de masse, dans les médias comme dans les manifestations. Il n’y a plus de recul ni de réflexion possible, mais seulement l’adhésion ou le refus, l’appartenance ou l’hostilité. Le mouvement jesuischarliste aura été est un bon exemple de ces « moments d’irrésistible émotion » et de cet « étouffement délibéré de la conscience » (p. 30).
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Lire aussi :
• George ORWELL, 1984, 1948 [Texte en ligne].
• Michael RADFORD, 1984, 1984 [DVD FR partie 1 - partie 2].
• Dossier documentaire Propagande, Monde en Question.
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