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27 mars 2015

Cinéphiles de notre temps 1942-2012


Réalisateur : Laurent Chollet
Durée : 2h00
Année : 2012
Pays : France
Genre : Documentaire
Résumé : La voix du mythique présentateur de "La dernière séance", Eddy Mitchell, raconte 70 ans de passion française pour le cinéma.
Dossiers :
Ciné-club de Caen
Critikat
IMDb
Avis de Ciné Monde : Très décevant car ce documentaire énumère ad nauseam les souvenirs, souvent anecdotiques, d'anciens cinéastes.
Partage proposé par :
• 1942-1954, Le coin du cinéphile DVD FR
• 1955-1959, Le coin du cinéphile DVD FR
• 1960-2012, Le coin du cinéphile DVD FR

Lire aussi :
Cinémathèque, Ciné Monde.
Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.

25 mars 2015

Mythologie contre Histoire


Comment le peuple juif fut inventé


Quand le peuple juif fut-il créé ? Est-ce il y a quatre mille ans, ou bien sous la plume d'historiens juifs du XIXe siècle qui ont reconstitué rétrospectivement un peuple imaginé afin de façonner une nation future ?

Dans le sillage de la "contre-histoire" née en Israël dans les années 1990, Shlomo Sand nous entraîne dans une plongée à travers l'histoire "de longue durée" des juifs. Les habitants de la Judée furent-ils exilés après la destruction du Second Temple, en l'an 70 de l'ère chrétienne, ou bien s'agit-il ici d'un mythe chrétien qui aurait infiltré la tradition juive ? Et, si les paysans des temps anciens n'ont pas été exilés, que sont-ils devenus ?

L'auteur montre surtout comment, à partir du XIXe siècle, le temps biblique a commencé à être considéré par les premiers sionistes comme le temps historique, celui de la naissance d'une nation. Ce détour par le passé conduit l'historien à un questionnement beaucoup plus contemporain : à l'heure où certains biologistes israéliens cherchent encore à démontrer que les juifs forment un peuple doté d'un ADN spécifique, que cache aujourd'hui le concept d'"État juif", et pourquoi cette entité n'a-t-elle pas réussi jusqu'à maintenant à se constituer en une république appartenant à l'ensemble de ses citoyens, quelle que soit leur religion ?
En dénonçant cette dérogation profonde au principe sur lequel se fonde toute démocratie moderne, Shlomo Sand délaisse le débat historiographique pour proposer une critique de la politique identitaire de son pays. Construit sur une analyse d'une grande originalité et pleine d'audace, cet ouvrage foisonnant aborde des questions qui touchent autant à l'origine historique des juifs qu'au statut civique des Israéliens.

Shlomo SAND, Comment le peuple juif fut inventé - De la Bible au sionisme, Fayard, 2008 [Texte en ligne - Là-bas si j'y suis - Conférence New-York].


Comment la terre d'Israël fut inventée


Les mots "terre d'Israël" renferment une part de mystère. Par quelle alchimie la Terre sainte de la Bible a-t-elle pu devenir le territoire d'une patrie moderne, dotée d'institutions politiques, de citoyens, de frontières et d'une armée pour les défendre ?

Historien engagé et volontiers polémiste, Shlomo Sand a dénoncé à grand bruit le mythe de l'existence éternelle du peuple juif. Poursuivant ici son œuvre de déconstruction des légendes qui étouffent l'Etat d'Israël, il s'intéresse au territoire mystérieux et sacré que celui-ci prétend occuper : la "terre promise" sur laquelle le "peuple élu" aurait un droit de propriété inaliénable. Quel lien existe-t-il, depuis les origines du judaïsme, entre les juifs et la "terre d'Israël" ? Le concept de patrie se trouve-t-il déjà dans la Bible et le Talmud ? Les adeptes de la religion de Moïse ont-ils de tout temps aspiré à émigrer au Moyen-Orient ? Comment expliquer que leurs descendants, en majorité, ne souhaitent pas y vivre aujourd'hui ? Et qu'en est-il des habitants non juifs de cette terre : ont-ils, ou non, le droit d'y vivre ?

Shlomo SAND, Comment la terre d'Israël fut inventée - De la Terre sainte à la mère patrie, Flammarion, 2012 [Texte en ligne - Rencontre à l'iReMMO].


Comment j'ai cessé d'être juif


La problématique principale déroulée dans cet essai ne manquera pas d'apparaître illégitime, et même révoltante, à plus d'un lecteur. Elle sera d'emblée récusée par nombre de laïcs déterminés à se définir comme juifs. Pour d'autres, je ne serai qu'un traître infâme, rongé par la haine de soi. Des judéophobes conséquents ont déjà qualifié d'impossible, voire d'absurde, une telle question, parce qu'ils considèrent qu'un juif sera toujours d'une autre race. La judéité est perçue comme une essence immuable et compacte, qui ne saurait être modifiée. L'Etat dont je suis citoyen définit ma nationalité comme "juif". Pourtant, j'aurais pu être enregistré sous la nationalité autrichienne ; en effet, je suis né, fortuitement, dans un camp de personnes déplacées, dans la ville de Linz, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le problème est que je ne crois pas en un être suprême. Si l'on excepte une brève crise mystique, à l'âge de douze ans, j'ai toujours pensé que l'homme a créé Dieu et non pas l'inverse ; et cette invention m'est toujours apparue comme l'une des plus problématiques, des plus fascinantes et des plus meurtrières de l'humaine société. Par conséquent, je me retrouve, pieds et poings liés, pris au piège de mon identité démente.

"Supportant mal que les lois israéliennes m'imposent l'appartenance à une ethnie fictive, supportant encore plus mal d'apparaître auprès du reste du monde comme membre d'un club d'élus, je souhaite démissionner et cesser de me considérer comme juif"

Shlomo SAND, Comment j'ai cessé d'être juif - Un regard israélien, Flammarion, 2013 [Texte en ligne - Rencontre à l'iReMMO].


Lire aussi :
• Schlomo Sand : "Je ne suis pas Charlie", UJFP.
Rien ne peut justifier un assassinat, a fortiori le meurtre de masse commis de sang-froid. Ce qui s'est passé à Paris, en ce début du mois de janvier constitue un crime absolument inexcusable. Dire cela n'a rien d'original : des millions de personnes pensent et le ressentent ainsi, à juste titre. Cependant, au vu de cette épouvantable tragédie, l'une des premières questions qui m'est venue à l'esprit est la suivante : le profond dégoût éprouvé face au meurtre doit-il obligatoirement conduire à s'identifier avec l'action des victimes ?
Dossier documentaire Sionisme, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.

24 mars 2015

Fracture sociale


Les catégories populaires et moyennes vont se rappeler au bon souvenir du pouvoir lors des élections départementales des 22 et 29 mars. Le Front national va conquérir un grand nombre de cantons. Sans doute plusieurs départements. Les portes du pouvoir sont proches. Le Parti socialiste est progressivement balayé de la scène politique. L'une des explications est à chercher dans la violence de la crise subie par une partie de la population. Les catégories aisées, gourmandes, continuent à s'enrichir quand les couches populaires voient leur niveau de vie baisser. Entre les deux, les classes moyennes constatent avec amertume le décalage entre leurs aspirations et la réalité sociale. Une fracture sociale s'ouvre et le ressentiment augmente.

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Tant qu'elle ne se traduit pas en actes, l'indignation des lendemains de soirée électorale n'est qu'une vaste hypocrisie. Comment peut-on, par exemple, livrer 47 milliards d'euros par an de baisse d'impôts aux entreprises et aux ménages dans le contexte d'une telle crise sociale ? C'est directement faire la courte échelle à l'extrême droite. On peut continuer à faire semblant de ne pas voir ce qui se joue, mais alors il faudra en accepter les conséquences le jour où notre modèle social volera en éclat. L'addition sera alors bien plus grande qu'ils ne le pensent, pour tous ceux qui aujourd'hui se voilent la face. Les étrangers ne seront pas les seuls à en payer le prix.

Lire la suite... Observatoire des inégalités.

Lire aussi :
Dossier documentaire Économie crise, Monde en Question.
Dossier documentaire Économie sociale, Monde en Question.
Dossier documentaire Précarité & Inégalités, Monde en Question.

23 mars 2015

Philosophies du cinéma politique


L'objet de ce colloque, c'est la question du cinéma politique. De sa philosophie. De ses philosophies. Il s'agit donc de se demander ce que peut apporter à la philosophie le cinéma politique et pas simplement ce que la philosophie peut apporter au cinéma politique.

Essayons d'abord de poser le problème en précisant les termes du rapport entre cinéma et politique. Le cinéma envisagé ici comme un des beaux arts pourrait se définir comme une manière de "représenter" le rapport de l'homme et du monde. Le politique se définirait comme une manière de "représenter" le rapport des hommes entre eux. A travers l'art, les hommes définissent la manière dont le monde leur apparaît et à travers la politique la manière dont ils se considèrent : rapport à la totalité naturelle et rapport à la totalité sociale sont intriqués de façon complexe. Rapporter le terme politique à la polis grecque ne nous paraît pas d'une très grande utilité aujourd'hui, sinon pour dire justement l'écart et la distance : de la cité antique à la "6T" en banlieue, on est passé de la situation centrale à la situation périphérique, ce qui traduirait la marginalisation du "politique". Car la politique n'est plus liée à un lieu assignable ou une fonction désignable. Le slogan "tout est politique" agace ("si tout est politique alors rien ne l'est" - argument classique qui est surtout une manière de (ne) rien dire) parce qu'on ignore sans doute ce que Foucault a réussi à lui faire exprimer : que tout est politique ne signifie pas que tout discours est réductible à son positionnement sur l'échiquier dit "politique" (est-il de droite ? est-il de gauche ?), cela signifie que tout est rapport de forces. La politique par là rejoint la physique.

Nous dirons : tout n'est pas politique mais il y a de la politique partout. Partout des rapports des forces dont le but est de produire des assemblages durables au sein d'un espace propre, en physique comme en politique ; la particularité du politique étant que ces rapports ne passent pas simplement entre corps mais entre affects, entre idées, entre volontés. Exister et se faire entendre : c'est le plus vital du politique et c'est ce en quoi le politique aussi rejoint l'esthétique.

Précisons ce point d'ailleurs. Il n'y a pas de philosophie politique sans philosophie tout court. La division stoïcienne de la philosophie en physique, éthique et logique, aussi académique soit-elle, a le mérite de nous indiquer que, pour qu'il y ait philosophie, il faut toujours les trois : faire de la philosophie, c'est pouvoir avoir un discours dont l'unité sémantique se déploie à travers les différents champs de la nature, de la morale et des idées, et pas simplement faire de la philosophie épistémologique, ou logique, ou politique, ou éthique, etc. Si Deleuze disait que la philosophie commence avec la honte d'être homme, la philosophie politique commencerait-elle avec la honte d'être bourgeois ? Faire sauter le verrou sociologique (du discours de classe dominante) est une des étapes du devenir philosophe, qui passe nécessairement encore par la nécessité de faire sauter le verrou biologique (se défaire de l'impératif de la survie et du besoin) et faire sauter le verrou catégoriel (se débarrasser des cadres de la doxa, pas simplement rompre avec la bêtise de l'opinion, mais aussi prendre de la distance par rapport aux savoirs des savants).

Si le politique, c'est le réel défini comme rapport de forces à l'intérieur d'un milieu interhumain et social, le pouvoir, c'est la subordination de ces rapports de forces à une instance supérieure de décision. Le pouvoir, c'est le pouvoir de produire du réel. Foucault avait raison de critiquer la définition négative du pouvoir comme ce qui opprime et oppresse. Le pouvoir, c'est le pouvoir de réaliser le réel, quoiqu'il en soit de la vérité. Si l'arbitre siffle pour attribuer un point là où il n'y a pas eu de but, le point restera acquis, inscrit dans les annales de l'histoire : que cela soit vrai ou faux, juste ou injuste n'intéresse pas le pouvoir. Ma capacité d'action effective sur le réel définit la limite de mon pouvoir : c'est pourquoi le président est le général en chef des forces armées car la plus grande possibilité d'agir sur le réel ne peut être portée que par la plus haute instance décisionnelle. Agir sur le réel est le propre du pouvoir, le propre du contre-pouvoir c'est d'agir sur la vérité : pas simplement dire la vérité, mais la construire. Il faut bien comprendre ici que le contre-pouvoir dont nous parlons ne s'oppose pas au pouvoir : car le pouvoir ne craint rien de la vérité : dire la vérité n'a jamais fait de mal au pouvoir. En effet, seul peut s'opposer au pouvoir un pouvoir plus fort. Or le but du contre-pouvoir n'est pas de prendre le pouvoir mais de faire dérailler l'acte même du pouvoir. De même que le pouvoir ne saurait se définir comme oppression, le contre-pouvoir ne saurait se définir par opposition. Le contre-pouvoir ne s'oppose pas donc au pouvoir, il ne cherche pas à réagir sur le rapport des hommes entre eux mais à agir sur le rapport des hommes au monde. C'est en cela que l'art est le premier contre-pouvoir, car la vérité esthétique du rapport de l'homme au monde agit comme un détonateur au sein de la réalité politique du rapport des hommes entre eux.

Par exemple, on voit un film et on se dit "tiens j'avais pas compris ça comme ça ; je m'étais jamais rendu compte de ça", etc. Autrement dit, on voit quelque chose dans un film et cela nous paraît suffisamment juste pour susciter une sorte de tremblement, de doute par rapport à notre perception commune de la réalité. Pourquoi la question du rapport entre réalité et vérité se pose-t-elle au cinéma ? En philosophie, la définition classique de la vérité, c'est en gros la vérité comme adéquation du discours à la chose. Pourquoi est-ce que cette définition de la vérité comme adéquation du discours à la chose ne fonctionne pas au cinéma ? Parce que le cinéma, ce n'est ni des mots ni des choses, mais des images. Or si le cinéma nous présente le symbole vivant de ce que serait un monde d'images, d'un univers sans mots ni choses, cela ne signifie pas pour autant que tout est faux et qu'il n'y a pas de vérité, ou que tout est illusion et qu'il n'y a pas de réalité. Toutes ces théories du simulacre, de la séduction, du postmodernisme se cassent le nez sur le politique, parce que les événements politiques, ça coupe, ça brise, ça casse, ça fait des marques sur les corps.

L'étude du cinéma politique doit nous aider à comprendre de manière nouvelle ce rapport entre vérité et réalité qui ne relève ni du rapport classique d'adéquation entre le discours et la chose, ni de l'affirmation postmoderne d'un monde d'illusions et de fantasmes. Dans le cinéma comme art du faux, la présence d'un cinéma politique présente cette possibilité d'une figure esthétique qui s'adresse au "réel", à construire, au nom d'une "vérité", à produire. Le point de vue phénoménologique consistant à rendre justice au réel se double du point de vue politique cherchant à donner une vision plus juste du réel.

Philosophies du cinéma politique, Sens Public

Lire aussi :
Cinémathèque, Ciné Monde.
Dossier documentaire Cinéma, Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.