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17 novembre 2017

Edward Saïd - Le roman de sa pensée

Bibliographie histoire

Ce livre traite de la pensée d'Edward Saïd à travers son imaginaire et sa vie. Emergent au fil des pages les motifs subjectifs de ses choix intellectuels, leur part de cohérence, d'ambivalence, de mixité revendiquée. On y voit comment Saïd a organisé la rencontre de l'oral et de l'écrit, du classicisme et de l'excentricité, de l'histoire et de l'actualité, de l'effort et du plaisir, comment il a inventé un style. A l'opposé du savoir cloisonné des "experts", il a construit et imposé le sien en tissant les liens qui défendent les différences et les droits au sein d'une vision universelle. D'où L'Orientalisme, foncièrement critique de la domination d'une culture sur une autre et sans indulgence pour l'enfermement et le repli en guise de riposte.

Son obsession de la répétition, du retour et de la récapitulation, raconte simultanément son angoisse de l'effondrement et son extrême capacité à la dompter. À partir et au-delà de la Palestine, dans ce voyage au pays plus ou moins conscient de Saïd, Dominique Eddé partage aussi avec nous, une part de l'intimité qui fut la leur. Du XVIIIème au XXe siècle, de Vico à Mozart, Beethoven, Foucault, Adorno, Camus ou Orwell, le voyage met en valeur les signaux de reconnaissance qui attachent Saïd aux auteurs omniprésents dans son œuvre. Conrad, en tête. Avec des portraits inédits d'E.M Cioran, de l'amitié de Saïd et de Barenboim et un va-et-vient continu d'Edward à Saïd - les deux pôles de son identité - qui rend compte du mouvement politique et musical de sa pensée.

Dominique EDDÉ, Edward Saïd - Le roman de sa pensée, La fabrique, 2017 [IRIS].

Lire aussi :
Dossier documentaire Palestine/Israël, Monde en Question.
Dossier documentaire Résistance à la colonisation de la Palestine, Monde en Question.

15 novembre 2017

Fantômes du cinéma forain


Réalisateur : Pascal Vimenet
Durée : 0h52
Année : 2012
Pays : France
Genre : Documentaire
Résumé : Fabuleuse et unique collection européenne autour du cinéma forain, la collection Charles et Goursaud, sommeillait dans un hangar d’Angoulême.
Fiche : Film documentaire
Partage proposé par : Le coin du cinéphile DVD FR (Film rare)


Lire aussi :
Cinémathèque, Ciné Monde.
Dossier Cinéma France, Monde en Question.
Index Cinéma (Tous les dossiers), Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.

13 novembre 2017

La propagande de l'invention européenne de l'imprimerie


Le documentaire de Marc Jampolsky, entretient d'emblée la légende selon laquelle Gutembert aurait inventé l'imprimerie en 1455 [0'25] alors qu'on sait qu'elle existait en Chine depuis le VIIe siècle (750 ans avant Gutembert) !
L'auteur, reconnaissant tardivement ce fait [23'43], lui oppose jésuitiquement le livre imprimé en Corée en 1377 avec des caractères mobiles en métal (78 ans avant Gutembert) [24'46] et voudrait nous faire croire que Gutembert ne savait rien de tout cela alors qu'il souhaitait conserver jalousement le secret de son invention et que les données sur le personnage restent rares.

Il y a trois ans, j'ai démontré que la fabrication de la porcelaine, apparue en Chine entre -206 et 220, fut copiée au XVIIIe siècle par François-Xavier d'Entrecolles. Ce jésuite profita de sa mission, agréée grâce à Matteo Ricci, pour espionner les ateliers chinois. En 1712 et 1722, il rapporta à son supérieur la composition et les secrets de fabrication de la porcelaine chinoise. Mais l'idée demeure que la porcelaine de Limoges serait le produit du raffinement de la civilisation française [1].

Il en fut certainement de même concernant l'imprimerie chinoise selon la technique de la xylographie (VIIe siècle) puis selon celle des caractères mobiles en argile cuite (XIe siècle) et en bois (XIIIe siècle), mais par une autre voie que celle des jésuites qui ont espionné aussi les imprimeries chinoises [2].
La technique xylographique est d'une grande simplicité dans ses matériaux et dans ses principes. Le missionnaire jésuite Matteo Ricci, qui vécut en Chine de 1583 à 1610, a noté dans ses mémoires rapportées par le Père Nicolas Trigault la première description en langue occidentale : "ils gravent leurs caractères en une table légère et unie, faite de poirier, pommier, ou de l'arbre qu'ils appellent zizizho."
Ricci poursuit : "Sur cette table, ils transcrivent la feuille, ou plutôt la collent tout entière légèrement, puis après ils rasent très subtilement le papier déjà desséché, de telle façon qu'on ne voit rien rester en la tendre surface que les caractères apparents ; puis ils engravent avec des touches de fer tellement cette table que les seuls linéaments des caractères ou de la peinture paraissent élevés. En après, ils impriment comme il leur plaît leurs feuilles avec une facilité et promptitude incroyable. Et quelquefois un seul imprimeur en dépêchera mil et cinq cents en un jour. Ils sont aussi si prompts à graver leurs tables qu'ils me semblent ne mettre pas plus de temps à en graver une que les nôtres seraient à la composer et corriger... Au reste il y a en ceci une chose merveilleusement commode, car, vu que les tables une fois gravées se gardent en la maison, on peut toutes les fois qu'on veut ôter quelque chose, ou ajouter, non seulement un mot mais aussi des périodes entières, pendant que les tables se raccommodent un peu. Et l'imprimeur, ou l'auteur, n'est pas contraint dès la première impression d'imprimer ensemble à une seule fois un grand nombre de livres : ains toutes et quantes fois qu'il lui plaira ou qu'il sera nécessaire, il s'en imprime, selon qu'il lui plaît, plus ou moins. Ce qui nous est souvent arrivé, car nous imprimons avec l'aide de nos domestiques des livres de notre religion ou des sciences de l'Europe, que les nôtres ont mis en lumière en langue chinoise dans notre propre maison. Cette façon donc d'imprimer est si facile que qui l'aura vue une fois soudain pourra entreprendre d'en faire autant. De cette commodité provient si grande multitude de livres chinois et à si bon marché qu'il n'est pas aisé de l'expliquer à qui ne l'a vu."
Source : La xylographie, BNF [3].

Comme par hasard, le plus vieux document imprimé occidental est un "appel adressé aux chrétiens pour aller combattre les Turcs" [32'05] ! Il s'agit du livre Eine Mahnung der Christenheit wider die Tiirken - Une admonition de la chrétienté contre les Turcs (1455) dont l'unique exemplaire est conservé dans la bibliothèque de Munich [4].
Gutenberg vivra de cette littérature de propagande et non de l'édition de la Bible comme on le répète trop souvent. Ainsi, toute la propagande savamment construite sur le mythe de l'humanisme de l'imprimerie s'écroule.

Marc Jampolsky ne dit pas naturellement que le livre imprimé en Corée en 1377, cité plus haut, fut acquis (euphémisme) par Victor Collin de Plancy, le premier diplomate français nommé en Corée il y a 130 ans, et que la BNF refuse de le restituer :
Le retour de ce premier livre imprimé au monde a été contesté avec virulence, notamment par les conservateurs de la BNF qui insistent sur leurs "capacités supérieures en matière de conservation des documents".
L'arrogance de la supériorité coloniale n'est pas morte !
Le rapatriement de la totalité des 297 volumes dérobés par le contre-amiral Pierre-Gustave Roze en 1866 sous forme d'un prêt renouvelable tous les cinq ans a été décidé à Séoul lors d'un sommet entre Nicolas Sarkozy et Lee Myung-bak en 2010.
Sur la question du rapatriement de Jikji, il demeure encore des différends entre les deux pays comme le dit le professeur Barjot : "Pour la France, Jikji appartient à l'héritage mondial de l'humanité et donc à ce titre, il n'est la propriété d'aucun pays."
Mais la France s'arroge unilatéralement le droit de propriété !
Source : Le retour en Corée du 1er livre imprimé au monde de la BNF "paraît inévitable", Agence de presse Yonhap, 13/10/2015.

Le documentaire de Marc Jampolsky se situe dans le droit fil du discours coloniale d'un Jules Ferry, héritier de l'Empire français :
Voyez ce qu'est l'imprimerie chez une nation qui ne marche pas à la liberté, à l'affranchissement de l'intelligence ; chez une peuple stagnant dans l'esclavage, en Chine par exemple. Elle y naît, dix siècles avant de paraître chez nous, mais elle n'y vit pas, elle y végète ; jamais elle ne peut parvenir à se dégager de son germe, ni à atteindre des procédés supérieurs à ceux de notre xylographie, cet embryon grossier dont notre art typographique a si vite secoué les liens.
En Chine, c'est vainement que Pi-Ching, le forgeron, tente ce que Gutenberg tenta si utilement en Europe ; vainement il s'ingénie à former avec une terre fine et glutineuse, et de solidifier par une double cuisson, des caractères mobiles qu'il joint et qu'il maintient unis ensemble à l'aide de cadres en fer ; son invention sœur de celle de Gutenberg, avorte, et Pi-Ching, puni d'avoir mal compris son siècle et surtout sa patrie, meurt en léguant à ses héritiers ses types inutiles.
Les Chinois, routiniers comme tout peuple esclave, s'en tiennent obstinément à ces planches gravées, si promptement dédaignées chez nous. Enfin, en 1662, des missionnaires européens, faisant violence à cette opiniâtreté routinière, décident l'empereur Kang-Hi à faire graver deux cents cinquante mille types en cuivre, et, grâce à cet élan que lui imprime une pensée venue d'Europe, la véritable imprimerie est créée en Chine et s'y naturalise après vingt siècles d'enfantement.
Source : Paul LACROIX, Edouard FOURNIER, Ferdinand SERÉ, Histoire de l'imprimerie et des arts et professions qui se rattachent à la typographie, Librairie historique, archéologique et scientifique de Seré, 1852 [BNF - Gallica].

11/11/2017
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Monde en Question

Marc Jampolsky, Gutenberg, l'aventure de l'imprimerie, Arte France, 2016 Partage proposé par : Zone Telechargement DVD FR


Notes et références

[1] La porcelaine de Limoges :
Lire : Serge LEFORT, Pillage de la technologie chinoise, Chine en Question, 15/12/2014.

[2] La question d'une origine extrême-orientale de l'imprimerie occidentale a été posée dès le XVIe siècle :
Voici les éléments du dossier.
1. De la vie de Gutenberg et de ses expérimentations avant l'impression de la Bible, on ne sait pas grand chose (Wagner 2000).
2. On sait par contre que des contacts multiples avaient lieu entre l'Extrême-Orient et l'Occident, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'autres peuples (ouïgours, mongols, arabes) : contacts militaires (les armées mongoles parviennent en Europe dans la seconde moitié du XIIIe siècle), échanges commerciaux, ambassadeurs (ambassade du pape à la cour mongole en 1245), voyageurs (Marco Polo), missionnaires catholiques (à partir du XIVe siècle).
Il est possible que les techniques chinoises d'impression se soient ainsi répandues, comme le papier précédemment, de proche en proche. Il semble avéré que la xylographie pratiquée en Europe à partir de la seconde moitié du XIVe siècle est bien d'origine chinoise.
Source : Johannes Gutenberg, Jacques POITOU.

[3] L'imprimerie chinoise selon la technique des caractères mobiles :
Sous la dynastie Song (960-1279), Bi Sheng, un inventeur d'origine modeste, rénova la technique d'impression et inventa les caractères mobiles, ce qui augmenta l'efficacité de l'imprimerie. Le caractère mobile a de grands avantages sur le bloc d'imprimerie. Il réduit grandement le temps de fabrication du bloc. De plus, le caractère mobile peut être utilisé de façon répétée. Par conséquent, les matériaux sont gardés. De plus, le caractère mobile est plus petit que le bloc gravé, facile à ranger et à garder. Les caractères mobiles en bois furent utilisés dans l'impression du Siku Quanshu (Bibliothèque complète des quatre trésors) en 1774, durant le règne de l'Empereur Qianlong, sous la dynastie Qing (1644-1911). Il est appelé Edition des merveilles rassemblées.
Après son invention, l'imprimerie a été progressivement apportée aux autres pays, stimulant grandement la civilisation humaine et le progrès social.
En 1450, influencé par les caractères mobiles Chinois, l'allemand Gutenberg fabriqua des lettres mobiles avec un alliage de métaux pour imprimer des livres, provoquant ainsi un impact considérable sur le développement de la société Européenne.
Source : Imprimerie, Chine Informations.
Lire aussi : Paul PELLIOT, Les débuts de l'imprimerie en Chine, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1953 [Texte en ligne].

[4] Une admonition de la chrétienté contre les Turcs :
Jean-Yves MOLLIER, Les mutations du livre et de l'édition dans le monde du XVIIIe siècle à l'an 2000, Presses Université Laval, 2001 [Google Livres].
Paula SUTTER FICHTNER, Terror and Toleration: The Habsburg Empire Confronts Islam, 1526-1850, Reaktion Books, 2008 [Google Livres].

Lire aussi :
Dossier documentaire Chine-Occident, Monde en Question.
Dossier documentaire Sciences Chine, Monde en Question.
Cinémathèque, Ciné Monde.
Dossier Cinéma France, Monde en Question.
Index Cinéma (Tous les dossiers), Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.