Un an après la défaite de Lionel Jospin, la gauche garde toujours le silence. Elle n'a pas fait l'analyse politique de la perte des 2,5 millions de voix par le PS et des 1,6 millions de voix par le PCF. Elle n'a rien dit sur Jospin, qui a déserté son camp au milieu de la bataille. Elle n'a pas fait le bilan de son appel suicidaire à voter pour Jacques Chirac [1].
Tous les articles ou les émissions, consacrés au rappel du « choc », selon Libération, ou du « séisme », selon Le Monde, évacuent le débat sur l'échec de la gauche et sur son ralliement à Chirac le 21 avril 2002.
Seul Jean-Pierre Chevènement a évoqué, dans l'émission Ripostes, « la crise politique » des partis représentés à l'Assemblée nationale, mais en donnant un chiffre erroné sur leur poids réel : 60% au lieu de 46% [2] et sans en analyser les causes.
Selon un sondage Ipsos, 62% des Français jugent que le Parti socialiste n'a « pas su tirer les leçons » du 21 avril. Les militants veulent tourner la page. Jospin s'obstine à jouer la mouche du coche. Et toute la gauche pratique la politique de l'autruche alors qu'elle a les pieds dans les sables mouvants.
La crise politique, ouverte le 21 avril 2002, a plongé la gauche dans le coma. Sur toutes les questions, elle n'offre aucune perspective. Elle n'a plus rien à dire de différent de Chirac. Elle lui a donné les pleins pouvoirs pour réaliser une politique antisociale.
Avant et pendant la guerre des États-Unis contre l'Irak, la gauche s'est couchée aux pieds de la bourgeoisie française pour préserver les contrats passés avec Saddam Hussein. Elle n'a pas eu un mot pour dénoncer la vente d'armes au dictateur de Bagdad – la fourniture d'une centrale nucléaire par exemple.
Elle a soutenu toutes les contorsions du ministre des Affaires étrangères à l'ONU. Elle n'a pas protesté sur l'ouverture de l'espace aérien aux avions britanniques. Elle réclame aujourd'hui, derrière Chirac, une part au pactole de la reconstruction pour les entreprises françaises c'est-à-dire au pillage de l'Irak.
La gauche s'est ralliée à Chirac pour soi-disant éviter que Le Pen l'emporte au second tour. Elle a grossi le danger de l'extrême droite pour camoufler sa défaite. Cette trahison risque de provoquer ce qu'elle redoutait. Car qui votent pour le démagogue populiste ? Des travailleurs, les plus pauvres, que la gauche a abandonnés à « la loi du marché » c'est-à-dire aux licenciements massifs, à la précarisation du travail, au blocage des salaires, à la privatisation des entreprises publiques, à la libéralisation des marchés financiers et à la dictature du profit.
Pierre Mauroy, Premier ministre, a inauguré cette politique dès 1983. Le Parti socialiste, soutenu par le Parti communiste, abandonna du jour au lendemain ses promesses électorales pour se convertir au « tournant de la rigueur ». Et Lionel Jospin, premier secrétaire du Parti socialiste, a déclaré : « Nous n'avons pas, bien sûr, changé de politique ». Le ralliement de la gauche au néolibéralisme avançait masqué.
L'extrême gauche n'a pas fait mieux. Elle a dilapidé son capital de 3 millions de voix. Elle n'a pas fait entendre une voix différente. Le PT s'arc-boute sur la défense des intérêts catégoriels des fonctionnaires et le refus de l'Europe avec des arguments nationalistes. La LCR a jeté aux orties ses références aux idées communistes pour courir derrière les mouvements contre la mondialisation. LO se replie sur la justification de son défaitisme [3].
Alors que les États-Unis poursuivent, depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS, leur fuite en avant vers la guerre mondiale pour imposer la loi du plus fort et faire payer aux autres pays sa crise économique, l'absence de perspective de la gauche et de l'extrême gauche à l'échelle internationale est une tragédie.
Serge LEFORT
21 avril 2003
[1] Voir notre article : Quelles perspectives après le 21 avril ?
[2] En 2002, les partis parlementaires représentaient 45,76% des inscrits, les partis non parlementaires 23,43%, les votes blancs ou nuls 2,42% et l'abstention 28,39%.
En 1995, les partis parlementaires représentaient 60,49% des inscrits, les partis non parlementaires 15,68%, les votes blancs ou nuls 2,21% et l'abstention 21,62%.
[3] Voir notre article : « Notre bilan est nul ».
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15 avril 2003
Le destin de Jospin
Souvenons-nous. Giscard d'Estaing avait théâtralisé son échec à l'élection présidentielle de 1981 par une chaise vide. L'image, qui se voulait dramatique, n'émût pas grand monde.
Une fois digéré ce double échec, Giscard n'eut de cesse de montrer qu'il vivait encore et qu'il pouvait « être utile ». Mais, plus il se démenait dans les médias plus il agaçait ses amis politiques et faisait sourire la majorité des gens.
Ces interventions, largement médiatisées, permettaient au maire de Saint-Chamond de satisfaire sa manie à distribuer les bons et les mauvais points, mais pas son ambition de peser politiquement au-delà de l'UDF [1].
Lassé de l'ingratitude des français, l'ex-président de la République endossa un temps les habits de camelot de l'Auvergne. Puis, à la quête d'un emploi plus gratifiant, il prit le chemin de Bruxelles où on l'embaucha comme scribe de la future Constitution de l'Union européenne.
Jospin suit la même trajectoire, mais en qualité d'ex-candidat à la présidence de la République.
Après avoir abandonné son camp le soir du 21 avril et annoncé publiquement qu'il se retirait de la vie politique, le citoyen Jospin a néanmoins pris soin d'entretenir une présence médiatique.
Dans un premier temps, il a fait parler les autres : sa femme, son ex-femme et sa mère. Puis, il prend la parole dans Le Monde du 1er février 2003, sur deux pleines pages, pour affirmer qu'il voulait « être utile » [2].
Ce militant ordinaire aurait conservé un bureau et sa secrétaire au siège du PS, rue de Solférino. Il accepte complaisamment d'assister à une réunion de sa section du XVIIIe arrondissement sous les projecteurs des caméras.
Aujourd'hui, « l'homme libre » accorde une interview à Jean-Pierre Elkabbach et distribue aux autres ses bons et ses mauvais points pour ne pas faire le bilan de sa propre défaite – la perte de 2,5 millions d'électeurs entre 1995 et 2001. Jospin se comporte comme un demandeur d'emploi qui maquille son CV.
Serge LEFORT
15 avril 2003
[1] Il pesa d'ailleurs de moins en moins dans son propre parti.
[2] Le Monde du 18 octobre 2002 lui avait ouvert la voie en réalisant un curieux sondage destiné à prouver que « Si c'était à refaire, Jospin serait au second tour ». Ce quotidien oublia qu'il avait publié un dossier, les 17 et 18 mars 2002, sur « la fabrique de l'opinion » par « la folie des sondeurs ». La même « logique industrielle » permet à Jean-Marie Colombani de justifier « qu'il imprime le quotidien gratuit 20 minutes » « alors même que la rédaction du Monde, dans l'éditorial du 7 mars 2003, s'est inquiétée des conséquences d'une gratuité de la presse pour la profession de journaliste ».
Une fois digéré ce double échec, Giscard n'eut de cesse de montrer qu'il vivait encore et qu'il pouvait « être utile ». Mais, plus il se démenait dans les médias plus il agaçait ses amis politiques et faisait sourire la majorité des gens.
Ces interventions, largement médiatisées, permettaient au maire de Saint-Chamond de satisfaire sa manie à distribuer les bons et les mauvais points, mais pas son ambition de peser politiquement au-delà de l'UDF [1].
Lassé de l'ingratitude des français, l'ex-président de la République endossa un temps les habits de camelot de l'Auvergne. Puis, à la quête d'un emploi plus gratifiant, il prit le chemin de Bruxelles où on l'embaucha comme scribe de la future Constitution de l'Union européenne.
Jospin suit la même trajectoire, mais en qualité d'ex-candidat à la présidence de la République.
Après avoir abandonné son camp le soir du 21 avril et annoncé publiquement qu'il se retirait de la vie politique, le citoyen Jospin a néanmoins pris soin d'entretenir une présence médiatique.
Dans un premier temps, il a fait parler les autres : sa femme, son ex-femme et sa mère. Puis, il prend la parole dans Le Monde du 1er février 2003, sur deux pleines pages, pour affirmer qu'il voulait « être utile » [2].
Ce militant ordinaire aurait conservé un bureau et sa secrétaire au siège du PS, rue de Solférino. Il accepte complaisamment d'assister à une réunion de sa section du XVIIIe arrondissement sous les projecteurs des caméras.
Aujourd'hui, « l'homme libre » accorde une interview à Jean-Pierre Elkabbach et distribue aux autres ses bons et ses mauvais points pour ne pas faire le bilan de sa propre défaite – la perte de 2,5 millions d'électeurs entre 1995 et 2001. Jospin se comporte comme un demandeur d'emploi qui maquille son CV.
Serge LEFORT
15 avril 2003
[1] Il pesa d'ailleurs de moins en moins dans son propre parti.
[2] Le Monde du 18 octobre 2002 lui avait ouvert la voie en réalisant un curieux sondage destiné à prouver que « Si c'était à refaire, Jospin serait au second tour ». Ce quotidien oublia qu'il avait publié un dossier, les 17 et 18 mars 2002, sur « la fabrique de l'opinion » par « la folie des sondeurs ». La même « logique industrielle » permet à Jean-Marie Colombani de justifier « qu'il imprime le quotidien gratuit 20 minutes » « alors même que la rédaction du Monde, dans l'éditorial du 7 mars 2003, s'est inquiétée des conséquences d'une gratuité de la presse pour la profession de journaliste ».
6 avril 2003
Kouchner en guerre... contre l'extrême gauche
Dans l'émission Mots croisés du 31 mars, qui avait pour titre « Guerre des religions, terrorisme... L'onde de choc » (tout un programme), Bernard Kouchner s'est clairement positionné aux côtés de Jean-François Coppé, porte-parole du gouvernement, et de Sir John Holmes, ambassadeur de Grande-Bretagne qu'il courtisait, contre l'extrême gauche.
Ce triste médecin des médias, en mal de reclassement (dans une autre émission, il avait fait étalage de son CV et annoncé qu'il était « disponible »), a non seulement osé affirmer que « derrière l'antiaméricanisme se cache l'antisémitisme », mais il s'en est pris aussi violemment à Olivier Besancenot. Il a repris à son compte « l'équation » posée par Patrick Klugman, président de l'Union des étudiants juifs de France : « On dit, nous luttons contre les américains, donc contre l'impérialisme, donc contre le sionisme, donc... contre les juifs ».
Extrait du dialogue :
Une fois de plus, Besancenot n'a pas profité de la tribune offerte par une émission de télévision pour dénoncer la guerre coloniale de Sharon en Palestine et de Bush en Irak, pour se solidariser avec les peuples palestiniens et irakiens, pour dénoncer les provocations sionistes dans les manifestations à Paris et le racisme contre les arabes. Au contraire, il a cédé à l'odieux chantage d'organisations juives réactionnaires en leur donnant des garanties « pour faire le ménage », c'est-à-dire interdire les références au conflit israélo-palestinien.
« Le camp de la paix », auquel il participe, sert finalement les intérêts de l'impérialisme américain selon la logique de la division du travail : les armées anglo-américaines détruisent les infrastructures du pays (notamment l'approvisionnement en eau potable pour contraindre la population à passer des heures à chercher de l'eau et à la purifier ou à la quémander auprès des troupes d'occupation), les entreprises américaines se partagent déjà les contrats les plus juteux de la « reconstruction » et les autres pays se partageront, via l'ONU, les miettes de « l'aide humanitaire ».
Serge LEFORT
5 avril 2003
Ce triste médecin des médias, en mal de reclassement (dans une autre émission, il avait fait étalage de son CV et annoncé qu'il était « disponible »), a non seulement osé affirmer que « derrière l'antiaméricanisme se cache l'antisémitisme », mais il s'en est pris aussi violemment à Olivier Besancenot. Il a repris à son compte « l'équation » posée par Patrick Klugman, président de l'Union des étudiants juifs de France : « On dit, nous luttons contre les américains, donc contre l'impérialisme, donc contre le sionisme, donc... contre les juifs ».
Extrait du dialogue :
- Kouchner : Eux aussi ont autorisé, par l'excès d'un certain raisonnement gauchiste, ces dérapages.
- Besancenot : Toutes les organisations, parce qu'elles sont responsables, se sont réunies pour faire le ménage. Parce que l'antisémitisme, le racisme, je le redis ce soir, ne peut pas être dans le camp de la paix.
- Intermède Coppé
- Kouchner : Je voulais dire à Olivier Besancenot que ce qu'il a dit non seulement n'est pas convaincant, mais très dangereux et très partial. Vous avez fini par dénoncer Bush, bravo. Mais vous n'avez pas dénoncé Ben Laden. Vous n'avez pas dénoncé Saddam Hussein. Il faut, Olivier Besancenot...
- Besancenot : Soyez sérieux...
- Kouchner : Non, je ne veux pas être sérieux. Je veux être plus que sérieux, je vous le demande... Dans une même phrase dénoncez-le au moins.
- Arlette Chabot change de sujet
Une fois de plus, Besancenot n'a pas profité de la tribune offerte par une émission de télévision pour dénoncer la guerre coloniale de Sharon en Palestine et de Bush en Irak, pour se solidariser avec les peuples palestiniens et irakiens, pour dénoncer les provocations sionistes dans les manifestations à Paris et le racisme contre les arabes. Au contraire, il a cédé à l'odieux chantage d'organisations juives réactionnaires en leur donnant des garanties « pour faire le ménage », c'est-à-dire interdire les références au conflit israélo-palestinien.
« Le camp de la paix », auquel il participe, sert finalement les intérêts de l'impérialisme américain selon la logique de la division du travail : les armées anglo-américaines détruisent les infrastructures du pays (notamment l'approvisionnement en eau potable pour contraindre la population à passer des heures à chercher de l'eau et à la purifier ou à la quémander auprès des troupes d'occupation), les entreprises américaines se partagent déjà les contrats les plus juteux de la « reconstruction » et les autres pays se partageront, via l'ONU, les miettes de « l'aide humanitaire ».
Serge LEFORT
5 avril 2003
29 mars 2003
Ne pas se taire sur la politique du gouvernement Sharon
Dans le camp, qui se range derrière Bush contre le peuple irakien, il faut compter le lobby pro-israélien [1]. Ces gens, présentés comme des "intellectuels de gauche" veulent désormais interdire en France toutes les protestations contre la politique du gouvernement Sharon. France Inter a relayé aujourd'hui l'appel à la constitution d'un service d'ordre, baptisé "casque blanc", destiné à expulser des manifestations les pancartes et les slogans pro-palestiniens.
Pour vendre sa sale guerre en Irak, Bush a fait miroiter la création d'un futur État Palestinien sans naturellement s'engager sur un calendrier ni exercer aucune pression contre Sharon [2]. Depuis les accords d'Oslo, le gouvernement israélien a multiplié les colonisations en Cisjordanie et à Gaza. Presque chaque jour, il détruit des maisons et tue des hommes, des femmes et des enfants parce qu'ils sont Palestiniens. Sharon, le boucher de Sabra et Chatila, est encouragé par Bush à poursuivre cette politique criminelle. Il espère peut-être en finir en déportant la population palestinienne vers la Jordanie à l'issue de la guerre contre l'Irak.
Le lobby pro-israélien veut imposer un lien entre la critique de la politique du gouvernement Sharon contre le peuple palestinien et l'adhésion aux thèses antisémites. Roger Cukierman , président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a prétendu que "l'antisionisme", "le nouvel habit de l'antisémitisme", règnerait dans des "partis révolutionnaires tels Lutte ouvrière et la LCR", ainsi que dans le courant anti-mondialisation. Besancenot a pleuré sur le plateau de "Tout le monde en parle" [3] et n'a rien dit sur celui de "Culture et dépendances" [4] . Il a laissé Finkielkraut faire son numéro et, par son silence, il a cautionné cette manœuvre qui visait aussi à nous interdire de contester la politique de l'administration Bush contre le peuple irakien.
Besancenot aurait pu au moins opposer les propos de Théo Klein [5] ou se déclarer solidaire du mouvement d'officiers israéliens contre la guerre coloniale et surtout répondre politiquement sur l'impasse des nationalismes israélien et palestinien, mais il a gardé le silence pour conserver le privilège de faire de la figuration dans les médias.
Serge LEFORT
28 mars 2003
[1] Voir l'article du Monde du 19 mars 2003.
[2] Voir la déclaration de Bush sur le processus de paix au Proche-Orient du 14 mars 2003.
[3] Émission du 8 février 2003.
[4] Émission du 19 février 2003.
[5] «Personne ne m'empêchera de dire et d'écrire que ce qui se passe au Proche-Orient n'est pas admissible. Et que je ne peux, ni ne veux, accepter cette inacceptable violence qui ne mène à rien, strictement à rien. Sinon à engendrer ce que nous déplorons tous : morts de chaque côté, pleurs de chaque côté, haines, affliction, désespérance, attentats, ripostes.» Théo Klein, Le Manifeste d'un Juif Libre.
Pour vendre sa sale guerre en Irak, Bush a fait miroiter la création d'un futur État Palestinien sans naturellement s'engager sur un calendrier ni exercer aucune pression contre Sharon [2]. Depuis les accords d'Oslo, le gouvernement israélien a multiplié les colonisations en Cisjordanie et à Gaza. Presque chaque jour, il détruit des maisons et tue des hommes, des femmes et des enfants parce qu'ils sont Palestiniens. Sharon, le boucher de Sabra et Chatila, est encouragé par Bush à poursuivre cette politique criminelle. Il espère peut-être en finir en déportant la population palestinienne vers la Jordanie à l'issue de la guerre contre l'Irak.
Le lobby pro-israélien veut imposer un lien entre la critique de la politique du gouvernement Sharon contre le peuple palestinien et l'adhésion aux thèses antisémites. Roger Cukierman , président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a prétendu que "l'antisionisme", "le nouvel habit de l'antisémitisme", règnerait dans des "partis révolutionnaires tels Lutte ouvrière et la LCR", ainsi que dans le courant anti-mondialisation. Besancenot a pleuré sur le plateau de "Tout le monde en parle" [3] et n'a rien dit sur celui de "Culture et dépendances" [4] . Il a laissé Finkielkraut faire son numéro et, par son silence, il a cautionné cette manœuvre qui visait aussi à nous interdire de contester la politique de l'administration Bush contre le peuple irakien.
Besancenot aurait pu au moins opposer les propos de Théo Klein [5] ou se déclarer solidaire du mouvement d'officiers israéliens contre la guerre coloniale et surtout répondre politiquement sur l'impasse des nationalismes israélien et palestinien, mais il a gardé le silence pour conserver le privilège de faire de la figuration dans les médias.
Serge LEFORT
28 mars 2003
[1] Voir l'article du Monde du 19 mars 2003.
[2] Voir la déclaration de Bush sur le processus de paix au Proche-Orient du 14 mars 2003.
[3] Émission du 8 février 2003.
[4] Émission du 19 février 2003.
[5] «Personne ne m'empêchera de dire et d'écrire que ce qui se passe au Proche-Orient n'est pas admissible. Et que je ne peux, ni ne veux, accepter cette inacceptable violence qui ne mène à rien, strictement à rien. Sinon à engendrer ce que nous déplorons tous : morts de chaque côté, pleurs de chaque côté, haines, affliction, désespérance, attentats, ripostes.» Théo Klein, Le Manifeste d'un Juif Libre.
25 mars 2003
Goupil se range derrière Bush contre le peuple irakien
Il faudrait être sourd pour ne pas avoir entendu les arguments que Goupil assène en boucle dans les médias pour soutenir la guerre américaine en Irak : "Saddam Hussein est un dictateur", "Saddam Hussein est l'arme de destruction massive". Et, grisé par les paillettes, il accuse même les opposants à la guerre d'être "dans le même camp que Le Pen" [1] !
La violence des formules n'explique en rien comment l'opération "Choc et stupeur", c'est-à-dire "les bombardements massifs" annoncés par la propagande américaine, permettrait au peuple irakien de construire lui-même une démocratie. Le peuple irakien, laminé politiquement par trente ans d'une dictature armée par l'Europe et les États-Unis, meurtri par douze ans d'embargo imposé par les États-Unis et terrorisé par les bombardements, n'a pas les moyens, et pour longtemps, de choisir librement son destin.
Les États-Unis, l'Angleterre comme la France et l'Allemagne ont mis en place et soutenu la dictature de Saddam tant qu'elle servait leurs intérêts. Les États-Unis ont permis à Saddam de prendre le pouvoir par un coup d'État et l'ont aidé à contrôler le pays. Les États-Unis, l'Angleterre comme la France et l'Allemagne connaissent précisément l'armement qu'ils ont fourni à Saddam pendant des décennies. Ils l'ont encouragé à faire la guerre contre l'Iran. Ils se sont alliés, en 1991, avec toutes les dictatures arabes - notamment avec l'Arabie Saoudite, qui finance les terroristes intégristes. Ils ont laissé Saddam massacrer les chiites et gazé les kurdes.
Les mêmes pays discutent déjà ouvertement de la "reconstruction" de l'Irak, c'est-à-dire de son partage. Aucun des gouvernements "démocratiques" ne s'est préoccupé un seul instant du peuple irakien, dont ils pillaient les richesses avec la complicité de Saddam. Il n'y a pas, contrairement aux apparences, de différence sur le fond entre Chirac et Bush mais seulement sur les moyens. L'un veut continuer à profiter du pétrole irakien par la négociation commerciale et diplomatique et l'autre veut s'en emparer par la colonisation militaire.
Comment le peuple irakien peut-il prendre au sérieux la soi-disante volonté des États-Unis ou de l'ONU de l'aider à instaurer une démocratie alors qu'ils soutiennent les monarchies pétrolières, la Turquie (contre les Kurdes) et Israël (contre les Palestiniens), et alors qu'ils méprisent les conventions internationales (par exemple à Guantanamo) ?
Hier, Goupil a soutenu l'URSS qui "libérait" les peuples en les écrasant et les asservissant, et, aujourd'hui, il soutient les USA contre le peuple irakien au nom de la même logique, c'est-à-dire le mépris des peuples. Les raccourcis historiques, au nom du socialisme ou de la démocratie, se font toujours avec le sang et sur le dos des peuples.
Serge LEFORT
24 mars 2003
[1] Dans l'émission Tam Tam du 24/03/03. L'intervention de Goupil sur France Inter fait suite à d'autres sur France 2, Arte et M6. Voir aussi l'article du Monde du 19 mars 2003.
La violence des formules n'explique en rien comment l'opération "Choc et stupeur", c'est-à-dire "les bombardements massifs" annoncés par la propagande américaine, permettrait au peuple irakien de construire lui-même une démocratie. Le peuple irakien, laminé politiquement par trente ans d'une dictature armée par l'Europe et les États-Unis, meurtri par douze ans d'embargo imposé par les États-Unis et terrorisé par les bombardements, n'a pas les moyens, et pour longtemps, de choisir librement son destin.
Les États-Unis, l'Angleterre comme la France et l'Allemagne ont mis en place et soutenu la dictature de Saddam tant qu'elle servait leurs intérêts. Les États-Unis ont permis à Saddam de prendre le pouvoir par un coup d'État et l'ont aidé à contrôler le pays. Les États-Unis, l'Angleterre comme la France et l'Allemagne connaissent précisément l'armement qu'ils ont fourni à Saddam pendant des décennies. Ils l'ont encouragé à faire la guerre contre l'Iran. Ils se sont alliés, en 1991, avec toutes les dictatures arabes - notamment avec l'Arabie Saoudite, qui finance les terroristes intégristes. Ils ont laissé Saddam massacrer les chiites et gazé les kurdes.
Les mêmes pays discutent déjà ouvertement de la "reconstruction" de l'Irak, c'est-à-dire de son partage. Aucun des gouvernements "démocratiques" ne s'est préoccupé un seul instant du peuple irakien, dont ils pillaient les richesses avec la complicité de Saddam. Il n'y a pas, contrairement aux apparences, de différence sur le fond entre Chirac et Bush mais seulement sur les moyens. L'un veut continuer à profiter du pétrole irakien par la négociation commerciale et diplomatique et l'autre veut s'en emparer par la colonisation militaire.
Comment le peuple irakien peut-il prendre au sérieux la soi-disante volonté des États-Unis ou de l'ONU de l'aider à instaurer une démocratie alors qu'ils soutiennent les monarchies pétrolières, la Turquie (contre les Kurdes) et Israël (contre les Palestiniens), et alors qu'ils méprisent les conventions internationales (par exemple à Guantanamo) ?
Hier, Goupil a soutenu l'URSS qui "libérait" les peuples en les écrasant et les asservissant, et, aujourd'hui, il soutient les USA contre le peuple irakien au nom de la même logique, c'est-à-dire le mépris des peuples. Les raccourcis historiques, au nom du socialisme ou de la démocratie, se font toujours avec le sang et sur le dos des peuples.
Serge LEFORT
24 mars 2003
[1] Dans l'émission Tam Tam du 24/03/03. L'intervention de Goupil sur France Inter fait suite à d'autres sur France 2, Arte et M6. Voir aussi l'article du Monde du 19 mars 2003.
14 mars 2003
L'autre guerre
Les États-Unis ont les moyens de gagner très facilement la guerre contre l'Irak (il s'agit en fait d'une colonisation militaire de l'Irak), car elle opposera la première puissance militaire (basée sur l'arme nucléaire, sur les technologies aéronavales et spatiales et les réseaux de communication ) à un pays, qui est sous la botte de la dictature du clan Saddam Hussein depuis vingt-quatre ans et qui est contrôlé militairement et bombardé depuis plus de dix ans. Il est vraisemblable que seule la garde prétorienne de Saddam se battra dans Bagdad, autant contre les commandos américains que contre la population irakienne.
Les États-Unis gagneront militairement cette guerre, mais pas politiquement. Le peuple irakien, affaibli par vingt-quatre ans de dictature et dix ans d'embargo, accueillera peut-être les américains en libérateurs. Mais les troupes américaines seront confrontées à l'aspiration nationale des kurdes qui joueront une nouvelle fois leur destin. Malgré le vote du Parlement, la Turquie négocie l'utilisation de son territoire par l'armée américaine : «une aide de 30 milliards de dollars» et le contrôle militaire du Kurdistan turc et irakien camouflé sous l'aide humanitaire aux réfugiés. «Et en Turquie, les États-Unis poursuivent leurs débarquements de matériels militaires sans attendre un nouveau vote pour autoriser le déploiement de quelque 62 000 GI américains.» (Les Échos 12/03/2003).
La crispation médiatique autour de la guerre annoncée des USA contre l'Irak en cache une autre, celle de l'impérialisme américain contre les autres puissances impérialistes. Depuis le début des années 90, les États-Unis remettent en cause l'ordre mondiale construit par les vainqueurs après 1945. Ils refusent tous les accords internationaux qu'ils jugent défavorables pour la sauvegarde de leurs intérêts. La partie de poker menteur, qui se joue à l'ONU sous le prétexte du désarmement de Saddam Hussein, révèle la volonté de certaines puissances de contraindre les États-Unis à se mettre hors jeu. La rébellion du gouvernement français serait dérisoire si elle ne préfigurait pas de nouvelles alliances.
Les États-Unis gagneront militairement cette guerre, mais ni politiquement ni économiquement. L'impérialisme américain détenait environ 50% des échanges internationaux à la fin de la Seconde guerre mondiale, mais il n'en détient plus aujourd'hui que 22%. Entre 1990 et 2000, le déficit commercial américain est passé de 100 à 450 milliards de dollars. Le coût de cette guerre, assuré pratiquement seul, accélérera le déclin des USA. L'enjeu, à long terme, est la remise en cause du dollar comme monnaie de référence – accords de Bretton Woods en juillet 1944 – qui permet aux États-Unis de financer leur déficit. Dans le contexte de la crise économique, amorcée en 1974-1975, la «crise irakienne» constituera un épisode décisif pour un repartage du monde entre les grandes puissances.
Serge LEFORT
14 mars 2003
Les États-Unis gagneront militairement cette guerre, mais pas politiquement. Le peuple irakien, affaibli par vingt-quatre ans de dictature et dix ans d'embargo, accueillera peut-être les américains en libérateurs. Mais les troupes américaines seront confrontées à l'aspiration nationale des kurdes qui joueront une nouvelle fois leur destin. Malgré le vote du Parlement, la Turquie négocie l'utilisation de son territoire par l'armée américaine : «une aide de 30 milliards de dollars» et le contrôle militaire du Kurdistan turc et irakien camouflé sous l'aide humanitaire aux réfugiés. «Et en Turquie, les États-Unis poursuivent leurs débarquements de matériels militaires sans attendre un nouveau vote pour autoriser le déploiement de quelque 62 000 GI américains.» (Les Échos 12/03/2003).
La crispation médiatique autour de la guerre annoncée des USA contre l'Irak en cache une autre, celle de l'impérialisme américain contre les autres puissances impérialistes. Depuis le début des années 90, les États-Unis remettent en cause l'ordre mondiale construit par les vainqueurs après 1945. Ils refusent tous les accords internationaux qu'ils jugent défavorables pour la sauvegarde de leurs intérêts. La partie de poker menteur, qui se joue à l'ONU sous le prétexte du désarmement de Saddam Hussein, révèle la volonté de certaines puissances de contraindre les États-Unis à se mettre hors jeu. La rébellion du gouvernement français serait dérisoire si elle ne préfigurait pas de nouvelles alliances.
Les États-Unis gagneront militairement cette guerre, mais ni politiquement ni économiquement. L'impérialisme américain détenait environ 50% des échanges internationaux à la fin de la Seconde guerre mondiale, mais il n'en détient plus aujourd'hui que 22%. Entre 1990 et 2000, le déficit commercial américain est passé de 100 à 450 milliards de dollars. Le coût de cette guerre, assuré pratiquement seul, accélérera le déclin des USA. L'enjeu, à long terme, est la remise en cause du dollar comme monnaie de référence – accords de Bretton Woods en juillet 1944 – qui permet aux États-Unis de financer leur déficit. Dans le contexte de la crise économique, amorcée en 1974-1975, la «crise irakienne» constituera un épisode décisif pour un repartage du monde entre les grandes puissances.
Serge LEFORT
14 mars 2003
3 mars 2003
"Le Monde" s'engage dans un procès stalinien
Le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, La face cachée du "Monde", du contre-pouvoir aux abus de pouvoir, est sorti en librairie le même jour que le numéro spécial du Monde sur « Staline, 50 ans après : ce qu'il fut, ce qu'il fit et ce qu'il en reste » – curieusement titré à la une du 26 février « Enquête sur une barbarie moderne » [1].
Le communiqué du conseil d'administration de la Société des rédacteurs du Monde, publié le 28 février, illustre bien en effet « ce qu'il reste » du stalinisme. La direction du Monde reprend à son compte les procédés du PCF, quand la presse avait révélé le passé de Georges Marchais pendant la guerre, c'est-à-dire ne pas répondre sur les faits mais crier au complot : « C'est la collectivité du Monde, ses rédacteurs, ses cadres, ses employés, ses ouvriers, qui est livrée à l'opprobre » !
Hier, mettre en cause Georges Marchais fut présenté comme une agression contre tous les membres du parti, et aujourd'hui, mettre en cause la direction du Monde, en accumulant des faits aussi précis que troublants, serait une agression contre tous les salariés du journal. Hier comme aujourd'hui, on proclame que rien « ne saurait déstabiliser » la direction « unie et solidaire face à cette agression ».
Pourtant un journaliste du Monde, Daniel Schneidermann, a osé braver cette unanimité dans le supplément Télévision du 1er mars : « L'essentiel, c'est que cette enquête sur la part d'ombre du journal multiplie les faits ». Beaucoup s'étonnent qu'il soit seul à s'exprimer et donc à démentir le « climat de peur » qui règne dans la rédaction.
Serge LEFORT
3 mars 2003
[1] Le mot « enquête » est pour le moins abusif.
Le communiqué du conseil d'administration de la Société des rédacteurs du Monde, publié le 28 février, illustre bien en effet « ce qu'il reste » du stalinisme. La direction du Monde reprend à son compte les procédés du PCF, quand la presse avait révélé le passé de Georges Marchais pendant la guerre, c'est-à-dire ne pas répondre sur les faits mais crier au complot : « C'est la collectivité du Monde, ses rédacteurs, ses cadres, ses employés, ses ouvriers, qui est livrée à l'opprobre » !
Hier, mettre en cause Georges Marchais fut présenté comme une agression contre tous les membres du parti, et aujourd'hui, mettre en cause la direction du Monde, en accumulant des faits aussi précis que troublants, serait une agression contre tous les salariés du journal. Hier comme aujourd'hui, on proclame que rien « ne saurait déstabiliser » la direction « unie et solidaire face à cette agression ».
Pourtant un journaliste du Monde, Daniel Schneidermann, a osé braver cette unanimité dans le supplément Télévision du 1er mars : « L'essentiel, c'est que cette enquête sur la part d'ombre du journal multiplie les faits ». Beaucoup s'étonnent qu'il soit seul à s'exprimer et donc à démentir le « climat de peur » qui règne dans la rédaction.
Serge LEFORT
3 mars 2003
[1] Le mot « enquête » est pour le moins abusif.