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29 mars 2006

Crise politique

Face aux 3 millions de manifestants, qui constituent l'avant-garde marchante de la majorité des lycéens, étudiants et salariés en lutte contre le CPE, de Villepin, ministre de la guerre sociale, cherche l'affrontement et s'appuie sur de Robien, son ministre de l'épuration des lycées et des facultés, pour casser les reins des opposants. Et, malgré ses divisions de surface, toute la droite est unie par la même volonté de maintenir une loi scélérate "contre la rue".

La gauche, qui a donné les pleins pouvoirs à Chirac en 2002, s'en remet benoîtement à la décision du Conseil constitutionnel et, en dernier recours, à celle de Chirac. Elle surfe sur la vague de contestation dans une perspective électoraliste, mais ne propose aucune alternative à la précarisation qu'elle a elle-même favorisée dès 1983 et accentuée de 1995 à 2002 grâce à Jospin et Aubry.

On peut sourire du lapsus de Villepin à l'Assemblée nationale cette après-midi. En réponse à Hollande, il a dit exactement [1] : «Attendons le Conseil constitutionnel... qui donnera sa démission demain» - après un blanc d'une seconde - «le Conseil constitutionnel qui donnera sa décision demain». Mais l'essentiel n'est pas là.

Certains médias, dont Libération, envisagent des sorties de crise qui reposent sur l'hypothèse, bien faible, que le gouvernement aurait commis un faux-pas. Personne n'envisage qu'il a au contraire la volonté délibérée de briser la résistance sociale à la barbarie capitaliste, qui permet aux entreprises du CAC 40 d'engranger des profits records - plus de 50% en 2005 - alors que des millions de travailleurs plongent dans la précarité et la misère.

Il faudrait plutôt envisager un coup politique du couple Chirac-Villepin, susceptible de mobiliser une droite devenue hésitante voire dissidente et d'asséner un coup fatal à une gauche toujours paralysée par son échec du 21 avril avec la perte de presque 2,5 millions de voix par Jospin (2 487 685) et de 1,6 de voix par le PCF (1 672 183). Cet électrochoc serait la démission de Chirac. Comme en juin 68, tout le petit monde politique se précipiterait alors dans la course aux élections présidentielles et législatives.

Chirac sauverait la tête de son Premier ministre et la sienne par la même occasion. Il couperait l'herbe sous le pied à Sarkozy, qui a pris la direction du parti chiraquien pour en faire l'instrument de sa propre candidature. Il saperait les prétentions de la gauche à tirer un quelconque bénéfice électoral du mouvement contre le CPE. En créant un climat de peur, Chirac renverserait la tendance, assurerait sa réélection et une triomphale victoire de la droite.

Cette hypothèse, bien que plus réaliste que tous les commentaires politico-médiatiques, comporte une faille. Il n'est pas certain que les millions de gens, mobilisés aujourd'hui contre le CPE et la précarité, suivront les appels d'une gauche prête à jouer le jeu électoral de la droite.

Serge LEFORT
29 juin 2006

[1] Et non, comme le rapporte Le Nouvel Observateur : "Attendons le conseil constitutionnel qui prendra sa démission demain", a indiqué le Premier ministre à l'Assemblée, mercredi.

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