L'étude du cas de la miraculeuse résurrection de la piste soviétique dans l'attentat contre Jean Paul II en mai 1981 est révélatrice du mode de fonctionnement des médias.
Le Monde, Libération, Arte et d'autres médias ont repris en cœur une dépêche d'agence sans réaliser le moindre travail journalistique de son contenu [1].
En amont, personne n'a pris le temps d'examiner la crédibilité de la relance d'une accusation documentée depuis longtemps. Personne n'a relevé les contradictions entre de soi-disantes nouvelles révélations et l'absence totale de preuves. Personne ne s'est interrogé sur le calendrier de cette affaire qui a resurgi pendant la campagne électorale en Italie. Personne n'a fait état des liens existants entre le sénateur Paolo Guzzanti et Silvio Berlusconi.
Tous les médias, qui ont repris à leur compte cette théorie rocambolesque du complot datant de la fin de la guerre froide, l'ont fait sans au minimum rappeler les conclusions négatives de deux rapports américains ni exprimer quelques doutes [2]. Ils ont tous crédibilisés, pratiquement dans les mêmes termes, la rumeur manipulée par les hommes et les institutions aux mains de Berlusconi.
En aval, les mêmes médias ont pieusement gardé silence sur le démenti de cette fumeuse théorie. Seul l'hebdomadaire Marianne a publié un entrefilet qui met fin à la rumeur complaisamment relayée par Le Monde, Le Nouvel Observateur, Le Figaro, Libération, Arte et Valeurs actuelles : «Les conclusions de la commission du Parlement italien accusant, à la demande du parti de Berlusconi, les services secrets soviétiques d'avoir ordonné l'attentat contre Jean Paul II ont été rejetées. La majorité des parlementaires estiment la thèse parfaitement ridicule.»
Cette lamentable affaire peut sembler dérisoire par rapport à d'autres, comme celles d'Outreau, de la fausse agression du RER D ou de la mort d'Ilan. Elle est exemplaire, car elle révèle les dysfonctionnements des médias qui font du chiffre d'affaire en manipulant l'information. Répéter en boucle le même mensonge pour rendre méconnaissables les faits fut l'idéal d'un certain ministre de l'Information et de la Propagande [3]. Les médias, qui aujourd'hui pratiquent la même politique, se font les agents d'une dictature du consentement aussi ignoble que celle des nazis.
Serge LEFORT
18 avril 2006
[1] Voir les précédents articles :
• 06/03/06, "Le Monde", agent de propagande, Monde en Question.
• 09/03/06, "Libération" et "Arte", agents de propagande, Monde en Question.
[2] Le rédacteur en chef du Nouvel Observateur a posté un message pour contester notre analyse sous la forme d'une tartufferie : «Et si c'était vrai. Pourquoi ne pas envisager l'hypothèse ?»
Aux articles, déjà cités du Monde et de Libération, on peut ajouter ceux du Nouvel Observateur, du Figaro, de Valeurs actuelles et de Wikipédia.
Une recherche via Google sur l'expression "commission Mitrokhine" aboutit à 200 pages et celle sur "attentat contre Jean-Paul II" à 20 600 pages. Ceci prouve combien ce thème fait recette dans les médias français et francophones - les seuls étudiés dans le cadre de cet article.
[3] À force de répétitions et à l'aide d'une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible de prouver qu'un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont "cercle" et "carré" ? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu'à rendre méconnaissable les idées qu'ils véhiculent.
Joseph Goebbels
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