Chaque conflit social de grande ampleur voit resurgir le mot d’ordre de grève générale. Cette idée, apparue à la fin du XIXe siècle, fit l’objet de vifs débats entre syndicalistes révolutionnaires et socialistes. Miguel Chueca publie un recueil de textes de l’époque qui permet de restituer les enjeux de cette controverse intellectuelle et politique.
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L’intérêt de ce livre est de proposer un retour aux sources en présentant les différentes opinions émises sur la grève générale à la Belle Époque. En partant des textes de l’époque et des paroles des acteurs, on évite les jugements à l’emporte-pièce et les simplifications caricaturales auxquels on réduit souvent la grève générale. Néanmoins, plus qu’une fidèle restitution des positions qui s’exprimèrent à l’époque, l’éditeur a privilégié le point de vue de ses partisans puisque seuls deux textes (ceux de Jean Jaurès et du socialiste néerlandais Henri Van Kol) présentent le point de vue de ses adversaires. La perspective militante du livre privilégie donc les partisans de la grève générale, ceux que l’histoire a rejetés dans le camp des vaincus. C’est l’un des intérêts de ce livre que de donner la parole à des acteurs largement méconnus du syndicalisme révolutionnaire.
Pour reconstituer le débat et les différentes opinions qui s’exprimèrent, l’auteur a regroupé les textes de l’époque en quatre parties. Il donne d’abord la parole aux partisans de la grève générale comme Émile Pouget, Fernand Pelloutier ou le groupe des étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes. La deuxième partie présente le débat sur la grève générale en donnant la parole à Jean Jaurès, qui en formule la première critique construite et systématique en 1901, et aux syndicalistes révolutionnaires qui lui répondent. La troisième partie présente les tensions qui divisent les socialistes sur la question de la grève générale : face à ceux qui n’y voient qu’une « utopie anarchiste » dangereuse, d’autres comme Paul Louis, plus proche du mouvement syndical, s’efforcent de développer des positions plus conciliantes. Enfin, la dernière partie donne la parole à Hubert Lagardelle et Georges Sorel, les théoriciens du syndicalisme révolutionnaire. Après 1901, en effet, la grève générale est considérée comme un acquis du mouvement syndical. Les syndicalistes ne croient plus nécessaire de s’étendre sur le sujet et il revient alors aux intellectuels d’en proposer une traduction plus théorique.
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Ce livre, doté par ailleurs d’un riche appareil critique et d’un très utile glossaire, permet donc au lecteur de plonger au cœur des débats qui traversent le mouvement syndical et socialiste au tournant du XXe siècle et de retrouver la passion qui animait les révolutionnaires du temps. L’éditeur affirme dans son introduction que le mot d’ordre de grève générale a disparu avec la guerre et qu’après 1918 « il ne cessera plus de perdre du terrain » (p. 35). Cette disparition rapide serait due au triomphe des deux modèles de socialisme politique – le modèle insurrectionnel et le modèle réformiste – auxquels la grève générale et le syndicalisme révolutionnaire s’étaient opposés.
Pour ou contre la grève générale ?, La vie des idées.
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