À la fin du XIXe siècle, des auteurs marxistes ont associé les deux termes pour dénoncer l'hypocrisie du mariage bourgeois :
Le mariage est basé sur la situation de classe des partenaires ; sous ce rapport-là, il est donc toujours un mariage de convenance. Ce mariage de convenance se convertit assez souvent en la plus sordide prostitution - parfois des deux parties, mais beaucoup plus fréquemment de la femme ; si celle-ci se distingue de la courtisane ordinaire, c'est seulement parce quelle ne loue pas son corps à la pièce, comme une salariée, mais le vend une fois pour toutes, comme une esclave.Au XXe siècle, un auteur libertarien a poussé l'analyse de l'économie sexuelle beaucoup plus loin :
Friedrich ENGELS, L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, Archive des Marxistes, 1884.
Si le mariage représente l'un des côtés de la vie sexuelle du monde bourgeois, la prostitution en représente l'autre. Le premier est la face de la médaille, la seconde en est le revers.
August BEBEL, La femme et le socialisme, Archive des Marxistes, 1891.
Les circonstances qui conduisent à un échange de consentements pour décider d'un mariage ou d'une vie commune sont celles d'un marché. Les modalités de rencontre sont diverses : petite annonce dans un journal spécialisé, rendez-vous organisé par une agence matrimoniale ou un club, rencontres spontanées. Ces contacts sont indispensables, et les partenaires échangent une série d'informations sur la qualité des services qu'ils peuvent se rendre mutuellement ou sur le type d'aventure qu'ils désirent. Ces renseignements prennent différentes formes : ouïe dire, échange de curricula vitae, etc... Ils requièrent divers intermédiaires : agences matrimoniales, marieurs, amis. L'accord conclu et librement accepté peut être formel (contrat de mariage) ou informel (union libre). Généralement les conditions de travail (femme au foyer ou non), le nombre d'enfants (voire la date à laquelle on les désire), le partage des tâches seront implicitement décidés à l'avance et renégociés dès qu'il sera nécessaire de le faire pour maximiser le bien-être du couple. Ce contrat suppose un échange de services : l'homme désire obtenir de son épouse affection [terme politiquement correct pour dire sexe] ou procréation, services difficiles a acquérir sur le marché ; elle, en retour, exige une compensation monétaire, car le car le temps qu'elle consacre à son mari pourrait être utilisé à autre chose ou offert à un autre homme.La fiction caricaturale racontée par l'auteure du billet pré-cité passe à côté d'une réalité taboue en France, celle des femmes qui paient, à l'acte (prostitution) ou au forfait (mariage), la satisfaction de leurs besoins sexuels. Cette réalité est taboue car elle dérange la norme sociale qui, sur le marché du sexe, impose aux hommes le rôle de client-acheteur. Ce tabou en croise un autre, celui de la violence féminine pourtant présente dans la littérature, en particulier dans la tragédie antique, comme dans les faits divers [3].
Les marchés du mariage et du travail sont respectivement semblables et interdépendants. Les services rendus par les individus ont une spécificité unique : ils ne peuvent être que loués. Le commerce des hommes et des femmes est aujourd'hui illégal, mais les services qu'ils rendent à un employeur, en absence d'un droit du travail, serait soumis aux règles du "louage de services". Il en est de même pour le marché du mariage : l'homme loue les services d'une femme et en contrepartie lui offre une compensation. Mais ici, les à côtés mêmes de cette location : beauté du mari, intelligence, statut socioprofessionnel, etc... sont primordiaux.
Dans un monde où l'incertitude prédomine, les hommes et les femmes n'ont pas connaissance de l'utilité totale attendue en formant un couple. Il faut du temps et de la chance pour trouver l'époux le mieux assorti à ses propres traits. Entre épouser la première personne rencontrée et attendre indéfiniment un amour exceptionnel, existe un moyen terme. Dans un couple, l'assortiment réalisé est donc nécessairement imparfait.
LEMENNICIER Bertrand, Le marché du mariage et de la famille, PUF, 1988 [Revue française de sociologie].
Extrait du chapitre 3 Le choix du conjoint [2].
24/04/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde
Lire aussi :
• Prostitution :
- L'Encyclopédie de L'Agora
- L'Encyclopedie canadienne
- Wikipédia
• Statistiques prostitution :
- 1999, Sénat.
- 26/04/2008, Prostitution étudiante : peu de chiffres et nombre de fantasmes, Rue89.
• Associations prostitution :
- Fondation Scelles. Connaître, Comprendre et Combattre l'exploitation sexuelle commerciale.
- Institut National de la Prostitution. L'I.N.P. a pour vocation de défendre une prostitution juste et humaniste en France.
- Journal de la Rue. Magazine qui se présente comme la référence pour les écoles, les organismes communautaires, les Maisons de Jeunes et les travailleurs sociaux.
- Mouvement du Nid. Association catho-laïque et féministe politiquement correct
- SOS Femmes. Association qui s'est donnée comme objet de défendre les femmes éternelles victimes de la violence masculine.
- Putes. Ni coupables, ni victimes, fières d'être putes.
• Du Genre au Mariage :
- Dossier documentaire & Bibliographie Masculin-Féminin, Monde en Question.
- Dossier documentaire & Bibliographie Sexualité, Monde en Question.
- Dossier documentaire & Bibliographie Séduction, Monde en Question.
- Dossier documentaire & Bibliographie Mariage, Monde en Question.
[1] Le mot mariage est utilisé ici métaphoriquement pour désigner toutes les formes d'association entre une femme et un homme permettant l'échange forfaitaire sexe-argent.
[2] Lire aussi :
• Extrait du chapitre 1 La nature de la famille et son évolution
• Extrait du chapitre 2 Qui porte la culotte dans le ménage
• Extrait du chapitre 3 Le choix du conjoint
• Choix du conjoint in Dossier documentaire & Bibliographie Séduction, Monde en Question.
• Extrait du chapitre 4 Le prix de la femme dans nos sociétés contemporaines
• Le prix à payer, Monde en Question
• Extrait du chapitre Liberté et contrat de mariage
[3] Lire aussi :
• Violence féminine, Faits divers.
• Violence féminine, Wikipédia.
Sélection bibliographique :
• BADINTER Elisabeth, La vérité sur les violences conjugales, L'Express du 20/06/2005.
• BESNIER Anne, La violence féminine, du vécu au transmis, L'Harmattan, 2004.
• DALLAIRE Yvon, La violence faite aux hommes - Une réalité taboue et complexe, Option Santé, 2002.
• DAUPHIN Cécile, FARGE Arlette (sous la direction de), De la violence et des femmes, Albin Michel, 1997 [Clio].
• KOONZ Claudia, Les mères-patrie du IIIe Reich - Les femmes et le nazisme, Lieu Commun, 1989 [Érudit].
• POIRET Anne, L'ultime tabou - Femmes pédophiles Femmes incestueuses, Patrick Robin, 2006 [Dailymotion].
• VANNEAU Victoria, Maris battus - Histoire d'une « interversion » des rôles conjugaux, Ethnologie française 2006/4 (Vol. 36).
• WYSS Eva, Violence féminine : mythes et réalités - La violence domestique n'est pas l'apanage des hommes, Commission cantonale de l'égalité entre la femme et l'homme, 2006.
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