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16 décembre 2010

La fin du Monde - sans commentaire


Eric Fottorino révoqué de la présidence du directoire du groupe Le Monde

Lors d'un conseil de surveillance du groupe Le Monde, qui s'est tenu mercredi 15 décembre à Paris, Eric Fottorino a été révoqué de ses fonctions de président du directoire du groupe Le Monde. Voici le communiqué du groupe Le Monde :
"Le conseil de surveillance du Monde SA et de la SEM [Société éditrice du Monde] se sont réunis ce jour et ont élu à l'unanimité Pierre Bergé à sa présidence et Gilles Van Kote (président de la Société des rédacteurs du Monde [SRM]) en tant que vice-président.

A cette occasion, le conseil de surveillance a tenu à remercier Louis Schweitzer, démissionnaire, pour l'action déterminante qu'il a menée au cours des dernières années.

Prenant acte de divergences de vues entre le directoire et les actionnaires, et compte tenu de la démission du directeur général David Guiraud, le conseil a nommé Louis Dreyfus président du directoire du groupe. Eric Fottorino reste provisoirement membre du directoire et directeur du quotidien. Conformément aux engagements pris, les fonctions managériales et éditoriales sont désormais dissociées.

Une nouvelle direction du quotidien sera proposée dans les premières semaines de 2011 à l'issue d'un processus mis en place en concertation avec la SRM.

Le conseil de surveillance a également examiné le budget 2011 qui doit marquer une étape cruciale pour le groupe et le retour à son équilibre d'exploitation dès l'année prochaine. Il a enfin discuté des priorités stratégiques et des axes de développement qui seront présentés pour approbation lors des prochains conseils de surveillance."

Dans un autre communiqué, le conseil de gérance de la SRM a déclaré "prendre acte des décisions entérinées par le conseil de surveillance et de la révocation d'Eric Fottorino". La SRM note que "ces derniers points ne figuraient pas à l'ordre du jour du conseil de surveillance" et souligne qu'elle n'a donc pu, "comme les autres sociétés de personnels actionnaires", prendre part à ces votes.

"La SRM demande que de telles procédures ne soient plus appliquées à l'avenir et dans ces conditions. La SRM entend jouer tout son rôle d'actionnaire dans la vie du groupe et en particulier dans l'exercice de ses droits spécifiques sur la nomination du directeur du journal", poursuit le communiqué.

"Par ailleurs, alors que les personnels ont été choqués, ces dernières semaines, par certaines pratiques et certaines déclarations des actionnaires majoritaires ou de leurs représentants, la SRM sera vigilante quant à la promesse faite ce jour par Pierre Bergé, en son nom et en celui de ses associés Xavier Niel et Matthieu Pigasse, et par Louis Dreyfus de respecter les engagements pris et d'agir dans le dialogue et la concertation."

Le Monde

Eric Fottorino démis de ses fonctions de président du Directoire du Monde

Pierre Bergé a été élu à la présidence du Conseil de surveillance du groupe Le Monde, tandis que Louis Dreyfus assurera la présidence du directoire après la révocation d'Eric Fottorino de ce poste, a annoncé mercredi 15 décembre la direction du groupe.

Pierre Bergé [entrepreneur en confection de luxe], Xavier Niel (président-fondateur de Free) et le banquier d'affaires Matthieu Pigasse sont devenus les actionnaires majoritaires du groupe en novembre dernier.

NouvelObs

15 décembre 2010

Cantona joue Robin des bois

Que les médias dominants fassent la publicité de l'appel de Cantonna à retirer son argent des banques c'est normal car ils ont compris, eux, tout l'intérêt qu'ils pouvaient tirer des idées de Cantona. Ainsi, L'im-Monde prêche la lutte des classes en Chine et juge intolérable les grèves en France [1] et tout le monde de s'esbaudir devant ce double courage du quotidien qui se prétend de référence.

Que les blogs relaient benoîtement ce qu'on appelle un buzz, c'est-à-dire en clair faire parler de soi en colportant les conneries des autres, c'est normal à l'ère des réseaux dit sociaux par abus de langage - ce dont tout le monde se moque. Il serait fastidieux de citer tous les blogs, voici un florilège de quelques auteurs qui se disent à gauche (par ordre alphabétique pour ne pas faire de jaloux) :
• E. Cantona et les banques, Jef hébergé par Le Monde, 08/12/2010.
• CE SOIR (OU JAMAIS !), Paul Jorion, 03/12/2010.
• Ne pas détruire les banques : les saisir !, Frédéric Lordon hébergé par Le Monde diplomatique, 02/12/2010.
• Cantona : tester la trouille des banquiers, Jean Vinatier, 03/12/2010.

Que des organisations qui se disent à gauche de la gauche et qu'on aurait pu croire moins sensibles au battage médiatique, mais qui, comme pour le buzz orchestré autour de Wikileaks par cinq médias mondiaux, véhiculent les mêmes platitudes démagogiques ça pose question sur le consensus dominant qui s'apparente à la soumission librement consentie [2].

Pour Arlette Laguiller, employée de banque à la retraite, les choses sont comme d'habitude très simples :
La proposition d'Éric Cantona, invitant tous ceux qui disposent d'un compte en banque à retirer le même jour les fonds qui y sont déposés, a provoqué des réactions diverses, venant tout d'abord de ceux qui soutiennent le système bancaire - et pas seulement en paroles.
Ainsi, avec la morgue qu'on lui connaît, Christine Lagarde a tancé le footballeur, l'invitant à ne pas se mêler de ce qu'il ne connaît pas.
Sauf que, justement, l'activité des banques en général, et tout particulièrement dans la période récente, concerne toute la population, et au premier chef la population laborieuse. C'est pourquoi l'initiative de Cantona a été d'emblée populaire, sauf bien évidemment auprès de ceux qui étaient ainsi montrés du doigt.
[...]
Pour que le système bancaire et financier fonctionne au service de la collectivité, il serait indispensable d'enlever les banques des mains de ces profiteurs avides qui saignent le monde et de les unifier en une seule banque, dans chaque pays, sous le contrôle et l'autorité de la population.
Lutte Ouvrière, 06/12/2010
Olivier Besancenot quant à lui
juge "séduisant" l'appel d'Eric Cantona à vider ses comptes bancaires pour que "le système s'écroule mais pour le porte-parole du NPA qui s'exprime dans Libération mercredi "s'attaquer aux banques n'est qu'une partie du problème".
NPA, 01/12/2010
Six jours plus tard l'organisation fait un communiqué qui s'aligne sur les positions de LO :
Les moqueries de quelques ministres du gouvernement Fillon, comme Ch. Lagarde ou F. Baroin en charge de l 'économie et du budget, ne sauraient cacher l'agacement et la peur du monde de la finance et de ses serviteurs politiques à l'encontre de ceux et celles qui ont relayé l'appel d'E. Cantona à vider son compte de dépôt.
Au niveau européen, la Commission européenne et J.C. Juncker, chef de file des ministres des Finances sont partis en guerre contre cet appel.
Le succès rencontré témoigne du profond malaise, du mécontentement, du rejet à l'égard du système bancaire qui spécule à tout va en sachant très bien qu'en dernier ressort les finances publiques seront à leur disposition pour les renflouer, avec à la clef un plan d'austérité pour la population, comme le montre le cas de la Grèce et de l'Irlande.
[...]
Mais, cet appel focalise l'attention sur un des piliers de l'exploitation capitaliste. Aussi, pour construire une autre société débarassée de l'exploitation, il est essentiel d'exproprier les banques privées et de mettre en place un service public bancaire ayant le monopole des dépôts et du crédit sous le contrôle des salariés et des usagers.
NPA, 07/12/2010
La vidéo qui aurait "fait le tour du monde" date du 8 octobre 2010 ! Ce qui montre qu'il a fallu presque deux mois pour que la mayonnaise prenne en temps réel dans les quelques kilomètres carrés de l'hexagone...


Or, que dit Cantona dans l'entretien accordé à Presse Océan ? Voici le récit du quotidien du quotidien de Nantes Saint-Nazaire Loire-Atlantique :
Etienne Mvé lui pose une question sur son engagement pour la Fondation Abbé Pierre, sur la précarité et sur les Roms. Éric Cantona lui répond et laisse vagabonder sa pensée sur le système actuel.
Et son discours est aussi rouge que son pull. Selon l'ex-footballeur, il faut changer de politique. Mais les manifs, « ce n'est plus comme ça qu'il faut faire les choses ». Éric Cantona rêve de révolution. « Elle est très simple à faire », détaille-t-il. « Le système c'est quoi ? Le pouvoir des banques. Au lieu qu'il y ait trois millions de gens qui aillent dans les rues, ces trois millions ils vont à la banque et ils retirent leur argent et les banques s'écroulent ». Et « Canto » d'ajouter : « C'est pas compliqué. Les syndicats, il faut leur donner des idées des fois ».
Presse Océan
Vous avez bien entendu et bien lu. Alors où est l'arnaque ?

L'arnaque visible est que Cantona ne s'est pas exprimé en tant que le footballeur qu'il fut, mais en tant que l'acteur (dans les deux sens du terme) "incontournable des médias" qu'il est. C'est comme disent les journalistes un "bon client". Ce petit détail du lieu d'où parle "l'acteur" a échappé à tous les commentateurs, qui se répètent les uns les autres selon la trajectoire d'un anneau de Möbius.

L'arnaque visible est aussi de dire que retirer son argent de la banque serait un acte révolutionnaire. Que les médias dominants applaudissent à ce genre de propos, c'est de bonne guerre, mais que les médias de gauche et à gauche de la gauche s'en réjouissent parce que l'initiative du footballeur-acteur aurait été populaire, cela montre qu'ils ont renoncé par démagogie à défendre toute idée contraire au consensus dominant.

L'arnaque invisible est de faire croire qu'on puisse retirer tout son argent du jour au lendemain de la banque. Vous pouvez quitter votre banque pour une autre en transférant tous vos avoirs d'une banque à l'autre. Ce qui ne change rien ! Mais vous ne pouvez pas retirer au distributeur ou au guichet plus d'une certaine somme, variable selon votre plafond autorisé, par semaine glissante. C'est-à-dire que, si votre plafond est par exemple de 2000€, vous pouvez retirer cette somme aujourd'hui le 15 décembre et que vous devrez attendre le 23 décembre pour retirer la même somme. Qu'on se le dise !

Ceci est valable pour la France car au Mexique, par exemple, on peut retirer à tout instant la presque totalité de son compte - en laissant seulement 50€ - sans le clôturer. Au Mexique, on peut acheter aussi une voiture, une maison et bien d'autres choses en liquide. Pour en savoir plus, allez donc voir El infierno le très drôlatique film de Luis Estrada... avec Elizabeth Cervantes ¡Ja! ¡Ja! ¡Ja!

En 1976, le slogan d'une campagne publicitaire gouvernementale disait "En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées" [3]. Ainsi, le Président Giscard d'Estaing donna son agrément pour financer la construction d'avions renifleurs destinés à chercher le fameux pétrole... La géniale idée de Cantona est du même acabit.

12/12/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Note du 16/12/2010 :
L’arnaque fut quand l’État obligea les entreprises à verser sur un compte bancaire les salaires supérieurs à... une somme fixée par décret et donc à obliger les salariés à posséder un compte bancaire.
Au-delà d’un montant mensuel fixé par décret, le salaire est payé par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal.
Mode de paiement du salaire, Loi nº 73-4 du 2 janvier 1973 Journal Officiel du 3 janvier 1973.
• La révolution aura-t-elle lieu le 7 décembre ?, France Culture, 07/12/2010.
• Quel regard sur les banques : les incertitudes d’une réputation, Concordance des temps, 11/12/2010.
Lire aussi : Serge LEFORT, Robin des bois, Monde en Question.

[1] Références :
• Editorial, Le Monde, 10/08/2010.
• À nos lecteurs, Le Monde, 21/10/2010.
[2] Serge LEFORT, Wikileaks ou le triomphe de la médiacratie, Monde en Question.
[3] Trente ans de communication publique, Acteurs Publics.

14 décembre 2010

Robin des bois


Selon la légende, Robin des bois était un gentilhomme qui volait les riches pour donner aux pauvres. La légende devint un mythe populaire, très vivace jusqu'à nos jours, qui engendra d'autres héros - archétypes de justiciers - comme Zorro ou Batman.

La légende fut construite à partir du XVe siècle d'abord par transposition de récits oraux puis par remaniements successifs des récits précédents. Ainsi, le vulgaire bandit, qui détrousse les riches pour son propre compte, se transforma au fil du temps en en noble dépossédé volant les riches pour donner aux pauvres.

La légende atteignit son apogée au XIXe siècle avec Ivanhoé, le roman de Walter Scott dans lequel le bandit de grands chemins en vient à incarner la résistance du peuple d’Angleterre contre l’oppression de la noblesse normande. Au XXe siècle, la figure du justicier s'incarna dans d'autres personnages qui, selon une logique classique, dénatura le mythe en le prolongeant.

Curieusement la version des studios Disney de 1973 met en scène un Robin des bois à l'image du renard, personnage filou et retors, très proche du Roman de Renart médiéval, qui fut une critique sociale de la noblesse par la jeune bourgeoisie des XIIe et XIIIe siècles.


Ridley Scott, Robin des bois, Universal Pictures, 2010

L'interprétation du personnage que donne Ridley Scott, qui reprend les premiers récits, ne manque pas d'intérêt [1]. Robin Hood (littéralement "voleur encagoulé"), un homme du peuple - modeste archer - est un arriviste, qui, grâce à un concours de circonstances, usurpe l'identité d'un noble baron et aide le roi Jean à bouter les Français hors d'Angleterre. Contrairement à la légende, Robin mobilise les pauvres pour sauver les riches : pour sauver la patrie en danger il n'y a plus ni riches ni pauvres car "contre les Français nous sommes tous Anglais".

C'est avec le même vocabulaire nationaliste, au nom de l'ennemi près, que les puissances européennes mobilisèrent des millions de paysans et d'ouvriers, grâce au soutien des socialistes, pour participer "la fleur au fusil" à la première boucherie interethnique du XXe siècle (environ 20 millions de morts). Cette Union sacrée, réalisée en 1914, sera renouvelée avec le même enthousiasme (50 à 60 millions de morts) en 1939 [2].

12/12/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• Légende
- BibliObs
- Suite 101
- Wikipédia
• Film
- AlloCiné - Autres films et séries TV
- Critikat
- Excessif
- Le Figaro
- Le Monde
- Les Inrocks
- NouvelObs
- Rue89
- Suite 101
- Télérama

[1] Intérêt politique s'entend car la réalisation cinématographique n'est pas toujours à la hauteur de cette mise à nue de la légende. Les inexactitudes historiques, que des critiques ont justement relevées, font perdre aussi de la force à l'histoire contée par Ridley Scott.
[2] Jean GALTIER-BOISSiÈRE, La fleur au fusil, Éditions Baudinière, 1928 réédition Mercure de France, 1980 [Passion & Compassion 1914-1918].
Cet ouvrage parle de la première guerre mondiale et y décrit entre autres ces soldats qui, en 1914, partaient à la guerre avec insouciance vers ce qu'on leur avait présenté comme une promenade de santé, en étant persuadés que la chose serait de très courte durée et sans risques.
Il y écrit en effet : « Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n'avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre. Ils ne voyaient la bataille qu'à travers des chromos patriotiques. […] Persuadés de l'écrasante supériorité de notre artillerie et de notre aviation, nous nous représentions naïvement la campagne comme une promenade militaire, une succession rapide de victoires faciles et éclatantes. »
Lire sur ce thème :
• Serge LEFORT, Le Kirghizistan construit par les médias, Monde en Question.
• Serge LEFORT, La justice sociale face au marché, Monde en Question.
• Articles Guerre 1914-1918, Monde en Question.

13 décembre 2010

Revue des revues n°3


90 ans après, que reste-t-il du Congrès de Tours ?, La Bataille socialiste
1920 : retour sur le congrès de Tours, Fondation Jean-Jaurès
En décembre 1920, le Congrès de Tours du Parti Socialiste (Section Française de l’Internationale Ouvrière) adoptait à une large majorité une résolution du Comité de la 3e Internationale, et créait ainsi la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC), plus tard appelée Parti Communiste. Le Comité de la 3e Internationale avait été fondé en France en mai 1919 par des révolutionnaires qui s’étaient opposés à la Guerre mondiale
La Voix des sans-papiers n°2, La Bataille socialiste

Lire aussi :
• L'actualité des revues
- Ent'revues - la Revue des revues
- A plus d'un titre - Chaque vendredi
Dossier Guide des ressources documentaires, Monde en Question.