Les partisans d'un capitalisme régulé, souvent perçus comme à gauche, s'activent pour “développer la culture économique et sociale des Français” comme si nous n'étions pas gavés, matin, midi et soir, de prévisions catastrophiques puis euphoriques (syndrome maniaco-dépressif).
Pendant ce temps-là, les sommets internationaux s'enchaînent les uns aux autres :
La polémique prend de l'ampleur après la perte de 600 millions d'euros par la Caisse d'Epargne, RFI.
Nicolas Merindol, directeur général des Caisses d'Epargne, juge "intolérable de considérer [les trois courtiers responsables de la perte de 600 millions d'euros de la banque] comme des traders fous", NouvelObs. Il cherche désespérément à coller aux promesses de la dernière campagne de publicité démenties par las faits : «En recherchant depuis toujours à vous aider à épargner plutôt qu'à spéculer notre gestion s'applique en permanence à la rigueur et à la prudence»...
Revue de presse française, NouvelObs
LE PROGRES DE LYON
Lundi, il [le Président] dévoilait en grandes pompes une caisse de secours pour nos banques en perdition, une cagnotte replète de 360 milliards d'euros. Et hier, on apprend que trois traders de la Caisse d'Epargne ont brûlé 600 millions d'euros.
LE COURRIER PICARD
L'affaire est d'autant plus consternante que les dirigeants de la Caisse d'Épargne ne trouvent rien de mieux de ne la qualifier que "d'incident", et surtout que, lorsqu'ils l'ont découverte, à l'époque où justement Nicolas Sarkozy en appelait à un peu plus de sérieux dans la gestion des risques, ils s'étaient bien gardés de l'ébruiter. Ce nouvel épisode lamentable montre au grand jour quelle est l'attitude de l'ensemble des banquiers, qui, pour l'appât du gain, pour engranger de plus en plus de bénéfices, s'amusent à jouer avec l'argent de leurs clients, comme on joue au casino. Une désinvolture coupable, qui désoriente complètement leurs clients. Eux qui venaient parfois de vendre (à perte) des actions pour mettre leur argent sur le Livret A, ne savent plus à quel saint se vouer. Ils ne comprennent pas que leur banquier sait leur réclamer chaque mois de plus en plus de frais de gestion, tandis que dans le même temps il dilapide leur argent. Les réactions de ces petits épargnants pourraient du coup se retourner contre lui.
LA REPUBLIQUE DES PYRENEES
Quel symbole ! L'écureuil, figure emblématique de l'épargne française, avec ses noisettes, a perdu 600 millions d'Euros. Son fameux livret A représente l'épargne favorite des Français, avec près de 46 millions de livrets, 3 Français sur 4. Ces gens-là avaient mis leur argent au chaud. Un placement pépère, sans risque. (...) les dégâts psychologiques sont d'ores et déjà considérables, notamment pour les gens qui avaient été rassérénés par les déclarations gouvernementales apaisantes selon lesquelles "les banques françaises c'était du solide".
L'EST REPUBLICAIN
L'Ecureuil, aussi, était flambeur ! Au grand casino des Bourses mondiales, on connaissait le trader mégalomane, le parieur fou, le courtier indélicat, le cambiste dépassé par les événements. Mais le bon mammifère des familles, assis sur son tas de noisettes, l'emblématique figure du Livret A, le moins audacieux des spécimens de la faune bancaire n'était pas de ce monde-là. Il rassurait. On se disait que s'il n'en restait qu'un, robuste dans l'adversité, indifférent au yo-yo des cotations, ce serait lui, le gestionnaire prudent des économies de vingt-sept millions de Français, le parangon du placement infaillible. Jusqu'à cet "incident"... On saluera l'exquise ironie de la formule. Un incident boursier à 600 millions d'euros, c'est comme la douce violence, un oxymore sans doute bien troussé, mais qui alarme plus qu'il ne tranquillise. La Caisse d'Epargne peut jurer ses grands dieux que la perte n'affecte pas sa "solidité financière", elle plombe ses comptes et son image au plus mauvais moment".
L'ordre moral :
«Et il monte en moi une haine féroce contre tous ceux qui, depuis des années, nous ont expliqué que ce système était le meilleur, le seul pour fabriquer de la richesse et la répartir au mieux, ceux qui nous ont vanté le socialisme à la Blair et qui ont réduit la Communauté Européenne à n’être que la pointe avancée du capitalisme financier.
C’est un changement de paradigme complet qui s’amorce et les gauches européennes, qui depuis des années se sont vautrées dans le libéralisme du Consensus de Washington, disposent maintenant de la fourchette et du couteau si elles sont, ce qu’elles prétendent, autre chose que des lobbies d’élus et aspirants-élus.»
Blog LeMonde
La crise d’une civilisation parasitaire, Dedefensa
Le Guardian révèle les données chiffrées des salaires et bonus des cadres dirigeants des principales banques de Wall Street, celles qui vont bénéficier du fameux “plan de sauvetage” Paulson. Le décompte que donne le Guardian porte sur une somme de $70 milliards, soit 10% du volume du plan Paulson. Dans certains cas de banques dont la valeur s’est effondrée, le volume des salaires et bonus des cadres dirigeants est supérieur à la valeur cotée en bourse de la banque, – cas de la JP Morgan la semaine dernière.
Le même jour que le Guardian, l’Independent publie un article sur les salaires et bonus des dirigeants des banques de la City en temps de crise. Le chiffre de £16 milliards concerne l’“année financière” 2008, d’avril 2007 à avril 2008, période où la crise bat déjà son plein.
C’est un étrange avatar de la structure de notre civilisation, dont on sait qu’elle est fondée sur l’affirmation enfiévrée, presque religieuse, du primat de l’économie. Il y a plusieurs exemples importants et respectables pour nous convaincre que ce processus s’avère en fin de compte, lorsqu’il se développe et qu’il peut être observé à loisir, comme une véritable transmutation bien plus qu’une évolution. Si nous voulions théoriser le phénomène, nous dirions qu’il s’agit d’une transmutation qui transforme l’accident (le parasite, la chose marginale, accessoire) en substance. Ou, de façon plus précise, en nous rapprochant des cas importants que nous allons citer, nous dirions qu’il s’agit du cas où les conséquences secondaires ou tertiaires d’un phénomène, qui n’ont presque plus de rapport avec la substance de ce phénomène, remplacent la substance de ce phénomène. Bien évidemment, on comprendra au travers d’un tel exemple que le cas nous en dit long sur la qualité et la puissance de cette substance.