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6 décembre 2008

Inde-Russie-États-Unis-Chine-Pakistan (3)

Après l'attentat au Pakistan qui a fait au moins 22 morts et plus de 70 blessés et serait attribué à des groupes afghans [1], un tir de missile américain dans la même région a fait trois morts [AP - Yahoo! Actualités]

La Chine joue la carte du dialogue entre l'Inde et le Pakistan :
La Chine a appelé jeudi à plus de dialogue et de coopération entre l'Inde et le Pakistan dans le but de sauvegarder ensemble la paix et la stabilité en Asie.
Le porte-parole du ministère des A.E. Liu Jianchao a fait cette remarque en réponse à une question concernant l'attaque terroriste la semaine dernière à Bombay, le centre financier de l'Inde.
Xinhua - Le Quotidien du peuple.

La Russie privilégie le langage de la lutte antiterroriste :
"L'Inde et la Russie comprennent qu'elles doivent conjuguer leurs efforts pour combattre le terrorisme. Et les membres de la communauté internationale doivent aussi agir de concert pour vaincre le terrorisme. C'est très important", a pour sa part déclaré la présidente Patil.
RIA Novosti.

Mais, derrière le langage diplomatique, la Chine et la Russie n'oublient pas leurs intérêts économiques et militaires :
Les forces militaires chinoises et indiennes feront un entraînement militaire anti-terrorisme conjoint du 6 au 14 décembre en Inde, a annoncé jeudi le ministère chinois de la Défense.
Xinhua - Le Quotidien du peuple.

Le président russe Dmitri Medvedev et le premier ministre indien Manmohan Singh ont passé vendredi en revue, en présence des délégations des deux pays, la coopération économique, en matière d'armements et l'exploration de l'Espace.
RIA Novosti.

L'agence russe d'exportation d'armements Rosoboronexport projette de signer vendredi un contrat prévoyant la livraison à l'Inde de 80 hélicoptères de transport militaire Mi-27, a annoncé aux journalistes le directeur de Rosoboronexport, Anatoli Issaïkine.
RIA Novosti.


D'autres alliances se nouent :
Le président afghan Hamid Karzaï, le Pakistanais Asif Ali Zardari et leur homologue turc Abdullah Gül se sont engagés à lutter ensemble contre le terrorisme lors d'un sommet tripartite organisé vendredi à Istanbul. Cette réunion était la deuxième du genre, sur le sol turc mais celle-ci semble avoir porté plus de fruits.
RFI.


La police indienne a découvert des explosifs dans un hôpital de Nagpur :
Nagpur, dans l'Etat de Maharashtra, est le siège d'un groupe nationaliste hindou, le Rashtrya Swayamsevak Sangh.
Reuters - Yahoo! Actualités.

Elle a aussi arrêtés deux hommes "soupçonnés d'avoir fourni des cartes SIM (de téléphones portables) aux terroristes des attaques de Bombay".
Selon la police, les deux suspects se nomment "Tousif Rahaman et Sheikh Muktar". Ce dernier serait originaire du Cachemire, région dont la partie indienne est en proie à une insurrection séparatiste islamiste contre la souveraineté de New Delhi.
AFP - Yahoo! Actualités.

Commentaires : Dire "insurrection séparatiste islamiste" relève de la propagande. La division du Cachemire est l'héritage de la politique coloniale des britanniques. Le Cachemire est en fait divisée en trois zones :
• à l'ouest et au nord, la zone revendiquée par le Pakistan depuis 1947 ;
• au sud, celle revendiquée par l'Inde depuis 1947 ;
• à l'est, celle conquise par la Chine en 1962 et, au nord, celle cédée par le Pakistan à la Chine en 1963.

Pour pimenter le scénario de cette telenovela :
Un policier, dans le Cachemire indien, a affirmé que l'homme, Mukhtar Ahmed, faisait partie d'un réseau de contre-espionnage semi-officiel dont les membres sont souvent d'anciens militants cachemiris.
AP - Yahoo! Actualités.


La Jornada (quotidien mexicain) a traduit l'article de Tariq Ali "L'assaut sur Mumbai".



[1] La responsabilité de l'attaque n'a pas été revendiquée mais le chef des autorités provinciales, Haider Khan Hoti, a déclaré que des "forces extérieures" pourraient être derrière cet acte terroriste, un commentaire qui au Pakistan désigne l'Inde.
AP - Yahoo! Actualités.

5 décembre 2008

Inde-États-Unis-Pakistan (2)

Alors que gouvernement indien est obligé de reconnaître "des défaillances dans la gestion de cette crise", il instrumentalise ces attentats en allumant la mèche de nouveaux pogromes anti-mulsulmans [1].

Dès les premières heures, les autorités indiennes ont accusé le Pakistan d'être responsable des attentats de Bombay sans aucune preuve. Tardivement, les services de renseignements américains (CIA) auraient fourni les preuves de l'implication des services secrets pakistanais (ISI).
Les services secrets pakistanais auraient trempé dans les attentats de Bombay, selon les médias locaux. Le gouvernement détiendrait des preuves, fournies par les services de renseignements américains.
Guysen.

Mais les explications du ministre de l'Intérieur restent plus que confuses car il parle de preuves, établies non au présent mais dans le passé.
"Les preuves abondent, montrant que la source de cette attaque terroriste est clairement liée à des organisations que l'on a, par le passé, identifiées comme étant derrière des attentats terroristes", a d'ailleurs déclaré à Bombay le ministre de l'Intérieur Palaniappan Chidambaram.
AFP - Yahoo! Actualités.


Enfin, un attentat a fait au moins 16 morts au Pakistan et serait attribué à des groupes afghans. Ceci complique la compréhension d'une situation où sont enchevêtrés les intérêts de l'Inde, du Pakistan, de l'Afghanistan et des États-Unis sans compter la Russie et la Chine !
L'attentat a été commis dans l'un des marchés les plus fréquentés de cette ville de plus de 2,5 millions d'habitants, le bazar de Qisakhawani, non loin d'une mosquée chiite, a précisé un autre officier, sous couvert de l'anonymat.
Depuis juillet 2007, le Pakistan est confronté à une vague sans précédent d'attentats, suicide pour la grande majorité, perpétrés pour l'essentiel par des talibans pakistanais. Plus de 1.500 personnes ont été tuées dans tout le pays dans ces attentats en 16 mois.
AFP - Yahoo! Actualités.



[1] Attaques de Bombay : l'Inde gronde, les soupçons sur le Pakistan s'alourdissent, AFP - Yahoo! Actualités.
Sur le massacre perpétré en 2002 au Gujarat, au cours duquel quelque 2000 musulmans avaient été tués, lire : Interview complète de Christophe Jaffrelot, Monde en Question.

Tibet-Chine

Les parlementaires européens ont déroulé le tapis rouge au très médiatique Dalaï Lama, qui est le chef politique d'une théocratie militante [1]. La question tibétaine mérite un autre traitement que des génuflexions... devant un "bouddha vivant" anti-démocrate.
36 députés se sont joints la veille à environ 500 personnes, dont des fonctionnaires des institutions européennes, pour jeûner une journée pour le Tibet. Le dalaï-lama les invite à lever le doigt. « Je jeûne avec vous », leur dit-il, avant de quitter un hémicycle applaudissant debout.
La Croix.


Il est pour le moins contradictoire que les députés européens s'opposent à l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie dans le Caucase et prônent celle du Tibet en Asie. Or le gouvernement chinois a le même argument : le système d'autonomie régionale des nationalités n'admet aucun compromis.
L'autonomie régionale des nationalités appliquée en Chine exprime et traduit l'unité et la cohésion du facteur nationale et du facteur régionale, du facteur politique et du facteur économique, ainsi que du facteur historique et du facteur réaliste. La combinaison de la nationalité han et de minorités nationales à l'intérieure d'une même région administrative leur permet de mieux s'inspirer l'une auprès des autres, de mieux s'entraider, de se compléter l'une l'autre et de se développer en commun. La Mongolie intérieure est un excellent exemple. Lors de son instauration en région autonome en 1947, la population mongole représentait seulement 20% environ de la population globale, malgré cela la Région autonome de la Mongolie intérieure fut établie, car en établissant cette région autonome, on n'a pas seulement tenu compte du pourcentage de la population, mais surtout d'autres facteurs, dont l'état historique de la région administrative de la Mongolie intérieure, la relation entre nationalités et la coopération en vue du développement en commun. Les expériences acquises démontrent indéniablement que la Chine a appliqué un système d'autonomie régionale des nationalités juste et réussi, et la situation actuelle où toutes les nationalités chinoises vivent en bonne entente et coexistent parfaitement mérite d'être garder et conserver précieusement.
Le Quotidien du peuple.



Le "pacifisme" des moines tibétains


La guerre médiatique sur le "génocide culturel" au Tibet est une contre-vérité car la loi chinoise protège la liberté de la religion et les activités religieuses. La Chine a publié un "livre blanc sur la protection et le développement de la culture tibétaine" [Xinhua] et a ouvert un site multilingue sur le Tibet [Xinhua].

Ceci dit, il serait naïf de croire que la Chine pratique une meilleure politique régionale que celle pratiquée par d'autres pays européens notamment la France.

Enfin, que dirait le gouvernement français si la Chine menait campagne pour l'autonomie de la Corse et soutenait le FLNC ?

Serge LEFORT
05/12/2008


[1] Voir : Mélenchon contre la théocratie tibétaine, Monde en Question.
Lire aussi :
• Revue de presse Chine 2008, Monde en Question.
• Tibet, Alvinet Actualité.

Quels conflits pour Barack Obama ?

L'arrivée au pouvoir de la nouvelle administration américaine dans un contexte d'intensification de la crise économique mondiale et de conflits dans plusieurs "points chauds" pousse à se demander quels conflits pourraient se terminer et lesquels, au contraire, ont une chance d'éclater pendant la présidence de Barack Obama. Comment la situation internationale évoluera-t-elle dans l'ensemble?

Pour comprendre comment pourrait changer la politique militaire des Etats-Unis, un examen attentif des personnes qui l'appliqueront est nécessaire. Le maintien de Robert Gates au poste de chef du Pentagone et la nomination de James Jones au poste de conseiller à la sécurité nationale permettent d'affirmer en toute certitude que les Etats-Unis ne décrèteront pas un "retrait généralisé" et une cessation des hostilités. Néanmoins, des changements considérables sont sans doute à attendre dans certaines zones de conflit.

L'une des principales promesses électorales de Barack Obama était de retirer les troupes américaines de l'Irak. A l'heure actuelle, il est question d'en rappeler les soldats au cours des 16 mois à venir. Le confit dans ce pays ne s'achèvera apparemment pas avec leur départ. L'absence d'une force militaire et politique dominante en Irak empêchera une des forces aux prises dans la guerre civile d'unifier rapidement le pays sous son pouvoir. Par conséquent, le conflit devrait se poursuivre sous forme larvée.

Le conflit afghan, au contraire, a toutes les chances de connaître une intensification. Comme l'a déclaré Barack Obama lui-même, la lutte contre le terrorisme en Afghanistan reste l'une des priorités de Washington. Le secrétariat américain à la Défense a déjà annoncé qu'il projetait de renforcer le contingent déployé dans le pays jusqu'à plus de 50.000 soldats. En s'enfonçant toujours plus profondément dans le conflit afghan, les Etats-Unis courent le risque de s'y enliser, à l'instar jadis de l'URSS.

L'Iran restera certainement sur la liste des objectifs prioritaires. Dans le nouveau contexte, les Etats-Unis devraient vraisemblablement s'abstenir de déclencher une nouvelle guerre dans la région. Il faudrait s'attendre à ce que la pression sur l'Iran s'effectue plutôt de l'intérieur, par le biais du soutien aux forces d'opposition.

L'ex-URSS, surtout la région de la mer Noire, était et restera, à coup sûr, une zone d'attention particulière pour les Etats-Unis. Washington cherche à obtenir coûte que coûte l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN. En Europe, cette position n'est toutefois inconditionnellement soutenue que par la Pologne et les pays baltes, alors que les membres traditionnels de l'Alliance s'y opposent catégoriquement ou estiment que le temps de cette adhésion n'est pas encore venu.

L'Ukraine et la Géorgie n'adhéreront sans doute pas à l'OTAN dans un avenir proche, mais le spectre d'un nouveau conflit russo-géorgien reste omniprésent. Les démarches ukrainiennes liées en particulier au transfert de troupes vers les frontières orientales et sud-orientales de l'Ukraine, ainsi que les actions entreprises par les Etats-Unis, déterminés à protéger leurs navires dans la zone de la mer Noire contre d'éventuels risques militaires, sont également préoccupantes.

Quoi qu'il en soit, si un conflit n'éclate pas avant l'arrivée de la nouvelle équipe à la Maison Blanche (Obama entrera en fonctions le 20 janvier), sa probabilité s'amenuisera considérablement. En effet, les dirigeants américains n'ont aucun besoin d'une guerre ouverte entre la Russie et la Géorgie, surtout si elle implique l'Ukraine. Cependant, la progression de ces pays vers l'OTAN se poursuivra, de même que le déploiement du bouclier antimissile américain en Europe orientale.

Le déclenchement de nouvelles guerres ouvertes dans d'autres régions du globe est également peu probable. Les cabinets démocrates des dernières décennies ont plutôt eu tendance à miser sur "l'ébranlement intérieur" de leurs adversaires potentiels, en épaulant les forces loyales aux Etats-Unis dans les pays concernés. C'est ainsi que Washington essaiera apparemment de régler le problème du Venezuela, en soutenant les forces d'opposition à Hugo Chavez et en les dotant de sommes confortables, tout en évitant une immixtion directe.

En somme, la situation dans le monde ne sera sans doute pas moins tendue. La crise économique mondiale n'en est qu'à ses débuts, et son développement ultérieur est susceptible d'avoir un impact sérieux sur les projets politiques des principales puissances.

Ilia Kramnik
04/12/2008
Publié par RIA Novosti.

Gaza otage d'Israël

[...] la Bande de Gaza subit depuis juin 2007 un blocus quasi total. La population palestinienne, maintenue sous haute surveillance satellitaire, est encerclée sur son territoire de 360 km2 par des clôtures de grillages et de barbelés. Tous les points de passages et toutes les sources régulières d'approvisionnement sont verrouillés par Tsahal, l'armé israélienne. L'administration locale est placée sous un strict embargo financier et les banques paralysées. Les habitants ne reçoivent presque aucun produit de première nécessité. Les médicaments, les carburants, les aliments, plus rien ne passe. Les stations de pompage d'eau ou de production d'électricité, les hopitaux, les maternités, les écoles, et d'une façon générale tous les services les plus indispensables à la vie quotidienne sont bloqués. La ville de Gaza, où vivent près de 500.000 personnes, est régulièrement plongée dans le noir suite à l'arrêt forcé de la centrale électrique. Moins de 200 petites entreprises peuvent encore travailler, au ralenti, sur les 3.900 qui étaient en activité avant le blocus de la Bande de Gaza. L'agriculture, secteur vital de l'économie locale, est réduite à néant par les interdictions d'exporter et par les pénuries de matières premières nécessaires aux exploitations agricoles. Le secteur de la pêche est aussi paralysé. Dans l'immmobilier, tous les programmes, y compris ceux des Nations unies (aménagement du réseau routier et de la voirie, constructions d'hôpitaux et d'établissements scolaires, etc) sont stoppés. Plusieurs centaines de médicaments de base manquent dans les dispensaires. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le manque de médicaments, auquel on ajoute l'interdiction de quitter le territoire pour aller se soigner en Egypte ou en Jordanie, a provoqué directement 270 décès. Les services municipaux d'hygiène (adductions d'eau, égoûts, traitement des déchets, ramassage des ordures, etc) sont hors service faute d'électricité, de carburants et de pièces de rechange. Même les convois d'aide humanitaire de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) sont empêchés de livrer leurs cargaisons d'aliments pourtant indispensables à cette population affamée réduite à l'état de sous-existence humaine. Quant aux journalistes ou parlementaires étrangers souhaitant se rendre compte de la situation dans la Bande de Gaza, ils sont tout simplement refoulés par Israël aux postes frontières (pour la petite histoire, le Consul de France à Jérusalem, Alain Rémy, est lui-même interdit de visite de la Bande de Gaza, ce qui ne suscite aucun commentaire ou protestation de la part de Nicolas Sarkozy et de Bernard Kouchner alors qu'on imagine l'incident diplomatique majeur en pareil cas pour tout autre pays qu'Israël se permettant un tel affront). Contrairement aux conventions dans lesquels l'état israélien est engagé devant les organisations internationales, toute tentative d'aide ou de communication avec ce territoire palestinien est ainsi rendue impossible.

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Situation explosive en Thaïlande

Alors que les médias dominants ne s'intéressent qu'aux touristes français bloqués dans l'aéroport de Bangkok ("séquence émotion"), les analyses restent rares.

« La Thaïlande au bord de l’anarchie », titrait le Bangkok Post du 8 octobre 2008. Loin d’être une alléchante promesse, le journal rapportait les violents affrontements entre la police et des opposants au gouvernement et parlait de la situation chaotique du pays. Comment la Thaïlande en est arrivée à cette situation complexe ?

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Inde-États-Unis-Pakistan (1)

Alors que l'AFP titre "Les États-Unis et l'Inde font monter la pression sur le Pakistan", les médias dominants présentent une version angélique de Condoleezza Rice qui s'emploierait "à faire baisser la tension entre l'Inde et le Pakistan" et ne parlent presque pas du directeur du renseignement américain Mike McConnell ni du chef d'état-major interarmées Michael Mullen, qui ne sont pas venus en Inde pour cueillir des fleurs. Tout cela rappelle étrangement l'Irak de 2003...
[...] les États-Unis soutiennent l'Inde dans leur guerre contre le terrorisme [...]. La visite de la secrétaire d'État américaine avait pour but de calmer les tensions entre l'Inde et le Pakistan.
RFI.
Commentaires : En clair, les États-Unis soutiennent l'Inde contre le Pakistan.

Le directeur du renseignement américain Mike McConnell a lui aussi accusé le mouvement islamiste Lashkar-e-Taïba d'être derrière les attentats.
Venue rencontrer les responsables indiens à New Delhi, Mme Rice a appelé le Pakistan à répondre "rapidement et de manière transparente" à ces accusations.
Tout en refusant de "se précipiter pour tirer des conclusions et dire qui est responsable", Mme Rice a estimé que ces attentats rentraient dans la catégorie du "genre de terrorisme auquel participe Al-Qaïda".
AFP - Yahoo! Actualités.
Commentaires : En clair, l'Inde et les États-Unis accusent le Pakistan en lui demandant d'apporter les preuves qu'ils n'ont pas !


Malgré les pressions américaines, le Pakistan garde un atout majeur dans cette partie de poker menteur : le redéploiement de ses troupes de la frontière afghane vers la frontière indienne. Du coup, Condoleezza Rice modère ses propos :
L'Inde et des responsables américains ont attribué le carnage de Bombay à des groupes basés au Pakistan, mais aucune accusation n'a été portée contre l'Etat pakistanais ou ses services de sécurité.
Faux ! Mais cette petite phrase marque un retrait stratégique face aux menaces à peine voilées de l'armée pakistanaise.
Des responsables militaires pakistanais ont laissé entendre qu'ils pourraient renoncer à leurs opérations contre les groupes islamistes et retirer leurs troupes de la frontière afghane, où elles combattent Al Qaïda et les taliban, pour les transférer sur la frontière indienne si les tensions s'aggravaient.
Reuters - Yahoo! Actualités.


Dmitri Medvedev est arrivé en Inde pour vendre des armes dans le cadre de "la lutte contre le terrorisme" [RIA Novosti]. L'agence russe fait opportunément état d'un rapport du Congrès américain :
"Les Etats-Unis doivent travailler avec la Russie (et d'autres pays) pour promouvoir les mesures de confiance entre l'Inde et le Pakistan", lit-on dans le rapport. En raison de la profonde méfiance entre les deux gouvernements, l'Inde et le Pakistan sont impuissants à régler les problèmes de la sécurité nucléaire, dont des questions relatives au "commandement et à la direction des forces nucléaires", souligne le rapport.
"Si les Etats-Unis et la Russie, s'appuyant sur leur propre expérience acquise à l'époque de la guerre froide se mettent à la tête des efforts internationaux, cela pourrait aider l'Inde et le Pakistan à lancer la mise en oeuvre des mesures de renforcement de la confiance en vue de réduire les facteurs de déstabilisation qu'implique la future modernisation de leurs arsenaux nucléaire", soulignent les auteurs du rapport.
RIA Novosti.


La Chine, plus discrète, participe néanmoins à "la lutte contre le terrorisme" en organisant un exercice militaire avec l'Inde :
Les forces militaires chinoises et indiennes feront un entraînement militaire anti-terrorisme conjoint du 6 au 14 décembre en Inde, a annoncé jeudi le ministère chinois de la Défense.

Chacune des deux armées enverra une compagnie d'infanterie pour participer à ce programme dont le nom de code sera "main dans la main 2008". L'exercice aura lieu dans le district de Belgaum au sud de l'Inde, indique le porte-parole du ministère Huang Xueping.

Cet exercice militaire devrait renforcer la compréhension et la confiance des deux pays l'un envers l'autre, et améliorer le développement des relations entre les armées chinoise et indienne, a-t-il dit.

Xinhua.


Le bloc-notes de Jean-Marie Colombani est un exemple d'argumentaire pour préparer les esprits à la guerre contre le Pakistan :
[...] les attentats commis à Bombay [...] ont réattiré l'attention sur l'épicentre de ce terrorisme, qui était et reste le Pakistan. [...] l'origine avérée de l'un au moins des assaillants désigne un groupe pakistanais extrémiste, longtemps protégé par le célèbre ISI, les services secrets d'Islamabad.
[...] le Pakistan est travaillé par des forces qui sont ouvertement favorables à Al-Qaïda et aux talibans [1].
[...] le président George W. Bush a regretté d'avoir été induit en erreur par les services américains, qui l'avaient convaincu, a-t-il réaffirmé, de l'existence d'armes de destruction massive en Irak. «Je n'étais pas préparé à la guerre», a-t-il dit. Cela fut et restera son erreur stratégique majeure : avoir méconnu que la logistique, les protections d'Al-Qaïda étaient au Pakistan, pays allié des Etats-Unis, et non en Irak.
Challenges.
Commentaires : En clair, George W. Bush s'est trompé de guerre et aurait du attaquer le Pakistan en 2003 ! Barack Obama comblera cette lacune...



[1] Voir : Le terrorisme, une arme de propagande (8), Monde en Question.

Le grand jeu asiatique

Afghanistan-Pakistan, le "juste champ de bataille" (B. Obama)

La bataille de Mumbai, quelle que soit la régie des attaques, prend place dans une dispute de grande ampleur conduite avec des outils politiques, économiques et militaires par plusieurs protagonistes : non seulement l’Inde et le Pakistan, mais les États-Unis, la Russie et la Chine. L’Asie centrale est le principal terrain de confrontation, aire d’énorme importance de par sa position géostratégique et pour le contrôle du pétrole de la Caspienne et des « corridors énergétiques ».

L’épicentre en est l’Afghanistan. C’est là que s’embourba pendant dix ans l’armée soviétique, alors que la CIA entraînait au Pakistan, par l’intermédiaire de l’ISI, plus de 100 mille moudjahidin pour la guerre en Afghanistan. Parmi eux se distingua Ossama Ben Laden, le riche saoudien qui apporta de gros financements et des milliers de combattants. Toujours au Pakistan fut entraînée et armée, avec le consensus de Washington, la milice taliban qui en 1996 conquit le pouvoir en Afghanistan. C’est là, en 2001, qu’arrivèrent les troupes étasuniennes, officiellement pour combattre les talibans et faire la chasse à Ben Laden. L’objectif stratégique est en réalité d’occuper un positon clé dans le nouveau scénario créé en Asie par la désagrégation de l’URSS et par l’émergence des puissances chinoise et indienne. « La possibilité existe qu’émerge dans la région un rival militaire avec une formidable base de ressources », prévenait un document publié par le Pentagone une semaine avant l’invasion de l’Afghanistan. Cet objectif stratégique a été confirmé par le président élu Barack Obama qui a annoncé vouloir « sortir d’Irak » et « passer au juste champ de bataille en Afghanistan et au Pakistan ». Le Pakistan est ainsi lui aussi considéré comme champ de bataille ; un Pakistan qui est considéré à Washington comme un allié pas très fiable, dont les services secrets ont été suspectés d’avoir des liens avec les talibans. Quand, en janvier 2008, les USA ont demandé au président Musharraf de leur laisser les mains libres dans les zones de frontière avec l’Afghanistan, ils reçurent une fin de non recevoir. Et, à cause de la forte opposition intérieure, le président actuel Zardari semble aussi être réticent.

Ce qui rend la situation plus complexe encore est le choix de Washington de privilégier ses relations avec l’Inde, pour empêcher son rapprochement avec la Russie et la Chine. C’est dans ce cadre qu’entre l’accord, ratifié le 2 octobre par le Sénat, par lequel les États-Unis « légalisent » le nucléaire de l’Inde, qui n’a jamais adhéré au Traité de Non Prolifération, en lui permettant de garder huit réacteurs nucléaires militaires hors de tout contrôle international et en lui fournissant des technologies à double usage, civil et nucléaire. Ceci pousse le Pakistan, qui n’a jamais adhéré au TNP, à accélérer ses programmes nucléaires militaires. Avec comme résultat le fait que les deux pays alignent déjà au total environ 110 ogives nucléaires et sont en mesure d’en fabriquer beaucoup plus.

Sur ce terrain, en concurrence avec les USA, la Russie et la Chine entrent en jeu. En septembre a été confirmé que la Russie fournira à l’Inde un porte-avions avec 16 Mig-29 ; en même temps, la joint-venture russo-indienne BrahMos Aerospace a annoncé qu’elle augmentera sa production de missiles de croisière supersoniques lancés par avions, pouvant être armés de têtes aussi bien conventionnelles que nucléaires. La Chine est par contre en train d’établir des relations particulièrement étroites avec le Pakistan. Le 18 octobre on a annoncé que le président Zardari, en visite à Pékin, a signé 12 accords, dont un engageant la Chine à construire deux autres réacteurs nucléaires au Pakistan. La Chine fournit en outre au Pakistan des avions de chasse JF-17 dotés de moteurs russes, dont la livraison a été autorisée par Moscou.

Dans la « guerre des oléoducs », l’Iran entre aussi en jeu, avec le projet d’un gazoduc qui, à travers le Pakistan, devrait amener en Inde le gaz iranien. Sous la pression étasunienne, l’Inde n’a jusqu’à présent pas adhéré à l’accord. L’Iran s’est cependant déclaré disponible, le 11 octobre, pour construire le gazoduc (coût : 7,5 milliards de dollars) jusqu’au Pakistan, en attendant l’adhésion de l’Inde. Plus difficile encore aujourd’hui, après les attaques à Mumbai.

Manlio DINUCCI
03/12/2008
Publié par Il manfesto.
Version intégrale traduite par Marie-Ange Patrizio.
Publié par Le Grand Soir.

L'administration Obama (4)

Ceux qui avaient encore quelques illusions sur Barack Obama ont du les perdre en prenant connaissance de sa future équipe à la Maison Blanche.

Giorgos Delastik est un des rares journalistes européens à ne pas avoir sombré dans l'Obamania :
Les 60 millions d'Américains qui ont voté pour Obama n'auraient jamais imaginé même dans leurs pires cauchemars que celui-ci ignorerait autant leur demande de changement. … Obama a fait un compromis et a tout cédé aux représentants de l'establishment. Il n'y a pas un seul démocrate progressiste dans son gouvernement ! C'est la première fois qu'un président américain déçoit aussi fortement ses électeurs avant même d'entrer en fonction. La vision du changement … est morte dans l'œuf. Nous avons affaire à un président de façade qui a été élu pour les relations publiques de l'Amérique et avec un seul objectif : améliorer l'image des États-Unis dans le monde. C'est ce qu'il fait, sans apporter de changement politique.
Ethnos - euro|topics.


La plupart des alliés occidentaux des États-Unis et la Chine ont salué le choix de Hillary Clinton, mais la Russie ne partage pas ce consensus.
Le choix de Mme Clinton, comme celui de M. Gates, a suscité une réaction négative de la Russie, qui a eu des relations très tendues avec l'administration sortante du président George W. Bush. "Ces nominations n'inspirent aucun optimisme", a déclaré Konstantin Kossatchev, chef de la Commission des Affaires étrangères de la Douma, la chambre basse du Parlement russe. "Elles impliquent la continuité, et non une réforme de la conception de la politique étrangère à la Maison Blanche", a ajouté M. Kossatchev, parlant à l'agence de presse russe Interfax.
Mme Clinton et M. Gates sont de "fermes partisans des idées de domination des États-Unis dans le monde et d'une défense dure des intérêts américains par n'importe quel moyen", a estimé le responsable russe, pour lequel "le dialogue bilatéral ne sera pas moins compliqué que sous l'administration de George W. Bush".
AFP - Yahoo! Actualités.


Les médias dominants commentent davantage la nomination de Hillary Clinton au poste de secrétaire d'État (ministre des Affaires étrangères) que celle de Robert Gates au poste de secrétaire à la Défense (Pentagone). Cet ancien directeur de la CIA, où il a fait sa carrière de 1966 à 1993, occupait déjà ce poste dans l'administration Bush depuis 2006. C'est lui qui mène depuis deux ans les guerres d'Irak et d'Afghanistan pour le compte de Bush. C'est Robert Gates qui a intensifié la guerre en Irak depuis un an, provoquant des destructions massives et alimentant la haine des populations de la région contre les États-Unis.

C'est pourtant la première fois qu'un secrétaire à la Défense est reconduit à son poste dans une administration d'un autre bord que la sienne [AFP - Yahoo! Actualités]. Cela doit être interprété comme une confirmation de l'escalade de la guerre américaine de l’Irak vers l’Afghanistan et le Pakistan voire l'Iran.
Loin de mettre un terme au militarisme américain comme l’ont espéré des dizaines de millions d’électeurs américain, le gouvernement Obama se prépare à consolider la présence américaine en Irak et à intensifier la guerre en Afghanistan et au Pakistan.
La perspective d’une nouvelle guerre se profile à l’horizon au moment où les conseillers d’Obama conçoivent leurs projets de confrontation avec l’Iran.
WSWS.


Robert Gates a déclaré que le retrait des troupes américaines d'Irak prendrait plus de temps que prévu et Barack Obama a déjà renié sa promesse électorale en disant "qu'il consulterait les commandants militaires avant de fixer un calendrier" [AP - Yahoo! Actualités]. Il connaît naturellement l'avis des chefs militaires qui évoquent les prétextes les plus risibles pour poursuivre la guerre.
"Dès qu'il faut déplacer un char de 70 tonnes, c'est dur. C'est encore plus difficile lorsqu'il s'agit d'en déplacer des centaines", souligne le général Anderson.
AFP - Yahoo! Actualités.


Avec les nominations de Hillary Clinton et de Robert Gates, Barack Obama a fortement pris parti pour "la suprématie militaire américaine".
"Nous partageons tous la conviction qu'il faut que nous continuions à détenir les forces armées les plus fortes de la planète", et "nous continuerons à réaliser les investissements nécessaires pour renforcer nos forces armées et augmenter nos forces terrestres", a-t-il martelé, en ajoutant que son administration s'assurerait d'"avoir les moyens et la stratégie nécessaires pour vaincre Al-Qaïda et les talibans" en Afghanistan.
M. Obama compte ainsi poursuivre le projet de l'administration Bush d'augmenter les effectifs militaires américains de 100.000 hommes lors de la prochaine décennie, face à l'épuisement des forces armées - 1,4 million de militaires d'active - qui, mobilisées depuis sept ans en Afghanistan et en Irak, sont près d'atteindre les limites de leurs capacités.
AFP - Yahoo! Actualités.

3 décembre 2008

Luttes pour le pouvoir en Thaïlande

A bien des égards ce qui se passe en Thaïlande mérite réflexion car les troubles qui sévissent depuis deux ans, s’aggravant brutalement ces derniers jours, soulignent non seulement les difficultés des démocraties en Asie, mais également les limites du principe majoritaire, conférant trop de pouvoir au plus grand nombre, déjà soulignées par Tocqueville ou Benjamin Constant. Evidemment on ne peut pas non plus éluder un autre aspect des choses : les troubles actuels expriment des luttes sourdes entre la mouvance populiste de Thaksin qui bouscule les habitudes, et l’oligarchie traditionnelle, soutenue par le Roi et dont les intérêts directs sont menacés par ce nouveau style de pouvoir.

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Le terrorisme, une arme de propagande (8)

Le gouvernement chinois, qui livre des armes au Pakistan (33% de ses équipements militaires), se montre prudent face aux attaques "étonnantes" à Bombay, mais se solidarise avec les États-Unis (la communauté internationale) et l'Inde "pour lutter contre le terrorisme".
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Liu Jianchao a dit mardi que la Chine s'engageait à travailler avec la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme.

Citant les attaques "étonnantes" à Mumbai, M. Liu a indiqué que le gouvernement chinois avait exprimé ses sympathies et ses condoléances au gouvernement indien et aux victimes.

"Le gouvernement chinois lutte fermement contre toutes les formes de terrorisme, et s'engage à coopérer avec la communauté internationale dont l'Inde pour combattre le terrorisme.

"La Chine souhaite que les parties concernées puissent trouver la vérité sur les attaques terroristes à Mumbai en menant des enquêtes le plus tôt possible", a souligné M. Liu.

Xinhua - Le Quotidien du peuple.


Le gouvernement russe, qui livre des armes à l'Inde (72% de ses équipements militaires), poursuit sa critique de l'inefficacité des États-Unis pour "former une coalition antiterroriste mondiale" [1].
Intervenant à la Douma lors de l'examen du projet de déclaration des députés russes à l'occasion des attentats de Mumbai (Bombay), capitale financière de l'Inde, M.Kossatchev a indiqué que la communauté internationale avait raté plus d'une chance de former une coalition antiterroriste mondiale.

Rien qu'en 2007, à l'issue de 14.500 attentats, 22.000 personnes ont été tuées et 272.000 autres blessées, a fait remarquer le député.

Le plus grand nombre de victimes a été enregistré en Irak où les terroristes sont de plus en plus nombreux, alors qu'auparavant, avant l'invasion des troupes des États-Unis et de leurs alliés, il n'y avait pas de terroristes dans ce pays, a noté le parlementaire.

"L'Irak est devenu le symbole des erreurs commises dans la lutte contre le terrorisme", a estimé M.Kossatchev.
Et d'ajouter que la situation en Afghanistan n'était guère plus réjouissante.

RIA Novosti.


L'administration américaine met à profit les dernières semaines du mandat Bush pour organiser une coalition contre le Pakistan en faisant un lien entre le groupe Lashkar-e-Taiba et Al-Qaïda... sans apporter la moindre preuve.
Le directeur du renseignement américain Mike McConnell a accusé sans le citer le Lashkar-e-Taïba, un groupe islamiste interdit basé au Pakistan et actif dans la région himalayenne du Cachemire, d'être à l'origine des attentats.
AFP - Yahoo! Actualités.

"Que la main d'Al-Qaïda soit ou non derrière ces attaques, c'est clairement le genre de terrorisme auquel participe Al-Qaïda", a dit Rice au cours d'une conférence de presse.
AP - Yahoo! Actualités.


Le président pakistanais Asif Ali Zardari réclame les preuves des accusations du gouvernement indien et lie la question afghane à la question pakistanaise [2].
M. Zardari a aussi affirmé n'avoir pas obtenu de preuves suffisantes que le seul survivant du commando soit un Pakistanais, comme l'affirme New Delhi. "Je doute fort (...) qu'il soit Pakistanais", a-t-il ajouté.

Le président pakistanais a jugé que si l'Inde tentait de frapper des bases terroristes en territoire pakistanais, ce serait "contre-productif".

"La menace pèse sur toute la région, pas seulement Bombay ou l'Inde", a-t-il souligné. "La menace pèse sur l'Etat pakistanais, il y a une menace sur l'Etat afghan. C'est une menace sur toute la région".

AFP - Yahoo! Actualités.


Face donc à la menace d'une guerre contre le Pakistan [3], les alliances se dessinent : la Russie encouragera les États-Unis à finir la guerre contre l'Afghanistan en l'étendant au Pakistan et la Chine jouera la carte diplomatique pour ne pas intervenir dans une guerre qui lui serait plus coûteuse que le statu quo.



[1] Voir : Le terrorisme, une arme de propagande (7), Monde en Question.
[2] Rappelons l'implication des services secrets américains (CIA) et pakistanais (ISI) dans la création, le financement (en provenance de l'Arabie Saoudite), la formation des Tâlebân et d'Al-Qaïda à la fin des années 1970 dans le cadre de l'affrontement global des USA avec l'URSS.
Source : BIARNÈS Pierre, Pour l'empire du monde - Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine, Ellipses, 2003 p.675 à 707 in Dossier Géopolitique.
Il n'est donc pas étonnant que les experts des services de renseignements des États-Unis en sachent davantage sur le groupe pakistanais Lashkar-e-Taiba que le président pakistanais lui-même [AP - Yahoo! Actualités].
Enfin, l'homophonie entre "Lashkar-e-Taiba" et "Al-Qaïda" facilite l'amalgame simplificateur.
[3] Voir : La guerre contre le Pakistan a commencé, Monde en Question.

La guerre contre le Pakistan a commencé

La propagande sur les attentats de Bombay prend toute sa dimension à la lecture de ces deux dépêches d'agences :
L'actuel président américain George W. Bush entrera dans l'histoire comme l'homme qui a déclenché la guerre en Irak, a estimé mardi devant les journalistes à Moscou le président du Comité pour les Affaires internationales de la Douma (Chambre basse du parlement russe), Konstantin Kossatchev.

"Toute l'aventure irakienne est la responsabilité personnelle du président américain George W. Bush, et je pense que c'est justement cela qui le fera entrer dans l'histoire et c'est à travers le prisme de la guerre que les années de sa présidence seront évaluées à l'avenir. Nul doute que cette évaluation sera négative", a indiqué le député.

Selon M.Kossatchev, toutes les tentatives de M.Bush d'attribuer la responsabilité de la guerre en Irak aux services de renseignement ne sont que des tentatives de rejeter sa propre faute sur autrui.

"La décision d'attaquer l'Irak était politique. Toutes les versions concernant les armes de destruction massive (ADM) et le prétendu soutien au terrorisme (en Irak) n'étaient qu'un prétexte recherché par des politiques américains", a souligné le parlementaire.

RIA Novosti.

Le risque d'attentats terroristes perpétrés à l'aide d'armes nucléaires ou biologiques augmente, notamment aux Etats-Unis, d'après un rapport d'une commission du Congrès américain disponible sur internet, selon lequel la menace provient particulièrement du Pakistan.

"Sans mesures très rapides et très fermes, il est plus que probable qu'une arme de destruction massive va être utilisée dans un attentat terroriste, quelque part dans le monde d'ici fin 2013," estime la Commission sur la prévention de la prolifération des armes de destruction massives et du terrorisme, instance bipartite créée par le Congrès en 2007.

"La marge de sécurité de l'Amérique diminue", relève ce rapport de la Commission, qui a interrogé plus de 200 experts depuis mai afin de remettre ses conclusions au Congrès et au président élu Barack Obama.

[...]

Les experts, qui doivent rencontrer mercredi le vice-président élu Joe Biden, exhortent M. Obama à prendre rapidement des "mesures conséquentes" pour réduire ce type de menace terroriste.

Le rapport presse la nouvelle administration de "faire particulièrement attention au Pakistan, placé géographiquement à la croisée des chemins du terrorisme et des armes de destruction massive".

Washington estime que les insurgés talibans et Al-Qaïda se sont reconstitués des refuges dans les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan.

AFP - Yahoo! Actualités.

George W. Bush a lancé "la croisade contre le terrorisme" en Afghanistan en 2001, mais il "entrera dans l'histoire comme l'homme qui a déclenché la guerre en Irak" en 2003.

Barack Obama a promis d'intensifier la guerre contre l'Afghanistan jusqu'à la victoire... ou la défaite, mais il entrera probablement dans l'histoire comme l'homme qui a déclenché la guerre contre le Pakistan en 2009.

Serge LEFORT
02/12/2008

Note additive : Cette dépêche de l'agence israélienne Guysen est significative de ce qui se prépare.
Dans le cadre des efforts diplomatiques déployés par les Américains pour apaiser les esprits après les attentats de Bombay, le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Michael Mullen, s'est envolé mardi pour l'Inde et le Pakistan, où il s'entretiendra avec les dirigeants.

2 décembre 2008

La guerre américaine : escalade de l’Irak vers l’Afghanistan et le Pakistan

Le « sursaut » des troupes américaines en Irak, conçu par le général David Petraeus (Commandant en chef des troupes américaines en Irak et en Afghanistan, depuis peu à la tête des opérations militaires américaines dans une plus vaste région encore, englobant l’Iran, le Pakistan et l’ensemble du Golfe... [ndt]), a été présenté comme un grand succès. Les médias et les politiciens républicains et démocrates lui ont attribué le mérite d’empêcher la guerre désastreuse de l’impérialisme américain de devenir un autre Vietnam, c’est-à-dire une défaite honteuse. Pendant la campagne électorale, John McCain, un des premiers défenseurs du « sursaut », a essayé de profiter de son prétendu succès, autant qu’il l’a pu, proclamant que cela confirmait ses propres intuitions et connaissances militaires. Obama, qui a essayé d’exploiter l’impopularité massive de la guerre en se présentant comme un opposant de la première heure (malgré le fait qu’il ait voté tous les crédits de guerre), a néanmoins changé de cap pour louer les résultats du sursaut, disant même à Bill O’Reilley de Fox News que « le sursaut a réussi au-delà de nos rêves les plus fous ».

Maintenant, les militaires américains annoncent qu’ils prévoient un autre « sursaut » en Afghanistan. Et là aussi, ils sont applaudis avec enthousiasme par les médias, et naturellement par les Démocrates et les Républicains, dont beaucoup qualifient la guerre d’Afghanistan de « guerre juste ».

L’irak : un désastre déguisé en succès

Bien entendu, toutes les déclarations sur le succès du sursaut en Irak ne font que montrer le cynisme et la dépravation des politiciens américains et des médias.

Au début de l’année 2008, le renforcement des troupes américaines en Irak a augmenté leur nombre de 30 000. Ces troupes n’ont pas, contrairement à ce qu’on avait annoncé, amélioré la sécurité dans des zones ciblées de l’Irak. Au contraire, les troupes américaines ont procédé à une énorme intensification de la guerre contre le peuple irakien, et elles ont soutenu massivement les nettoyages ethniques et religieux. À Bagdad, les troupes américaines et leurs alliés irakiens ont bombardé et détruit des quartiers entiers, tuant des milliers de personnes et forçant des centaines de milliers à fuir. Les réfugiés de Bagdad ont rejoint un flot humain qui représente aujourd’hui un sixième de la population irakienne, soit près de cinq millions de personnes. Bagdad a été divisée et séparée par d’énormes hauts murs en enclaves sunnites et chiites, qui sont patrouillées par une police meurtrière, des bandes armées et des troupes féroces. En d’autres termes, Bagdad a été saignée à blanc... puis transformée en une prison.

La guerre s’est intensifiée dans d’autres parties du pays, plus particulièrement au sud autour de Bassora. En mars dernier, les militaires américains ont soutenu la désastreuse offensive lancée par l’armée irakienne contre une milice chiite rivale, l’Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr. L’armée irakienne est dominée par la milice Badr, l’aile militaire du parti chiite ISCI (Conseil islamique suprême d’Irak, autrefois appelé SCIRI). La bataille entre les deux rivales a fait tant de ravages que les Américains ont dû faire appel à des médiateurs iraniens pour négocier un cessez-le-feu temporaire.

Les autorités américaines présentent souvent la province d’Anbar comme la preuve du prétendu succès du sursaut. Anbar est au cœur de ce que les Américains appellent le triangle sunnite, c’est-à-dire de l’insurrection contre les Américains provenant de villes comme Ramadi et Faludja. Aujourd’hui, les Américains proclament que ces villes sont si tranquilles et si pacifiques que les militaires américains peuvent réduire en grande partie la présence de troupes. Ce que les autorités américaines ne disent pas, c’est que les Américains ont réduit ces villes à des décombres après des années et des années de guerre intensive. En d’autres termes, elles sont calmes... comme un cimetière.

Les Américains attribuent également au Mouvement du Réveil sunnite le mérite d’avoir contribué à la sécurité et de s’être opposé à l’insurrection. En fait, le Mouvement du Réveil n’est rien de plus que des bandes armées, formées d’environ 100 000 anciens baasistes, anciens officiers de Saddam Hussein et insurgés de la résistance irakienne de 2003-2007. Les Américains paient chaque membre de la milice armée 300 dollars par mois pour patrouiller les province d’Anbar, de Salahuddin, de Dyala et la plupart des quartiers sunnites de l’ouest de Bagdad. Ils leur ont promis qu’après la fin des paiements américains en septembre, un cinquième des hommes servant dans le Mouvement du Réveil serait intégré dans l’appareil d’État irakien.

C’était censé faire partie des efforts faits pour que tous les protagonistes résolvent pacifiquement leurs conflits et pour rendre l’État et le gouvernement irakiens – qui aujourd’hui sont dominés par le parti chiite, l’ISCI et sa milice Badr – plus ouverts, en y faisant entrer des milices et des partis rivaux, y compris le parti d’al-Sadr et les partis sunnites. Des élections provinciales devaient être organisées à une autre étape du processus de réconciliation pacifique. Ces élections étaient initialement prévues pour octobre, mais elles ont été reportées, une fois de plus, à janvier 2009 – c’est-à-dire, après les élections présidentielles américaines.

Les promesses de réconciliation se sont vite révélées complètement creuses. La police irakienne et les escadrons de la mort liés à l’ISCI et à la milice Badr ont intensifié leurs efforts pour consolider leur contrôle exclusif sur l’appareil d’État et sur le gouvernement en visant les chefs des factions et des partis rivaux. Pratiquement aucun membre du mouvement du Réveil sunnite n’a été recruté dans l’appareil d’État. Mais de nombreux chefs ont été assassinés et une liste a été dressée pour en arrêter six cents autres. En même temps, un éminent membre du Parlement irakien fidèle à Moqtada al-Sadr a été tué dans un attentat soigneusement planifié.

Pendant les derniers mois, il y a sans doute eu moins de spectaculaires attentats-suicides ou à la voiture piégée. Mais il y a eu plus de tués par des snipers et des bombes magnétiques faciles à fixer aux voitures des victimes et actionnées au moment choisi par l’assassin.

Les autorités américaines ont, de temps en temps, condamné publiquement cette nouvelle vague d’assassinats et d’arrestations. Mais dans la coulisse, elles continuent à travailler avec l’État irakien dominé par l’ISCI et la milice Badr, menaçant de violences encore pires si un des groupes visés essaie de riposter, et tenant ainsi ces groupes en respect.

Irak : une guerre sans fin

Le pays continue d’être agité par la violence et les conflits ethniques. À Mossoul, au nord de Bagdad, la milice kurde a mené une campagne de terreur contre la minorité chrétienne, assassinant une douzaine de chrétiens, mettant le feu à leurs maisons et provoquant l’exode de la ville de milliers de chrétiens. Au nord, dans la ville de Kirkouk, une importante région productrice de pétrole, la compétition est vive. À Kirkouk, il y a un mélange de différentes ethnies et confessions, comprenant des Kurdes, des sunnites et des Turkomans. Sous Saddam Hussein, des sunnites avaient été envoyés remplacer les Kurdes pour servir de base de soutien à Saddam. Depuis 2003, les autorités kurdes ont encouragé les Kurdes à revenir à Kirkouk pour remplacer les sunnites. Il y a ainsi un conflit sans fin sur la question de qui vit où, accompagné d’assassinats et d’attentats à la bombe. Cette situation est si explosive que les politiciens irakiens sont d’accord pour reporter les élections provinciales à venir à Kirkouk, craignant qu’une bataille électorale ne dégénère en une guerre civile ouverte.

De plus, les militaires turcs ont régulièrement mené des incursions dans la partie nord de l’Irak. Sous le prétexte de combattre la guérilla séparatiste kurde, le gouvernement turc essaie de se positionner pour mettre la main sur une partie des richesses pétrolières irakiennes.

L’Irak est toujours si dangereux que pratiquement aucun des cinq millions de réfugiés ne s’est senti suffisamment en sécurité pour revenir, malgré la dureté de la condition de réfugié. Les rares à être revenus ont été le plus souvent confrontés à la violente hostilité d’un gang ou d’un autre, qui leur laisse le choix habituel : partir ou mourir. Sans aucun doute, les quartiers et les villes mixtes, où des gens de différentes origines ethniques vivaient et se mariaient ensemble, font partie du passé.

La violence terrible de ces dernières années a permis aux compagnies pétrolières américaines d’avoir les mains libres pour exploiter les vastes richesses pétrolières du pays, quand l’opportunité se présentera enfin. Pendant ce temps, les Irakiens ordinaires sont abandonnés à eux-mêmes dans les plus infernales conditions : peu ou pas d’électricité, eaux usées et détritus en putréfaction partout, peu ou pas d’accès à l’eau potable, plusieurs épidémies de choléra l’année dernière, pas de soins médicaux, pas de travail... rien.

En fait, la seule question vraiment débattue dans l’appareil d’État américain est combien de troupes laisser en Irak pour garder et assurer le contrôle américain. Selon des fuites du dernier « National Intelligence analysis » américain, un document très attendu, produit par 16 agences de renseignement et qui n’est pas destiné à une publication officielle avant les élections – le niveau des troupes américaines, qui atteint actuellement 146 000, devrait rester comparable dans le futur proche, en raison de l’aspect explosif de la situation. En septembre, le président Bush a confirmé qu’il ne diminuerait pas le nombre des troupes américaines en Irak avant la fin de son mandat.

Néanmoins une autre guerre est en route, même si cela pèse sur l’armée. Démocrates et Républicains parlent les uns comme les autres d’intensifier la guerre en Afghanistan. Obama et McCain se sont même servis de leur campagne présidentielle pour préparer la population américaine à une forte augmentation des troupes en Afghanistan. Obama dit couramment qu’il considère l’Afghanistan comme sa priorité, ce qu’il appelle « le front principal de la guerre contre le terrorisme ». Et il ajoute : « Nous avons besoin de plus de troupes là-bas. Nous avons besoin de plus de ressources... C’est une guerre que nous devons gagner ». Selon McCain, « le statu quo est inacceptable. La sécurité en Afghanistan s’est détériorée et nos ennemis ont pris l’offensive ». En fait, dès août 2007, Obama avait franchi une sorte de Rubicon verbal en disant qu’il était également prêt à envoyer des troupes américaines au Pakistan, s’il obtenait ce qu’il a appelé des « informations justifiant une poursuite ». En d’autres termes, en qualifiant le « sursaut » américain en Irak de succès, les deux candidats disent qu’une fois président, ils feront une guerre plus importante en Afghanistan et même au Pakistan.

Afghanistan : le deuxième front

En Afghanistan, les Américains ont été confrontés à une insurrection croissante des talibans et de leurs alliés. Depuis 2006, les talibans basés au cœur du pays pashtoun au sud des montagnes de l’Hindu Kuch, ont étendu leur insurrection à l’ouest, au nord et au nord-ouest du pays, où ils ont obtenu l’appui d’autres minorités ethniques qui ne les soutenaient pas auparavant.

Au fur et à mesure que leurs forces augmentaient, les insurgés talibans ont pu aller au-delà de la tactique classique de l’attaque éclair de la guérilla et soutenir des combats importants avec des centaines et même des milliers de combattants. Cet été, les talibans ont mené une de leurs attaques les plus spectaculaires. En juillet, une importante force de combattants talibans a lancé une attaque audacieuse sur une base américaine éloignée dans la province de Kunar, près de la frontière pakistanaise. Neuf soldats américains ont été tués. Cette attaque suivait une autre tentative audacieuse de menacer une grande ville du sud, Kandahar. Les officiers de l’OTAN en Afghanistan ont commencé à comparer l’intensité des combats à ceux de la guerre de Corée.

L’insurrection a pu atteindre les faubourgs de la capitale, Kaboul. En raison de l’importante concentration de troupes étrangères à Kaboul, il est douteux que l’insurrection puisse rapidement la conquérir. Mais les talibans ont pu organiser plusieurs attaques démontrant ce dont ils étaient capables dans la ville, y compris le bombardement de l’ambassade indienne et l’attaque d’une tribune de revue de troupes dans laquelle était assis le président Karzaï.

Les Américains et leurs alliés de l’OTAN ont répondu à la poussée des talibans en renforçant les effectifs militaires. Les Américains sont passés de 20 000 à 33 000 soldats en deux ans et les autres pays de l’OTAN ont augmenté leurs effectifs de 20 000 à 37 000. Néanmoins, pour l’occupation militaire d’un pays de la taille de l’Afghanistan, cette force serait loin d’être suffisante. Il suffit de comparer avec l’Irak où il y a eu près de 200 000 soldats américains pendant le sursaut. De plus, l’Afghanistan est un pays dont la superficie est de 50 % supérieure à celle de l’Irak, et dont la population compte cinq millions d’habitants de plus. D’autres facteurs, comme le terrain beaucoup plus accidenté de l’Afghanistan avec une population rurale disséminée, posent aussi de gros problèmes aux Américains affrontant la montée en puissance de l’insurrection des talibans.

Comme d’habitude, les Américains et l’OTAN ont compensé leur faiblesse militaire sur le terrain en intensifiant la guerre dans les airs. En 2006, les frappes aériennes américaines et les bombardements ont été dix fois plus nombreux que l’année précédente. En 2007, les frappes aériennes ont presque doublé de nouveau. En même temps, les forces américaines et de l’OTAN ont intensifié les fouilles et les rafles de maison en maison sur une grande échelle.

Ces interventions brutales ont eu le résultat habituel. Au cours des quinze derniers mois, plus de civils ont été tués que pendant les quatre années précédentes. Et cela a fortement accru la colère et la haine des populations afghanes contre les forces d’occupation américaines et de l’OTAN – fournissant un réservoir grandissant de recrues pour l’insurrection talibane.

Un fief des Etats-Unis

La haine générale envers le gouvernement afghan, extrêmement corrompu et faible, dirigé par Hamid Karzaï, le président choisi par les Américains, a aussi contribué au renforcement des talibans. La plupart des ministères de Karzaï sont tenus par des seigneurs de guerre qui ont découpé le pays en fiefs privés. Son gouvernement, comme les talibans dans leurs zones, impose la charia, la loi islamique fondamentaliste. La cour suprême de Karzaï est un héritage direct des talibans.

Le gouvernement afghan n’est que la marionnette des États-Unis. Les principales décisions sur la marche du pays, à commencer par les finances du gouvernement, émanent ouvertement d’institutions basées à Washington. Les Américains décident qui dirige le pays, ce qu’est le budget du gouvernement et comment il est dépensé. « L'équivalent le plus proche, ce sont ces parties de l’Afrique coloniale où les États européens suscitaient des chefs auxquels ils attribuaient une autorité presque autocratique sur leurs sujets, mais dont le pouvoir n’était jamais assez grand pour aller contre les buts politiques de leurs protecteurs étrangers », écrivent Atiq Sarwari et Robert Cruise, deux spécialistes de l’Afghanistan vivant aux États-Unis.

Les États-Unis et le gouvernement Karzaï ont réussi à rendre l’Afghanistan, déjà un des pays les plus pauvres de la planète avant qu’ils s’en emparent, encore plus pauvre. L’Afghanistan est maintenant classé par les Nations Unies comme le cinquième pays le moins avancé du monde, perdant une place par rapport à 2004. Au moins la moitié de l’économie repose de nouveau sur la production de l’opium. En d’autres termes, l’Afghanistan est maintenant une économie de monoculture, avec deux plaies qui s’additionnent, une addiction à l’héroïne qui grimpe en flèche et le sida. Bien sûr, tout comme dans les autres États clients des États-Unis, tels la Colombie et le Mexique, des personnalités importantes du gouvernement afghan profitent beaucoup du trafic de drogue, tandis que les efforts américains pour éradiquer la drogue ne sont qu’une couverture pour mener la guerre non seulement contre les insurgés, mais surtout contre l’ensemble de la population. L’autre moteur économique principal est le commerce des armes, étant donné l’énorme présence militaire dans le pays.

Il n’y a aucune aide pour la population. Washington dépense environ 36 milliards de dollars par an pour cette guerre. Seuls cinq centimes par dollar sont actuellement réservés à l’aide et c’est à peine un centime qui arrive jusqu’à la population, alors que 40 % de cette aide sont absorbés par les profits et les salaires. C’est pourquoi la plupart des gens ne voient dans les organisations d’aide qu’un mécanisme pour obtenir de l’argent qui ne sert qu’à payer leur propre fonctionnement.

Kaboul elle-même est dans un état lamentable. Il y a l’électricité et l’eau courante au centre de la ville où résident le gouvernement, les bureaux des autorités militaires américaines et internationales et diverses organisations d’aide avec les habitations et les commerces pour leur personnel. Mais les Afghans pauvres vivent dans des cages à lapins délabrées, sans électricité et souvent sans accès à l’eau potable. Kaboul, ville construite pour 800 000 personnes, en abrite maintenant plus de quatre millions, pour la plupart entassées dans des constructions de fortune et dans des taudis de squatters. Il y a d’énormes cratères de bombes dus à des décennies de guerre.

Les conditions de vie sont déplorables. On estime le chômage à 80 % dans certaines parties du pays. Plus de 42 % de la population afghane vit dans une extrême pauvreté et le revenu moyen d’une famille afghane est d’environ 10 dollars par mois. Étant donné la hausse vertigineuse des prix de la nourriture et du pétrole cette année, la moitié de la population est incapable d’acheter la nourriture nécessaire pour garantir un niveau de santé minimum, selon l’institut Brookings. On rapporte que des parents vendent leurs enfants simplement pour joindre les deux bouts. Au printemps dernier, dans un district d’une province du Sud, les choses allaient si mal que les villageois ont commencé à manger de l’herbe. Oxfam a prévenu que cet hiver la faim pourrait tuer jusqu’à 80 % de la population dans certaines provinces du nord frappées d’une très sévère sécheresse.

La situation des femmes est particulièrement terrible. Après la Sierra Leone, l’Afghanistan a le plus haut taux de mortalité maternelle du monde.

Pris au piège

Habituellement, la presse explique le renforcement des talibans par l’aide étrangère – des djihadistes étrangers, de leurs soutiens au Pakistan et dans d’autres pays – et leur implication dans le commerce de l’opium. Néanmoins, ces facteurs seuls n’auraient pu faire des talibans autre chose que des pillards transfrontaliers. La guerre américaine, la répression et les conditions économiques et sociales absolument barbares, voilà ce qui, plus que tout, a poussé la population afghane vers les talibans, renforçant le soutien qu’ils ont dans le pays.

Ce renforcement se traduit aussi dans le fait que l’insurrection talibane attire cette catégorie de seigneurs de guerre qui ont une longue histoire de changement de camp dans leur quête du pouvoir. Cela inclut les forces de Gulbuddin Hekmatyar et de Jalaluddin Haqqani, et de son fils Sirajuddin. Hekmatyar, par exemple, est un ancien favori de la CIA. Quand il a perdu le pouvoir au début des années quatre-vingt-dix, il a bombardé la ville de Kaboul pendant quatre ans.

En d’autres termes, la population afghane est prise au piège, entre la dictature de l’impérialisme américain, avec le gouvernement vénal et corrompu de Karzaï, et les talibans, qui sans aucun doute imposeraient la même sorte de régime despotique qu’auparavant.

Une guerre qui s’étend

En intensifiant la guerre en Afghanistan, les militaires américains ont traversé la poreuse frontière vers les zones tribales du Pakistan voisin. Leurs attaques contre les zones tribales ont commencé par des attaques aériennes avec des hélicoptères, des missiles, des avions et des drones. Cet été, des unités de commando américaines ont organisé au Pakistan des raids et des assassinats. En juillet, l’administration Bush a confirmé qu’elle avait donné le feu vert à l’armée pour entrer au Pakistan.

Avec l’utilisation par l’impérialisme américain des mêmes méthodes au Pakistan qu’en Afghanistan, on risque d’obtenir le même résultat. En assassinant des civils, en leur infligeant la destruction gratuite de leurs villages, en en forçant des centaines de milliers d’entre eux à devenir des réfugiés, les incursions impérialistes américaines au Pakistan ne peuvent que provoquer plus de haine. Au lieu d’affaiblir l’insurrection, l’impérialisme américain risque fort de la propager – tout d’abord dans les zones tribales à la frontière de l’Afghanistan, puis dans d’autres régions du Pakistan.

Le Pakistan est déjà un baril de poudre. Le régime pakistanais despotique et corrompu, qui a été un des principaux bastions du soutien à l’impérialisme américain en Asie centrale pendant au moins les trois dernières décennies, est devenu de plus en plus parasitaire, imposant une pauvreté grandissante, une économie et des infrastructures en ruine à la grande masse des pauvres. Les attaques américaines sur les régions frontalières du Pakistan risquent de discréditer ce régime encore plus, rendant furieuses d’autres parties de la population, donc augmentant les risques d’une plus grande explosion sociale et d’une guerre plus importante au Pakistan, un pays de 170 millions d’habitants.

Cette extension de la guerre, de l’Irak à l’Afghanistan et à des parties du Pakistan, rappelle ce que les Américains ont fait, dans des circonstances historiques différentes, en Asie du Sud-est, il y a quarante ans. En poursuivant le Front de libération national vietnamien dans les pays voisins, le Laos et le Cambodge, l’impérialisme américain n’a fait que semer la guerre et la destruction.

Les États-unis ne sont pas au bout de leurs guerres au Moyen-Orient et en Asie centrale. Les guerres s’étendent. Tout comme la bourgeoisie américaine entraîne le monde dans la plus grande crise économique et financière depuis la Grande Dépression, elle alimente, au Moyen-Orient et en Asie centrale, une guerre régionale qui pourrait se généraliser.

Class Struggle - The Spark
15/10/2008
Publié et traduit par Union Communiste Internationaliste.

Le terrorisme, une arme de propagande (7)

Bombay, la piste pakistanaise, ContreInfo.
Une fois de plus, les enquêtes ont abouti à un lien entre les auteurs de ces attentats et le Pakistan. Les terroristes à l’œuvre aujourd’hui auraient débarqué à proximité de la « Porte de l’Inde » [Bombay] en canots pneumatiques. Leur équipement, leur entraînement et la sophistication de leurs plans, ainsi que l’identité d’un suspect arrêté à Chowpatty, tendraient à indiquer un lien avec le Pakistan.
Commentaires : Une fois de plus, les autorités indiennes ont accusé le Pakistan avant de faire la moindre enquête et d'apporter la moindre preuve. Curieusement d'ailleurs l'auteur de l'article utilise le mode affirmatif ("les enquêtes ont abouti à un lien entre les auteurs de ces attentats et le Pakistan") puis conditionnel ("tendraient à indiquer un lien avec le Pakistan").

L’ISI est réputée créer des problèmes à son propre gouvernement par des actions visant à faire avancer ses intérêts. Par conséquent, la possibilité que des éléments incontrôlés de l’ISI et des éléments djihadistes du Pakistan aient conspiré en vue de créer des tensions entre New Delhi et Islamabad ne peut pas être exclue. Cela autoriserait l’ISI à garder la haute main sur la politique du Pakistan en direction de l’Inde et lui permettrait d’affirmer à Washington que l’accroissement de la tension avec l’Inde interdit à Islamabad de jouer un rôle plus efficace sur son front ouest [ndlr : dans les zones tribales bordant l’Afghanistan].
Commentaires : C'est effectivement une hypothèse, mais en ce cas pourquoi accuser le gouvernement pakistanais ?

Alors que tous les éléments de preuve convergent vers une implication d’éléments pakistanais dans ces actes de terreur, New Delhi devrait cependant prendre garde à ne pas tomber dans le piège de la création tensions majeures entre l’Inde et le Pakistan, alors qu’un nouveau président s’installe à Washington et que l’Inde va tenir des élections générales dans les mois à venir. Le pays espère ce que les deux principaux partis politiques se réuniront pour formuler une stratégie commune pour contrecarrer la tentative des djihadistes de créer un « choc des civilisation » dans ce pays.
Commentaires : Les autorités indiennes n'ont apporté aucune preuve ! L'Inde attribue invariablement la responsabilité de ses problèmes internes au Pakistan - "la main de l'étranger". Or, il semble - selon les première dépêches d'agences - que le groupe, responsables des attentats soit indien (manipulé par qui ?).


Les médias dominants présente l'Inde comme "la plus grande démocratie du monde" sans rien dire de la politique du Parti national du Congrès (Indian National Congress) ni du BJP (Bharatiya Janata Party), dont le slogan est Hindu, hindi, hindoustani (Un peuple, une langue, un pays). Tout un programme !

Les marchands d'armes sont partie prenante du conflit qui oppose l'Inde au Pakistan depuis plus de 50 ans. Durant la décennie 1990
• le Pakistan a reçu 33% de ses équipements militaires de la Chine, 25% de l'Ukraine, 15% de la France, 9% du Royaume-Uni, 8% des États-Unis et 7% de l'Italie ;
• l'Inde a reçu 72% de ses équipements militaires de la Russie, 8% des Pays-Bas, 5% de l'Allemagne, 4% du Royaume-Uni et 3% de la France.

Source : BIARNÈS Pierre, Pour l'empire du monde - Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine, Ellipses, 2003 in Dossier Géopolitique.

Notons que la Chine est relativement silencieuse et prêche la modération entre les deux puissances nucléaires alors la Russie défend plutôt l'Inde, son client, et réaffirme sa participation à la croisade de Bush contre "le terrorisme islamique".

L'Inde face au terrorisme : se doter d'une stratégie efficace, RIA Novosti.
Le schéma de ce qui s'est passé dans la ville-clef indienne de Mumbai (anciennement Bombay) est à peu près clair : un méga acte de terrorisme perpétré par un groupe de kamikazes plus nombreux qu'à l'habitude et bien entraînés. Il avait pour sens et pour but immédiats de réaliser une démonstration de force, de semer la terreur, de démoraliser les autorités et la société indiennes. Cet attentat a été conçu concrètement selon le schéma de la guérilla urbaine, plusieurs cibles ayant été attaquées simultanément. Il est donc clair qu'il était fait pour réussir dans un premier temps, même si la plupart des assaillants étaient d'avance condamnés à périr ou à être fait prisonniers dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures suivantes. Les organisateurs comprenaient, naturellement, que leur organisation des Moudjahiddines du Deccan (les Moudjahiddines indiens), encore inconnue hors de l'Inde, allait rapidement devenir plus visible, que le nom d'un nouveau Ben Laden serait révélé au monde. C'était également dans leurs intentions.

[...]

On ne peut échapper à la comparaison avec le 11 septembre 2001 et avec la manière dont l'Amérique a réagi à ce défi. Elle a pris des mesures tout à fait efficaces à l'intérieur du pays, qui ont exigé des dépenses colossales. L'Afghanistan, pays d'où émanait la menace, a été attaqué et son régime renversé. Mais, par la suite, le pays possédant l'armée la plus puissante au monde a manqué de ressources pour maintenir sous son contrôle absolu l'Afghanistan ainsi que les territoires du Pakistan y attenant. Cela n'aurait d'ailleurs rien d'étonnant si nous apprenions que l'attentat de Mumbai a été en partie préparé dans ce pays.

Ce qu'ont fait ensuite les Etats-Unis avec leurs alliés et leurs partenaires n'a qu'un rapport ténu avec la lutte antiterroriste. Surfant sur la vague de sympathie mondiale à leur égard, les Etats-Unis ont tenté de se servir de la lutte antiterroriste pour parvenir à des buts d'un tout autre ordre : affirmer leur domination globale. Après l'invasion de l'Irak, qui n'avait rien à voir avec le terrorisme, ils ont lancé l'élaboration d'un programme d'américanisation de fait de l'ensemble du monde musulman. Pour rien. En fin de compte, nous avons le déclin de l'Amérique (avec ou sans crise), un changement de leadership mondial. Quant au terrorisme, au terrorisme islamique en premier lieu, il est toujours là.

[...]

La coalition antiterroriste mondiale, ce capital que les Etats-Unis ont gaspillé avec une telle incompétence, peut tout à fait renaître maintenant sur de nouvelles bases. En 2001 d'ailleurs, les Indiens avaient tenté de rappeler au monde que New York n'était pas la seule cible visée par les menaces et que les racines du Mal mondial se situaient justement aux confins de leur pays, mais ils n'avaient pas été entendus. Il est possible qu'il en soit autrement aujourd'hui. Notons, à ce propos, que le programme de la visite en Inde que le président russe Dmitri Medvedev devrait effectuer dans les premiers jours de décembre sera quelque peu modifié, à moins que celle-ci ne soit annulée.

Interview complète de Christophe Jaffrelot

Que sait-on sur les Moudjahidin du Deccan, le groupe qui a revendiqué les attaques ayant ensanglanté Bombay mercredi 26 novembre ?

- On ne sait pas grand chose à leur sujet. Ils tirent leur nom de la région du Deccan, un plateau situé au centre de l’Inde. Mais on peut supputer qu’ils sont liés – ou qu’ils ressemblent – au groupe des Moudjahidin indiens. Ces derniers revendiquent depuis un an des attentats quasi mensuels sur le territoire indien : ce sont eux qui ont frappé à New-Delhi en septembre, à Ahmedabad en juillet, à Jaipur en mai etc., chaque fois faisant plusieurs dizaines de victimes. A la différence des autres groupes, les Moudjahidin indiens revendiquent leurs attentats, au risque d’être reconnus.

Et à chaque fois qu’ils l’ont été – ou presque –, il s’est avéré qu’il s’agissait d’Indiens nés en Inde, assez éduqués, et ayant un lien plus ou moins direct avec le SIMI, le Mouvement étudiant islamique d’Inde, une organisation qui a été interdite après avoir fait l’apologie de Ben Laden. Le SIMI est un mouvement qui a été initié aux techniques terroristes par des mouvements pakistanais – notamment le Lakshar-e-Taiba – et dont les premiers attentats, au début des années 2000, ont été menés conjointement avec ce mouvement pakistanais ou d’autres – éventuellement issus du Bangladesh. Mais, depuis 2007, il semble que ces groupes indiens se soient émancipés des Pakistanais pour mener leurs propres opérations, ce qui n’exclut pas la poursuite d’une collaboration.

Que sait-on de leurs revendications ?

- Les Moudjahidin du Deccan réclament la libération des combattants islamiques et demandent que les musulmans d’Inde puissent vivre en paix. Cela rappelle la démarche des Moudjahidin indiens qui signent chaque fois leurs actes par une lettre assez longue, dans laquelle ils disent se venger des Hindous, et notamment du massacre perpétré en 2002 au Gujarat, au cours duquel quelque 2000 musulmans avaient été tués. On peut donc comprendre ces attaques de Bombay comme de nouvelles représailles et un appel aux autorités indiennes pour qu’elles fassent justice aux musulmans alors que les "bourreaux" du Gujarat n’ont toujours pas été punis. Cet aspect est très important, car on est loin d’un mouvement djihadiste panislamique voulant faire de l’Inde une terre de l’islam. Ce ne sont pas des talibans, ils ne veulent pas établir la charia dans le pays. Ce qui se passe à Bombay semble plutôt relever d’une configuration nationale, indienne, ayant pour toile de fond le face à face entre hindous et musulmans que les hindous ont eux-mêmes envenimé.

A cet égard, la balle est dans le camp du gouvernement indien depuis longtemps déjà. Car il est vrai que les musulmans sont victimes de discrimination en Inde, que cet Etat qui est censé, selon sa constitution, traiter également hindous, musulmans et toutes les autres religions en vertu du "sécularisme" officiel, est loin d’être juste, en réalité, à l’égard des musulmans. Un véritable conflit social, entre des communautés dont le critère de distinction est la religion, sert de contexte à ces violences.

Mais pourquoi ce mode opératoire ? Pourquoi s’attaquer par le biais de commandos militaires à des cibles notamment touristiques ?

- C’est en effet un mode opératoire inédit. Auparavant, les Moudjahidin indiens perpétraient des attentats à la bombe, anonymes. Dans le cas présent, ils ont aussi frappé aveuglément, mais via une opération militaire et surtout ils ont innové en cherchant à faire des otages, notamment Occidentaux. Pourquoi ? A mon sens, ils cherchaient, après avoir mené pendant des années des attentats contre des Indiens sans que le sort des musulmans ne change, une couverture médiatique maximale à l’international. Et ils l’ont eu. Il est même troublant de constater, comme au moment du tsunami de 2004 d’ailleurs, à quel point la mort d’Occidentaux est médiatisée comparée à celle d’Indiens ou d’autres nationalités – car les attentats de Bombay de 2006 avaient fait plus de morts, mais peu de journaux Européens en avaient parlé.

Si ce sont, selon votre hypothèse, des Indiens qui sont derrière ces attaques, pourquoi l’Inde s’est-elle empressée d’accuser le Pakistan ?

- L’Inde a du mal à admettre qu’elle n’a pas été capable de régler la question nationale, 60 ans après l’indépendance de 1947. Il est plus simple d’attribuer ses malheurs aux étrangers, à commencer par le Pakistan, parfait bouc-émissaire, que de balayer devant sa porte. C’est une stratégie très ancienne. Depuis novembre 2007, on s’est aperçu que les attentats avaient à chaque fois été perpétrés par des Indiens mais nul n’en tire vraiment les conséquences.

Certes, le Premier ministre a nommé une Commission chargé d’enquêter sur la condition socio-économique des Musulmans. Cette Commission a rendu son rapport il y a deux ans. On y constate que les Musulmans connaissent un retard croissant en termes éducatifs et économiques, mais le gouvernement n’a pris aucune mesure. Il est vrai qu’il est soumis aux pressions des nationalistes hindous, toujours prompts à dénoncer le moindre "favoritisme" en faveur des minorités. Le Premier ministre Manmohan Singh est coincé, en quelque sorte, à quelques mois d’élections générales importantes alors qu’il est déjà acculé à la défensive par les échecs de l’Etat sur le terrain. Car les autorités ont bel et bien failli sur le terrain du renseignement : l’Inde n’a pas l’expertise qu’elle devrait avoir pour faire face à la mouvance islamiste. Comment se fait-il que le chef de la police de Bombay se soit fait tuer dès le début d’une opération où il n’aurait pas dû se trouver en première ligne ? Ceci dit, cela n’exclut pas une aide logistique venue des groupes pakistanais.

En accusant ainsi le Pakistan, au moment même où les relations entre les deux pays se réchauffent, l’Inde ne prend-elle pas un gros risque diplomatique ?

- Je ne pense pas que cela aura de graves conséquences immédiates. Le président pakistanais Asif Ali Zardari fait tout pour donner des gages de bonne volonté. Il a tenu des discours très courageux, notamment en qualifiant de "terroristes" les séparatistes du Cachemire indien. On n’avait jamais entendu cela auparavant. Il cherche ainsi à montrer à Barack Obama, très méfiant à l’égard du Pakistan qu’il estime être la cause de tous les maux de la région, qu’il peut compter sur lui. Toutefois la réaction indienne aux attaques de Bombay donne un coup de froid aux relations entre les deux voisins.

Interview de Christophe Jaffrelot par Sarah Halifa-Legrand
27/11/2008
Publié par NouvelObs.


Lire aussi :
• Résumé des accusations des autorités indiennes, NouvelObs.
• Interview de Max-Jean Zins, L'Express.
• Interview de Christophe Jaffrelot (audio), RFI.
• "On peut craindre des représailles de nationalistes hindous", Le Monde.
• La peur de la vengeance hindoue, Ouest-France.

• Christophe Jaffrelot, Wikipédia.
• Christophe Jaffrelot, CERI.
• Christophe Jaffrelot, BiblioMonde.
• Christophe Jaffrelot, Cultures & Conflits.
• Comment la guerre en Afghanistan change-t-elle la donne entre le Pakistan, l'Inde et les Etats-Unis ?, Diploweb.

• Inde, Yahoo! Actualités.
• Inde, Alvinet Actualité.
• Pakistan, Yahoo! Actualités.
• Pakistan, Alvinet Actualité.

JAFFRELOT Christophe, Les émeutes entre hindous et musulmans I, Cultures & Conflits.
A la différence des violences ponctuelles opposant des hindous à des sikhs ou à des chrétiens, les émeutes entre hindous et musulmans constituent une donnée ancienne, voire structurelle de l'univers social et politique indien. Certains récits de voyageurs en apportent d'ailleurs le témoignage dès le XIVème siècle.

JAFFRELOT Christophe, Les émeutes entre hindous et musulmans II, Cultures & Conflits.
Si le caractère très ancien et les facteurs religieux des émeutes entre hindous et musulmans ont pu accréditer une interprétation culturaliste du phénomène, cette analyse s'est rapidement trouvée relayée par une approche économiciste et microsociologique mettant l'accent sur les rivalités socio-économiques locales comme ressort des violences. Cette lecture, sans doute pertinente dans les années 1960-1970, ne permet guère de rendre compte des émeutes de la dernière décennie qui s'expliquent d'abord dans une perspective politique. Le " complexe d'infériorité majoritaire " des hindous face à une communauté musulmane perçue comme adossée à une internationale islamique et favorisée par le pouvoir a en effet été exploitée par des groupes nationalistes hindous, notamment dans de] contextes préélectoraux : l'institution hindoue que constitue la procession s'est par exemple trouvée politisée et transformée en démonstration de force à l'origine de nombreuses émeutes. Par ailleurs, les pouvoirs locaux ou régionaux ont davantage tendu à gérer ces tensions au mieux de leurs intérêts, surtout dans les zones où l'Etat de droit était déjà en déclin. Les violences des dernières années suggèrent donc un modèle politico-idéologique où l'émeute se situe au carrefour de facteurs internationaux (l'impact du " panislamisme ") nationaux (la propagande nationaliste hindoue) et locaux (le degré de criminalisation de la politique).

JAFFRELOT Christophe, Les pièges de l'instrumentalisme... et de la répression, Cultures & Conflits.
La scène publique de l'Inde est dominée depuis la fin des années 1980 par un conflit entre Hindous et Musulmans dont l'objet est le site d'Ayodhya, lieu saint pour les Hindous qui souhaiteraient y édifier un temple à la place de la mosquée. Ce conflit ne saurait se résumer exclusivement, loin s'en faut, à un affrontement religieux, où le facteur "culturel" serait seul en mesure d'expliquer son existence. Toutefois les succès électoraux des mouvements nationalistes hindous, en 1990 et 1991, et notamment ceux du BJP, parti du peuple indien, s'expliquent en partie par leur "stratégie instrumentaliste" centrée autour du conflit et de l'enjeu d'Ayodhya. Cette stratégie qui impliquait que le BJP poursuive ses efforts de mobilisation est entrée en contradiction avec son aspiration à devenir un parti de gouvernement susceptible de conquérir le pouvoir central. La crise de décembre 1992, provoquée par la destruction de la mosquée, a révélé les limites de cette stratégie même si au demeurant la répression orchestrée par New Delhi les a transformé en victimes.

GAYER Laurent et JAFFRELOT Christophe, Milices armées d'Asie du Sud, Presses de Sciences Po, 2008, BiblioMonde.
Le nombre de victimes de guerres civiles, guérillas ou répressions militaires ne cesse d'augmenter dans le sous-continent indien, malgré l’absence de guerres interétatiques depuis dix ans. Ces conflits impliquent des milices au style paramilitaire, dont cet ouvrage dévoile l’idéologie, la sociologie et les stratégies.

Très influentes en Inde et au Népal, les organisations maoïstes se disent révolutionnaires. Mais le peuple qu’elles aspirent à libérer se compose souvent de basses castes et de tribus, si bien que leur guérilla apparaît plus ethnique qu’universaliste.

Elles rejoignent en cela les mouvements d’émancipation nationale dont la vocation est d’obtenir l’indépendance politique de communautés linguistiques, religieuses ou tribales. Mais, au Sri Lanka, au Cachemire ou en Birmanie, ces groupes sont aussi des mouvements d’oppression nationale.

C’est encore le cas des mouvements nationalistes ou religieux en Inde, au Pakistan et au Bangladesh, où les milices islamistes, nationalistes hindoues ou sikhes exercent un contrôle brutal sur leur communauté au moyen d’une véritable police culturelle.

Milices et États entretiennent des relations complexes. Parfois en passe de devenir de véritables États dans l’État, les milices sont également instrumentalisées par les puissances publiques pour relayer leur autorité au niveau local.

Interview de Christophe Jaffrelot

Extraits

Si ce sont, selon votre hypothèse, des Indiens qui sont derrière ces attaques, pourquoi l’Inde s’est-elle empressée d’accuser le Pakistan ?

- L’Inde a du mal à admettre qu’elle n’a pas été capable de régler la question nationale, 60 ans après l’indépendance de 1947. Il est plus simple d’attribuer ses malheurs aux étrangers, à commencer par le Pakistan, parfait bouc-émissaire, que de balayer devant sa porte. C’est une stratégie très ancienne. Depuis novembre 2007, on s’est aperçu que les attentats avaient à chaque fois été perpétrés par des Indiens mais nul n’en tire vraiment les conséquences.
Certes, le Premier ministre a nommé une Commission chargé d’enquêter sur la condition socio-économique des Musulmans. Cette Commission a rendu son rapport il y a deux ans. On y constate que les Musulmans connaissent un retard croissant en termes éducatifs et économiques, mais le gouvernement n’a pris aucune mesure. Il est vrai qu’il est soumis aux pressions des nationalistes hindous, toujours prompts à dénoncer le moindre "favoritisme" en faveur des minorités. Le Premier ministre Manmohan Singh est coincé, en quelque sorte, à quelques mois d’élections générales importantes alors qu’il est déjà acculé à la défensive par les échecs de l’Etat sur le terrain. Car les autorités ont bel et bien failli sur le terrain du renseignement : l’Inde n’a pas l’expertise qu’elle devrait avoir pour faire face à la mouvance islamiste. Comment se fait-il que le chef de la police de Bombay se soit fait tuer dès le début d’une opération où il n’aurait pas dû se trouver en première ligne ? Ceci dit, cela n’exclut pas une aide logistique venue des groupes pakistanais.

En accusant ainsi le Pakistan, au moment même où les relations entre les deux pays se réchauffent, l’Inde ne prend-elle pas un gros risque diplomatique ?

- Je ne pense pas que cela aura de graves conséquences immédiates. Le président pakistanais Asif Ali Zardari fait tout pour donner des gages de bonne volonté. Il a tenu des discours très courageux, notamment en qualifiant de "terroristes" les séparatistes du Cachemire indien. On n’avait jamais entendu cela auparavant. Il cherche ainsi à montrer à Barack Obama, très méfiant à l’égard du Pakistan qu’il estime être la cause de tous les maux de la région, qu’il peut compter sur lui. Toutefois la réaction indienne aux attaques de Bombay donne un coup de froid aux relations entre les deux voisins.

Interview de Christophe Jaffrelot par Sarah Halifa-Legrand
27/11/2008
Publié par NouvelObs.


Lire aussi :
• Christophe Jaffrelot, Wikipédia.
• Christophe Jaffrelot, CERI.
• Christophe Jaffrelot, BiblioMonde.
• Comment la guerre en Afghanistan change-t-elle la donne entre le Pakistan, l'Inde et les Etats-Unis ?, Diploweb.
• Inde, Yahoo! Actualités.
• Inde, Alvinet Actualité.
• Pakistan, Yahoo! Actualités.
• Pakistan, Alvinet Actualité.

1 décembre 2008

Le terrorisme, une arme de propagande (6)

Pour que les choses soient claires :
1) Aucune cause ne justifie la prise en otage, la séquestration ni l'assassinat de civils.
2) Il règne un dramatique "deux poids deux mesures" sur l'emploi du mot "terrorisme" :
• Des Palestiniens tuent des civils israéliens, c'est du terrorisme. L'armée israélienne tue des civils palestiniens, c'est de la légitime défense.
• Des Afghans tuent des militaires américains, c'est du terrorisme. L'armée américaine tue des civils afghans, c'est une bavure.
3) La résistance est toujours qualifiée de terrorisme par l'occupant pour légitimer à la fois l'occupation et la répression.

Le blog Planète Asie titre "Les attaques de Bombay ou le 11-septembre indien". Comme d'autres médias, Le Monde diplomatique reprend les affirmations des services de renseignement britanniques. Ce média, lui aussi, sombrerait-il dans la manipulation du mot terrorisme ?
La troisième partie de l'article contredit le titre racoleur.
Mais l’échec le plus patent du pouvoir indien reste l’incessante discrimination contre les musulmans, la minorité la plus importante en Inde (près de 13,4 % de la population). Le rapport gouvernemental du comité Sachar publié en novembre 2006 affirme qu’ils arrivent quasi systématiquement en queue de peloton, quand on examine la plupart des indicateurs du développement humain. Les musulmans pauvres sont plus pauvres que les Hindous pauvres — même souvent derrière les hors castes. Ils sont moins éduqués et moins représentés dans le gouvernement, la fonction publique, etc. Ils sont la cible de manifestations de violence systématiquement fomentées par la droite hindoue ; ils sont souvent mal indemnisés quand procès il y a, et leurs bourreaux sont rarement arrêtés. Un processus de ghettoïsation est en train de détruire progressivement les anciens modes de vie et de relations entre les deux communautés. Il en résulte que les jeunes musulmans sont de plus en plus — et dangereusement — marginalisés.

Il faut également songer à la situation au Jammu-et-Cachemire. Les musulmans qui vivent majoritairement dans la vallée du Cachemire font l’objet d’attaques, de mauvais traitements, d’arrestations arbitraires et même de disparitions. Ils ont récemment organisé un mouvement de résistance menant une sorte d’intifada pacifique. Un des terroristes présents au Centre culturel juif, qui s’est exprimé à la télévision indienne via son portable, avait un accent cachemiri ; il a parlé des « mauvais traitements » infligés aux musulmans du Jammu-et-Cachemire.

Rien que depuis le début de l’année 2008, l’Inde a connu des attentats à Assam (le 30 octobre, une série d’explosions tuant plus de 64 personnes et en blessant des centaines), Delhi (le 13 puis le 30 septembre, 19 morts), Ahmedabad (le 26 juillet, 22 petites bombes ont tué 49 personnes), Bangalore (25 juillet, 7 bombes, 2 morts) et Jaipur (le 13 mai, 7 bombes ont tué 63 personnes) [3]. Ces explosions, ainsi que d’autres, étaient coordonnées dans le temps mais leur portée se limitait, au plan logistique, à la pose de petites charges explosives dans des poubelles, dans des lieux publics très fréquentés, souvent touristiques comme à Jaipur.

A partir du peu d’informations disponibles jusqu’à présent, ces attentats semblaient le fait de groupes autochtones, parfois pour des raisons locales. Assam, par exemple, compte une forte minorité de ressortissants du Bangladesh et un mouvement séparatiste. Et l’Etat du Maharashtra, dont Bombay est la capitale, abrite un mouvement puissant lié à la droite hindoue, dont l’objectif est de chasser les travailleurs immigrés venus du nord de l’Inde (en particulier de Bihar).

Toutefois, dans la plupart des cas, ce sont les musulmans qui sont soupçonnés d’être les auteurs des attentats. Et non plus des terroristes soupçonnés d’être manipulés par les services de renseignements de l’ISI, en liaison avec la guerre entre l’Inde et le Pakistan pour le partage du Cachemire. Cette année ont émergé des groupes islamistes autochtones tels que le Students Islamic Movement of India (SIMI) et le prétendu Mouvement des moudjahidines indiens, qui ont suscité une inquiétude croissante.

Il est impossible de dire actuellement s’il existe des liens entre ces mouvements et les « moudjahidines du Deccan ». Mais l’Inde, la plus grande démocratie séculaire, a noué des liens des plus en plus étroits avec les pays occidentaux — ce qu’elle n’avait pas fait dans le cadre de son Congrès des pères fondateurs. Cela peut suffire à en faire une cible pour les réseaux djihadistes internationaux. Elle est également présente en Afghanistan et les talibans, qui ont déjà attaqués l’ambassade indienne à Kaboul, ont laissé entendre qu’elle serait désormais une cible. Cependant, qu’il soit ou non prouvé que des agents extérieurs ont pris part aux attentats de Mumbai —qui ne sont que les dernières en date des atrocités subies par l’Inde, même si celles-ci ont bénéficié d’une plus grande attention internationale —, l’Inde doit affronter un problème bien réel avec sa propre minorité musulmane.

Planète Asie.


Il est intéressant de noter plusieurs faits :
• Le ministre indien de l’Intérieur, Shivraj Patil, a démissionné dimanche, RFI.
Il a indiqué qu'il se sentait dans l'obligation d'assumer la « responsabilité morale » de ces attaques qui ont fait 172 morts, selon un nouveau bilan revu à la baisse. Peu après, le conseiller à la sécurité nationale indienne a démissionné à son tour, selon des chaînes de télévision indiennes.

• La classe politique indienne est mise en cause après les attentats de Bombay, Reuters - Yahoo! Actualités.
Beaucoup reprochent aux membres du parti du Congrès aux commandes d'avoir été incapables de prévenir les attentats, tandis que d'autres reprochent au BJP de chercher à en tirer un bénéfice électoral, à l'approche des échéances législatives de mai.
[...]
"Nous sommes lassés des politiciens qui exploitent le terrorisme pour engranger des voix. Nous sommes lassés de leur incompétence. A nos yeux, ce sont tous les mêmes", tranche l'éditorialiste de l'Hindustan Times.

• Attentats de Bombay : le Pakistan attend des preuves tangibles, RIA Novosti.
Le Pakistan est disposé à coopérer avec l'Inde en matière d'arrestation des personnes impliquées dans les attentats de Mumbai (Bombay) et attend les preuves appropriées, a déclaré lundi le président pakistanais Asif Ali Zardari.
"Une fois ces preuves contre des personnes concrètes reçues, nous procèderons à toutes les mesures nécessaires", a-t-il indiqué dans une interview à la chaîne CNN-IBN.


Attentats de Bombay : l'information mutualisée, Media trend.
Alain Joannes sur son blog Journalistiques adopte une position radicalement différente sur le "journalisme citoyen". Pour lui (il s'appuie sur le recensement effectué par Amy Graham, consultante en communication de l'université du Colorado, Boulder, à propos des attentats de Bombay, qu'elle publie sur le site du Poynter Institute), "les journalistes citoyens ne produisent ni information ni analyse", ils sont incapables de "donner du sens à un événement soudain comme la tragédie de Bombay", "les photos des blogueurs n'ont aucun intérêt", etc.

Un exemple :
9.09 PM. Je viens d'entendre deux grosses explosions près de chez moi, à Cobala.
9.17 PM. Je ne comprends pas à quoi ça rime.
9.19 PM. Il y a eu des tirs au Taj et au Cafe Leopold.
9.23 PM. Dieu merci, toute ma famille est en sécurité à la maison. Heureusement que je suis rentré tôt du bureau.
10.46 PM. Je viens d'entendre un autre grand bruit. C'était quoi ? Des tirs, des grenades ?
Aujourd'hui l'Inde.


Les médias dominants reprennent en boucle les déclarations des autorités indiennes sans les discuter, sans les mettre en perspectives. Ils jouent à fond la carte de l’émotion sans poser les questions classiques : Qui fait Quoi, Où, Quand, Comment, Avec qui et Pour qui - grille de Quintilien - à laquelle on peut ajouter d’où vient l’information (témoins, autorités, autres médias, etc.).