25 juin 2010

Ulysse Clandestin

La création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale était en soi un acte d'une violence inouïe. Le débat sur l'identité nationale, et toutes les dérives verbales qui l'ont accompagné, ont confirmé les plus sombres prophéties. La prochaine étape dans ce parcours de l'ignominie sera la présentation du projet de loi Besson en septembre 2010 qui dégradera encore un peu plus la condition des immigrés en France.

Pour sortir des dangereuses problématiques autour de l'identité nationale que les pouvoirs cherchent à imposer, il faut rappeler ce qu'est l'histoire de l'immigration et ce que sont les caractéristiques du « creuset français ». Les origines de la nation française sont bien là, dans la multiculturalité. Ces films interrogent aussi la récurrence et les usages des thématiques racistes, notamment dans les périodes où le capitalisme entre en crise. Ils reviennent sur cette hydre, l'association de l'immigration et de l'insécurité, sans cesse renaissante.

Pour soutenir cette initiative, vous pouvez acheter le DVD 12€ (frais de port inclus) par paiement en ligne sur le site La Bande Passante ou par chèque à l'ordre de L'Autre association, 3 rue des Petites Ecuries, F-75010 Paris.

Lire aussi :
Dossier documentaire & Bibliographie Immigration, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Nationalisme, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Racisme, Monde en Question.

24 juin 2010

"Israël est un Etat imposteur et criminel"

Le mouvement sectaire juif «Toldot Aaron», à la pointe du combat contre l'«Etat sioniste impie», a réuni 100 000 personnes jeudi dernier. Après le feu vert de son rabbin, l'un de ses membres livre sa vision du monde.

Lire : Israël est un Etat imposteur et criminel, Le Temps

Outre le respect intégral des 630 commandements figurant dans la Torah, ces principes prévoient que les membres du mouvement ne se marieront qu'entre eux et que les femmes seront habillées de manière à ce que l'on ne distingue rien de leurs formes à part leurs mains et leur visage.

Ces dernières années, les successeurs du rabbin Roth y ont ajouté l'interdiction de regarder la télévision, d'écouter la radio, d'utiliser un ordinateur et de se brancher sur Internet. Les hommes de «Toldot Aaron» ne peuvent pas non plus poursuivre des études sauf dans une «yeshiva» (école talmudique).

Quant aux femmes, elles limiteront leur scolarité à un enseignement basique axé sur la maternité et les activités ménagères. Ceux ou celles qui enfreindraient leur serment seront bannis de la communauté, c'est-à-dire envoyé dans un monde extérieur qu'ils ne connaissent pas.

Source : Les 630 commandements de la Torah, Le Temps

23 juin 2010

Le général McChrystal crache dans la soupe


Alors que les troupes d'une coalition de plus en plus flageolante peinent à remporter en Afghanistan la victoire finale promise par Barack Obama, le général Stanley McChrystal, commandant de la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan (un titre qui ne s'invente pas), a critiqué la stratégie américaine à la manière d'un Bigeard ou d'un Massu.
L'ambassadeur américain en Afghanistan, Karl Eikenberry ? Quelqu'un qui «veut couvrir ses arrières pour les livres d'histoire».
L'envoyé spécial de l'administration Obama pour l'Afghanistan et le Pakistan, Richard Holbrooke ? «Un homme dont les courriels ne valent même pas la peine d'être lus».
Le vice-président Joe Biden ? «Vous avez dit Bite Me ?» (va te faire voir en anglais).
Rolling Stone Politics
L'article reflète le fossé entre l'armée américaine et les conseillers d'Obama au moment où le Pentagone doit faire face à la critique de sa stratégie dans cette guerre qui s'enlise un peu plus chaque jour.
C'est une guerre vouée à n'être pas gagnée. Il s'agit de se créer une sortie honorable, une non victoire décente. C'est tout ce qu'il reste.
Metro

Whatever the nature of the new plan, the delay underscores the fundamental flaws of counterinsurgency. After nine years of war, the Taliban simply remains too strongly entrenched for the U.S. military to openly attack. The very people that COIN seeks to win over - the Afghan people - do not want us there. Our supposed ally, President Karzai, used his influence to delay the offensive, and the massive influx of aid championed by McChrystal is likely only to make things worse. "Throwing money at the problem exacerbates the problem," says Andrew Wilder, an expert at Tufts University who has studied the effect of aid in southern Afghanistan. "A tsunami of cash fuels corruption, delegitimizes the government and creates an environment where we're picking winners and losers" - a process that fuels resentment and hostility among the civilian population. So far, counterinsurgency has succeeded only in creating a never-ending demand for the primary product supplied by the military: perpetual war. There is a reason that President Obama studiously avoids using the word "victory" when he talks about Afghanistan. Winning, it would seem, is not really possible. Not even with Stanley McChrystal in charge
Rolling Stone Politics
Quand un militaire crache dans la soupe les carottes sont cuites !

23/06/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

22 juin 2010

Le Kirghizistan construit par les médias


Que se passe-t-il réellement au Kirghizistan ? Quels sont les enjeux politiques des affrontements ? Quels sont les intérêts des grandes puissances dans cette région ? Autant de questions qui restent sans réponse à la lecture des médias dominants qui, comme d'habitude, réduisent la complexité du monde à des formules univoques.

Tous les médias dominants usent et abusent de l'expression "violences ethniques" [1] pour caractériser les conflits dans les ex-colonies ou dans les pays qui ont échappés à la "mission civilisatrice" de l'Europe.
Il est vrai que, en matière de violences ethniques, la civilisation occidentale peut donner des leçons à ces barbares. Elles ont fait environ 183 000 morts en 1870, environ 20 millions de morts entre 1914 et 1918 et de 50 à 60 millions de morts entre 1939 et 1945.

Quant il s'agit de caractériser les conflits qui déchirent la Belgique (membre de la Communauté Européenne), les médias dominants ne parlent pas de "violences ethniques", mais de "conflit linguistique". Bel euphémisme quand on sait que la Belgique est au bord de l'implosion ! [2]

Les médias dominants reprennent aussi en boucle les déclarations du mystérieux politologue (titre qui ne veut rien dire) Sergueï Massoulov [3] qui affirme, sans preuves, que les violences "sont l'oeuvre de groupes criminels organisés", "provoquées par la mafia" et "l'ancien président déchu, Kourmanbek Bakiev". Même Lutte Ouvrière crédite cette interprétation de faits qui ne sont toujours pas clairement établis.

Les médias dominants se complaisent dans l'injonction compassionnelle en faveur d'une "situation humanitaire dramatique". Les chiffres les plus fantaisistes circulent. Roza Otunbaïeva annonce plus de 2000 morts alors que le ministère kirghiz de la Santé n'a compté que 214 morts au 22 juin. L'OMS, experte en manipulations médiatiques (voir l'affaire de la grippe A(H1N1)), prétend qu'il y aurait 1 million de réfugiés sans dire d'où vient ce chiffre. L'ONU a lancé un appel de 71 millions de dollars auprès des pays donateurs.
Personne ne s'interroge sur cet empressement des organisations humanitaires à débarquer au Kirghizistan alors que les Palestiniens de Gaza ne bénéficient toujours pas de l'aide internationale plus d'un an après le massacre de 1 315 Palestiniens par l'armée israélienne.

Les médias dominants ne s'appesantissent pas sur le fait que le Kirghizstan abrite une base américaine à Manas, "indispensable pour mener la guerre en Afghanistan". Il est vrai que la Russie possède aussi une base militaire qui lui permet de maintenir son influence dans la région et que certains l'incitent à s'impliquer comme la France l'a fait en Afrique. La Chine, quant à elle, construit un vaste réseau autoroutier et ferroviaire pour contrebalancer sinon contrecarrer la présence militaire américaine en Asie centrale [4].

Les médias dominants, curieusement, ne disent rien de l'enjeu politico-religieux qui explique pourtant la Sainte-Alliance entre les États-Unis, la Russie et la Chine pour contenir l'influence d'organisations dites "terroristes" comme le Hizb ut-Tahrir, organisation pourtant non-violente qui dénonce la corruption des pouvoirs en place et prône leur renversement. Très actif en Ouzbékistan, ce groupe est aussi présent au Kirghizistan et précisément à Och [5].

Pour tenter de comprendre ce qui se passe réellement au Kirghizistan, les enjeux politiques des affrontements et les intérêts des grandes puissances dans cette région, mieux vaut lire quelques ouvrages documentés :
• BIARNÈS Pierre, Pour l'empire du monde - Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine, Ellipses, 2003.
• DJALILI Mohammad-Reza et KELLNER Thierry, Géopolitique de la nouvelle Asie centrale - De la fin de l'URSS à l'après-11 septembre, PUF, 2003.
• PIATIGORSKY Jacques et SAPIR Jacques (dirigé par), Le Grand Jeu XIXe siècle - Les enjeux géopolitiques de l'Asie centrale, Autrement, 2009.
• POUJOL Catherine, Dictionnaire de l'Asie centrale, Ellipses, 2001.

21/06/2010
modifié le 23/06/2010 après publication sur AgoraVox et LePost
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

[1] Voir articles via Google ou Yahoo!.
[2] Seul un site d'Abidjan ose titrer avec ironie "Belgique : Bataille Flamands-Wallons - Guerre ethnique au cœur de l'Europe".
Lire aussi :
• La question linguistique en Belgique, Université Laval Québec.
• Carte Problèmes linguistiques et État fédéral belge, Atlas historique.
• Vers un nouveau Kosovo en Asie centrale ?, Courrier International.
Les problèmes linguistiques et de représentation des Ouzbeks, principale minorité du pays, sont la toile de fond des affrontements sanglants dans le Sud.
• La question linguistique au Kirghizistan, Université Laval Québec.
• Carte linguistique Turkménistan, Tadjikistan, Ouzbékistan & Kirghizstan, Mutuzikin.
[3] Le nom de Sergueï Massoulov apparaît pour la première fois dans une dépêche AFP. Ses propos sont repris par tous les médias sans que personne ne s'interroge sur l'identité de ce personnage et la crédibilité de cette source.
[4] Lire notamment :
• Manas : la base américaine du Kirghizistan, France Soir.
• Moscou doit prendre ses responsabilités, Courrier International.
• ENGDAHL F. William, La Russie et l’avenir du Kirghizistan, Voltaire.
• ENGDAHL F. William, La Chine et l'avenir géopolitique du Kirghizistan, Voltaire.
[5] RASHID Ahmed, Enquête sur une organisation secrète, Courrier International n°591.

21 juin 2010

Logiques coloniales d'exclusion


En 1911, lors de sa première réunion, la Commission pour la protection des indigènes du Congo belge choisit comme tout premier sujet de discussion la lutte contre la polygamie, affirmant solennellement sa conviction «de ce que le développement de la société indigène est lié à l'abandon progressif de la polygamie [qui] marquera les étapes du relèvement moral et matériel des populations sauvages de l'Afrique». Ce constat est alors partagé par l'ensemble du monde colonial : «l'abandon progressif de la polygamie» figure même au programme de la Charte coloniale – qui fait office de constitution pour le Congo –, au côté de (rien de moins que) la promotion de la liberté individuelle et de la propriété privée.

Loin d'être des questions marginales réservées aux missionnaires et à quelques moralistes pudibonds, la polygamie et plus généralement la sexualité, les formes de mariages et de rapports entre les sexes ont été au cœur des légitimations des projets impérialistes des XIXe et XXe siècles. Ces questions ont occupé une place de choix au sein de la «mission civilisatrice» : civiliser, c'est aussi délivrer les Congolais de leur misère morale et des infâmes pratiques matrimoniales qui avilissent leurs femmes. Une délivrance que seuls les Européens et leur «modernité» seraient évidemment en mesure d'apporter.

Loin d'être de simples discours «désincarnés», ces éléments ont fondé une rhétorique politique, imbriquant rapports de sexe et de race, qui se trouve au cœur des définitions des hiérarchies raciales. Tout au long de la période coloniale, le statut des femmes dans la société comme les questions sexuelles ont été utilisés comme des baromètres du niveau de «civilisation» des sociétés et ont fourni des arguments à l'appui des définitions de la supériorité des uns et de l'infériorité des autres. Rappelons que le tableau évolutionniste de l'humanité plaçait – schématiquement – tout au bas de son échelle la promiscuité incestueuse, un peu plus haut la polygamie et au pinacle la saine sexualité conjugale du mariage monogamique et la famille nucléaire victorienne.

Les frontières des catégories raciales se dessinent donc aussi — voire prioritairement — sur le terrain "privé" de la vie conjugale et domestique (voire sexuelle) et du rapport des genres. Si les relents évolutionnistes de ces discours ont été considérablement policés depuis la fin de la colonisation, leurs logiques n'en demeurent pas moins très actuelles. Dans la construction de la figure de l'immigré comme dans celle de «l'habitant du tiers-monde», le racisme postcolonial mobilise toujours une rhétorique sexuée et sexuelle. Plus que jamais peut-être, les constructions des différences (et des oppositions) entre «nous» et «eux» se jouent sur le terrain de l'ordre moral. Tandis que l'égalité des sexes et la liberté sexuelle sont brandies comme les étendards de la modernité démocratique européenne, l'oppression des femmes et le conservatisme familial et sexuel sont constitués comme les marqueurs par excellence des sociétés «rétrogrades» et anti-démocratiques. À une Europe autoproclamée (sexuellement) libérée et libérale, qui songe à présenter dans sa constitution, par un singulier raccourci historique, l'égalité des sexes comme un principe constitutif de la culture et de l'histoire européenne (sans pour autant proposer des mesures concrètes en la matière), nombreux sont les leaders politiques qui opposent un ailleurs «barbare» où les violences sexistes et homophobes seraient la norme. Nombreux sont ceux, surtout, qui agitent la menace que les immigrés venus de cet ailleurs font peser sur la «civilisation» européenne et sa modernité.

Lire la suite... LAURO Amandine, Les logiques morales de la situation post(coloniale), Politique n°65, Juin 2010.