23 octobre 2010
L'im-Monde contre les grèves
Pour la neuvième fois depuis le début de l'année, notre journal, comme l'ensemble de la presse quotidienne nationale, n'a pas été imprimé. Seuls ont paru les journaux régionaux et les gratuits. N'était l'édition numérique du Monde, heureusement disponible en ces journées sans papier, nos lecteurs auraient une nouvelle fois perdu ce qui fait l'essence de leur compagnonnage avec un journal : le lien irremplaçable, chaque jour renouvelé, chaque jour conforté, aussi vrai qu'il n'est de journalisme que jour après jour, et de lecteur que fidèle.
Cette situation est intolérable car c'est irresponsable. La décision de prendre nos publications en otage n'a été précédée ni de revendications professionnelles ni de demandes de négociation. Aucun mot - nous qui en faisons profession - n'a été échangé, pas un mot d'ordre n'a été lancé. Une nouvelle fois, ce sont des éléments minoritaires et incontrôlés de la CGT qui ont imposé cette politique de l'arbitraire, sans en mesurer les conséquences pour un secteur en pleine révolution technologique, doublée d'une crise économique majeure. Le fait accompli a une fois encore tenu lieu de dialogue.
Au moment ou Le Monde cherche des solutions pour moderniser son outil industriel d'Ivry, pareilles méthodes sont de nature à décourager toute initiative en ce sens. Au-delà de notre propre entreprise, c'est la pérennité de la presse quotidienne nationale qui est clairement menacée par une frange des ouvriers du Livre bénéficiant de conditions très avantageuses pour exercer un métier qui est aussi une noblesse : contribuer, par la production et la distribution des journaux, à la vitalité de la démocratie.
A force de non-parutions décourageantes pour des lecteurs qui trouvent à s'informer d'un clic de souris, le risque est grand de voir mourir les journaux puis les kiosques à l'économie déjà très précarisée, qui constituent de fragiles refuges. Le risque est grand aussi de voir les recettes publicitaires se détourner définitivement vers d'autres médias, radios, télévisions et sites Internet. Le risque est grand enfin de perdre ce qui fait le sel de notre vie publique : des journaux écrits - bien écrits - dans lesquels le flot désordonné des informations souvent contradictoires est contenu, trié, hiérarchisé, décrypté par des rédactions expertes, capables de donner du sens à ce qui n'en a pas d'emblée.
La révolution numérique est en marche. Nul ne saurait en contester les apports, et sûrement pas Le Monde, qui s'est très tôt imposé dans cet univers exigeant et créatif, à travers Lemonde.fr et les applications pour téléphones et tablettes. Nous vivons une ère de transition dans laquelle chaque support doit trouver sa place au sein d'un modèle économique viable restant à définir. Mais la modernité, c'est d'abord le choix. Or cette série de mouvements sauvages visant la presse quotidienne nationale est susceptible d'ôter toute possibilité de choix à nos lecteurs. Et de réduire d'autant le champ de nos libertés.
Eric Fottorino
Le Monde
22 octobre 2010
Revue des podcasts Russie
• Naître et mourir à Moscou, Sur les docks
En 1990, la Russie enregistrait deux millions de naissances et un million et demi de décès ; en 2006, elle comptait à peine un million et demi de naissances, et plus de deux millions de décès.• Novgorod, berceau de la Russie, Sur les docks
Voici, brutalement présenté, le terrible déficit démographique du pays. Mais derrière ces chiffres, comment naît-on, comment meurt-on à Moscou ?
Entre médecine privée et médecine publique, un parcours singulier s'engage où patients et médecins nous décrivent un univers très contrasté.
Selon la chronique dite de Nestor, une voie commerciale menait du pays des Varègues (Scandinavie) à Constantinople. C'est en 862 que la tribu varègue, les Rous, s'établit, sous la conduite des trois frères Rourik, Simeous et Truvor, sur les rivages du lac Ilmen. Ainsi naît Novgorod et en quelque sorte la Russie.• Rock and Russe, Sur les docks
Pour « Sur les docks », et avec l'aide de l'historien Timofei Jivtvorsky, plongée sonore au cœur d'une Russie première qui vécut le triomphe des échanges commerciaux, une tentative de démocratie locale et le déploiement de l'orthodoxie avant d'être férocement renversée par le pouvoir moscovite.
Au moment où le Rock Club de Saint-Pétersbourg connaît des remaniements et que ses célèbres tags sont détruits, « Sur les Docks » retrace l'histoire du rock en Russie et plus particulièrement à Leningrad, en compagnie de ses principaux acteurs.• Un dimanche en Carélie, Sur les docks
Du café Saigon aux suicides d'Alexander Bashlachev et de Viktor Tsoy, un chemin s'est tracé pour le rock russe sur lequel Yuri Schevchuk, l'un de ses plus fascinants héritiers, nous conduit jusqu'à aujourd'hui.
La Carélie c'est, à quelques verstes de Saint-Pétersbourg, un lieu où les bouleaux éternels accompagnent avec douceur les grands changements de la société russe. Là où nous conduit Alexis Ipatovsev, nous sommes dans un entre-deux : ce n'est pas vraiment une datcha mais plutôt une maison ouvrière, ce n'est pas vraiment un village mais un assemblage de maisons dont certaines sont nées d'un Facteur Cheval soviétique, pas vraiment la modernité car nous allons rouler en Volga et chercher l'eau au puits…• Krasnoïarsk : territoire du cinéma, Sur les docks
En Sibérie, le cinéma d'auteur a quasiment disparu : Les studios d'états ont tous fermé, les grands réalisateurs russes se sont tournés vers l'Europe de l'Ouest, et la Sibérie, historiquement toujours très loin du pouvoir, vit dans un grand désert culturel.
En dehors des informations, reportages ou programmes de divertissements, il n'y a pas, ou très peu de création audiovisuelle. La question qui se pose aujourd'hui est celle de la production et de la création de récits et d'images par les Russes, de leur regard sur leur propre réalité. Dans un pays qui a connu soixante-dix ans de « communisme », la prise de parole individuelle et l'expression d'un regard subjectif sur les choses, ne sont pas une évidence, et Krasnoïarsk, géographiquement au centre de la Sibérie, a longtemps été une ville fermée (site classé « secret défense »), ce qui a visiblement accentué le sentiment d'isolement de sa population.
Lire aussi :
• L'actualité des podcasts
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- RSS One
• Russie, France Culture.
• Dossier documentaire & Bibliographie Russie, Monde en Question.
• Dossier Guide des ressources documentaires, Monde en Question.
20 octobre 2010
La procréation médicalisée
La légitimité de mettre en oeuvre des techniques d'aide médicale à la procréation repose en fait sur notre capacité à donner du sens à ces pratiques au delà du simple énuméré des possibles. Cette démarche complexe ne s'est pas produite correctement dans le domaine du DPN où, aujourd'hui encore, les objectifs de cette pratique médicale qui touche la totalité des grossesses en France ne sont pas clairement définis. En l'absence d'objectifs collectivement élaborés, c'est la technique et son pouvoir magique qui fascine et qui réifie qui dicte les comportements médicaux et de fait celui des familles.Lire la suite... Les nouvelles méthodes de procréation et leur impact sur la famille, Canal-U (Audio - Vidéo - Texte - Liens). Autres conférences sur le thème procréation", Canal-U.
La règle du jeu reste alors celle-ci : il faut voir tout ce qu'il est possible de voir du foetus à l'échographie, malgré les retentissements psychologiques et médicaux parfois désastreux qui peuvent en résulter. Le pire pour certains médecins serait de ne pas voir une anomalie qui pourrait théoriquement être visible, attentant ainsi à la superpuissance médicale de cette « Big Médecine ». L'application au dépistage pour toutes les grossesses de France a des conséquences insuffisamment évaluées : le fait de demander à chaque femme (et personne n'oublie du fait de la pression médico-légale) ce qu'elle ferait de sa grossesse si une pathologie devait être suspectée n'est sûrement pas dénué de conséquences d'autant que le doute porté sur un enfant in utero retentit sur la relation ultérieure entre les parents et l'enfant.
En AMP, les pratiques plus encadrées ont évolué différemment dans le temps laissant plus de temps à la réflexion et à la recherche de sens. Il y a 4 degrés de complexité progressivement croissante au plan éthique dans les différentes techniques d'aide médicale à la procréation. A chaque étape franchie les questions qui se posent au plan éthique mettent en jeu des argumentaires de plus en plus complexes.
Sélection bibliographique :
• ACHARD Pierre, CHAUVENET Antoinette, LAGE Elisabeth, LENTIN Françoise, NÈVE Patricia, et VIGNAUX George, Discours biologique et ordre médical, Seuil, 1977 [L'Homme].
Six points d'attaque, un projet commun : l'ordre social dans son discours biologique. Éthologie (on pouvait s'y attendre), écologie (on y pensait moins), discours scientifique lui-même (cela va de soi) — biologique ou économique — , technologie psychologique et économique/politique sont le terrain de l'analyse. Un projet que l'on attendait avec une certaine impatience et, il faut bien le dire, sans trop y croire : le courant dominant va dans le sens d'une « biologisation » des sciences humaines et, d'ailleurs, du domaine intellectuel en général. Depuis les années soixante le naturalisme revient vigoureusement et, s'il a déclenché des polémiques dans les pays de langue anglaise - la plus significative étant peut-être celle qui s'est nouée en 1969 autour des idées sur la détermination raciale de l'intelligence, en ce qu'elle réactualisait, à propos de groupes sociaux déterminés, le débat qui à la fin du 19e siècle s'était ouvert autour du social-darwinisme : analyse des mécanismes socio-humains en termes bio-naturels d'un côté, recherche de l'homogénéité des concepts de l'autre - , si donc de tels débats se sont ouverts aux États-Unis et en Angleterre, ce n'était pas le cas ans la recherche de langue française où le prestige de l'analogie biologique augmente sans, apparemment du moins, troubler la sérénité des chercheurs. Serions-nous moins conscients des implications - et des origines sociales - de tels choix épistémologiques ?• Actes du colloque, Génétique, procréation et droit, Actes Sud, 1985.
• Actes du colloque, L'ovaire-dose, Syros, 1989.
• CHARVET Frédéric (sous la direction de), Désir d'enfant, refus d'enfant, Stock, 1980.
Désir/refus d'enfant, ce titre est l'expression d'une ambiguïté :• Collectif, Maternité esclave, 10/18 UGE, 1975.
- alors que l'image de l'enfant est survalorisée, la natalité est en baisse constante ;
- alors que les moeurs ont imposé la contraception et l'avortement, ceux-ci restent l'objet de discussions passionnées ;
- alors même que l'enfant est désiré, la femme enceinte vit dans la crainte inconsciente que cet enfant ne corresponde pas à l'idée qu'elle s'en fait.
Le titre sonne comme une condamnation. Le texte, toujours pris sur le vif, souvent violent, parfois plein d'humour, est un texte de combat. Des féministes, qui se sont réunies pour écrire ensemble ce qu'elles pensent des conditions faites à la maternité, poursui-vent ici un combat qu'elles ont déclenché en avril 1971 avec le manifeste des 343. Leur livre est probablement le premier du genre : nulle part ailleurs on ne trouve cette combinaison de conseils pratiques et de manifeste. Aucun des livres dits collectifs n'atteint à cette cohérence ; on est loin de l'assemblage de témoignages individuels. Le stade du cri est dépassé mais nullement renié. C'est à une analyse solide du mythe de la maternité que procèdent les auteurs, en partant de leur vécu de femmes. Certaines sont des mères de famille, d'autres sont célibataires sans enfant, mais toutes ont quelque chose à dire sur cette expérience que les femmes sont seules à pouvoir vivre. "La maternité, que nous la désirions, que nous la refusions, que nous nous y laissions entraîner, est au centre de la condition qui nous est faite."• Collectif, Procréation médicalement assistée, Droit et cultures n°51, 2006.
• DAGOGNET François, Questions interdites, Les Empêcheurs de penser en rond, 2002.
Défend le droit à l'IVG, à l'IMG, à l'IAC, à l'IAD, à l'IPM et le recours à l'IAD pour une femme seule ou pour les homosexuels.• DELAISI de PARSEVAL Geneviève et BIGEARGEAL Jacqueline (dirigé par), Objectif bébé - Une nouvelle science, la bébologie, Autrement, 1985.
Autrefois, il n'y avait pas mille manières de faire un enfant. A l'exception notable de la Vierge Marie qui avait conçu par l'opération du Saint-Esprit. Aujourd'hui, les couples peuvent justement concevoir par l'opération du savant biologiste. D'ailleurs, qu'elle soit naturelle ou artificielle, la procréation n'échappe plus au progrès scientifique : du désir d'enfant aux premiers vagissements, du cri primal à la parole articulée, une chaîne de "bébologues" s'appliquent à faire de l'objectif bébé un parcours sans faille. Dans cet ouvrage quasi exhaustif, les meilleurs spécialistes replacent dans le temps et dans l'espace les dernières découvertes scientifiques et exposent clairement les implications de la bébologie dans tous les domaines.• DELAISI de PARSEVAL Geneviève et JANAUD, L'enfant à tout prix - Essai sur la médicalisation du lien de filiation, Seuil, 1985 [Sommaire - Nuit blanche, le magazine du livre - Sciences et Santé].
• DHAVERNAS Marie-Josèphe, Bioéthique : avancées scientifiques et reculs politiques, Multitudes, 2004.
• FERENCZI Thomas (sous la direction de), Changer la vie ?, Complexe, 2001 Amazon.
• FERENCZI Thomas (sous la direction de), Critique du bio-pouvoir, Complexe, 2001 Amazon.
• Forum Diderot, Faut-il vraiment cloner l'homme ?, PUF, 1999.
• GAVARINI Laurence, les procréations artificielles au regard de l'institution scientifique et de la Cité - La bioéthique en débat, Thèse de doctorat, Université de Paris VIII, 1987.
• GAVARINI Laurence, La passion de l'enfant - Filiation, procréation et éducation à l'aube du XXIe siècle, Denoël, 2001.
Aujourd'hui l'enfant est l'objet de toutes les sollicitudes. Dès avant la naissance, les diverses techniques de maîtrise de la procréation font de l'enfant un projet délibéré et conscient. La psychanalyse a donné ses lettres de noblesse à la petite enfance. L'adulte n'est plus un enfant achevé, mais trouve au contraire son explication dans son enfance : il n'est que l'un des possibles que l'enfant qu'il était portait en lui. L'auteur analyse avec clarté et précision les chemins de cette nouvelle représentation de l'enfance, les cheminements complexes du désir d'enfant, les investissements affectifs et imaginaires dont l'enfant est l'objet, de sa conception à son développement scolaire ultérieur. Au carrefour de la psychanalyse et de la sociologie, une étude rigoureuse et limpide d'un thème de prédilection de nos contemporains.• GILBERT Claude, HENRY Emmanuel (sous la direction de), Comment se construisent les problèmes de santé publique, La Découverte, 2009 [CNRS - Monde en Question].
Radiations, infections nosocomiales, périnatalité, canicule, antennes relais de téléphonie mobile, sécurité routière, amiante, chikungunya, éthers de glycol, toxicomanie, bruit, démographie médicale, tremblante du mouton... Alors que la France a connu ces dernières années d'importantes crises sanitaires, nombre de phénomènes tendent à être considérés comme des problèmes de santé publique. Or ni cette qualification ni la mise en œuvre d'une action publique correspondante ne vont de soi. En témoignent les différences de traitement de situations qui sont rendues publiques ou font l'objet d'alertes plus ou moins confidentielles. Les processus par lesquels une situation devient ou non un problème de santé publique et fait ou non l'objet d'une intervention sont abordés de front dans cet ouvrage. La question des "luttes définitionnelles", des acteurs et processus qui construisent et portent ces définitions en constitue le fil conducteur. L'un des apports des contributions rassemblées, qui mobilisent différentes approches des sciences sociales, est de prêter la même attention aux contours publics, voire médiatiques, d'un problème qu'à ses caractéristiques dans des arènes plus discrètes lorsqu'il est traité entre spécialistes du domaine. Une attention particulière est aussi accordée à la dynamique de ces processus de définition sur un temps long. Les auteurs montrent également que les luttes ou négociations autour de la définition d'un problème sont aussi des conflits de pouvoir entre différents acteurs ou groupes d'acteurs.• GREINER Georges (sous la direction de), Fonction maternelle et paternelle, Érès, 2000.
La nature des fonctions maternelle et paternelle reste bien énigmatique. Même s'il est évident qu'il n'y a pas de mère, ni de père sans enfant, la présence de l'enfant suffit-elle à créer la fonction ? Par ailleurs, le déclin du statut et de l'image sociale du père, la fréquence des recompositions familiales, le flottement dans les repères éducatifs font surgir de nouvelles interrogations.• HABERMAS Jürgen, L'avenir de la nature humaine - Vers un engénisme libéral ?, Gallimard, 2002 [Académie Amiens - Académie Amiens - ENS - Implications philosophiques].
Dans un tel contexte de remaniements sociaux et symboliques, tout le monde s'accorde sur le fait qu'il faut soutenir la parentalité. S'il faut se garder d'une attitude de suspicion et de disqualification, particulièrement à l'égard des parents qui sont en grande difficulté, dans quelles conditions et selon quelles modalités, les professionnels de l'action sociale et de la santé mentale sont-ils en mesure d'intervenir ? Comment peuvent-ils repérer leur place (de la suppléance plus ou moins partielle à la fonction tierce) et leur positionnement ?
Face aux progrès des biosciences, au développement des biotechnologies, au déchiffrement du génome, le philosophe ne peut plus se contenter des déplorations sur l'homme dominé par la technique. Les réalités sont là, qui exigent de lui qu'il les pense à bras-le-corps.• IACUB Marcela et JOUANNET Pierre (sous la direction de), Juger la vie, les choix médicaux en matière de procréation, La Découverte, 2001.
Désormais, la réponse que l'éthique occidentale apportait à la vieille question «Quelle vie faut-il mener ?» : «pouvoir être soi-même», est remise en cause. Ce qui était jusqu'ici «donné» comme nature organique par la reproduction sexuée et pouvait être éventuellement «cultivé» par l'individu au cours de son existence est, en effet, l'objet potentiel de programmation et de manipulation intentionnelles de la part d'autres personnes.
Cette possibilité, nouvelle à tous les plans : ontologique, anthropologique, philosophique, politique, qui nous est donnée d'intervenir sur le génome humain, voulons-nous la considérer comme un accroissement de liberté qui requiert d'être réglementé, ou comme une autorisation que l'on s'octroie de procéder à des transformations préférentielles qui n'exigent aucune autolimitation ?
Trancher cette question fondamentale en la seule faveur de la première solution permet alors de débattre des limites dans lesquelles contenir un eugénisme négatif, visant sans ambiguïté à épargner le développement de certaines malformations graves. Et de préserver par là même la compréhension moderne de la liberté.
L'histoire des biotechnologies appliquées à la procréation est une succession inextricable de conquêtes techniques et d'innovations morales : les interventions médicales sur la procréation ont été concomitantes à la démarche consistant à « juger la vie ». Comment le droit et la médecine ont-ils tenté de forger des outils pour juger de l'opportunité et de la qualité de la vie des enfants à venir ? C'est à cette question majeure qu'entend répondre ce livre. Son originalité est de croiser des contributions de praticiens et de chercheurs des sciences de la vie, de philosophes et de spécialistes des sciences sociales, qui confrontent leurs points de vue. Depuis 1994, des normes ont été établies en France pour définir qui peut juger la vie des enfants à venir. Elles accordent un rôle essentiel aux médecins, mais sans leur donner pour autant des références précises pour le faire. Partant du malaise provoqué par cette situation et qu'expriment les acteurs eux-mêmes, cet ouvrage cherche plus à démythifier et à éclaircir les principaux termes du débat qu'à donner des solutions définitives. Il cher-che aussi à proposer quelques repères, aussi bien pour le législateur que pour la société civile, afin de se situer peut-être autrement face à des choix politiques complexes.• IACUB Marcela, Penser les droits de la naissance, PUF, 2002.
Juriste, chercheur au CNRS et spécialiste du droit de la bioéthique, Marcela Iacub nous invite à repenser un certain nombre de questions :• IACUB Marcela, Le crime était presque sexuel, Champs Flammarion, 2002 [Amazon].
- Quelle est la signification juridique du célèbre arrêt Perruche ?
- La législation de l'avortement n'a-t-elle pas introduit une rupture définitive dans la problématisation des normes juridiques et morales susceptible d'encadrer l'acte de naître et de faire naître ?
- Quels sont les problèmes moraux que pose cette nouvelle culture de la procréation ? S'agit-il d'eugénisme ?
- Faut-il repenser les rapports juridiques des femmes aux enfants qu'elles font naître ?
Un ouvrage qui explore l'ensemble des questions qui nous agitent autour du droit à la procréation et qui engagent l'avenir de l'humanité. Comme le précise l'auteur dans son avertissement : " L'analyse des faux problèmes est parfois la meilleure manière de contribuer à éclaircir les vrais enjeux. Espérons qu'ainsi ce livre permette à chacun de mieux se situer dans un débat difficile et de ne plus laisser à la désinformation, au lobbying et aux calculs électoraux les plus mal placés le soin de régler à notre place la manière dont nous pensons qu'il est juste de naître et de vivre dans notre droit."
Dans ce livre, la juriste M. Iacub présente, en les rassemblant, ses divers articles portant sur la régulation du comportement sexuel dans le droit contemporain français et les lois bioéthiques de 1994. Ces essais de casuistique juridique sont regroupés en trois parties, portant respectivement sur les modalités de l'intégration du rapport sexuel dans la loi, sur l'artificialisation de la vie par les nouvelles techniques médicales, et enfin sur le maintien de la division juridique des sexes aussi bien dans le droit à la procréation que dans le droit de la filiation.• La lettre du GRAPE n°24, Le père exclu : vers une société incestueuse ?, Érès, 1996.
Dans un premier temps, l'auteur s'intéresse donc à l'évolution juridique de la définition du viol, au droit au mariage des handicapés mentaux ou encore à la constitution de l'impuissance sexuelle comme motif légal d'annulation du mariage. L'ensemble de ces nouvelles lois reposent sur le changement de conception du mariage reposant à présent sur l'acte sexuel. À cet égard, M. Iacub peut noter l'incohérence du droit français à propos des lois sur la prostitution : si l'acte sexuel, et plus généralement l'intégrité sexuelle, constituent le critère juridique pertinent, il devient nécessaire de dépénaliser la prostitution.
Dans un second temps, la juriste s'attache à l'étude de la redéfinition de la mort juridique, ne correspondant plus nécessairement à la mort biologique en raison de la nouvelle notion de mort cérébrale. D'autre part, les nouvelles techniques médicales de procréation artificielle fondées sur la possibilité de la séparation de la sexualité et de la procréation révèlent au contraire que l'ensemble de ce nouvel ordre procréatif s'est donné pour norme l'acte sexuel fécond : seuls des couples hétérosexuels en âge de procréer ont droit à ces techniques.
La troisième partie de ce remarquable ouvrage tire les conséquences de ce nouveau droit : l'exclusion, d'une part, des homosexuels comme des célibataires ou encore des femmes ménopausées, non invités à profiter du progrès médical, et, d'autre part, l'inscription juridique de l'inégalité entre les hommes et les femmes face à la procréation. La toute-puissance de la mère devant la décision de procréer ou pas aliène plus la femme qu'elle ne la libère du statut de mère : la maternité est toujours un choix tandis que la paternité peut être l'objet d'une contrainte puisque la décision d'avorter n'appartient qu'aux femmes.
• La Lettre mensuelle Gènéthique n°122, Assistance médicale à la procréation : les ambivalences du féminisme, Gènéthique, 2010.
• LAMBRICHS Louise L., A ton image, Points Seuil, 2004 [BiblioMonde].
Roman : Jean est prêt à tout pour ne pas perdre sa femme devenue dépressive en apprenant sa stérilité. Partant du thème du clonage humain, l'auteur développe une intrigue qui transcende le thème initial et met en évidence la force qui pousse l'homme à rechercher l'immortalité.• LEACH Gerald, Les biocrates - Manipulateurs de la vie, Seuil, 1973.
• LÉRIDON Henri, La baisse de la fécondité depuis 1965 : moins d'enfants désirés et moins de grossesses non désirées, Population n°3, 1985.
• MANDOFIA BERNEY Marina, Les caractéristiques de la procréation assistée et son influence sur le discours juridique quant à la filiation, Déviance et société, 1993.
• ONFRAY Michel, Féeries anatomiques - Généalogie du corps faustien, Grasset, 2003.
Clonage, reproduction médicalement assistée, bébés-éprouvettes, eugénisme, manipulations génétiques, sont, chaque jour, à la une de nos débats. C'est en hédoniste, en matérialiste épicurien, que Michel Onfray promène son regard, sa science, sur l'embryon ou le génome. C'est en "vitaliste" déterminé, en champion d'une "poétique du vivant", qu'il fait l'éloge de l'artifice contre la nature, de la liberté contre la théologie, de l'immanence contre la transcendance. Cette thèse - qui prend à revers toutes les recommandations des «comités d'éthique» - fera débat et scandale. De «l'arrêt Perruche» (sur les droits du foetus) à la défense et illustration d'une «écologie technophile» (OGM, etc...), ces Féeries anatomiques renouvellent de façon radicale les polémiques habituelles sur le destin de nos pulsions faustiennes.• SÈVE Lucien, Pour une critique de la raison bioéthique, Odile Jacob, 1994.
"Le langage des biologistes brille le plus souvent par sa précision. Celui des juristes aussi. Mais lorsqu'on en vient aux concepts les plus communs sans lesquels aucun avis éthique n'est formulable - être humain, personne, respect, dignité, etc. -, pareil souci d'éclaircissement semblerait n'être plus requis." Lucien Sève nous entraîne dans un vaste périple à travers les questions posées par la biomédecine et les problèmes de société qu'elles recouvrent - progrès de la science, rôle de l'argent.• TESTART Jacques (sous la direction de), Le magasin des enfants, F. Bourin, 1990 [Site de l'auteur].
Aucun des auteurs réunis ici ne demande l'abolition de la procréation artificielle, mais tous souhaitent que soient définis son territoire et ses modalités d'intervention, afin de préserver des valeurs infiniment plus précieuses à l'humanité que la satisfaction d'intérêts ou de besoins particuliers. Ce qui apparaît dans ces pages, c'est un humanisme moderne indépendant des dogmes, des religions ou des mythologies nouvelles secrétées par les techno-sciences.• TESTART Jacques, Le désir du gène, F. Bourin, 1992 [Site de l'auteur].
L'eugénisme, théorie scientifique qui vise à améliorer les qualités de la race humaine, est depuis la Seconde Guerre mondiale identifié à l'horreur du nazisme.• TESTART Jacques, La procréation médicalisée, Flammarion, 199" [Site de l'auteur].
Ainsi croit-on que la volonté d'éliminer les individus non conformes et de cultiver les meilleurs est liée à une idéologie totalitaire et que la démocratie, à elle seule, nous protège des dérives eugéniques. Jacques Testart montre avec précision comment les performances techniques, dans le domaine de la reproduction, saluées comme d'extraordinaires avancées de la science, ouvrent, au contraire, la porte à un nouvel eugénisme démocratique, doux et insidieux. Extraits en nombre du corps maternel, les embryons peuvent être soumis à l'analyse génétique pour déterminer les caractères normaux ou anormaux de l'enfant potentiel.
Désormais la science permet de trier, sans larmes ni souffrance, les bons et les mauvais humains et va offrir aux parents le choix de leur enfant. La biomédecine prétend maîtriser la reproduction; l'enjeu essentiel est maintenant de savoir comment les citoyens maîtriseront cette maîtrise.
La procréation médicalement assistée (PMA) donne aux couples des chances de procréer dans presque toutes les situations d'infécondité.• TORT Michel, Le désir froid - Procréation artificielle et crise des repères symboliques, La Découverte, 1992.
Pour Jacques Testart, directeur de recherche à l'INSERM, il est à craindre que l'alliance inévitable de la génétique avec la PMA crée un contexte à la fois savant et bienveillant, conduisant les générations futures vers la chosification de l'homme.
Nous vivons en Occident une transformation considérable et étrange des identités. Elle touche aussi bien les conditions de la procréation (contraception généralisée, procréation artificielle), les formes de la parenté et de la filiation (évolution des systèmes d'attribution du nom, parentés adoptives et artificielles) que l'identité sexuelle elle-même (transsexualisation médicale). Ces transformations atteignent les structures mêmes des systèmes symboliques qui régissent l'identification des sujets dans toutes les sociétés connues. Quelle contribution la psychanalyse peut-elle apporter à la compréhension de cette crise des repères symboliques, accélérée par les développements récents de la biologie ? C'est à cette question que tente de répondre ce livre, nourri d'une lecture critique des textes très divers consacrés à ce problème et de l'expérience pratique de l'auteur. L'étude des pratiques et des discours respectifs de ceux et celles qui s'adressent à la science pour répondre à leur désir d'enfant, des médecins et biologistes permet à Michel Tort de proposer une approche novatrice des problèmes que pose la procréation artificielle : constitution d'un " marché du vivant ", dérives scientistes du " bio-pouvoir ", ambiguïtés des indications d'infertilité, et surtout rapport nouveau du sujet à la filiation. L'autre apport majeur de ce livre concerne la théorie psychanalytique elle-même. En interrogeant notamment la place de cette théorie dans le débat juridique né de la diffusion de la procréation médicalement assistée, Michel Tort ouvre la voie d'une relecture critique : celle qui permettrait de dissocier dans les corpus freudien et lacanien ce qui est d'ordre contingent de ce qui serait le noyau dur de la théorie dans son rapport à la pratique. Par sa vigueur et sa rigueur, l'étendue de l'information mobilisée, ce livre est une contribution décisive à l'analyse de phénomènes qui transforment en profondeur les sociétés modernes.• TRONQUOY Philippe (sous la direction de), Sciences et société, Cahiers français n°294, La Documentation Française, 2000.
Dispensatrice de progrès immenses, la science est aussi porteuse de lourdes menaces et les relations science/société doivent être redéfinies. Les interrogations concernent aussi bien les effets des technologies sur l'environnement que leur capacité – à travers les avancées de la biologie – à questionner la notion même d'humanité.• VACQUIN Monette, Main basse sur les vivants, Fayard, 1999 [Œdipe].
Les biotechnologies : vers la transformation de l'homme ?
- Sciences de la vie, droit et éthique (Bertrand Mathieu)
- Progrès de la génétique et risques eugéniques (Dominique Mehl)
- Quel statut pour le corps humain ? (Marcela Iacub)
- La procréation médicalement assistée : droit à l'enfant ou droits de l'enfant ? (Dominique Mehl)
Moins de vingt ans séparent la première naissance par fécondation in vitro des perspectives annoncées de clonage et de transgenèse humaine. Dans l'intervalle, c'est à un formidable déchaînement expérimental que nous auront convié les biologistes. Sous couvert de "projet parental" s'élabore ainsi une inquiétante instrumentalisation de l'être humain. L'embryon, simple matériau, se prête aux combinaisons les plus aberrantes : bébés postmortem, grands-mères porteuses, jumeaux conçus à la même date en laboratoire et naissant à des années d'écart... Quelles sont les significations profondes de cet acharnement sur la filiation qu'aucune urgence humaine ne rend compréhensible ? C'est à cette interrogation que Monette Vacquin nous invite, cherchant le sens de ces interventions sur l'espèce, dont les conséquences échappent à toute représentation. Soulignant la faiblesse de la "bio-éthique", ainsi que la stérilité et la violence des controverses actuelles sur le sujet, l'auteur révèle un déficit symbolique sans précédent dans notre société. Aura-t-il pour conséquence ultime une casse irrémédiable de l'homme ? Main basse sur les vivants renverse toutes les certitudes acquises. En tentant de cerner ce qui prend la forme d'un redoutable passage à l'acte sur l'espèce, l'auteur affronte l'un des enjeux essentiels de cette fin de siècle.• VANDELAC Louise, L'infertilité et la stérilité - L'alibi des technologies de procréation, Thèse de sociologie, Université de Paris VII, 1988.
• VANDELAC Louise, Technologies de reproduction : techniques de régulation à la hausse ou véritables montagnes russes ? , Érudit, 1992.
• VIVERET Patrick, Un humanisme à refonder, Le Monde diplomatique, 2002.
• Bioéthique, Le Monde diplomatique.
• Biotechnologie, Le Monde diplomatique.
• La procréation, l'embryologie et la génétique humaines (bibliographie sélective), Agence de la biomédecine.
• Développement d'une offre documentaire en éthique médicale et des sciences du vivant, Université Paul Sabatier - Toulouse 3.
• Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.
18 octobre 2010
Critique Sociale n°12
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