Extraits
Si ce sont, selon votre hypothèse, des Indiens qui sont derrière ces attaques, pourquoi l’Inde s’est-elle empressée d’accuser le Pakistan ?
- L’Inde a du mal à admettre qu’elle n’a pas été capable de régler la question nationale, 60 ans après l’indépendance de 1947. Il est plus simple d’attribuer ses malheurs aux étrangers, à commencer par le Pakistan, parfait bouc-émissaire, que de balayer devant sa porte. C’est une stratégie très ancienne. Depuis novembre 2007, on s’est aperçu que les attentats avaient à chaque fois été perpétrés par des Indiens mais nul n’en tire vraiment les conséquences.
Certes, le Premier ministre a nommé une Commission chargé d’enquêter sur la condition socio-économique des Musulmans. Cette Commission a rendu son rapport il y a deux ans. On y constate que les Musulmans connaissent un retard croissant en termes éducatifs et économiques, mais le gouvernement n’a pris aucune mesure. Il est vrai qu’il est soumis aux pressions des nationalistes hindous, toujours prompts à dénoncer le moindre "favoritisme" en faveur des minorités. Le Premier ministre Manmohan Singh est coincé, en quelque sorte, à quelques mois d’élections générales importantes alors qu’il est déjà acculé à la défensive par les échecs de l’Etat sur le terrain. Car les autorités ont bel et bien failli sur le terrain du renseignement : l’Inde n’a pas l’expertise qu’elle devrait avoir pour faire face à la mouvance islamiste. Comment se fait-il que le chef de la police de Bombay se soit fait tuer dès le début d’une opération où il n’aurait pas dû se trouver en première ligne ? Ceci dit, cela n’exclut pas une aide logistique venue des groupes pakistanais.
En accusant ainsi le Pakistan, au moment même où les relations entre les deux pays se réchauffent, l’Inde ne prend-elle pas un gros risque diplomatique ?
- Je ne pense pas que cela aura de graves conséquences immédiates. Le président pakistanais Asif Ali Zardari fait tout pour donner des gages de bonne volonté. Il a tenu des discours très courageux, notamment en qualifiant de "terroristes" les séparatistes du Cachemire indien. On n’avait jamais entendu cela auparavant. Il cherche ainsi à montrer à Barack Obama, très méfiant à l’égard du Pakistan qu’il estime être la cause de tous les maux de la région, qu’il peut compter sur lui. Toutefois la réaction indienne aux attaques de Bombay donne un coup de froid aux relations entre les deux voisins.
Interview de Christophe Jaffrelot par Sarah Halifa-Legrand
27/11/2008
Publié par NouvelObs.
Lire aussi :
• Christophe Jaffrelot, Wikipédia.
• Christophe Jaffrelot, CERI.
• Christophe Jaffrelot, BiblioMonde.
• Comment la guerre en Afghanistan change-t-elle la donne entre le Pakistan, l'Inde et les Etats-Unis ?, Diploweb.
• Inde, Yahoo! Actualités.
• Inde, Alvinet Actualité.
• Pakistan, Yahoo! Actualités.
• Pakistan, Alvinet Actualité.
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