17 juin 2011

La grève des mineurs de 1948


Les mineurs de 1948 gagnent
7 mineurs licenciés à la suite d'une grève menée en 1948 obtiennent justice.

La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt rendu hier, a donné raison à 17 mineurs qui avaient été licenciés en 1948 à la suite de la longue grève menée dans tous les bassins miniers de France et principalement dans le Nord et le Pas-de-Calais. Ils avaient porté plainte contre les Charbonnages de France pour discrimination. La cour a reconnu qu'ils avaient été licenciés pour fait de grève, elle a rejeté l'argument de la prescription des faits avancé par les Charbonnages, et accordé à chacune des 17 familles la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts. C'est l'aboutissement d'une longue bataille, conduite par les mineurs et/ou leurs héritiers, avec l'appui d'un collectif d'avocats du Syndicat des avocats de France. Mais ces gueules noires n'ont toujours pas bénéficié de l'application de la loi d'amnistie d'août 1981, contrairement aux travailleurs sanctionnés dans toutes les branches professionnelles nationalisées.

L'Humanité

Victoire ! 10 mars 2011, la cour d'appel de Versailles a reconnu l'illégalité des licenciements de 17 mineurs pour fait de grève, après la grande grève de 1948. Pourtant, l'Etat a déjà fait un pourvoi en cassation, pour ne pas les indemniser. Alors victoire ? Oui, car c'est une victoire sur l'oubli et le mépris. Un hommage à ces hommes et femmes qui se sont battus.

Ils se sont battus des années, des décennies. Tout ce temps pour que soit reconnue leur lutte, eux qui en 1948 avaient participé à la grande grève de mineurs. Pour cela ils ont été punis, licenciés, expulsés parfois de leur logement. Hommage aujourd'hui à ces mineurs et femmes de, à qui l'Etat hésite encore à donner la reconnaissance qui leur est due.

Un reportage de Charlotte Perry
Là-bas si j'y suis 1/3, 2/3, 3/3

C'est l'occasion de rappeler que Jules Moch, ministre de l'Intérieur socialiste [1], mobilisa 60 000 CRS et soldats contre les 15 000 grévistes. Le bilan fut lourd : plus de 2 000 licenciements, cinq morts et de nombreux blessés.

Jules Moch dénonça à cette occasion un "complot communiste" pour "revenir au pouvoir à la faveur des grèves" après que les ministres communistes furent renvoyés du gouvernement en mai 1947 [2].

Jules Moch savait pourtant que le PCF avait donné des gages de sa soumission nationaliste au général de Gaulle :
"Quand on me dit qu'à Notre-Dame, ou dans certaines fosses de l'ancienne concession, on a payé jusqu'à 27, 28, 30% d'absences, je dis que c'est un scandale, ce n'est pas possible, cela ne peut pas continuer. On s'absente trop facilement pour un oui ou pour un non et un mineur, qui a le goût de son métier, sait très bien que tant d'absences entraînent une désorganisation complète du travail." (p.166)
"Ici, chers camarades, je le dis en toute responsabilité au nom du Comité central, au nom des décisions du Congrès du Parti, je le dis franchement : il est impossible d'approuver la moindre grève, surtout lorsqu'elle éclate, comme la semaine dernière aux mines de Béthune, en dehors du syndicat et contre le syndicat." (p.168)
"Je voudrais vous faire comprendre, je voudrais que ce que nous pensons au Comité central puisse passer dans la tête, dans le cœur de chacun de vous ici, militants communistes, secrétaires des organisations, délégués mineurs, délégués les plus responsables ; chez vous d'abord, puis chez tous les mineurs communistes, chez tous les syndiqués, chez tous les mineurs, que produire, produire et encore produire, faire du charbon, c'est aujourd'hui la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français.
Maurice THOREZ, Discours de Waziers du 21 juillet 1945, Œuvres - tome 21 (Juin 1945 - Mars 1946), Éditions sociales, 1963 p.137 à 182.
Retroussons nos manches, CNDP.
Jules Moch savait aussi que le PCF avait rempli le rôle que lui avait assigné le général de Gaulle et qu'il ne servait plus à rien alors que s'ouvrait la page de la "guerre froide" c'est-à-dire la guerre idéologique contre l'URSS, l'alliée d'hier contre l'Allemagne nazie [3].

17/06/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• 1948-2008 : 60 ans après la grande grève, les mineurs réclament toujours justice, France Info.
• La grève des mineurs de 1948, Blog de Diedrich.
• La grève des mineurs de 1948, Cahiers d'histoire sociale - Institut d'Histoire Sociale CGT.
• 4 octobre 1948 Début de la grande grève des mineurs, Parti de Gauche.
• Grèves des mineurs de 1948 - Déroulement et enjeux..., La Riposte.
• Soixante ans après la grève des mineurs de 1948, Lutte Ouvrière.
• Comment le PCF a trahi la grève des mineurs de 1948, Pouvoir ouvrier.
• Écrire l'histoire sociale : l'exemple de la grève des mineurs de 1948 , Site des Archives Municipales de Saint Etienne - 1948 : mineurs en grève ! [expo photos], Site des Archives Municipales de Saint Etienne.
• Marc LAZAR, Le mineur de fond : un exemple de l'identité du PCF, Revue française de science politique n°2, 1985.
• Pierre OUTTERYCK, Achille Blondeau, mineur, résistant, déporté, syndicaliste, Le Geai bleu, 2006.
Pendant plus d'un siècle, le charbon fut le pain de l'industrie, le combustible indispensable du chauffage domestique, l'aliment permettant la production électrique des centrales thermiques. Dans toute la France, des centaines de milliers d'hommes extrayèrent la houille au sein de compagnies privées, avant qu'en 1946 l'ensemble de la production fût nationalisée.
Les mineurs furent parmi les acteurs principaux des luttes sociales. Les difficultés, la pénibilité de leur métier, la solidarité nécessaire dans les entrailles de la terre, la forte cohésion de la communauté minière fascinèrent et fascinent toujours nos sociétés.
Cet ouvrage retrace la vie d'Achille Blondeau, fils et frère de mineurs, mineur lui-même. Après les combats de la Résistance auxquels il participa, Achille prit d'importantes responsabilités au sein de la Fédération des Travailleurs de Sous-Sol CGT.
A travers lui, cet ouvrage évoque le travail difficile, les engagements multiples, la lutte incessante d'une corporation dont l'activité a profondément modelé la société française au fil des décennies.
Dossier documentaire & Bibliographie Économie sociale, Monde en Question.

[1] Un certain François Mitterrand était Secrétaire d'État à la Présidence du Conseil du même gouvernement.
[2] Sélection bibliographique :
• Discours de Jules Moch à l'Assemblée nationale (16 novembre 1948), Blog de l'histoire du socialisme.
• La grève des usines Renault en 1947, Monde en Question.
• Annie LACROIX-RIZ, La grève d'avril-mai 1947 de la régie renault : des événements à leur contexte général, Renault Histoire n° 6, juin 1994.
• Grèves des ouvriers des usines Renault [photo], European NAvigator.
• La une de L'Humanité du 6 mai 1947, European NAvigator.
• Le PCF dans la "guerre froide"/ un parti stalinien modèle (1947-1967), Courant Communiste International.
[3] En plus de l'attribution de postes aux communistes, le général de Gaulle accorda la grâce amnistiante à Maurice Thorez, condamné pour désertion et réfugié à Moscou (p.100).
Maurice Thorez remplira le rôle assigné par le général de Gaulle : non seulement de dissoudre les "milices patriotiques", mais aussi d'inciter les ouvriers à "travailler autant que possible et produire coûte que coûte" (p.101).
Géneral de GAULLE, Mémoires de guerre - Le salut 1944-1946, Plon, 1959 p.99 à 101.

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