«Soyons honnêtes (pour une fois). Le problème au Proche-Orient ce n’est pas le peuple palestinien, ni le Hamas, ni les Arabes, ni le Hezbollah ou les Iraniens ou la totalité du monde musulman. C’est nous, les Israéliens.
Le conflit israélo-palestinien, la véritable grande raison de l’instabilité, de l’extrémisme et de la violence dans notre région, c’est peut-être le conflit le plus simple du monde à résoudre. Depuis presque 20 ans, depuis la reconnaissance par l’OLP d’Israël dans les frontières de l’armistice de 1949 (la «ligne verte» qui sépare Israël de la Cisjordanie et de Gaza) tous les leaders palestiniens soutenus par la grande majorité de la population palestinienne, ont proposé à Israël une offre des plus généreuses : un état juif sur 78% (du territoire) d’Israël/Palestine en échange d’un état palestinien sur seulement 22% (du territoire restant) La Cisjordanie, Jérusalem Est et Gaza.
En fait, c’est une proposition soutenue par une grande majorité des peuples Palestinien comme Israélien. (Selon le Ha’aretz du 18 janvier 2005, quelque 63 % des Palestiniens soutiennent le projet selon lequel, après l’établissement de l‘état Palestinien et une solution pour tous les problèmes en suspens, y compris celui des réfugiés et de Jérusalem, une déclaration serait publiée reconnaissant l’état d’Israël en tant qu’état du peuple juif et l’état palestinien en tant qu’état du peuple palestinien. Du côté israélien 70 % soutenaient l’idée d’une reconnaissance mutuelle. (...)
Si Israel mettait fin à l’Occupation avec un arrangement politique qui satisferait les besoins fondamentaux des deux peuples, les Palestiniens pourraient faire ce qui serait peut-être la contribution la plus importante de toute à la paix et à la stabilité du Proche Orient. Les Palestiniens possèdent, malgré leur faiblesse, l’unique source d’un formidable pouvoir, l’unique atout critique : ils sont les gardiens du Proche Orient. Parce que le conflit palestinien est emblématique il résume le «clash des civilisations», tel qu’il est vécu par l’ensemble des musulmans.
Le problème c’est Israël, à la fois dans ses formes d’avant et d’après l’Etat qui depuis les cent dernières années a fermement refusé de reconnaître l’existence nationale et les droits à l’auto détermination du peuple palestinien. Dans le passé, et maintenant encore, il a toujours dit «non» à toute possibilité de faire véritablement la paix et dans les termes les plus clairs.
Le dernier exemple c’est le Plan de Convergence (ou de Réalignement) d’Ehoud Olmert qui cherche à mettre un terme définitif au conflit en imposant le contrôle israélien sur un pseudo état palestinien «souverain».
«Israël maintiendra son contrôle sur les zone de sécurité, les blocs de colonies juives, et les endroits qui ont une importance suprême et nationale pour le peuple juif, d’abord et avant tout Jérusalem unifiée sous souveraineté israélienne» a déclaré Olmert à la conférence d’Herzliya de janvier 2006. «Nous ne permettrons pas l’entrée des réfugiés palestiniens dans l’état d’Israël». Le plan d’Olmert qu’il avait promis de mettre en route dès que le Hamas et le Hezbollah seraient supprimés, devrait perpétuer le contrôle israélien sur les Territoires Occupés. Cela ne rendrait pas possible l’existence d’un état palestinien viable. Alors que la «Mur de séparation», la frontière démographique d’Israël à l’Est, ne prend que 10 à 15% de la Cisjordanie, il incorpore à Israël les blocs majeurs de colonies, découpe la Cisjordanie en petit «cantons» (le mot est de Sharon) sans continuité territoriale, et appauvris, et enlève aux Palestiniens leurs riches terres agricoles et l’une des principales ressources en eau. Il crée aussi une «grande» Jérusalem israélienne sur tout une portion centrale de Cisjordanie, coupant du même coup le cœur économique, culturel, religieux et historique de tout état palestinien. Il prend alors en sandwich les Palestiniens entre le Mur/frontière et une autre frontière de sécurité, la vallée du Jourdain, donnant à Israël deux frontières à l’est. Israël garderait le contrôle de toutes les ressources nécessaires à un état palestinien viable et pour faire bonne mesure Israël s’approprierait l’espace aérien palestinien, leur sphère de communications et même le droit de l’ Etat palestinien à conduire sa propre politique étrangère.
Ce plan est évidemment inacceptable pour les Palestiniens - une évidence qu’Olmert ne connaît que trop bien - aussi doit-on l’imposer unilatéralement, avec le concours américain. Mais qui s’en soucie ? Nous avons refusé de dialoguer vraiment avec Arafat, refusé absolument de parler avec Abu Mazen, boycotté en ce moment tout le gouvernement Hamas pourtant élu, en arrêtant ou en assassinant ceux qui y sont associés. Et si «Convergence» ne flotte pas cette fois dans l’air, eh bien, le maintien du statu quo pendant qu’on construit des colonies a été la véritable politique des quarante dernières années et peut durer indéfiniment. En vérité, Israël est tombé dans une violence aveugle et inutile. La guerre du Liban en 2006 et, au moment où j’écris ces lignes, l’assaut d’une violence croissante contre Gaza.
Mais le public israélien a accepté la ligne de Barak selon laquelle il n’y a pas de «partenaire pour la paix». Ainsi ,si il y a un mécontentement parmi les votants, ils vont plus probablement jeter la gauche libérale au «cœur saignant» et ramener la droite avec sa doctrine d’échec, de sécurité basée sur le militaire. Pourquoi ? Si les israéliens ont un besoin vital de paix et de sécurité - «Le droit d’être normal» selon Olmert récemment, alors pourquoi n’ont ils pas saisi, ou au moins exploré, chacune et toutes les occasions de résoudre le conflit ? Pourquoi élisent-ils continuellement des gouvernements qui poursuivent agressivement l’expansion des colonies et la confrontation militaire avec les Palestiniens et les voisins d’Israël s’ils veulent se débarrasser quand même du fardeau de l’occupation ? Pourquoi, si la plupart des israéliens désirent se «séparer» des Palestiniens, offrent-ils tellement peu de choses que la séparation n’est tout simplement pas une option, même si les Palestiniens veulent faire des concessions majeures ?
«Les dossiers du Ministère Israélien des Affaires Etrangères» écrit l’historien israélo-anglais Avi Shlaim dans «le Mur de fer» (2001 : 49) «croulent sous les preuves que des éclaireurs arabes étaient prêts à négocier avec Israël dès Septembre 1948». Prenons simplement quelques exemples des occasions délibérément rejetées :
A tout cela nous pouvons ajouter les guerres inutiles, des conflits plus limités et les sanglantes attaques qui ont principalement servi à encourager la position d’Israël ou indirectement, à encourager Israël, dans ses tentatives pour étendre son contrôle sur toute la terre à l’ouest de la Jordanie : les tueries systématiques entre 1948-1956 contre 3000 à 5000 «infiltrateurs», réfugiés palestiniens, principalement sans armes qui cherchaient surtout à retrouver leurs maisons, à labourer leurs champs ou à reprendre leur propriété perdue ; la guerre de 1956 avec l’Egypte, entreprise en partie pour empêcher la réémergence sur l’agenda international du «Problème Palestinien», et pour renforcer Israël, militairement, territorialement et diplomatiquement, les opérations militaires contre les civils palestiniens commençant avec les tristement célèbres tueries de Sharafat, Beit Jala et plus notoirement encore Qibia, conduites par l’unité 101 de Sharon. Ces opérations continuent dans les Territoires Occupés et le Liban jusqu’à ce jour, principalement dans le but de «punir collectivement» et de «pacifier». D’autres opérations incluent la campagne, vieille de dizaines d’années, de liquidation systématique de tout réel leader palestinien, les trois guerres du Liban (Opération Litani en 1978 ; opération Paix sur la Galilée en 1982 et la guerre de 2006).
Persistant, derrière tous ces actes militaires, que ce soit les guerres importantes ou les «assassinats ciblés», est le refus Israélien constant et résolu (en fait un retour grandissant aux jours de l’avant sionisme des années 1880) de dialoguer directement et sérieusement avec les Palestiniens. La stratégie d’Israël jusqu’à aujourd’hui est de les contourner et de les encercler, en nouant des accords avec les gouvernements qui les isolent et, sans succès jusqu’à présent, neutralise les Palestiniens en tant que partenaires. Ce fut encore plus net lors des conversations de paix de Madrid où il n’a autorisé la participation palestinienne qu’en tant que faisant partie de la délégation jordanienne. Et cela inclut aussi le «processus de paix» d’Oslo. Tandis qu’Israël a réclamé une lettre d’Arafat reconnaissant explicitement Israël comme «constructeur légitime» du Proche Orient. et plus tard a demandé une déclaration particulière reconnaissant Israël en tant qu’état Juif (il avait déjà obtenu les deux) aucun gouvernement israélien n’a jamais reconnu les droits collectifs du peuple palestinien à l’auto détermination. Rabin était sans ambiguïté à ce propos : si Israël reconnaît les droits des Palestiniens à l’auto détermination, cela voulait dire qu’un état palestinien devait par définition émerger - et Israël ne voulait pas promettre cela (Savir ; 1998 : 47). Aussi, excepté la vague déclaration sur le fait de ne pas vouloir dominer un autre peuple et «notre main est tendue pour la paix». Israël n’a jamais permis un cadre pour de véritables négociations. Les Palestiniens doivent être pris en compte, on doit leur demander de réagir à l’une ou l’autre de nos quatre propositions, mais ils ne sont certainement pas des partenaires égaux dans leur revendication à un pays rivalisant avec le nôtre.
La féroce réponse d’Israël à l’éruption de la seconde intifada, quand il a tiré plus d’un million de balles y compris des missiles sur les centres civils de Cisjordanie et de Gaza en dépit de l’absence complète de tir de la part du côté palestinien au cours des cinq premiers jours de l’Intifada, ne peut s’expliquer que pour les punir d’avoir rejeté ce que Barak a essayé de leur imposer à Camp David, les détrompant sur l’idée qu’ils étaient égaux pour décider du futur de «notre» pays. Nous les battrons avait fréquemment l’habitude de dire Sharon, «jusqu’à ce qu’ils comprennent le message». Et qu’est-ce que ce «message ?»/ Il est que ceci est notre pays et que seulement nous, juifs israéliens avons la prérogative de décider si et comment nous voulons le diviser."
Jeff Halper
Lundi 27 Novembre 2006
Traduit par Carole SANDREL pour EuroPalestine