Camille Claudel 1915
Le film de Bruno Dumont est partiel et partial.Partiel parce qu’il ne couvre que trois jours de l’année 1915. C’est beaucoup trop peu pour comprendre l’enfermement que Camille Claudel a subi pendant trente ans du fait de sa famille : sa mère et son frère.
Partial parce qu’il montre Montdevergues comme un havre de paix alors que Camille y crevait de faim et de froid comme beaucoup d’autres. Selon Max Lafont, entre 1940 et 1944, 40 000 malades mentaux meurent de faim dans les hôpitaux psychiatriques en France.
Montdevergues, 2 février 1927
Ma chère maman,
J’ai beaucoup tardé à t’écrire car il fait tellement froid que je ne pouvais tenir debout.
Pour écrire, je ne puis me mettre dans la salle où se trouve tôt le monde, où brûlotte un méchant petit feu, c’est un vacarme de tous les diables. Je suis forcée de me mettre dans ma chambre au second où il fait tellement glacial que j’ai l’onglée, mes doigts tremblent et ne peuvent tenir la plume. Je ne suis pas réchauffée de tout l’hiver, je suis suis glacée jusqu’aux os, coupée en deux par le froid. J’ai été très enrhumée. Une de mes amies, une pauvre professeur du Lycée Fénelon qui est venue s’échouer ici, a été trouvée morte de froid dans son lit. C’est épouvantable. Rien ne peut donner l’idée des froids de Montdevergues. Et ça qui dure 7 mois au grand complet.
[…]
Je t’embrasse.
Camille
Jacques CASSAR, Dossier Camille Claudel p.236
Ma chère maman,
J’ai beaucoup tardé à t’écrire car il fait tellement froid que je ne pouvais tenir debout.
Pour écrire, je ne puis me mettre dans la salle où se trouve tôt le monde, où brûlotte un méchant petit feu, c’est un vacarme de tous les diables. Je suis forcée de me mettre dans ma chambre au second où il fait tellement glacial que j’ai l’onglée, mes doigts tremblent et ne peuvent tenir la plume. Je ne suis pas réchauffée de tout l’hiver, je suis suis glacée jusqu’aux os, coupée en deux par le froid. J’ai été très enrhumée. Une de mes amies, une pauvre professeur du Lycée Fénelon qui est venue s’échouer ici, a été trouvée morte de froid dans son lit. C’est épouvantable. Rien ne peut donner l’idée des froids de Montdevergues. Et ça qui dure 7 mois au grand complet.
[…]
Je t’embrasse.
Camille
Jacques CASSAR, Dossier Camille Claudel p.236
Partial encore parce qu’il prétend que Paul, un faux-cul béni, l’aurait visitée régulièrement alors que, selon l’Association Camille Claudel, il ne l’a vue que six fois en trente ans :
- 1915 Mai ou juin
- 1920 Juin
- 1925 Mars ou avril
- 1927 Août
- 1928 Août
- 1943 Septembre
Fiche : AlloCiné
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Camille Claudel
Le film de Bruno Nuytten, même s’il s’agit d’une version romancée de sa vie, rend assez bien compte de la tragédie de Camille Claudel parfaitement interprétée par Isabelle Adjani. Sur le fond, le point faible vient du fait qu’il s’agit de l’adaptation du livre de Reine-Marie Paris, fille de Paul Claudel qui a créé la légende selon laquelle Rodin serait le responsable du délire paranoïaque de Camille.
Ne rapportons pas trop vite le délire
paranoïaque de Camille à sa relation avec Rodin [ce que fait la famille
Claudel] ; celle-ci entre certainement en ligne de compte, mais comme un
élément d’un ensemble beaucoup plus large et qui se réfère au système
familial, système dont Camille, en tant que porteur de symptôme, traduit
le déséquilibre.
Denise MOREL, Porter un talent porter un symptôme – Les familles créatrices, Editions Universitaires, 1988 p.59
Denise MOREL, Porter un talent porter un symptôme – Les familles créatrices, Editions Universitaires, 1988 p.59
La mise en scène est très classique, ce qui n’est pas forcément une faiblesse. La scène du couple Camille-Rodin s’enlaçant sur un fond de vagues écumeuses est une image qui fonctionne toujours. Par contre la musique est trop présente, trop théâtrale et pas toujours en phase avec l’image.
La lecture du Dossier Camille Claudel de Jacques Cassar, largement pillé, s’impose pour avoir une idée de la complexité non seulement de la vie mais aussi de l’œuvre de Camille Claudel dispersée dans de nombreux musées en France et à l’étranger.
On peut s’interroger sur la représentation photographique de Camille Claudel. La photo la plus publiée, certainement parce qu’elle est la plus flatteuse, est celle qui illustre le livre Cassar.
Cette photo, la représentant le visage bouffi par l’alcool, est très rarement publiée comme si les hagiographes voulaient occulter les faits qui altèrent la légende. Ils évitent aussi d’évoquer que Camille partageait les idées antidreyfusardes de son frère, qui, en bon bourgeois catholique, avait des sympathies pour l’extrême droite.
Fiche : AlloCiné
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28/08/2013
Serge LEFORT
Citoyen du Monde
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