8 mai 2009

¡Ya basta! du A(H1N1)

À lire les titres de la presse du jour, il y aurait de quoi être inquiet. Ainsi, selon Reuters-Yahoo! Actualités, "L'OMS fait état de plus de 2.000 cas de grippe dans le monde" et, selon AP-Yahoo! Actualités, "Jusqu'à deux milliards de personnes pourraient être infectées par le virus de la grippe A(H1N1) :
Jusqu'à deux milliards de personnes à travers le monde pourraient être infectées par le virus de la grippe A(H1N1), si l'épidémie actuelle devenait une pandémie, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Keiji Fukuda, responsable de la lutte contre la grippe au sein de l'OMS, a précisé que ce chiffre ne relevait pas d'une prédiction, mais que les expériences passées montraient que les pandémies de grippe affectaient un tiers de la population mondiale.

Quelque six milliards de personnes vivant à travers le monde, il est "raisonnable" de s'attendre à ce qu'une pandémie touche deux milliards d'entre elles, a souligné Keiji Fukuda.

Il a ajouté que l'OMS n'était pas en mesure de savoir ce que l'avenir réservait et qu'il était aujourd'hui impossible de se prononcer sur le degré de gravité d'une pandémie.

La semaine dernière, l'OMS a relevé son niveau d'alerte à 5 sur une échelle de 6.

Il y aurait de quoi être inquiet si on s'en tenait à la présentation des faits par les médias, les gouvernements et les organismes internationaux.

Désinformation médiatique

Les médias dominants parlent d'une "progression" de la grippe A(H1N1) car on compte aujourd'hui "plus de 2.000 cas de grippe dans le monde". Ce chiffre est réel, mais il s'agit du nombre cumulé des cas enregistrés entre le 24 avril et le 7 mai et non du nombre des cas nouveaux. Ce petit détail, non précisé, change totalement la perspective.

Les médias dominants présentent les chiffres de l'évolution de la grippe A(H1N1) sous cette forme :


Or, en comptabilisant le nombre de cas nouveaux par jour, la réalité se révèle bien différente :


Le nombre cumulé des cas d'un phénomène est toujours en hausse ou constant, mais jamais en baisse. Or, le nombre de cas nouveaux est de 206 le 7 mai à 6 heures GMT au lieu de 403 le 6 mai 2009 à 16 heures GMT. Cette baisse significative n'apparaît pas dans la présentation médiatique des faits.

Au risque de me répéter [1], il convient encore de recadrer les chiffres de cette épidémie en les comparant à ceux d'autres épidémies :
La grippe saisonnière entraîne entre 8 241 et 13 736 cas par jour dans le monde. Or on compte seulement 161,46 cas par jour de la grippe A(H1N1) dans le monde. 93,14% des cas sont concentrés en Amérique du Nord (Canada, États-Unis, Mexique).

La grippe saisonnière entraîne entre 684 et 1369 morts par jour dans le monde. Or on compte seulement 3,38 morts par jour de la grippe A(H1N1) dans le monde et tous en Amérique du Nord (États-Unis et Mexique) [2].

Les médias dominants s'acharnent à présenter comme "mexicaine" la grippe A(H1N1). Cette appellation, qui n'est pas innocente, reflète les enjeux économiques et politiques. Le terme "grippe porcine" fut écarté pour ne pas nuire aux éleveurs de porcs. Le terme "grippe mexicaine" s'impose car il satisfait le racisme colonial des sociétés occidentales.

Au XVIe siècle, les conquérants espagnols se demandaient sérieusement si les populations indiennes du Mexique étaient des êtres humains [3]. Aujourd'hui, beaucoup partage le préjugé que les populations des ex-colonies resteraient des sauvages. Ainsi, un rédacteur de Lutte Ouvrière reprend à son compte la thèse que "L'épidémie aurait commencé vers la mi-mars dans un village près de Veracruz où est installée une importante porcherie dans des conditions d'hygiène douteuses."
La fameuse grippe de 1918 fut nommée "grippe espagnole" par les médias français alors qu'elle devint pandémique lorqu'elle passa des États-Unis à l'Europe.

Manipulation politique

Chaque gouvernement a réagit selon des considérations de politique intérieure.

Le gouvernement égyptien a fait très fort car, en décidant d'abattre les porcs, il a accusé par avance les pauvres, qui vivent du tri des ordures et de l'élevage de dizaines de milliers de porc, d'être responsables d'une éventuelle épidémie...

Par le plus grand des hasards ces population sont des Coptes, une minorité chrétienne qui représente environ 8 à 10 % de la population égyptienne et fait l'objet de discriminations.

Le gouvernement mexicain lui aussi a fait très fort en imposant par décret des mesures liberticides :
[...] le samedi 25 avril, le gouvernement a publié un décret qui vise à supprimer du même coup le plus cher les droits individuels et collectifs de notre Constitution. Le décret, dans la deuxième clause de l'article IV, le ministre de la Santé a ordonné "La réquisition tout type de logement ou de locaux pour la réalisation d'activités visant à contrôler et à la lutte contre l'épidémie" [comme par hasard cela s'applique aux locaux syndicaux, aux associations citoyennes, etc.], et au paragraphe VIII "Commander les mesures adéquates visant à prévenir les rassemblements de personnes [les manifestations du 1er mai sont interdites] en tout lieu, y compris la fermeture temporaire de locaux ou de centres de divertissement."
Front syndical

Les partis de gauche mexicains sont, depuis juillet 2006, dans le même état de décomposition que les partis de gauche français depuis avril 2002. Ainsi, à part le Front syndical, seules quelques personnalités ont réagi contre ce décret, mais l'ensemble des députés ont accepté... de mettre le population sous contrôle de l'armée [5] !

Serge LEFORT
07/05/2009

Revue de presse Grippe A/H1N1, Monde en Question.
Bibliographie & Dossier documentaire Risque et Gestion du risque, Monde en Question.


[1] 30/04/2009, Serge LEFORT, La grippe saisonnière tue !, Monde en Question Blogger - WordPress.
[2] Comme l'épidémie de grippe saisonnière ne dure que quelques mois par an la moyenne journalière est bien supérieure : de l'ordre de 24 723 à 41 208 cas par jour dans le monde ; de l'ordre de 2 052 à 4 104 morts par jour dans le monde.
[3] Controverse de Valladolid, Wikipédia.
[4] Lire :
• "Porcine", "mexicaine", "nouvelle"... Quel nom pour la grippe ?, Nouvel Obs.
• Jorge Gómez Barata, El A H1N1 no es un virus étnico, Rebelión.
[5] Lire :
• 25/04/2009, Pláticas de Calderón y Peña Nieto sobre influenza, El Universal.
• 26/04/2009, Ejército, listo contra influenza, El Universal.
• 26/04/2009, Editorial, Crisis sanitaria: dimensiones e implicaciones, La Jornada.
• 26/04/2009, Fabiola Martínez, Faculta Calderón a la Ssa para allanar domicilios de enfermos, La Jornada.
• 27/04/2009, Enrique Méndez y Emir Olivares, Aceptan diputados el decreto presidencial sobre allanamientos, pero temen abusos, La Jornada.
• 27/04/2009, Carlos Fernández-Vega, México SA [Decreto violenta la Constitución], La Jornada.
• 27/04/2009, Julio Hernández López, Astillero [Estado (médico) de excepción], La Jornada.
• 28/04/2009, Qué días estamos viviendo, El Universal.
• 30/04/2009, Alto a la política de miedo y sicosis frente a la contingencia sanitaria, Frente Sindical Mexicano.
• 01/05/2009, Porfirio Muñoz Ledo, Secuestro electoral, El Universal.
• 02/05/2009, Georgina Saldierna, Alerta Porfirio Muñoz Ledo contra manipulación oficial por la influenza, La Jornada.
• 04/05/2009, John M. Ackerman, Decreto inconstitucional, La Jornada.

4 mai 2009

Risque & Crise (4)

Quel mode de raisonnement est le mieux adapté aux crises majeures ?

[...]
Lorsque l’on est brutalement convoqué sur ces nouveaux terrains, le réflexe normal est de se recroqueviller, de façon encore plus déterminée, à l’intérieur des visions du passé.

On l’a vu, par exemple, au moment de la rupture de la Première Guerre mondiale : le plan XVII, qui servait de référence, à partir de conceptions d’un autre âge, a été maintenu comme armature générale de la réplique française jusqu’à ce que les armées allemandes soient aux portes de Paris. Jusqu’au seuil de la déroute, il fut impossible de faire réfléchir à l’éventualité, et même la réalité, d’une violation du territoire de la Belgique – une impossibilité absolue dans les références habituelles : le général Lanrezac, qui ne cessait de mettre en question les hypothèses du Grand Quartier général fut limogé. De même, impossible de faire réfléchir sur le caractère totalement inadapté du pantalon rouge : « Supprimer le Pantalon rouge, Jamais ! Le Pantalon rouge, c’est la France ! », comme le déclama un ancien ministre de la Guerre à la Chambre lorsque son successeur tenta de passer à des couleurs moins voyantes. Ou encore, quand on commença à poser des questions sur l’aviation : « L’aviation, c’est pour le tourisme ! ».

L’enjeu fondamental est d’être en phase avec les défis de son temps. Bien que plongé dans l’ère industrielle, on est entré en guerre, en 1914, avec une culture des temps agraires. Comme le dit le stratège chinois Sun Tsu : « Qui ne connaît pas ses risques, qui ne se connaît pas soi-même, sera défait à chaque bataille. » Et l’ajustement aux défis effectifs est une exigence à satisfaire en continu. Comme me le confiait un responsable britannique : « En 1914, nous avons été presque totalement préparés. En 1940, nous étions totalement préparés… à la Guerre de 1914. »

Aujourd’hui, à l’ère des grands « cyclones » planétaires conjuguant de multiples dimensions du risque, toutes marquées par des sauts quantitatifs et qualitatifs, le défi est double : ne pas succomber au syndrome de la tétanisation ; inventer des sorties par le haut – qui restent largement à inventer.
[...]

Lire la suite... Espace éthique

Réflexions à chaud sur la grippe A/H1N1

[...]
Par ailleurs, les données épidémiologiques du Mexique ne sont pas accompagnées des indications sur les conditions d’observation qui permettraient de les interpréter en profondeur (on dispose de données brutes sans information méthodologique et d’élément de compréhension structurelle). Ceci nous conduit à penser que, sans lâcher l’attention et en continuant de verrouiller les dispositifs de lutte par prudence, il est nécessaire aujourd’hui de faire l’effort de maintenir ouverte la question suivante (en assumant son caractère paradoxal) : « et si, contrairement à ce que l’on observe souvent, nous étions pris, cette fois, dans une dynamique de sur-réaction, avec entrainement technique et organisationnel et effet de cliquet, non assortis d’une prise de recul suffisante ? » Il n’est pas possible d’avoir de certitude à cette heure, mais au moins doit-on garder une capacité d’interrogation, de prise de recul constant pour accompagner les décisions et, le cas échéant, introduire quelque prudence dans la communication. Il est clair que si finalement la gravité épidémique s’avère sans rapport avec la puissance des mesures prises, et si aucune précaution de présentation n’a été prise (sur le thème que c’est pour l’heure la moins mauvaise décision et que s’il y a non confirmation de la gravité de l’épidémie il restera un exercice international très instructif), les risques en termes de perte de crédibilité sont sévères. Et les risques économiques sont également colossaux.

Si finalement au contraire le niveau des mesures actuellement prises s’avèrent adaptées et adéquates, avoir gardé à l’esprit la paradoxale question de la possible sur-réaction devrait avoir permis d’améliorer les ajustements et l’usage des plans comme des outils bien compris.
[...]

Lire la suite... Espace éthique

Pour aller plus loin :
• Pandémie grippale, éthique, société, Espace éthique
• Textes de Patrick Lagadec
• Revue de presse Grippe A/H1N1, Monde en Question.
• Bibliographie & Dossier documentaire Risque et Gestion du risque, Monde en Question.

Risque & Crise (3)

La perception du risque dans la société de la peur

Notre monde occidental a fortement muté des dernières décennies. Plusieurs champs de la société post moderne interviennent frontalement sur le tourisme et les loisirs. En premier, le risque et la peur qui en découle. L'évidence met en exergue l'imprévisible et l'incertitude, généralement traduit dans l'univers touristique comme le risque d'accident, d'incident, de désorganisation et de crises. Du plaisir à l'inquiétude et de la peur à l'angoisse, la perception agit comme un miroir déformant qui peut influencer des individus comme des populations dans leur choix en matière de tourisme et de loisirs.

Mais les individus ne sont pas les seuls soumis au stress du risque dans le tourisme et les loisirs. Les organisations sont aujourd'hui prises au piège du risque : accident, incident, simplement mauvais temps, mais aussi risque social, commercial et financier.

Enfin, le dernier champ que nous allons explorer est la conséquence radicale de notre victoire sur le temps : la transition de la subordination du temps à la tyrannie consentie du temps. Nous voulons tout et tout de suite, avec la peur de ne pas profiter au maximum de l'instant, nouvelles sources d'angoisses et de peurs qui ont également des conséquences sur les activités touristiques.

Lire la suite... Cahier Espaces n°85, mai 2005

Pour aller plus loin :
• KOUABENAN Dongo Rémi, CADET Bernard, HERMAND Danièle Hermand, MUÑOZ SASTRE Maria-Teresa (sous la direction de), Psychologie du risque - Identifier, évaluer, prévenir, De Boeck, 2006
• LOPEZ-VAZQUEZ Esperanza, Perception du risque, stress et stratégies d'ajustement des sujets en situation de risque de catastrophe naturelle ou industrielle - Approche d'une psychologie sociale du risque, Atelier National de Reproduction des Thèses, 2006
• Revue de presse Grippe A/H1N1, Monde en Question.
• Bibliographie & Dossier documentaire Risque et Gestion du risque, Monde en Question.

3 mai 2009

Risque & Crise (2)

La société à l’aube du XXIème siècle 3. La société du risque ?

Ce programme est le troisième chapitre d’un cours de sociologie sur « La société à l’aube du XXIème siècle ».
Sous le mode de la conversation, Jean-Yves Trépos, Christelle Stupka et Sabrina Sinigaglia-Amadio nous proposent d’aborder notre société et le passage du XXème au XXIème siècle par le biais de la question de « la société du risque ? » A travers les travaux de d’Ulrich Beck, Anthony Giddens, Peter Knight ou Robert Castel, entre autres auteurs, ils abordent la question de la place de différents types de risques dans notre société, leur mesure, leur expertise et leur perception (risques calculés, risques calculables, catastrophes naturelles et industrielles, théorie du complot, attaques informatiques, insécurité, etc.).

• Vidéo du cours, Canal-U.
• Texte du cours, Université Paul Verlaine Metz.
• Revue de presse Grippe A/H1N1, Monde en Question.
• Bibliographie & Dossier documentaire Risque et Gestion du risque, Monde en Question.