10 mars 2006

"Libération" et "Arte", agents de propagande

Libération et Arte ont pris le relais du Monde pour accréditer la thèse du complot soviétique dans l'attentat contre Jean Paul II en 1981.

Libération le 4 mars et Arte le 8 mars ont diffusé les allégations de la commission d'enquête parlementaire italienne, présidée par le sénateur Paolo Guzzanti, qui relance une manipulation médiatico-politique vieille de 25 ans.

Libération et Arte ont repris, sans les mettre en perspective, les déclarations de la "commission Mitrokhine" (du nom d'un ex-agent du KGB), qui affirme sans rire qu'elle ne peut apporter de preuve pour étayer la thèse du complot parce qu'elle n'aurait pas accès aux archives soviétiques :

La commission n'a cependant pas eu accès aux documents des services russes et bulgares qui seuls pourront peut-être mette un point final à l'affaire.
Libération


Libération et Arte confirment ce mensonge en ne rappelant pas que la commission d'investigation d'Allen Weinstein avait eu accès aux archives et que la "piste soviétique" avait été aussi démentie par la CIA :

En 1991, lors de l'ouverture des archives soviétiques et bulgares, la commission d'investigation d'Allen Weinstein [...] rentre aux États-Unis sans avoir trouvé la moindre preuve d'une implication des Bulgares ou du KGB.
[...]
Plus tard, devant le Sénat à Washington, [...] Goodman [ancien agent de la CIA] affirme que non seulement la CIA n'a pas trouvé la moindre trace d'une quelconque implication soviétique ou bulgare dans l'attentat, mais que la « bonne pénétration des services secrets bulgares » par la CIA a permis à ces professionnels de conclure à l'inexistence de cette « connexion ».
HERMAN Edward S. et CHOMSKY Noam, La fabrique de l'opinion publique - La politique économique des médias américains, Le Serpent à Plumes, 2003 p.117 à 135.


Libération et Arte ne relèvent pas les contradictions entre l'affirmation mensongère du non accès aux archives soviétiques et bulgares et celle, qui reste à prouver, de l'accès à des archives de "certains pays de l'est" :

Pour parvenir à ces conclusions, la «commission Mitrokhine» affirme s'être fondée sur la publication récente d'archives de certains anciens pays de l'Est [...].
Libération


Libération et Arte ne s'interrogent pas : quelles archives ? en provenance de quels pays ? quels nouveaux documents seraient susceptibles de remettre en cause ce que nous savons de cette affaire ?

Aucun média ne s'interroge non plus sur la crédibilité du sénateur Paolo Guzzanti, membre de Forza Italia, le parti du très démocratique Silvio Berlusconi qui rassemble les forces de droite et d'extrême-droite italiennes, et ardent combattant de la croisade contre l'Iran et le "monde musulman".

Serge LEFORT
9 mars 2006

8 mars 2006

Israël, État terroriste

Lundi, deux militants du Djihad islamique et trois passants palestiniens ont été tués dans une attaque ciblée israélienne à Gaza. Deux des victimes étaient des enfants.
Ce matin, Shaul Mofaz, ministre israélien de la Défense, a déclaré que l'État d'Israël pourrait prendre pour cibles les dirigeants du Hamas, y compris Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre palestinien.

Depuis le 20 février, les médias cherchent à nous convaincre, sans apporter la moindre preuve, que Youssouf Fofana aurait assassiné Ilan Halimi parce qu'il serait antisémite. Des centaines d'articles ont été publiés dans ce sens sans s'embarrasser de la présomption d'innocence et du moindre doute.

Les mêmes passent sous silence les crimes des troupes d'occupation en Irak ou ceux de l'État qui, au nom du sionisme, occupe illégalement les territoires palestiniens, détruit les maisons, occupe les terres, parque la population derrière le mur de l'apartheid, enferme, torture et assassine les militants et les dirigeants palestiniens en toute impunité.

Après la victoire démocratique du Hamas aux élections législatives, les médias se sont rangés dans le camp de la haine et du mensonge pour faire payer aux Palestiniens ce choix. Aujourd'hui, aucun ne dénonce les menaces de plusieurs dirigeants israéliens d'éliminer Ismaïl Haniyeh.

Ce silence sur le terrorisme de l'État d'Israël légitime la dramatique dérive vers un affrontement sanglant, qui ne sert que les intérêts des extrémistes et dont les deux peuples sont victimes. Et, dans ce cas, la population israélienne est prise en otage par des dirigeants qui se vantent d'êtres des tueurs !

Serge LEFORT
7 mars 2006

7 mars 2006

"Le Monde", agent de propagande

Le 2 et 3 mars, Le Monde a publié deux articles qui reprennent une vieille manipulation médiatico-politique sur la "piste soviétique" de l'attentat contre Jean Paul II en 1981.

Le 2 mars, l'article, intitulé «L'URSS aurait commandité l'attentat contre Jean Paul II, en mai 1981», reprend le communiqué des agences AFP, Reuters et AP :

Les dirigeants soviétiques avaient commandité la tentative d'assassinat de Jean Paul II en mai 1981, affirme, jeudi 2 mars, une commission d'enquête parlementaire italienne.
"Ils [les Soviétiques] ont transmis cette décision aux services secrets de l'armée afin qu'ils mettent en place les opérations nécessaires pour commettre ce crime d'une gravité exceptionnelle, sans équivalent dans la période moderne", peut-on lire dans une première version d'un rapport qui sera présenté au Parlement italien dans le courant du mois.
La commission chargée par le Parlement italien d'enquêter sur les activités des services secrets communistes en Italie pendant la guerre froide est présidée par le sénateur Paolo Guzzanti. Elle a principalement travaillé sur les "archives" d'un ex-agent du KGB passé à l'Ouest au début des années 1990, Vassili Mitrokhine, qui regorge de révélations sur les agissements des agents soviétiques à l'étranger.


Le 3 mars, l'article, intitulé «La "piste soviétique" se confirmerait dans l'attentat de 1981 contre Jean Paul II», est signé par Henri Tincq et Jean Jacques Bozonnet (à Rome) :

Le sénateur Paolo Guzzanti, président de la "commission Mitrokhine" (du nom d'un ex-agent du KGB), chargée d'enquêter sur l'activité des services secrets soviétiques durant la guerre froide, a révélé, mercredi 1er mars, qu'"au-delà de tout doute raisonnable, c'est le sommet hiérarchique de l'URSS qui a pris l'initiative d'éliminer le pape polonais Karol Wojtyla". Dans l'attentat du 13 mai 1981 place Saint-Pierre, il met en cause en particulier le GRU - les services secrets militaires russes sous Leonid Brejnev (1906-1982) -, qui aurait été "chargé d'accomplir un délit d'une gravité sans précédent dans l'histoire moderne".


Le Monde sait pertinemment qu'il s'agit d'une campagne de propagande anticommuniste, basée sur une théorie du complot, qui fut démentie [1] :

Pendant les années Reagan (1981-1988), on a assisté à un effort concerté pour diaboliser l'Union soviétique afin d'assurer la croissance continue des armements et une nouvelle politique étrangère, plus agressive - dans le tiers-monde en particulier. « L'Empire du Mal » était accusé de soutien au terrorisme international [...]. Lorsqu'en mai 1981, à Rome, l'apprenti assassin Mehmet Ali Agça tire sur le pape Jean-Paul II, on assiste à l'une des campagnes de propagande les plus réussies de la Guerre froide.
[...]
Les grands médias américains avalent l'histoire avec une étonnante crédulité : la possibilité qu'Ali Agça ait subi des pressions pour dénoncer le KGB et les Bulgares, abondamment évoquée dans la presse italienne, n'est pratiquement jamais soulevée, même en théorie, pas plus que la faiblesse des motivations soviétiques, la stupidité évidente de l'entreprise ou le manque total de preuves.
[...]
En 1991, lors de l'ouverture des archives soviétiques et bulgares, la commission d'investigation d'Allen Weinstein [...] rentre aux États-Unis sans avoir trouvé la moindre preuve d'une implication des Bulgares ou du KGB.
[...]
Plus tard, devant le Sénat à Washington, [...] Goodman [ancien agent de la CIA] affirme que non seulement la CIA n'a pas trouvé la moindre trace d'une quelconque implication soviétique ou bulgare dans l'attentat, mais que la « bonne pénétration des services secrets bulgares » par la CIA a permis à ces professionnels de conclure à l'inexistence de cette « connexion ».


Cette affaire ressort miraculeusement au moment où Vladimir Poutine négocie avec le Hamas et l'Iran pendant que George W. Bush fait la tournée des popotes nucléaires en Inde et au Pakistan. Il est cocasse de lire que Bush félicite Musharraf, qui a pris le pouvoir au Pakistan le 12 octobre 1999 à la suite d'un coup d'État, pour sa "courageuse décision" de se joindre à la "guerre contre le terrorisme". C'est une manière habile de faire oublier que la CIA, par l'intermédiaire des services secrets pakistanais (ISI) [2], recruta, entraîna, arma et paya les groupes islamistes qui se sont retournés contre leurs généreux donateurs dans les années 1990 [3].

Il n'est pas étonnant que le presse italienne aux mains de Silvio Berlusconi, fidèle allié de George W. Bush, ressorte cette vieille manipulation médiatico-politique. Il n'est pas étonnant non plus que Le Monde soit l'agent d'une "croisade" contre le "monde arabo-musulman" en répétant inlassablement les mêmes mensonges, car les élites françaises s'enlisent dans une crise identitaire post-coloniale.

Serge LEFORT
6 mars 2006


[1] Lire l'analyse détaillée de cette désinformation : HERMAN Edward S. et CHOMSKY Noam, La fabrique de l'opinion publique - La politique économique des médias américains, Le Serpent à Plumes, 2003 p.117 à 135.
[2] Sur l'ISI :
• Le grand jeu de l'Inter-Services Intelligence, le service de renseignements pakistanais (1), Checkpoint
• Le grand jeu de l'Inter-Services Intelligence, le service de renseignements pakistanais (2), Checkpoint
• Washington/Islamabad : des relations très spéciales, Politique internationale
[3] COOLEY John K., CIA et Jihad 1950-2001 - Contre l'URSS, une désastreuse alliance, Frontières, Autrement, 2002.