31 décembre 2009

La diversité contre l'égalité


MICHAELS Walter Benn, La diversité contre l'égalité, Raisons d'agir, 2009.
Pour : Article11 - Blogs du Diplo - CNL - Liens socio - Marianne-Observatoire des inégalités - Relectures
Contre : Daniel Sabbagh, Mouvements-LMSI (présenté par Sylvie Tissot [1]) - Jérôme Vidal, Revue Internationale des Livres et des Idées.
À la télévision comme dans les entreprises, au Parti socialiste comme à l'Elysée, à Sciences Po comme à l'armée résonne un nouveau mot d'ordre : Vive la diversité ! Avec l'élection de Barack Obama, le bruissement s'est changé en clameur. Désormais, chacun devrait se mobiliser pour que les femmes et les "minorités visibles" occupent la place qui Leur revient au sein des élites. Mais une société dont les classes dirigeantes reflètent la diversité a-t-elle vraiment progressé sur le chemin de la justice sociale ? A cette question jamais posée, Walter Benn Michaels répond par la négative. La promotion incessante de la diversité et la célébration des "identités culturelles" permettent au mieux, selon lui, de diversifier la couleur de peau et le sexe des maîtres. Sans remettre en cause la domination qui traverse toutes les autres : celle des riches sur les pauvres. À l'aide d'exemples tirés de la littérature, de l'histoire et de l'actualité, ce livre montre comment la question sociale se trouve désamorcée lorsqu'elle est reformulée en termes ethnico-culturels. Plus fondamentalement, il s'interroge sur l'objectif d'une politique de gauche : s'agit-il de répartir les inégalités sans discrimination d'origine et de sexe, ou de les supprimer ?

Mon intention ici n'est évidemment pas de soutenir que la discrimination positive (ou l'engagement pour la diversité en général) accroît les inégalités. Mais plutôt de montrer que la conception de la justice sociale qui sous-tend le combat pour la diversité - nos problèmes sociaux fondamentaux proviendraient de la discrimination et de l'intolérance plutôt que de l'exploitation - repose elle-même sur une conception néolibérale. Il s'agit d'ailleurs d'une parodie de justice sociale qui entérine l'élargissement du fossé économique entre riches et pauvres tant que les riches comptent (proportionnellement) autant de Noirs, de basanés et de Jaunes que de Blancs, autant de femmes que d'hommes, autant d'homosexuels que d'hétérosexuels. Une justice sociale qui, en d'autres termes, accepte les injustices générées par le capitalisme. Et qui optimise même le système économique en distribuant les inégalités sans distinction d'origine ou de genre. La diversité n'est pas un moyen d'instaurer l'égalité ; c'est une méthode de gestion de l'inégalité.

Lire aussi :

• La question sociale ensevelie sous les faux débats, Le Plan B n°1, Octobre 2007.
• Février 2009, MICHAELS Walter Benn, Liberté, fraternité... diversité ?, Le Monde diplomatique.
• Juin 2008, MICHAELS Walter Benn, Toutes les inégalités n'offensent pas le candidat Barack Obama, Le Monde diplomatique.
• Dossier documentaire & Bibliographie Immigration, Monde en Question.
• Dossier documentaire & Bibliographie Inégalités & Précarité, Monde en Question.

[1] LMSI n'a rien écrit de pertinent à propos de ce livre, mais a répété plusieurs fois (17/11/2009 et 20/11/2009) le même message sans l'argumenter : «petit livre trop encensé» ; «philosophiquement inepte, sociologiquement indigent et politiquement dégoûtant».
L'équipe de LMSI serait bien inspiré d'écouter l'édifiant dialogue consensuel entre Lynda Asmani, conseillère UMP de Paris et Bariza Khiari, sénatrice PS de Paris sur les «minorités visibles en politique», Le rendez-vous des politiques - France Culture.
Cette organisation, comme celles qui prétendent représenter les Français issus de l'immigration coloniale, souhaite-t-elle participer à l'équivalent de l'UGIF, dénoncée par Maurice Rajsfus comme collaborationniste par «réflexe de classe» ?
Maurice Rajsfus, Des Juifs dans la collaboration, L'U.G.I.F. 1941-1944, préface de Pierre Vidal-Naquet, EDI, 1980 [Archives des sciences sociales des religions].

30 décembre 2009

Voile médiatique


TÉVANIAN Pierre, Le voile médiatique - Un faux débat : «l'affaire du foulard islamique», Raison d'Agir, 2005 [Acrimed - Oumma].
Et si "la question du voile à l'école" était une fausse question ? Et si elle avait été inventée par les journalistes et les politiques ? Ce livre raconte l'histoire édifiante de la construction médiatique d'une affaire qui a pris peu à peu des proportions gigantesques, conduisant au vote d'une loi répressive et à la déscolarisation de centaines d'adolescentes. Comment une loi programmant ces exclusions a-t-elle pu être votée avec un large consentement de "l'opinion publique" ? Comment ce foulard, qui suscitait des contentieux de plus en plus rares et facilement résolus, a-t-il pu être présenté comme un problème crucial, au sein d'une école pourtant traversée par des problèmes d'une tout autre nature et d'une tout autre ampleur ? À partir de données chiffrées et d'analyses précises, ce livre déconstruit les mécanismes médiatiques qui ont fabriqué et imposé un faux problème, sélectionné les "experts autorisés", et écarté la plupart des voix discordantes. Il montre également comment la question a été posée en des termes suffisamment abstraits pour occulter les conséquences de la prohibition du voile, en particulier l'exclusion scolaire. Il montre enfin comment ce débat empoisonné a installé et, en quelque sorte, autorisé un climat général de racisme anti-musulman.

Dossier documentaire & Bibliographie Voile & Burqa créé le 09/02/2004 et mis à jour le 08/12/2009, Monde en Question.

29 décembre 2009

Quatre siècles de négrophobie


TOBNER Odile, Du racisme français - Quatre siècles de négrophobie, Les Arènes, 2007 [Afriradio - Alternative Libertaire Alsace - Bakchich - Bakchich-Dailymotion - Dailymotion 1/3, 2/3, 3/3 - Journal du Cameroun - LMSI - Survie].
De la traite négrière et son Code noir, de la paresse des nègres chère à Montesquieu, de Voltaire et ses propos sur l’esclavage, à Pascal Bruckner et Hélène Carrère d'Encausse, en passant par Pascal Sevran et la bite des noirs, Alain Finkielkaut ou Georges Frêche et leurs propos sur l’équipe de France de football, Jacques Chirac et « le bruit et l’odeur » ou encore Nicolas Sarkozy et le discours de Dakar, Odile Tobner démonte le socle raciste des regards portés sur les noirs.

Dossier documentaire & Bibliographie Racisme créé le 28/03/2009 et mis à jour le 08/12/2009, Monde en Question.

28 décembre 2009

Construction médiatique de l'islamophobie


DELTOMBE Thomas, L'Islam imaginaire - La construction médiatique de l'islamophobie en France, 1975-2005, La Découverte, 2005 [Amazon - Altérités - Approches Cultures & Territoires - Mondialisation - Oumma - Politis].
«Péril islamiste» ou «menace terroriste», «dérives communautaristes» ou «menaces sur la République» : le «problème de l'islam» est aujourd'hui au cœur des débats publics en France. Mais quel est donc le «problème» ? Pourquoi les «musulmans» sont-ils constamment sur la sellette ? Et, surtout, comment les médias ont-ils progressivement construit une véritable islamophobie ?
Pour comprendre cette évolution, Thomas Deltombe s'est plongé dans les archives de la télévision française : il a passé au crible les journaux télévisés du 20 heures et les principales émissions consacrées à l'islam sur les grandes chaînes nationales depuis… trente ans. De la révolution iranienne de 1979 aux suites du 11 septembre 2001 et aux derniers débats sur le «foulard», le récit qu'il rapporte ici de ce voyage au cœur de la machine à façonner l'imaginaire est aussi sidérant que passionnant.
Décortiquant dérapages et manipulations, Thomas Deltombe montre comment le petit écran a progressivement fabriqué un «islam imaginaire», sous l'effet conjoint de la course à l'audience et d'une idéologie pernicieuse de stigmatisation de l'«Autre» musulman.

Dossier documentaire & Bibliographie Propagande créé le 21/03/2008 et mis à jour le 08/12/2009, Monde en Question.

27 décembre 2009

Grand aveuglement d'Israël


ENDERLIN Charles, Le grand aveuglement - Israël et l'irrésistible ascension de l'islam radical, Albin Michel, 2009 [Enderlin - AFPS-Politis - Radio Canada - Radio Orient - Rue89].
En encourageant le développement à Gaza de la branche la plus extrémiste des Frères musulmans, Israël a joué avec le feu pendant près de deux décennies. Les gouvernements successifs à Jérusalem n'ont-ils pas longtemps cru que le cheikh Yassine, fondateur du Hamas, pouvait être "l'antidote à l'OLP" ? Il est vrai qu'à l'époque les États-Unis eux-mêmes, en finançant et en armant les moudjahidine afghans, avaient grandement sous-estimé la menace islamiste. Ni la CIA ni les services de renseignements israéliens n'ont alors pris la peine d'analyser - voire de traduire - les textes diffusés par ces organisations. Ils découvriront trop tard qu'ils ont, de fait, participé à la création du Hamas et d'Al-Qaida. Dans ce nouveau document d'enquête, l'auteur raconte, à partir de sources exceptionnelles et souvent exclusives, l'incompréhension, l'aveuglement, le double jeu parfois des services de renseignements et des politiques à Jérusalem, à Tel-Aviv et à Washington. Il décrit aussi comment l'occupation israélienne, le développement de la colonisation dans les territoires palestiniens et la politique américaine au Proche-Orient ont fait le lit de l'islam radical. Autant de leçons d'histoire à méditer pour tous ceux qui prétendent oeuvrer à une paix juste et durable dans la région.

Dossier documentaire & Bibliographie Palestine/Israël créé le 26/06/2004 et mis à jour le 08/12/2009, Monde en Question.