28 mars 2009

Gaza : de jeunes conscrits parlent

Comme promis, voici la traduction du document qui fait parler. De jeunes conscrits s’expriment en toute liberté sur ce qu’ils ont vu ou vécu à Gaza. Il ne faut pas s’attendre à des récits de boucherie, mais plutôt à des descriptions de «petits meurtres ordinaires». Ce qui frappe, au premier abord, c’est la franchise, pour ne pas dire la candeur, de ces jeunes soldats. Certains sont révoltés, d’autres ont un langage quasi désincarné et parlent technique militaire. Ce qui frappe aussi : le décalage entre conscrits et réservistes, et le rôle pour le moins trouble que joue le rabbinat, qui fait passer chez les soldats un message proche du messianisme et de la guerre sainte. La naïveté de ces jeunes soldats, scandalisés qu’une famille palestinienne dont certains membres font partie du Hamas ait pu faire ami-ami avec eux en leur «mentant» (ils sauvaient leur peau, quand même !). Et bien d’autres choses (chacun est libre de tirer ses propres conclusions à partir d’un texte brut comme celui-ci. L’impression qui se dégage est qu’à Gaza, tout était permis et que les supérieurs hiérarchiques ont laissé faire, au mieux. Certains médias, juifs en particulier, préféreront parler des erreurs (réelles) de la presse, par exemple au sujet du vrai-faux bombardement de l’école de l’UNRWA. Mais l‘arbre cache la forêt. Peut-être serait-il temps de regarder les choses en face. La guerre de Gaza a été de la sauvagerie (outre le fait que, sur le plan politique, elle a été inutile, mais c’est une autre histoire). Le discours final, consterné, de l’instructeur en chef de ces jeunes conscrits en dit long.



Moins d’un mois après l’opération militaire dans la bande de Gaza [1] , plusieurs dizaines de diplômés du programme de préparation prémilitaire «Itzhak Rabin» étaient réunis au Collège d’Oranim à Kiryat Tivon. Depuis 1998, ce progamme a préparé ses participants à ce qui est considéré comme un service militaire «à contenu». Nombreux sont ceux qui ont un rôle majeur dans des unités combattantes ou d’élite de l’armée. Le fondateur du programme, Danny Zamir, le dirige encore aujourd’hui et accomplit également ses périodes de réserve en tant que sous-commandant d’un bataillon.

Vendredi 13 février, Zamir avait invité des soldats et des officiers qui avaient suivi son programme pour un long débat sur leurs expériences à Gaza. Ils se sont exprimés ouvertement, mais avec une frustration considérable.

Ce qui suit est composé de longs extraits de la transcription de cette rencontre, publiée mercredi dans le bulletin du programme, Briza. Les noms des soldats ont été modifiés pour préserver leur anonymat. La rédaction de Briza a aussi choisi de ne pas publier certains des détails qui concernent l’identité d’une unité dont la conduite à Gaza s’est révélée problématique.

Danny Zamir : «Ce soir, notre intention n’est pas d’évaluer les résultats et l’importance diplomatico-politique de cette opération, ni des aspects militaires systémiques. Mais un débat est nécessaire parce que, tous l’ont dit, cela a été une action militaire exceptionnelle dans le sens où elle a fixé de nouvelles limites au code éthique, aussi bien dans l’histoire de Tshal que dans celle d’Israël dans son ensemble. Il s’agit d’une action qui a causé des destructions massives chez des civils. Je ne suis pas certain qu’il aurait été possible de faire autrement, mais au bout du compte, nous en avons fini avec cette opération et les Qassams ne sont pas paralysées. Il est fort possible que cette opératin se répète, sur une plus grande échelle, dans les années à venir, parce que le problème que pose la bande de Gaza n’est pas simple et il n’est pas du tout certain qu’il soit résolu. Ce que nous souhaitons ce soir, c’est entendre les combattants.»

Aviv : «Je commandais une compagnie de la brigade Givati encore à l’entraînement. Nous sommes entrés dans un quartier de la partie sud de la ville de Gaza. En gros, c’était une expérience étrange. Pendant l’entraînement, on attend le jour où l’on va entrer dans Gaza, et à la fin, on se rend compte que ce n’est pas vraiment ce qu’on t’a raconté. C’était plus comme, genre, tu t’empares d’une maison, tu fiches les occupants dehors et tu t’installes. Nous sommes restés dans une maison environ une semaine.»

«Vers la fin de l’opération, il y a eu un plan pour entrer dans une zone de Gaza densément peuplée. Dans les briefings, ils ont commencé à nous parler d’ordres d’ouvrir le feu à l’intérieur de la ville parce que, comme vous le savez, ils ont utilisé une puissance de feu considérable et tué en chemin un nombre énorme de gens, afin qu’on ne nous tire pas dessus et qu’on ne se fasse pas tuer. Au début, l’action consistait à entrer dans une maison. Nous étions censés y entrer avec un véhicule de transport blindé appelé "Akhzarit " (liitéralement ; «cruel») pour nous introduire à l’intérieur par la porte du rez-de-chaussée et de commencer à tirer une fois à l’intérieur et puis ... J’appelle ça un meurtre .. De fait, nous devions monter étage par étage et toute personne que nous voyions, nous devions la tuer. Je me suis demandé : où est la logique dans tout ça ?»

«Au-dessus de nous, on nous a dit que c’était permis, parce quiconque était resté dans le secteur et à l’intérieur de Gaza était de fait condamné, un terroriste, parce qu’ils ne s’étaient pas enfuis. J’ai eu du mal à comprendre : d’un côté, ils n’ont pas vraiment où fuir, mais de l’autre on nous dit que s’ils n’ont pas fui, c’est de leur faute... Ca m’a aussi fait un peu peur. J’ai tenté d’exercer un peu d’influence pour changer cela, autant qu’il était possible depuis ma position de subordonné. A la fin, l’ordre a consisté à entrer dans une maison, de se servir de mégaphones et de dire aux occupants : "Allez, tout le monde dehors, vous avez cinq minutes, quittez la maison, quiconque ne le fait pas sera tué.

«Je suis allé voir les soldats et leur ai dit : "les ordres ont changé. On entre dans la maison, ils ont cinq minutes pour partir, on les fouille pour voir s’ils n’ont pas d’armes, et alors seulement, on commence à investir la maison étage par étage pour nettoyer tout ça... Cela veut dire, entrer dans la maison, ouvrir le feu sur tout ce qui bouge, lancer une grenade, tout ça. Et alors, il s’est passé un truc très troublant. L’un de mes soldats est venu me voir et m’a demandé : "Pourquoi ?" J’ai dit : "Qu’est-ce qui n’est pas clair ? On ne veut pas tuer des civils innocents." Lui : "Ah ouais ? Tous ceux qui sont là-dedans sont des terroristes, c’est bien connu." Je dis : "Tu penses que ces gens vont vraiment s’enfuir ? Non, personne ne va fuir" Il répond : "C’est clair". Et ses copains se joignent à lui : "Il faut tuer tous ceux qui sont là-dedans. Ouais, toute personne qui se trouve à Gaza est un terroriste", et tous les autres trucs dont les médias nous farcissent la tête

«Alors, j’essaie d’expliquer au gars que tout le monde là-bas n’est pas terroriste et que, après qu’il aura tué, disons, trois enfants et quatre mères, il montera à l’étage supérieur et tuera encore une vingtaine de personnes. Finalement, il s’avère que la maison a 8 étages, 5 appartements par étage, quelque chose comme 40 - 50 familles à tuer. J’ai essayé d’expliquer qu’il fallait les laisser partir, et seulement alors investir la maison. Ca n’a pas servi à grand-chose. C’est vraiment frustrant de constater que pour eux, dans Gaza, ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent, casser des portes ou des maisons, tout ça parce que c’est cool.»

«L’iimpression donnée par les officiers est qu’il n’y a aucune logique là-dedans mais qu’ils laissent faire. Ecrire ‘mort aux Arabes’ sur les murs, prendre des photos de famille et cracher dessus, seulement parce qu’on peut. Je pense que c’est la chose la plus importante pour comprendre dans quoi l’éthique de Tshal est tombée, vraiment, c’est ce dont je me souviendrai.»

«L’un de nos officiers, qui commande une compagnie, a vu quelqu’un arriver sur une route, une femme, une vielle femme. Elle marchait, assez loin, mais assez près pour s’en prendre à elle. Suspecte ou pas ? Je ne sais pas. Finalement, l’officier a envoyé des hommes sur le toit pour l’éliminer. Par la description de cette histoire, j’ai senti qu’il s’agissait d’un meurtre de sang-froid.»

Zamir : «Je ne comprends pas. Pourquoi a-t-il fait tirer sur elle ?»

Aviv : «C’est ce qu’il y a de bien, genre, à Gaza. Tu vois quelqu’un marcher sur une route. Il n’a pas besoin d’être armé, tu n’as pas besoin de l’identifier, tu tires et c’est tout. Avec nous c’était une vieille femme, sur qui je n’ai vu aucune arme. L’ordre était dé l’éliminer au moment où tu la voyais.»

Tzvi : «Les descriptions d’Aviv sont exactes, mais il est possible de comprendre d’où ça vient. Et cette femme, on ne sait jamais si... Elle n’avait pas à être là, il y a eu des annonces, des bombardements. La logique dit qu’elle n’autait pas dû se trouver là. La façon dont tu le décris, un meurtre de sang-froid, ce n’est pas bien. On sait qu’ils ont des éclaireurs et tout ça.»

Gilad : «Avant même que nous ne rentrions, le commandant du bataillon a été très clair : une leçon importante de la guerre du Liban a été tirée sur la manière dont Tsahal entre, avec beaucoup de feu. L’intention était de protéger les soldats par la puissance de feu. Dans l’opération, les pertes de Tsahal ont été vraiment minimes, et le prix a été que beaucoup de Palestiniens ont été tués.»

Ram : «Je fais mon service dans une compagnie de la brigade Givati. Après que nous sommes entrés dans les premières maisons, il y a eu une maison avec une famille à l’intérieur. L’entrée a été relativement calme. Nous n’avons pas ouvert le feu, nous n’avons fait que crier à tout le monde de descendre. Nous les avons placés dans une pièce, puis nous avons quitté la maison pour y entrer par une autre issue. Quelques jours plus tard, l’ordre a été donné de libérer la famille. Les soldats avaient pris position sur le toit, avec un sniper. Le commandant du peloton a laissé la famille sortir et leur a dit de prendre à droite. Une mère et ses deux enfants n’ont pas compris et ont pris à gauche, mais on avait oublié de dire au sniper sur le toit qu’ils étaient libres de partir, que ça allait et qu’il ne devait pas tirer et il ... il a fait ce qu’il avait à faire, il suivait les ordres, c’est-à-dire.»

Question du public : «A quelle distance cela se passait-il ?»

Ram : «Environ 100 à 200 mètres. Les gens étaient sortis de la maison, ils avaient avancé un peu, et soudain il les a vus, des gens qui se déplaçaient dans une zone où il était interdit de circuler. Je ne crois pas qu’il se soit senti mal à cause de ça. Après tout, pour ce qui le concernait, il avait accompli son job selon les ordres qu’il avait reçus. Et l’atmosphère générale, d’après ce que j’ai compris de ce que m’ont dit mes hommes ... Je ne sais pas comment le décrire ... La vie des Palestiniens, disons, comptait beaucoup beaucoup moins que la vie de nos soldats. Pour leur part, ils peuvent justifier ça ainsi.»

Youval Friedman (instructeur en chef au programme Rabin) : «Il n’y a pas eu un ordre permanent précisant qu’il fallait une autorisation pour ouvrir le feu ?»

Ram : «Non. Cet ordre existe, au-delà d’une certtaine ligne. L’idée est que tu as peur qu’ils ne t’échappent. Si un terroriste s’approche de trop près, il pourrait faire exploser la maison ou quelque chose comme ça.»

Zamir : «Après une tuerie comme ça, par erreur, Tsahal procède-t-il à une quelconque enquête ? Examine-t-on ce qui aurait pu être corrigé ?»

Ram : «Pour l’instant, personne n’est venu de l’unité d’enquête de la police militaire. Il n’y a eu aucune ... Pour tous les incidents, il y a des enquêtes individuelles et des évaluations d’ordre général sur la conduite de la guerre. Mais ils ne se sont pas attachés à ça en particulier.»

Moshe : «L’attitude est très simple. Ce n’est pas agréable à dire, mais tout le monde s’en fiche. On n’enquête pas là-dessus. C’est du combat, de la routine en matière de sécurité.»

Ram : «Ce dont je me souviens en particulier, c’est qu’il régnait au début un sentiment de mission quasi religieuse. Mon sergent étudie dans une yeshiva. Avant l’attaque, il a réuni tout le bataillon et conduit une prière pour ceux qui partaient se battre. Un rabbin de brigade se trouvait là. Après, le rabbin est venu dans Gaza et s’est déplacé dans tous les sens pour nous taper sur l’épaule, nous encourager et prier avec d’autres. Quand nous étions à l’intérieur [de Gaza], ils nous envoyaient aussi ces livrets remplis de psaumes, une tonne de psaumes. Je pense que, au moins dans la maison où nous sommes restés une semaine, on aurait pu remplir la maison avec tous les psaumes qu’ils nous ont envoyés, et d’autres livrets du même genre.»

«Il y avait un fossé immense entre ce que l’Education militaire nous envoyait et ce que nous envoyait le rabbinat militaire. L’Education a publié un argumentaire pour les officiers, quelque chose sur l’histoire d’Israël qui s’est battu à Gaza, depuis 1948 jusqu’à nos jurs. Le rabbinat a apporté un tas de petits livres et d’articles et ... le message était très cliar. Nous sommes le peuple d’Israël, nous sommes venus sur cette terre par miracle, Dieu nous a ramenés sur cette terre, et maintenant, nous devons combattre pour expulser les Gentils, qui nous gênent dans notre conquête de la terre sainte. C’était ça le message principal, et beaucoup de soldats avaient le sentiment que cette opération était une guerre religieuse. Depuis ma position d’officier qui devait «expliquer», j’ai essayé de parler de politique, des courants dans la société palestinienne, du fait que tout le monde à Gaza n’appartenait pas au Hamas, et que tous les habitants ne cherchaient pas à nous abattre. J’ai voulu expliquer aux soldats que cette guerre n’était pas pour la sanctification de Dieu, mais pour arrêter les Qassams.»

Zamir : «J’aimerais demander aux pilotes parmi nous, Gideon et Yonatan, de nous donner un peu leur point de vue. En tant que fantassin, cela m’a toujours intéressé. Quelle impression a-t-on quand on bombarde une ville comme ça ?»

Gideon : «D’abord, à propos de ce que tu as dit sur la folle puissance de feu. Depuis le tout début des raids aériens, les quantités de feu ont été impressionnantes, et c’est essentiellement ce qui a poussé les gens du Hamas à se cacher dans les abris les plus souterrains et les a empêchés de se montrer jusque environ deux semaines après les combats. En général, la manière dont ça fonctionne pour nous, juste pour que vous compreniez un peu les différences, c’est que j’arrivais la nuit à l’escadrille, j’effectuais un raid sur Gaza et puis je rentrais chez moi dormir à Tel Aviv, au chaud dans mon lit. Je ne suis pas coincé dans un lit dans une maison palestinienne, la vie est un peu meilleure.»

«Avec mon escadrille, je ne vois pas un terroriste qui lance une Qassam, puis décide de décoller et de l’avoir. Il y a tout un système pour nous soutenir, qui nous sert d’yeux et d’oreilles, et des renseignements pour chaque avion qui décolle et qui créent de plus en plus de cibles en temps réel, chacune avec un niveau de légitimité plus ou moins grand. En tout cas, j’essaie de croire que ces cibles sont déterminées selon le dégré de légitimité le plus haut possible.»

«Ils [les pilotes] lâchaient des tracts sur Gaza, tiraient parfois un missile depuis un hélicoptère sur le coin d’une maison, juste pour secouer un peu la maison et faire fuir tout le monde. Ces techinques ont marché. Les familles sont sorties, et vraiment, quand les soldats sont entrés dans les maisons, elles étaient assez vides, au moins de civils innocents. De ce point de vue, ça a marché.»

«En tout cas, j’arrive à l’escadrille, on me donne une cible, une description et des coordonnées. En gros, je m’assure simplement que ça ne se trouve pas à l’intérieur de nos lignes. Je regarde la photo de la maison que je suis censé attaquer, je vois qu’elle correspond à la réalité, je décolle, je pousse sur le bouton et la bombe atterrit toute seule dans un rayon d’un mètre de la cible.»

Zamir : «Chez les pilotes, y a-t-il aussi des paroles ou des sentiments de remords ? Par exemple, j’ai été été terriblement surpris par l’enthousiasme qui a accompagné la tuerie des policiers de la circulation de Gaza, le premier jour de l’opération. Ils ont tué 180 flics. En tant que pilote, j’aurais remis ça en question.»

Gideon : «Il y a deux aspects à ça. Sur le plan tactique, tu les appelles de "policiers". Dans tous les cas, ils sont armés et appartiennent au Hamas ... En des temps meilleurs, ils prennent des gens du Fatah, les jettent des toits et voient ce qui se passe. Concernant ce qu’on pense, tu passes du temps avec ton escadrille et il y a quantité de débats sur l’importance du combat et des valeurs qui lui sont attachées, sur ce que nous faisons, il y a de quoi parler. Mais à partir du moment où tu démarres le moteur jusqu’à ce que tu l’éteignes, toutes tes pensées, toute ta concentration et ton attention sont sur la mission que tu dois effectuer. Si tu as un doute injustifié, tu es susceptible de causer une bavure encore plus grande et détruire une école avec 40 enfants. Si le bâtiment touché n’est pas celui que j’étais censé toucher, mais une maison avec des gars à nous à l’intérieur, le prix de l’erreur est très très grand.»

Question du public : «Y a-t-il eu quelqu’un dans l’escadrille qui n’a pas appuyé sur le bouton, qui y a réfléchi à deux fois ?»

Gideon : «Il faut poser la question à ceux qui participent à des opérations par hélicoptère, ou aux types qui voient ce qu’ils font. Avec les armes que j’utilisais, ma capacité de prendre une décision en contradiction avec ce qu’on m’a dit était proche de zéro. Je lâche la bombe d’une distance où je peux voir toute la bande de Gaza. Je vois aussi Haïfa, je vois aussi le Sinaï, mais c’est plus ou moins la même chose. Ca fait vraiment très loin.»

Yossi : «Je suis sergent dans un peloton de parachutistes. Nous étions dans une maison et avons découvert une famille à l’intérieur qui n’était pas censée se trouver là. Nous les avons rassemblés dans le sous-sol, posté deux gardes et nous sommes assurés qu’ils ne causeraient pas d’ennuis. Au fur et à mesure, la distance émotionnelle entre nous s’est estompée : nous avons fumé des cigarettes ensemble, bu du café avec eux, parlé du sens de la vie et des combats à Gaza. Après de nombreuses conversations, le propriétaire de la maison, un homme âgé de plus de 70 ans, disait qu’il était bon que nous soyons à Gaza et qu’il était bon que Tsahal y fasse ce qu’il faisait. Le lendemain, nous avons fait interroger l’homme et son fils. Le jour d’après, nous avons reçu une réponse : tous les deux étaient des militants politiques du Hamas. C’était assez troublant, ils te disent combien c’est bien que tu sois là, bla bla bla, et tu découvres qu’ils t’ont menti pendant tout ce temps. Ce qui m’a ennuyé le plus a été qu’à la fin, après que nous avions compris que les membres de cette famille n’étaient pas exactement des amis et qu’ils méritaient pas mal d’être fichus dehors, le commandant du peloton nous a suggéré, quand nous quitterions la maison, de nettoyer, ramasser toutes les ordures dans des sacs, balayer et nettoyer le sol, plier les couvertures que nous avions utiliées, mettre en piles les matelas et les remettre sur les lits.»

Zamir : «Que veux-tu dire ? Toutes les unités qui ont quitté une maison n’ont pas fait ça ?»

Yossi : «Non, pas du tout. Au contraire. Dans la plupart des maisons, des graffitis ont été laissés, des choses comme ça.»

Zamir : «C’est se conduire comme des animaux.»

Yossi : «Tu n’es pas censé te concentrer sur du pliage de couvertures quand on te tire dessus.»

Zamir : «Je n’ai pas beaucoup entendu qu’on vous tirait dessus. Ce n’est pas que je vous fasse des reproches, mais quand on passe une semaine chez des gens, on nettoie ses saletés.»

Aviv : «Un jour, j’ai reçu un ordre. Tout l’équipement de la maison, tous les meubles : nettoyer toute la maison. Nous avons tout jeté, tout, par les fenêtres de façon à faire de la place. Tout le contenu de la maison a volé par les fenêtres.»

Yossi : «Il y a eu un jour où une Katiusha, un missile Grad, est tombée sur Beer Sheva et une mère et son bébé ont été blessés. C’étaient des voisins de l’un de mes soldats. Nous avons entendu toute l’hitsoire à la radio, et il n’a pas pris à la légère le fait que ses voisins aient été blessés. Le gars était un peu sur les nerfs, on peut le comprendre. Dire à quelqu’un comme ça : "Allez, on va laver le sol de la maison d’un militant du Hamas, qui vient de tirer une Katiusha sur tes voisins, qui ont eu une jambe amputée", ce n’est pas facile à faire, en particulier si l’on n’est pas du tout d’accord avec ça. Quand mon officier a dit : "OK, dis à tout le monde de plier les couvertures et d’empiler les matelas", je l’ai mal pris. Ca a gueulé pas mal. Finalement, j’ai été convaincu et je me suis rendu compte que c’était la bonne chose à faire. Aujourd’hui j’apprécie et même, je l’admire, le commandant, pour ce qui s’est passé là-bas. Au fond, je ne pense pas que n’importe quelle armée, syrienne ou afghane, aurait nettoyé le sol de maisons de son ennemi, ni plié des couvertures, ni qu’elle les aurait rangées dans les armoires.»

Zamir : «Je pense qu’il serait important que les parents se réunissent ici et entendent cette discussion. Je pense qu’elle serait très instructive, et aussi consternante et déprimante. Vous décrivez une armée aux normes éthiques très basses, c’est la vérité ... Je ne vous juge pas et je ne vous fais pas de reproches. Je vous répercute seulement ce que je ressens après avoir entendu vos histoires. Je n’étais pas à Gaza, et je suppose que, chez les réservistes, le niveau de retenue et de contrôle se soi seraient plus haut, mais je pense que, globalement, vous décrivez et reflétez le genre de situation dans laquelle nous nous sommes trouvés. Après la guerre de 1967, quand les gens sont revenus du combat, ils se sont réunis en cercles et ont décrit ce par quoi ils étaient passés. Pendant des années, ceux qui ont fait ça ont été décrits sous l’expression "On tire et on pleure". En 1983, quand nous sommes revenus de la guerre du Liban, on a dit les mêmes choses sur nous. Nous devons réfléchir à ce qui nous est arrivé. Nous devons nous colleter avec ça, pour établir des normes nouvelles, ou différentes. Il est très possible que le Hamas ou l’armée syrienne auraient eu un comportement différent du mien. Mais le point essentiel est que nous ne sommes ni le Hamas, ni l’armée syrienne ni égyptienne. Si des religieux nous oignent d’huile et nous collent des livres sacrés entre les mains, et si les soldats de ces unités ne sont pas représentatifs de tout le spectre du peuple juif, mais seulement de certains secteurs de la population, à quoi devons-nous nous attendre ? A qui faisons-nous des reproches ?

En tant que réservistes, nous prenons assez peu au sérieux les ordres des officiers de brigade. Nous laissons passer les vieux et les familles. Pourquoi tuer des gens quand vous savez très bien que ce sont des civils ? Quel aspect de la sécurité d’Israël sera menacé, qui sera touché ? Faites preuve de discernement, soyez humains.»

Publié par La Paix Maintenant traduit Traduction par Gérard Eizenberg selon Ha’aretz.

Lire aussi :
• Crimes de guerre confirmés à Gaza, l'Humanité.
• Gaza : La vérité pointe sur les exactions israéliennes, Lutte Ouvrière.
• Gaza : les témoignages accablants des soldats israéliens, Libération.
• Gaza : Réactions aux témoignages israéliens sur les crimes de guerre, Global Voices.


[1] L’armée israélienne est fort inventive quand il s’agit de nommer ses opérations. Les références sont le plus souvent bibliques. En tant que «traducteur engagé», tant que ce nom n’apporte aucune information, je me refuse dorénavant à suivre cette manie de mêler les références bibliques à des opérations militaires. Pour info, l’expression «Plomb durci» est tirée d’un poème de Bialik consacré à la fête de Hanouka, censé être chanté par de jeunes enfants ; l’opération a été déclenchée au moment de Hanouka (ndt).

24 mars 2009

"Le monde entier est contre nous. Qu’importe, nous vaincrons"

Il y a un mois, des millions de personnes sont descendues dans les rues pour manifester leur colère contre les actions militaires israéliennes à Gaza, et de tous les continents un même cri s’est élevé, exigeant l’arrêt de cette tuerie.
De la gauche à la droite, la réaction en Israël a été : «C’est une guerre existentielle, et qu’importe ce qu’en disent les non juifs ! Après tout, tous sont antisémites de toute façon.» Et ce qui a encouragé cet hermétisme israélien fut le soutien - ou pour le moins le silence délibéré - des États-Unis, de l’Europe et des États arabes, d’abord et avant tout, de l’Egypte.

Quand on met un pays en position au-dessus des lois et au-dessus de tout ce qui fait un comportement civilisé, quand on accepte de sa part un comportement barbare, il n’est pas étonnant que ce pays outrepasse toutes les règles, et morde même ceux qui lui veulent du bien. C’est ce qu’ont appris la semaine passée, et d’une brutale façon, les États-Unis et l’Egypte.

Le chef des Renseignements égyptiens, le général Omar Suleiman, avait œuvré dur pour aller à la création d’un gouvernement d’union palestinienne et, à ce titre, il était parvenu non seulement à faire cesser les tirs de roquettes sur le sud d’Israël, mais aussi à sauver le gouvernement Fatah en Cisjordanie. De plus, Suleiman avait sacrifié de longues nuits pour arriver à un accord sur un échange de prisonniers qui aboutisse à la libération du soldat israélien Gilad Shalit. Et pourtant, les responsables du gouvernement israélien, d’Olmert à Livni, ne se sont préoccupés que de la formation d’un gouvernement israélien et ont ignoré le travail de Suleiman, le sort de Gilad Shalit, et même celui de Mahmoud Abbas.

Et même à leur allié le plus important dans la région, la Turquie, les dirigeants israéliens ont réussi à causer des problèmes ! C’est comme s’ils voulaient dire, «Qu’avons-nous à faire de nos ennemis, qu’avons-nous à faire de nos amis, nous ferons comme nous le souhaitons et si vous nous cherchez, rappelez-vous Gaza et ce que nous sommes capables de faire quand nous décidons d’outrepasser toutes les règles !». Il ne faut se tromper : il s’agit là d’une politique insensée qui va attirer la catastrophe sur Israël, et dans un avenir pas si lointain. Quand un pays part sur l’hypothèse que le monde est de toute façon contre lui et qu’il ne peut compter que sur sa force militaire, quand il n’y a aucune opposition israélienne pour crier «Arrêtez immédiatement, vous nous mettez en guerre contre le monde entier, vous nous isolez dans l’opinion publique internationale comme dans la communauté des nations, et vous fermez la porte à toute possibilité d’existence pacifique dans la région.», alors le compte à rebours a commencé.

Une véritable folie, la folie du pouvoir s’est emparée de la société israélienne tout entière, et non seulement du duo Lieberman/Netanyahu sur lequel il est trop facile de projeter nos craintes. Si les gens l’ignorent, nous devons leur suggérer de lire sur le sort des Empires qui se sont crus capables de gouverner le monde entier, d’instaurer un règne de mille ans, d’implanter des colonies sur trois continents. Qui se souvient de l’Empire français en Afrique, à part les descendants de ses victimes ? Qui se souvient de l’Empire britannique dans l’Asie du sud ? De l’Indochine française ?

Se moquer de la Turquie, dénigrer le chef des Renseignements égyptiens, mettre en colère l’émissaire américain pour une cargaison de pâtes alimentaires (oui, même ça) pour Gaza, sont les signes d’une perte structurelle des sens à laquelle les trois grands partis d’Israël collaborent (si le Parti travailliste peut encore être appelé grand parti), outre l’élite israélienne tout entière et une grande majorité des électeurs.

Le consensus national général israélien qui règne en dépit d’une position mondiale presque unanime est un problème terrifiant, et le millier de dirigeants qui ont exprimé leur émotion et leur horreur devant les crimes israéliens dans Gaza ne cesse de parler d’un «autre Israël», comme il existait lors de la guerre du Liban en 1982 et la première Intifada [1987].

Mais s’il y a effectivement d’autres Israéliens, il n’y a malheureusement pas d’autre Israël au-delà de cet État de criminels de guerre, et de la société qui leur a apporté son soutien.

Michel Warschawski
16 mars 2009
Publié par Info-Palestine selon Centre d’information alternative.

Un parc israélien, leçon de l’histoire oubliée

"Petit à petit, nous croyons que les Israéliens peuvent être amenés à comprendre que leur Etat existe au dépend d’un autre peuple. Seulement alors, les Israéliens seront susceptibles d’être prêts à penser à faire la paix."

Parc Canada, Cisjordanie. Comme le printemps arrive de bonne heure, les Israéliens se trouvent à venir en masse dans l’un des sites de loisirs les plus appréciés du pays. Les visiteurs du Parc Canada, à quelques kilomètres au nord-ouest de Jérusalem, jouissent de panoramas de toute beauté, de sentiers forestiers, de pistes VTT, de grottes et d’aires de pique-nique idylliques.

Toute une série de panneaux les informent de l’importance historique de ce paysage, et de quelques bâtiments anciens, évoquant leur passé biblique, romain, grec et ottoman. Peu de visiteurs, s’il y en a, font attention aux blocs de pierres qui recouvrent certaines parties du parc.

Mais Eitan Bronstein, le directeur de l’organisation Zochrot (Se souvenir) s’est engagé à éduquer les Israéliens et les visiteurs étrangers sur le passé que l’on cache de ce parc : son histoire palestinienne.

«En fait, même si vous ne vous en rendez pas compte, rien dans ce parc n’est même sur le territoire d’Israël,» déclarait-il à un groupe de quarante Italiens lors d’une visite guidée le week-end passé. «Ce parc est en Cisjordanie, envahie par Israël durant la guerre de 1967. Mais la présence des Palestiniens ici - et leur expulsion - est totalement absente des panneaux.»

Zochrot, géré par des Israéliens et financé par des donateurs particuliers, cherche aussi à rappeler la Nakba [la catastrophe] aux Israéliens, ce déracinement de centaines de milliers de Palestiniens durant la création d’Israël.

Ces visites par Zochrot ne sont pas prisées par la plupart des Israéliens car, dit Mr Bronstein, elles leur suggèrent à quel point ils sont loin de comprendre quel compromis territorial est nécessaire pour arriver avec les Palestiniens à l’accord de paix actuellement promu par la nouvelle administration US.

Un bâtiment impressionnant, à peu de distance à l’intérieur du parc et qu’on signale comme thermes romains, est tout ce qui reste de reconnaissable du village palestinien du nom d’Imwas, lui-même construit sur les ruines du village biblique d’Emmaüs.

Il y a des traces de cimetière et aussi des vestiges épars de maisons du village, un café, une église, deux mosquées et une école.

Les 2 000 Palestiniens qui vivaient ici, avec les 3 500 habitants de deux autres villages, Yalu et Beit Nuba, ont été expulsés quand l’armée israélienne a pris à la Jordanie cette partie de la Cisjordanie.

Aujourd’hui, ils vivent avec leurs descendants comme des réfugiés, la plupart à Jérusalem-Est et près de Ramallah.

A la place de ces trois villages, un parc a été créé par une organisme sioniste international, le Fonds national juif, qui a versé 15 millions de dollars US venant de dons caritatifs de juifs canadiens.

L’entrée du parc n’est qu’à une minute de voiture de l’autoroute la plus fréquentée du pays qui relie Jérusalem à Tel-Aviv.

Des parcs semblables, dans tout Israël, ont été créés sur les ruines de villages palestiniens mais, dans leurs cas, leur destruction résulte de la guerre de 1948 qui a instauré Israël. Ilan Pappe, historien israélien, se réfère à cet effacement massif de l’histoire palestinienne en parlant de «mémoricide» organisé par l’Etat. [1]

Mais le Parc Canada est un site bien plus sensible pour Israël car il se trouve en dehors des frontières internationalement reconnues du pays. L’expulsion des habitants palestiniens, dit Mr Bronstein, fut un acte prémédité de nettoyage ethnique de villageois qui n’ont opposé aucune résistance.

«Nous avons des photos montrant l’armée israélienne en train de procéder aux expulsions,» dit-il à un groupe de touristes, tenant levée une série de vieilles cartes.

Yosef Hochman, photographe professionnel, a saisi des scènes représentant des colonnes de Palestiniens fuyant et portant sur la tête leurs biens qu’ils avaient pu emmener, avec des officiers de l’armée discutant avec une vieille femme qui refusait de quitter sa maison et des bulldozers en mouvement pour détruire les villages.

Selon Mr Bronstein, ce déchaînement de destructions peut s’expliquer par l’échec de l’armée israélienne pendant la guerre de 48 à s’emparer de cette zone qui s’avance en saillie dans ce qui est aujourd’hui Israël et qu’on appelle le Latrun Saillant [à mi-distance entre Jérusalem et Tel-Aviv, presque sur l’autoroute].

«En 1948, les commandants israéliens considéraient la conquête du saillant comme vitale pour élargir le couloir de sécurité de Tel-Aviv à Jérusalem. Ils étaient désespérés de devoir y renoncer quand, en 1967, ils eurent une deuxième occasion.»

Uzi Narkiss, un des principaux généraux de la guerre de 1967, avait fait le serment que le Latrun Saillant ne serait jamais rendu. Des organisations comme Zochrot soutiennent que la création du Parc Canada a été la manière pour Israël d’annexer en douce ce territoire.

Depuis 2003, Mr Bronstein demande que le Fonds national juif ajoute des panneaux supplémentaires mettant en évidence l’histoire palestinienne du parc.

Les thermes romains, note-t-il, ne sont visibles que parce que les fondations ont été mises à jour ultérieurement. Pendant des siècles, la structure - tombeau d’Obeida Ibn al Jarah, guerrier arabe ayant participé à la conquête de la Palestine au 7è siècle - a été un lieu saint important des Palestiniens.

Le Fonds national juif et l’Administration civile, le gouvernement militaire en Cisjordanie, n’ont accepté de poser deux autres panneaux marquant le centre des villages d’Imwas et Yalu qu’après que Zochrot n’ait saisi les tribunaux. Cet acte de transparence a néanmoins été de courte durée. Après deux jours, le mot Imwas était recouvert de peinture noire, et peu après les deux panneaux avaient disparu.

«On nous a dit que c’était probablement des ferrailleurs qui avaient volé les panneaux,» dit Mr Bronstein. «C’est un peu difficile à croire, étant donné que les tableaux officiels tout près sont toujours là aujourd’hui.»

Zochrot envisage d’élargir sa campagne et d’alerter les donateurs canadiens en leur disant que leur argent sert en réalité - et en violation du droit international - à annexer une partie de la Cisjordanie au profit d’Israël. Selon Mr Bronstein, beaucoup d’entre eux ne sont pas conscients de l’utilisation réelle de leurs dons.

Il se prépare à saisir à nouveau les tribunaux contre le FNJ pour exiger que celui-ci remplace les panneaux disparus et qu’il pose des panneaux similaires dans les parcs d’Israël pour commémorer les villages palestiniens rasés par l’armée après la guerre de 1948.

Selon Zochrot, 86 villages palestiniens sont enfouis sous les parcs du FNJ. 400 autres villages détruits ont vu leurs terres transmises exclusivement à des communautés juives.

Plusieurs centaines de militants de Zochrot sélectionnent régulièrement un village détruit et vont, avec des réfugiés palestiniens, placer des panneaux faits par eux-mêmes et qui indiquent le nom du village palestinien en arabe et en hébreu. En quelques jours, les panneaux sont enlevés.

Mais Mr Bronstein dit qu’il croit que même les panneaux montés par les organismes officiels pourraient avoir un plus grand impact pour ouvrir l’esprit des Israéliens.

«Dans une récente interview dans la presse, un haut responsable du FNJ a reconnu qu’il serait difficile d’arrêter notre campagne» dit Mr Bronstein. «Petit à petit, nous croyons que les Israéliens peuvent être amenés à comprendre que leur Etat existe au dépend d’un autre peuple. Seulement alors, les Israéliens seront susceptibles d’être prêts à penser à faire la paix.»

Jonathan Cook
10 mars 2009
Publié par Info-Palestine selon Jonathan Cook.


[1] Voir "Le nettoyage ethnique de la Palestine" - Le mémoricide de la Nakba - d’Ilan Pappe, p. 293 (Fayard) :
«Bref, la véritable mission du FNJ a été de cacher ces vestiges visibles de la Palestine, par les arbres qu’il a plantés sur eux mais aussi par les récits qu’il a créés pour nier leur existence. [...] continue à débiter les mythes familiers de ce récit - la Palestine comme terre « vide » et « aride » avant l’arrivée des sionistes - par lesquels le sionisme entend remplacer toute vérité historique qui contredit son propre passé juif inventé.»

23 mars 2009

Vers un État unique en Palestine/Israël

Cette solution, qui a germé après l'échec des accords d'Oslo, fait lentement sont chemin et, après la guerre à Gaza et l'accord conclu entre Benyamin Nétanyahou et Avidgor Lieberman, cette solution devient padoxalement plus audible.

En 2007, George Bisharat écrivait : «Il y a quarante ans cette semaine, Israël conquérait la Cisjordanie et la bande de Gaza, réinstaurant un système politique dans lequel une seule souveraineté gouvernait toute l’ancienne Palestine. Ce que le monde ne vit pas, c’est que cela avait conduit à une version de la « solution à un seul État » au conflit palestino-israélien - quoique un État dans lequel les Palestiniens et les Juifs n’étaient pas à égalité de droits. [1

En 2009, Haidar Eid écrit : la guerre à Gaza «a mis un terme à la fiction d’une solution de deux états et replacé la libération au lieu de l’indépendance dans l’agenda politique» car «les Israéliens ont tué dans l’œuf la solution de deux états.» [2].

La colonisation et l'occupation militaire de la Cisjordanie et de Gaza font que la «solution à un seul État» est une «réalité à un seul État» [3]. Il est symptomatique sue Le Monde publie "La fin de la solution des deux États", article de Ziyad Clot qui reprend sur le fond ce que disent des Palestiniens et des Israéliens depuis quelques années [4].

Serge LEFORT
23/03/2009

La fin de la solution des deux États

Certains pensaient peut-être continuer à négocier sur les cendres et le sang versé à Gaza. Le récent accord conclu par Benyamin Nétanyahou avec le parti d'extrême droite d'Avidgor Lieberman en vue de la constitution du nouveau gouvernement israélien aura le seul mérite de la clarté : le "processus de paix" est enterré. Désormais, une paix fondée sur la coexistence de deux États est hors d'atteinte.

Pour les Palestiniens, la perspective de la création d'un État était fondée sur la conviction qu'ils pouvaient obtenir mieux que l'offre faite à Yasser Arafat à Camp David. Aux yeux d'Israël, l'OLP demeurait le seul représentant légitime du peuple palestinien. Sous cette réserve, les Israéliens se disaient disposés à faire la paix. Et deux États délimités par la frontière de 1967, avec quelques ajustements, s'accommoderaient du maintien de certains blocs de colonies en Cisjordanie et de la présence de la population arabe en Israël.

Avant même les opérations meurtrières menées à Gaza, les négociations d'Annapolis ont confirmé que ces postulats n'étaient au mieux qu'un tissu d'illusions. Dans le cadre de discussions bilatérales, l'OLP, négociant toujours sous occupation vingt ans après avoir reconnu Israël, n'avait déjà plus les moyens d'obtenir un règlement de paix équitable. Les accords d'Oslo de 1993 et l'établissement de l'Autorité palestinienne dans les territoires occupés ont été un tournant.

Ce gouvernement sans État administre, depuis, des territoires sans souveraineté propre, minés par la multiplication des "check points", l'explosion de la colonisation et la construction d'un mur illégal qui n'empêche pas la poursuite des incursions militaires israéliennes en Cisjordanie.

Dans ce contexte kafkaïen, les droits des réfugiés et de la diaspora palestinienne (70 % de la population) ont été progressivement perdus de vue. Les élections législatives de 2006 puis la prise de Gaza par le Hamas en juin 2007 ont marqué une nouvelle rupture. A moins d'un succès de la nouvelle tentative de réconciliation nationale palestinienne, la population de Gaza restera ostracisée.

Quelle que soit la composition définitive de son futur gouvernement, Israël préférera encore une gestion même incertaine de ce conflit plutôt que sa résolution, persuadé que l'unilatéralisme et l'usage de la force restent en définitive le meilleur garant de sa sécurité. Penser qu'Israël puisse soudainement faire le pari d'une véritable paix, entre égaux, relève du fantasme.

Communautés imbriquées

La colonisation des territoires occupés palestiniens est irréversible : avec près de 500 000 colons en Cisjordanie, dont la moitié environ à Jérusalem-Est, la création d'un État palestinien souverain et viable est mort-née. Quant à la constitution d'un État juif, elle est contrariée par la population palestinienne présente de l'autre côte de la "ligne verte".

Les États-Unis et l'Union européenne continueront pourtant de s'activer sur "la solution" des deux États. Il n'existe pas à ce jour d'alternative susceptible d'emporter le soutien des différents acteurs du "processus de paix". Les parties ayant un intérêt ou une influence directe dans la résolution ou la poursuite de ce conflit pullulent. Comme soixante ans auparavant, l'internationalisation de la question de Palestine rend son peuple, certes coupable de ses divisions, spectateur de son terrible sort. La Cisjordanie et Gaza sont sous influence, pour ne pas dire sous tutelle étrangère.

Avec des Palestiniens sans boussole et des Israéliens désormais otages d'un ultranationalisme inquiétant, les tendances lourdes de ce conflit vont perdurer : l'unilatéralisme, l'usage de la force, l'évolution démographique et l'instrumentalisation du religieux resteront les principaux déterminants du problème israélo-palestinien. Au-delà de ces dérives, les différentes communautés israéliennes et palestiniennes, imbriquées les unes aux autres, n'auront pourtant pas d'autre choix que de cohabiter un jour au sein d'un même État. Ce ne sera pas chose aisée et cette perspective peut paraître aujourd'hui très lointaine. Mais elle est inéluctable et salutaire.

Il appartient à la communauté internationale d'affronter enfin la réalité : la partition de la Palestine votée par l'ONU, le 29 novembre 1947, n'a jamais été voulue ni réellement acceptée par les parties. Et c'est uniquement le déséquilibre des forces en présence qui a dicté l'évolution de la tragédie israélo-palestinienne. Le partage est devenu division. Il est désormais synonyme de ségrégation. Au sein d'un seul État : le Grand Israël. Au détriment d'un peuple : les Palestiniens. Le jour où les acteurs de ce conflit se résoudront à cette évidence, un grand pas sera fait vers sa résolution.

Ziyad Clot, ancien avocat et conseil juridique lors de la négociation d'Annapolis
20/03/2009
Publié par Le Monde.


[1] Le mirage de la solution à deux États, Info-Palestine.
[2] Gaza 2009 : Culture de résistance versus défaite, Info-Palestine.
[3] La réalité d’un seul État, Info-Palestine.
[4] Un ou deux États pour Israël et la Palestine ? - Un débat entre Uri Avnery et Ilan Pappé, AgoraVox.

22 mars 2009

Résistance à la colonisation de la Palestine



Après Gaza, renforcer la solidarité internationale, Info-Palestine selon The Electronic Intifada.
Israël a perdu sa guerre la plus récente sur tous les front. En plus de de pas avoir pu écraser la résistance dans Gaza, il a été incapable d’empêcher la dissidence dans les territoires sous son contrôle militaire. Cette défaite s’est traduite au niveau international et en dépit d’un effort massif de relations publiques et d’une tentative de contrôler la transmission des images et des informations sortant de Gaza, Israël n’a pu empêcher la compréhension générale [de ce qui se passait]. Une majorité grandissante a ouvertement condamné l’opération pour ce qu’elle était — un massacre — et s’est jointe au mouvement pour le BDS.

Les succès les plus récents de ce mouvement ont prouvé que la lutte au niveau mondial pour une véritable démocratie et pour la justice est non seulement un terrain d’entente sur lequel s’appuie le soutien aux droits des Palestiniens, mais qu’il s’agit aussi d’une condition préalable à une solidarité efficace. Notre tâche est maintenant d’orienter la colère populaire vers une action coordonnée et collective.


Tribunal Russell sur la Palestine, Cedetim.
Les vidéos de la conférence de presse du Tribunal Russell sur la Palestine :
Ken Loach
Ken Coates
Paul Laverty
Stephane Hessel
Raji Surani
Leila Shahid
Pierre Galand
Jean Ziegler
Nurit Peled


Lire aussi :
• Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine
• Bibliographie Palestine/Israël

Guerre d'Israël contre le peuple Palestinien (19)



Dépêches des 19 et 20 mars 2009, Info-Palestine - Toutes les dépêches.

"Je lui ai tiré onze balles dans la tête", Courrier international selon The Independent.
Un ancien tireur d’élite de l’armée israélienne raconte sa participation à un attentat ciblé contre deux militants palestiniens, en l’an 2000. Une opération considérée comme un succès par l’état-major.
Pour la première fois, la politique d’assassinats ciblés de l’armée israélienne a été décrite de l’intérieur. Dans une interview accordée à The Independent on Sunday et dans un témoignage recueilli par l’organisation israélienne d’anciens soldats Breaking the Silence [Rompre le silence], un ancien membre d’un escadron de la mort a raconté le rôle qu’il avait joué dans une embuscade qui a coûté la vie à deux personnes en plus des deux militants visés.

L’opération – qui a eu lieu il y a un peu plus de huit ans, au tout début de la deuxième Intifada [septembre 2000] – a laissé des séquelles psychologiques chez cet ancien tireur d’élite. A ce jour, il n’a jamais parlé à ses parents de sa participation à cette affaire.

Au fil des combats, l’assassinat ciblé est devenu une arme régulièrement employée par l’armée israélienne, en particulier à Gaza, où les arrestations étaient moins faciles qu’en Cisjordanie. L’opération décrite par l’ancien soldat aurait pu passer pratiquement inaperçue si celui-ci n’en avait parlé à Breaking the Silence, qui a recueilli des centaines de témoignages d’anciens soldats touchés par ce qu’ils avaient vu et fait (y compris des sévices sur les Palestiniens) pendant leur service dans les Territoires occupés. Son récit, largement corroboré par le témoignage d’un autre soldat, remet en cause des éléments clés de la version officielle fournie par l’armée au moment des faits, tout en jetant un éclairage nouveau sur la tactique très controversée de l’assassinat ciblé employée par Tsahal.

Il nous est impossible de révéler l’identité de notre source, car cet ancien soldat pourrait être inculpé à l’étranger pour son implication directe dans un type d’assassinat que la plupart des pays occidentaux considèrent comme une grave violation du droit international. Issu d’une bonne famille, cet homme d’une trentaine d’années travaille aujourd’hui dans le civil dans la région de Tel-Aviv.

Cet ancien appelé raconte que son unité spéciale a été entraînée pour commettre un assassinat, mais qu’on leur a d’abord dit qu’ils allaient procéder à une arrestation. Ils ne devaient ouvrir le feu que si la cible avait des armes dans sa voiture. “Nous étions déçus de devoir effectuer une arrestation. Nous voulions tuer”, dit-il. Son unité a été emmenée au sud de Gaza, où elle a pris position. C’était le 22 novembre 2000. La principale cible était un militant palestinien du nom de Jamal Abdel Razeq. Il occupait le siège passager d’une Hyundai noire que son camarade Awni Dhuheir conduisait vers Khan Younès [une localité de la bande de Gaza], au nord. Les deux hommes ne se doutaient pas de l’embuscade qui les attendait près de l’embranchement de Morag. A un endroit, la principale route nord-sud de la bande de Gaza passe par une colonie juive. Razeq avait l’habitude d’y voir des troupes israéliennes, mais il ne pouvait pas savoir que l’équipage habituel avait été remplacé par des hommes d’une unité spéciale de l’aviation comprenant deux tireurs d’élite hautement entraînés.

Avant même qu’il ne sorte de chez lui ce matin-là, le Shin Beth [les services de renseignements israéliens] avait suivi ses moindres faits et gestes grâce aux informations qui lui étaient transmises en continu par les téléphones portables de deux Palestiniens collaborateurs [de l’armée israélienne], dont un des propres oncles de Razeq. L’homme qui devait le tuer dit qu’il était “stupéfié” par tous les détails transmis au commandant d’unité du Shin Beth. “La quantité de café qu’il avait dans son verre, l’heure à laquelle il sortait. Depuis vingt minutes, nous savions que nous allions procéder à une simple arrestation, car ils n’avaient pas d’armes avec eux.” Mais, subitement, les ordres ont changé. “Ils nous ont donné l’ordre de le tuer.” Il pense que les instructions venaient d’un commandement mis en place pour l’opération et que “tous les grands chefs y étaient”. Lorsque les deux militants sont arrivés au niveau de l’embranchement, ils ne se doutaient toujours de rien, même quand un gros camion de ravitaillement a débouché pour leur couper la route. Ils ne pouvaient pas savoir que le camion était blindé ni qu’il était rempli de soldats armés qui attendaient le moment de passer à l’action. Un 4 × 4 était garé sur le bas-côté, juste pour le cas où “quelque chose tournerait mal”.

“Nous avions foiré, et personne ne voulait l’admettre”

Et le fait est que quelque chose a mal tourné : le camion a démarré trop tôt et bloqué non seulement la Hyundai, mais aussi un taxi Mercedes qui roulait devant elle. Ce dernier transportait un boulanger de 29 ans, Sami Abou Laban, et un étudiant de 22 ans, Na’el Al-Leddawi, qui se rendaient à Khan Younès pour essayer de trouver un peu de combustible pour leur four à pain.

Le tireur d’élite raconte qu’à l’approche du moment critique ses jambes ont commencé à trembler. “Pendant que j’attends la voiture, je perds le contrôle de mes jambes. […] J’ai un M16 équipé d’une lunette de visée. C’était l’une des choses les plus étranges qui me soient jamais arrivées. […] Je me sentais parfaitement concentré. Nous avons aperçu les voitures qui venaient vers nous et nous nous sommes rendu compte qu’il y en avait deux, et non pas une. La première voiture était très proche de la seconde et, comme le camion a surgi un peu trop tôt, les deux ont été bloquées. […] Tout s’est arrêté. Ils nous ont laissé deux secondes, puis ils ont dit : ‘Tirez ! Feu !’” Qui a donné l’ordre et à qui ? “Le commandant d’unité.” La cible, Razeq, se trouvait sur le siège passager, du côté du 4 × 4. “Pas de doute, je le vois dans le viseur. Je commence à tirer. Tout le monde commence à tirer, et je perds le contrôle. Je tire pendant une ou deux secondes. J’ai calculé plus tard que je lui avais tiré onze balles dans la tête. J’aurais pu me contenter d’une seule.” Il ne peut donc pas affirmer que toutes les balles ont été tirées par les forces israéliennes ? “Non, je n’en suis pas sûr. Tout s’est passé en même temps, très vite. […] Je regarde dans la lunette, je vois la moitié de sa tête. Je n’ai aucune raison de tirer onze balles. C’est peut-être par peur, pour faire face à la situation, mais je continue de tirer.”

“Je crois que ceux qui étaient dans le camion ont commencé à paniquer. Ils sont encore en train de tirer, le commandant se met alors à crier : ‘Stop, stop, stop, stop !’ Il faut plusieurs secondes pour que les tirs cessent et je m’aperçois alors que les deux voitures sont criblées de trous. Même la première, qui se trouvait là par hasard.”

Razeq et Dhuheir, les militants, étaient morts. Laban et Al-Leddawi aussi. Par miracle, le chauffeur du taxi, Nahed Fuju, était indemne. Le tireur d’élite se souvient qu’un seul des quatre corps gisait sur le sol. “J’étais choqué à la vue de ce corps. On aurait dit un sac. Il était couvert de mouches. Ils ont demandé qui avait tiré sur la première voiture [la Mercedes], et personne n’a répondu. Il était clair que nous avions foiré, et personne ne voulait l’admettre.” Mais le commandant n’a pas fait de debriefing avant le retour de l’unité à la base.

“Le commandant est entré et il a dit : ‘Félicitations. Nous avons eu un coup de fil du Premier ministre, du ministre de la Défense et du chef d’état-major. Ils nous ont tous félicités. Nous avons parfaitement accompli notre mission.’ C’est alors que j’ai compris qu’ils étaient très contents.” Notre témoin ajoute que la seule discussion rétrospective a porté sur les risques courus par les soldats, qui, dans la fusillade, auraient pu être touchés par des tirs de leur propre camp, puisque les véhicules de l’armée avaient été atteints par des ricochets et qu’au moins un des soldats était sorti du 4 × 4 et avait tiré sur un corps inerte étendu sur le sol. Selon lui, “ils voulaient que la presse ou les Palestiniens sachent qu’ils étaient en train de durcir le combat”. “On venait apparemment de remporter un grand succès, et j’attendais le debriefing, où toutes les questions seraient posées et où des regrets seraient exprimés pour ce dérapage, mais il n’a jamais eu lieu. Ils s’en fichaient. J’avais le sentiment que les commandants étaient convaincus d’avoir remporté une belle victoire.”

L’affaire a immédiatement suscité des remous. Mohammed Dahlan, qui dirigeait alors le Service de sécurité préventive du Fatah, a parlé d’un “assassinat barbare”. La version fournie à la presse par le général de brigade Yair Naveh, chef des forces israéliennes à Gaza, était qu’ils s’apprêtaient à procéder à l’arrestation de Razeq, mais que celui-ci, s’étant douté de quelque chose, avait sorti une kalachnikov pour tirer sur les forces israéliennes : les soldats avaient alors riposté. Même si Razeq était la cible principale, a-t-il souligné, les deux victimes qui se trouvaient dans le taxi étaient eux aussi des activistes du Fatah “qui avaient des liens avec Razeq”.

Tout récemment, M. Al-Leddawi a déclaré que la présence de son fils sur les lieux de l’opération était un tragique concours de circonstances et que sa famille n’avait jamais en tendu parler des deux autres hommes. “Notre famille n’a rien à voir avec la résistance.”


Des graffiti sur les murs, Info-Palestine Traduction de Marie Meertselon Haaretz.
«Nous sommes venus vous anéantir, Mort aux Arabes, Kahane avait raison, Tolérance zéro, nous sommes venus pour liquider ...»

Voilà quelques-uns des graffiti que des soldats israéliens ont laissé à Gaza sur les murs de maisons palestiniennes qu’ils ont transformées en bivouacs et en positions de tir pendant l’opération Plomb Durci. Ici et là, un soldat a gribouillé une ligne de poésie moqueuse ou une citation biblique dans le même sentiment. Il y a aussi des malédictions sur le Prophète Mahomet et le dirigeant du Hamas Ismail Haniyeh, en même temps que des horaires de garde et les équipes de football favorites.

A leur retour, les propriétaires des maisons trouvaient généralement tout dévasté - soit par les premiers obus que les Forces de Défense (FDI) ont tirés pour en chasser les habitants, soit par des effractions et la destruction de meubles, de vêtements, de murs, d’ordinateurs et d’appareils ménagers. Souvent les maisons saccagées restaient debout dans un voisinage où les autres maisons avaient été réduites en gravats par les bulldozers. Les habitants trouvaient aussi toutes les ordures laissées par les soldats.

En Israël, des instituts de recherche décomptent le moindre slogan abusif griffonné dans un cimetière juif à l’étranger et documentent tout article problématique, afin de surveiller la montée de l’antisémitisme. Les médias attachent de l’importance au moindre graffiti contre le premier ministre assassiné Yitzhak Rabin. Mais le racisme quotidien - à la fois institutionnalisé et populaire, déclaratif et pratique - contre les Arabes d’Israël et les Palestiniens de Cisjordanie, celui-là est précautionneusement et pudiquement couvert.

Pas étonnant que les graffiti hébreux, dont les auteurs ont aussi été destructeurs, sur des murs dans le cœur des quartiers palestiniens n’ont pas été relevés par des antennes israéliennes, toujours tellement sensibles au racisme contre les juifs.

Les porte-parole militaires ont pu écarter les rapports et témoignages sur le meurtre de nombreux civils, à courte ou à moyenne portée, comme prétendument fabriqués ou manipulés, ou ils ont pu répondre en général que les terroristes étaient responsables parce qu’ils se cachaient dans les environs. La société israélienne, pour laquelle Plomb Durci a été enterré dans un dossier clos, est toujours prête à n’importe quelle astuce pour expliquer combien son armée est vertueuse et moralement supérieure.

Mais pour ce qui est de l’évidence photographique des graffiti hébreux, difficile de la dénier ou de la prétendre fabriquée, et ce d’autant plus lorsqu’ils apparaissent accompagnés des noms d’unités militaires et de soldats individuels. En effet, le porte-parole militaire a dit que les graffiti contreviennent aux valeurs des FDI, et les FDI les considèrent comme graves.

Tous les soldats n’ont pas commis de graffiti, mais les camarades et les commandants de ceux qui les ont écrits ne les ont pas fait cesser et n’ont pas effacé ce qu’ils avaient gribouillé. C’est en cela que nous pouvons apprécier la sincérité et l’intégrité des soldats. Ils se sont sentis libres d’écrire ce qu’ils ont fait parce qu’ils savaient - comme les pilotes et les opérateurs des drones porteurs de missiles - qu’ils avaient reçu de leur gouvernement et de leur commandant carte blanche pour attaquer une population civile. Alors pourquoi les mots qu’ils ont choisis poseraient-ils un problème ? Ce qu’ils ont écrit sur les murs reflète leur compréhension de l’esprit de leur mission.

Contrairement aux commandants plus âgés qui peuvent se permettre de parler à certains journalistes acceptables pour l’armée, et qui récitent soigneusement ce que les conseillers légaux des FDI et le Bureau du Procureur d’état leur dit de raconter, les scripteurs de graffiti - soldats de l’armée régulière qui ont grandi avec l’occupation et la supériorité militaire d’Israël - n’ont toujours pas compris que le monde fait plus que des armes. Il fait aussi des lois, des règles et des normes humaines.

Leurs commandants leur ont permis de contrevenir aux normes dont ils n’ont manifestement pas conscience. Contrairement à ceux qui formulent les réponses du porte-parole des FDI, les jeunes soldats, peu sophistiqués, n’ont pas d’expérience pour dissimuler les actions de l’armée et ses missions, leur mission, avec des mots qui brouillent la vérité.

Amira Haas


Gaza : les témoignages accablants des soldats israéliens, Libération.
Le quotidien Haaretz a publié des extraits des compte-rendus faits par les militaires de l'Etat hébreu après le conflit dans le territoire palestinien. Ils font notamment état de tirs injustifiés ayant provoqué la mort de civils.

Les nombreux témoignages palestiniens sur les exactions israéliennes lors de la récente opération militaire à Gaza, sont, pour la première fois, relayés par ceux de militaires israéliens. Les récits de ces soldats, ayant participé à l’Opération Plomb durci contre le Hamas en janvier dernier, font notamment état de tirs injustifiés ayant provoqué la mort de civils palestiniens, en raison du laxisme des règles d’engagement.

Ces témoignages, issus de discussions organisées en février par l’académie militaire dans laquelle avaient été formés les soldats, ont été publiés dans la lettre d’information de l’académie. Le quotidien israélien Haaretz en a publié des extraits ce jeudi et les publiera vendredi dans leur intégralité dans son supplément du week-end.

«Mon officier a envoyé des hommes sur le toit pour la tuer»

Parmi les témoignages, figure le cas d’une mère de famille, tuée avec ses deux enfants, parce qu’elle s’était trompée de chemin en suivant les ordres des soldats. «Le tireur d’élite a vu une femme et des enfants s’approcher de lui et entrer dans la zone dans laquelle on lui avait dit que personne ne devait pénétrer. Il a tiré et les a tués», relate un chef de brigade. «D’après les discussions que j’ai eues avec mes hommes, […] le sentiment général prévalait que la vie des Palestiniens était beaucoup moins importante que la vie de nos soldats», ajoute-t-il.

Un autre témoignage fait état d’une vieille femme Palestinienne tuée alors qu’elle traversait une rue non loin d’un immeuble tenu par des soldats israéliens. «Je ne sais pas si elle était ou non suspecte, je ne connais pas son histoire. Ce que je sais, c’est que mon officier a envoyé des hommes sur le toit pour la tuer», relate un soldat.

Le directeur de l’académie militaire, Dany Zamir, a expliqué qu’en organisant les discussions sur la conduite de l’offensive israélienne, il ne s’attendait pas à de tels témoignages. «Nous pensions que les soldats allaient nous parler de leurs expériences personnelles pendant la guerre et des leçons qu’ils en avaient tirées, nous ne nous attendions absolument pas à ce que nous avons entendu. Cela a été un choc», a-t-il dit. Après avoir entendu les témoignages, Zamir en a immédiatement rendu compte au chef d’Etat-Major Gabi Ashkenazi qui a ordonné le lancement d’une enquête.

L'article a provoqué un début de polémique en Israël

«Les soldats ne mentent pas pour la bonne raison qu’ils n’ont aucune raison de le faire», commente Amos Harel, le journaliste d’Haaretz à l’origine de la publication des témoignages. «Il y a une continuité des témoignages provenant de différents secteurs qui fait émerger une image troublante et déprimante. L’armée rendrait service à tout le monde, et à elle-même en premier lieu, si elle prenait au sérieux les accusations de ces soldats et menait une enquête en profondeur […] Il est possible qu’il y ait quelques exagérations ou erreurs dans ces témoignages mais ils constituent la preuve, de première main, de ce que la plupart des Israéliens préfèrent ne pas voir. Ils décrivent la manière dont l’armée a mené sa guerre contre des terroristes armés, avec une population de 1,5 million de civils coincés au milieu», estime le spécialiste militaire du quotidien de gauche.

Son article a provoqué de nombreuses réactions et un début de polémique en Israël. Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a défendu l’éthique et les actions de l’armée lors de l’offensive contre le Hamas, qui a fait 1.300 morts et 5.000 blessés palestiniens, selon un bilan des services médicaux palestiniens. «L’armée israélienne est la plus morale du monde, et je sais de quoi je parle car je sais ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak», a-t-il dit à la radio publique israélienne. «Bien sûr, il peut y avoir des exceptions et tout ce qui a pu être dit va être vérifié», a assuré Ehud Barak.

De leurs côtés les représentants arabe-israéliens à la Knesset, le parlement israélien, Ahmed Tibi et Mohammad Barrakeh ont déclaré que les témoignages des soldats étaient la «preuve qu’Israël avait commis des crimes de guerre à Gaza».

Commentaires : Cet article, publié le 19/03/2009, est repris le 21/03/2009 sous le titre Des soldats israéliens racontent leurs crimes à Gaza, Libération.


Israël peut-il ignorer les récits de ses propres troupes au sujet de Gaza ?, Info-Palestine Traduction d'Anne-Marie Goossens selon Haaretz.
Comme toujours la réalité est totalement différente de la version édulcorée servie par les commandants militaires au public et aux médias pendant et après l’opération contre Gaza.

Les déclarations des soldats de la force israélienne de défense appartenant au cours militaire préparatoire Yitzhak Rabin ont fourni la première image non censurée de ce qui s’est passé dans certaines des unités combattantes lors de l’opération Plomb fondu.

Il semble que les soldats racontent en fait comment les choses se sont passées couramment sur le terrain. Et comme toujours, la réalité est totalement différente de la version édulcorée servie par les commandants militaires au public et aux médias pendant et après l’opération.

Les soldats ne mentent pas pour la simple raison qu’ils n’ont aucune raison de mentir. Si vous lisez la transcription de leurs récits qui sera publiée par Haaretz vendredi, vous n’y trouverez ni jugement ni vantardise. Ils racontent ce qu’ils ont vu à Gaza. Il y a une cohérence dans les témoignages émanant de différents secteurs qui reflètent une image troublante et déprimante.

La FID rendra un grand service à tout le monde et surtout à elle-même si elle prend les témoignages de ses soldats au sérieux et mène une enquête approfondie. Quand les témoignages émanaient uniquement de Palestiniens ou de la « presse hostile », il était facile de les balayer comme de la propagande servant à l’ennemi. Mais que faire quand ce sont les soldats eux-mêmes qui racontent l’histoire ?

Il est possible que dans ce qu’ils racontent il y ait quelques erreurs ou exagérations parce qu’un chef d’escouade ou de section ne voit pas toujours l’ensemble du tableau. Mais il y a des preuves de première main quant à ce que la plupart des Israéliens préféreraient refouler. Il s’agit de la manière dont l’armée a mené sa guerre contre des terroristes armés, avec une population civile de 1 million et demi de personnes coincées au milieu.

Répondant mercredi à une question de Haaretz, Danny Zamir, directeur de l’école militaire, a annoncé qu’il avait décidé de publier le débat uniquement après avoir parlé et écrit à plusieurs reprises aux officiers supérieurs de la FID . Les officiers d’état-major ont dit à Zamir que les enquêtes opérationnelles au sujet des combats à Gaza, y compris l’enquête sur l’éthique, étaient loin d’être terminées. Les officiers ont aussi dit qu’ils n’avaient pas trouvé de preuves quant au type d’incidents décrits par les soldats.

Si la FID n’a vraiment jamais entendu parler de ces incidents, il est raisonnable de présumer qu’elle ne voulait pas les connaître. Les soldats décrivent la réalité dans les unités de combat depuis le niveau du commandant de compagnie jusqu’à la base. Les participants aux debriefings comprennent habituellement les commandants de compagnie et leurs supérieurs. Il semble qu’à l’exception d’incidents isolés, la règle était « vous ne posez pas de questions et nous ne disons rien ».

Ce sont finalement les soldats des unités de combat qui ont lâché le morceau. Leur conscience les a, en quelque sorte, interpellés.

Dans les jours à venir, nous entendrons certainement parler de ceux qui ont coincé Zamir et qui chercheront à réfuter ces affirmations. En 1990, alors commandant de compagnie dans les réserves, Zamir a été jugé et condamné à la prison pour avoir refusé de monter la garde dans une cérémonie où des gens de droite avaient apporté des rouleaux de la Torah au tombeau de Joseph à Naplouse. Mais même si Zamir ne cache pas ses opinions politiques, on se rend compte en lisant la transcription du jugement qu’il agit par souci de l’esprit de la FDI.

Les problèmes moraux de la FID n’ont pas commencé en 2009. De telles discussions remontent à la guerre des six jours. Mais un officier de réserve qui a examiné les témoignages mercredi a fait remarquer que « ce n’est pas la FDI que nous connaissions ».

Les récits montrent qu’Israël considère l’ennemi de façon de plus en plus extrême. La détérioration est continue - depuis la première guerre du Liban à la seconde, depuis la première intifada à la deuxième, depuis l’opération bouclier de défense à l’opération Plomb fondu.


Des soldats israéliens témoignent d'humiliations et d'actes de vandalisme dans la Bande de Gaza, AP-Yahoo! Actualités.
Une série de témoignages de soldats israéliens vient jeter une lumière très crue sur l'opération "Plomb durci" dans la Bande de Gaza. Les révélations se sont multipliées ces derniers jours, sur les humiliations et actes de vandalisme contre des civils et leurs maisons, et l'assouplissement des règles d'engagement, qui a eu des morts pour conséquence, provoquant l'ouverture d'une enquête.

Le gouvernement israélien a toujours affirmé avoir tout tenté pour éviter les victimes civiles pendant les trois semaines de cette offensive qui s'est achevée à la mi-janvier. Leur nombre élevé a pourtant suscité les condamnations de la communauté internationale.

Mais jeudi, soit deux mois après la fin de l'offensive, Tsahal a ordonné une enquête sur ses propres soldats, après ces témoignages selon lesquels certains soldats ont tiré, parfois un peu trop vite et de manière indiscriminée, comptant sur le fait que l'assouplissement des règles d'engagement les protégerait.

Ces révélations sèment le trouble et suscitent des interrogations, dans un pays où Tsahal, un des principaux piliers d'Israël, bénéficie d'un respect considérable, mais où, déjà, la guerre du Liban de l'été 2006 avait ébranlé des certitudes. Pourtant, Ehoud Barak, le ministre de la Défense, a réaffirmé jeudi ce qu'Israël se répète: son armée est "la plus éthique au monde".

Ces témoignages sont d'autant plus troublants qu'ils viennent conforter les accusations des Palestiniens et des organisations de défense des droits de l'Homme, selon lesquelles Israël aurait violé les lois de la guerre à Gaza.

Ces témoignages ont été publiés dans la lettre d'information en ligne d'une école militaire, transmise aux journaux israéliens "Haaretz" et "Maariv", qui en ont publié des extraits jeudi et vendredi, et que l'agence de presse américaine Associated Press a obtenus dans leur intégralité.

Le directeur de l'institut militaire, Danny Zamir, a qualifié la discussion entre soldats "d'instructive", mais également "consternante et déprimante": "vous êtes en train de décrire une armée avec des normes très basses".

L'un des soldats décrit comment une Palestinienne et ses deux enfants ont été tués, atteints par un sniper, pour avoir mal compris ce qu'un soldat israélien leur ordonnait et pris le mauvais chemin: le tireur embusqué n'avait pas été informé que les civils avaient reçu l'autorisation de sortir de la maison qu'il surveillait, et a donc ouvert le feu quand il les a vus approcher.

Un autre raconte la mort d'une vieille femme, abattue alors qu'elle marchait sur la route et qu'il n'était pas clair qu'elle constitue un danger. "J'ai simplement eu l'impression que c'était un meurtre de sang froid", raconte le soldat identifié uniquement sous le nom d'"Aviv".

Et "Aviv" de raconter également comment sa propre unité a reçu ordre d'investir une maison par la force et de tirer à vue sur toute personne s'y trouvant. "J'appelle ça meurtre", a estimé le soldat. "En haut, ils disaient que c'était autorisé, parce que quiconque restait dans le secteur et dans la ville de Gaza était dans les faits condamné, et un terroriste, parce qu'ils n'avaient pas fui".

Le jeune homme explique ensuite qu'il a insisté pour qu'on donne cinq minutes aux habitants pour évacuer, une attitude qui a déclenché des protestations parmi ses camarades. Selon lui, les soldats se comportaient comme si "à l'intérieur de Gaza, vous avez le droit de faire ce que vous voulez, d'enfoncer les portes des maisons sans autre raison que le fait que c'est cool". "Ecrire 'Mort aux Arabes' sur les murs, prendre les photos de famille et leur cracher dessus, juste parce que vous pouvez le faire", a-t-il ajouté.

Un autre soldat, "Ram", décrit ce qui semble être une querelle entre soldats laïcs et soldats religieux, et le "fossé profond" entre les informations préalables à l'opération fournies par l'armée et celles fournies par le rabbinat militaire, donnant le sentiment d'une "mission quasi-religieuse". "Leur message était très clair: 'Nous sommes le peuple juif, nous sommes venus sur cette terre grâce à un miracle. Dieu nous a ramenés sur cette terre, et maintenant nous devons nous battre pour chasser ceux qui interfèrent avec notre conquête de cette terre sainte'", dit-il.

Un peu plus tôt cette année, Tsahal avait déjà sérieusement réprimandé un officier pour avoir distribué un pamphlet religieux appelant les soldats à n'avoir aucune pitié avec leurs ennemis: ce document était basé sur les écrits d'un rabbin ultranationaliste, et pas approuvé par le rabbinat militaire, a expliqué l'armée israélienne.


L’enquête sur les allégations au sujet de Gaza arrive trop tard, Info-Palestine Traduction de l’anglais d'Anne-Marie Goossens selon Haaretz.
La publication, jeudi, par Haaretz, des récits de soldats ayant participé à l’opération contre Gaza a déjà eu une répercussion importante.

Le procureur militaire, Avihai Mandelblitt, a ordonné à la police militaire de mener deux enquêtes au sujet des commentaires faits par les chefs d’escouade Givati dans leur alma mater, l’académie militaire préparatoire, au sujet des incidents au cours desquels, selon eux, des civils Palestiniens auraient été tués. Jusqu’ici, l’armée s’est contentée de mener ses enquêtes sur les opérations et a complètement évité toutes poursuites criminelles.

En attendant, et avec la même efficacité, la FID a pris une autre mesure : elle s’est empressée de discréditer le témoignage et les motifs du directeur de l’académie, Danny Zamir.

Jeudi après-midi, les médias s’étaient entendu dire confidentiellement que :

1. Zamir est un refuznik bien connu (c’est vrai en partie, car il a refusé de servir dans les territoires en 1990 ; cela ne l’a toutefois pas empêché d’avoir de l’avancement dans les réserves, ni d’être nommé au poste de directeur du comité de préparation militaire de l’académie).
2. Les récits montrent que Zamir « incite » ses élèves à faire des dépositions accablantes (Là, il y a problème. Les procès-verbaux montrent que les soldats ont relaté leurs expériences volontairement, même s’ils n’en étaient pas fiers).
3. Zamir a caché les procès-verbaux à la FID, mais il s’est empressé de les communiquer à la presse.

Cette allégation, excusez-moi, ne tenait pas la route et dans la soirée, l’armée s’était rétractée. Les échanges de courriels entre Zamir et le bureau du chef d’état-major montrent que Zamir l’avait mis au courant le 23 février. Le 5 mars, il a envoyé le procès-verbal à un collaborateur d’Ashkenazy qui le lui avait demandé.

À moins que le bureau de l’état-major n’ait eu du mal à ouvrir un document « Word » (et connaissant le colonel Erez Weiner, cela est peu probable) l’armée connaissait les témoignages depuis deux semaines. Cette chronologie soulève une autre question troublante : pourquoi l’information n’a-t-elle pas été transmise immédiatement au procureur militaire ? Il est bizarre qu’il ait fallu que les articles paraissent dans la presse pour déclencher une réaction.

Et maintenant, l’allégation la plus intéressante : l’après-midi même, l’armée pouvait déclarer que l’enquête sur le témoignage concernant la mère et les deux enfants abattus avait abouti à des conclusions préliminaires. Le commandant de la brigade Givati, Ilan Malkha, a convoqué le chef d’escouade qui avait raconté l’histoire et qui avait admis qu’il s’était fié uniquement aux rumeurs circulant dans la compagnie. Il va sans dire que le soldat n’a pas été dépêché pour donner sa version remaniée à la presse.

Une des tâches les plus importante des relations publiques est de limiter les dégâts quand il y a un problème d’image. Il est impressionnant de voir l’énergie qui y a été consacrée ce jeudi, mais il est décevant - si pas surprenant - de voir avec quel enthousiasme les grands organes de presse ont accepté les allégations de la FID, soit parce que l’information était relayée par la concurrence, soit qu’elle émanait de ceux dont le témoignage n’est pas conforme à la manière dont « notre FID » est censée agir.

Le tout s’est accompagné d’une intensive chasse aux sorcières pour retrouver les sources et d’une campagne d’intimidation contre les diplômés du cours préparatoire Oranim (pendant les 10 dernières années ,le gauchiste Zamir a formé bon nombre de commandants de compagnie décorés).

Toutefois l’histoire a fait le tour des unités combattantes. Les officiers qui ont parlé avec Haaretz considèrent que les témoignages qu’ils ont lus sont très crédibles. D’autres ont relevé que ce n’est pas par hasard que certaines unités (Givati et Golani) semblent plus exposées à de telles suspicions que d’autres (les paras).

La rapidité avec laquelle la FID a lancé les enquêtes est digne d’éloges. Les enquêtes devraient se concentrer sur la crédibilité des récits et sur la manière dont les officiers supérieurs supervisent les opérations.

En 2004, quatre années après le début de la deuxième intifada, deux prévisions pessimistes avaient été publiées concernant les implications à long terme du soulèvement. « Je suis assurément inquiet » avait dit le premier intervenant. « Il est évident que nous payons le prix de cette guerre. La responsabilité de l’officier est de protéger les soldats contre leurs instincts et de leur expliquer les règles de comportement à suivre. Notre problème c’est que les soldats ne tiennent pas compte des problèmes quand ils sont en uniforme ».

Le second intervenant partageait le même souci. « Je me préoccupe le plus » dit-il « de la perte d’humanité qu’engendre une longue guerre ».

Et de qui émanaient ces paroles ? Ce n’étaient pas deux journalistes ennemis de l’État. Le premier était alors Chef d’état-major (et actuellement candidat au poste de ministre de la défense) Moshe Ya’alon. Le second était son adjoint, l’actuel chef d’état-major Gabi Ashkenazi.


Tel-Aviv / les dégénérés sont de sortie, EuroPalestine.
Des cadavres de bébés palestiniens, des mères éplorées sur la tombe de leur enfant mort, des mosquées réduites en cendres : voilà un aperçu des « décorations » ornant les T-shirts des soldats de l’armée israélienne, qui font la fortune d’une entreprise textile de Tel-Aviv.

Sous le titre, « La mode, version Tsahal 2009 », le journaliste Uri Blau a publié vendredi dans le Haaretz un reportage dévastateur sur les mœurs de "l’armée la plus morale du monde".

La firme Adiv, spécialisée dans l’impression de T-shirts, casquettes et pantalons « à la carte », réalise une bonne moitié de son chiffre d’affaires avec les commandes personnalisées de militaires.

Il y a encore peu, les productions de la maison Adiv restaient « classiques », d’un point de vue militariste s’entend.

Un lieutenant ou un sergent passaient au magasin, et demandaient l’édition, pour toute une section de soldats démobilisés, de T-shirts arborant les armoiries de l’unité concernée.

Comme cela, les camarades du soldat Shalit –que l’armée israélienne n’a apparemment pas réussi à tuer, pendant le pilonnage de Gaza- pouvaient prolonger dans la vie civile leur statut d’hommes, de vrais, pas comme ces mauviettes de gauchistes qui refusent de porter les armes.

Mais un tank, un canon, un fusil orphelin au milieu du T-Shirt, c’est un peu ringard pour impressionner copines et copains, et un nombre croissant de militaires se sont découverts des talents créatifs.

L’imagination la plus morbide a alors pris le pouvoir. Les conscrits ayant subi la formation à la spécialité de « sniper » (tireurs équipés de fusils de haute précision, pour tirer de loin) ont apparemment été les plus enthousiastes, selon les résultats de l’enquête conduite par Uri Blau.

Un des T-shirts imprimés pour les snipers d’un régiment d’infanterie porte l’inscription « Pensez au préservatif », à côté du dessin d’une maman palestinienne pleurant devant le corps de son bébé. Un autre montre une femme palestinienne enceinte, dans la mire du fusil, et cette inscription : « Une balle, deux morts ».


Ou encore, cette bande dessinée où l’on voit un nourrisson palestinien, devenant ensuite un garçon lanceur de pierres, puis un adulte en armes, avec cette inscription : « Peu importe comment cela commence, c’est nous qui sifflons la fin de la partie ».

Il y a aussi un grand nombre de T-shirts illustrant les dérangements sexuels de ces hommes. Par exemple, le bataillon Lavi s’est fait faire un maillot où l’on voit un soldat israélien, à côté d’une femme au visage tuméfié, et la légende : « J’parie que tu t’est fait violer ». D’autres illustrent la pratique, démentie par l’Etat-major au mépris d’innombrables témoignages, qui consiste à achever les blessés dits ennemis (c’est-à-dire n’importe quel humain ayant le malheur d’être palestinien).

La pratique en vigueur consiste à tirer une balle dans la tête, à bout portant ou touchant, de la victime, et de rapporter ensuite à l’échelon supérieur « mort confirmée ! ».

Dans de nombreux cas, écrit Uri Blau, la commande des T-shirts est un processus collectif, conduit au sein même de l’armée, sous la supervision de sous-officiers ou d’officiers subalternes (du sergent au capitaine), et les dénégations de l’Etat-major manquent complètement de crédibilité, peut-on constater à la lecture du reportage.

Par exemple, le slogan “Toute mère arabe doit savoir que le sort de son propre fils est entre mes mains” avait été officiellement refusé dans une caserne. Mais un soldat de la brigade d’élite Givati confirme à Haaretz que sa section a acheté des dizaines de T-shirts, pantalons et vestes de treillis arborant la courageuse devise.

"On a aussi fait faire un modèle montrant un de nos soldats en Ange de la Mort, au-dessus d’un village arabe”, ajoute le soldat, rigolant encore au souvenir que l’ouvrier chargé d’imprimer ces horreurs chez Adiv était lui-même palestinien.

Et ce T-Shirt, édité en 2007, où l’on voit un enfant et la légende, « Plus c’est petit, plus c’est difficile », que doit-on en penser ? demande Blau.

“Ben, c’est un gosse, alors forcément, c’est un peu plus difficile moralement, mais cela veut aussi dire que la cible étant plus petite, elle est plus difficile à atteindre”, répond l’intéressé, sans malice.

Les militaires religieux, c’est-à-dire ceux des élèves des écoles rabbiniques qui acceptent de faire l’armée, ne sont pas en reste.

Y., que Blau a interrogé, est tout fier de son œuvre : un soldat ressemblant au gorille géant King-Kong du cinéma hollywoodien, tenant dans sa patte une mosquée écrabouillée.

« J’ai peiné sur ce dessin. Je voulais un personnage qui ressemble à King-Kong, mais pas trop quand même. Je voulais pas que son visage soit trop monstrueux, pour pas qu’il ressemble à une caricature antisémite. Je l’ai montré à des gens, qui étaient contre, parce que cela donnait une mauvaise image de l’armée. Mais moi, j’ai fait Gaza, et on n’a pas arrêté de nous dire que l’objectif de l’opération, c’était bien de démolir les infrastructures, alors je ne vois pas ce qu’il y a à redire à mon inscription ‘On est venus ici pour détruire’ », dit le soldat Y, avant de s’énerver contre le journaliste.

Et ainsi de suite. Incapables de triompher de la résistance palestinienne, y compris après les horreurs de Gaza, des soldats se sont “vengés” en éditant un T-shirt où l’on voit un vautour en train de violer le Premier ministre palestinien Ismael Haniyeh. « Le capitaine de notre compagnie n’était pas d’accord. Alors, on se contente de porter ce truc à l’intérieur de notre peloton », précise un des soudards.

Information complète obligeant, Uri Blau a également interrogé divers responsables, à commencer par le patron d’Adiv, Haim Yisrael.

“Le secteur militaire de mon activité s’est beaucoup développé au fil des ans. Maintenant, le moindre séminaire avec une quinzaine de participants génère une commande particulière », indique-t-il.

« C’est vrai, il arrive que des officiers froncent les sourcils, pour me dire que j’y vais quand même un peu fort avec toutes ces monstruosités sur les Arabes. Moi je leur réponds tranquillement que je dirige une entreprise privée, et que le client est libre de mettre ce qu’il veut sur les vêtements, ce n’est pas à moi de le censurer ».

Evyatar Ben-Tzedef, un ancien militaire de carrière, s’en tire avec une pirouette, et botte en touche. “De mon temps, ce n’était pas comme ça. Mais les temps changent, il y a aujourd’hui un manque de respect pour les êtres humains et leur environnement, c’est ainsi”.

L’officier Kaufman, responsable de la modération sur un site web de l’armée, fournit à Blau quelques descriptions supplémentaires, dont ce T-shirt montrant un garçonnet palestinien fuyant les soldats : « Arrête de courir, tu vas mourir fatigué », ou ce dessin d’un soldat israélien violant une fillette, avec le slogan « Pas de vierges, pas d’attentats terroristes ». « C’est moche, mais je dois avouer que cela m’a bien fait rire », se lâche Kaufman, avant de vaquer à ses occupations.

Passons rapidement sur les tremolos du porte-parole de l’armée, qui condamne, bien entendu, toutes ces atteintes à “l’éthique” de Tsahal, avant d’affirmer que les soldats font cela dans le cadre de leurs activités civiles. En substance, donc, « cela ne nous regarde pas ».

On laissera le dernier mot à un curieux personnage, le colonel de réserve Ron Levy.

L’homme avait fait son service militaire dans le Sayeret Matkal, une force spécialisée dans les assassinats (le Sayeret Matkal a ainsi participé directement au massacre de Sabra et Chatila), avant de devenir … chef du service de santé mentale de l’armée.

Pour ce « psychologue » couleur kaki, pas de doute, ce que font les soldats avec ces T-shirts, c’est un défoulement, parfaitement sain, de la violence et de la colère qui est en eux, généralement en dessous de la ceinture. « Cela reflète aussi le fait que ce qui est anormal aujourd’hui ne le sera pas forcément demain ».

La civilisation, on vous dit !


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