16 mai 2009

La guerre contre l'Afghanistan

L’honneur perdu de l’Occident
Les massacres répétés de populations civiles sous les bombardements de la coalition en Afghanistan réduisent à néant toutes les prétentions morales qui sont avancées pour justifier cette guerre. Une armée en campagne qui prend le risque de tuer des dizaines de civils en écrasant des villages sous les bombes pour ne pas avoir à exposer la vie de ses soldats dans un affrontement rapproché avec les rebelles ne vaut pas mieux que ceux qu’elle prétend combattre. Les morts du village de Granai n’ont pas fait les gros titres. Aucune voix ne s’est élevée ici pour poser cette question brûlante : que fait la France dans cette sale guerre ? L’indifférence en ces circonstances confine à la complicité. Quelque soient les arguments que l’on puisse avancer sur les différences entre les règles d’engagement entre les forces américaines et européennes, après ce massacre, ce ne sont qu’arguties. Qui pourrait, après Granai, avoir le front d’affirmer que cette guerre est « juste » ? Qui pourrait décemment le croire ? Sûrement pas le peuple Afghan, sans l’ombre d’un doute.
Contre Info

Bien sûr, il y aura une enquête. D’ici là, on devrait nous dire que tous les civils afghans tués avaient été utilisés comme « boucliers humains » par les talibans, et nous déclarerons que nous « regrettons profondément » que des vies innocentes aient été perdues. Mais nous affirmerons également que la faute en incombe aux terroristes et non pas aux héroïques pilotes, aux Marines, et aux forces spéciales qui désignaient les cibles à Bala Baluk et Ganjabad.

Quand les Américains détruisent des maisons en Irak, il y a une enquête. Et les Israéliens, ô combien, aiment les enquêtes (même si elles ne révèlent rien). C’est là l’histoire du Moyen-Orient aujourd’hui. Nous sommes toujours dans notre droit et quand ce n’est pas le cas, nous faisons (parfois) des excuses, puis ensuite faisons porter le blâme à tous ces « terroristes ». Oui, bien sûr, tous ces coupeurs de tête et responsables d’attaques suicides sont tout à fait prêts à massacrer des innocents.

Mais le simple fait que ce soit le si faible Président Hamid Karzai qui apparaisse comme un symbole de grandeur d’âme lorsqu’il a appelé hier à « un niveau de moralité plus élevé » dans la conduite de la guerre, et dit que nous devrions nous y comporter en « meilleurs êtres humains », montre à quel point ce massacre a été terrible.

L’explication est fort simple, bien sûr. Nous vivons, ils meurent. Nous ne prenons pas le risque d’exposer nos braves petits gars sur le terrain - pas pour des civils. Ni pour rien d’autre. Nous tirons des obus au phosphore sur Falloujah. Nous tirons des obus de char sur Najaf. Nous savons que nous tuons des innocents. Israël fait exactement la même chose. Et il a également dit la même chose après que ses alliés aient massacrés 1700 civils dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila en 1982, et après la mort de plus d’un millier de civils au Liban en 2006, et après la mort de plus d’un millier de Palestiniens dans la bande de Gaza cette année.

Et si on tue en même temps des hommes en armes - des « terroristes », bien sûr - c’est alors le même argument habituel du « bouclier humain » qui est utilisé, avec au bout du compte, un blâme pour les tactiques des « terroristes » . Nos tactiques militaires sont désormais en parfaite harmonie avec celles d’Israël.

La réalité, c’est que le droit international interdit aux armées de tirer sauvagement sur les bâtiments où s’entassent les civils et de bombarder sauvagement les villages - même lorsque des forces ennemies y sont présentes - mais que ces règles ont été jetées par dessus le bord en 1991 lors des bombardements de l’Irak, puis en Bosnie, puis durant la guerre que l’OTAN a mené en Serbie, puis durant la guerre d’Afghanistan en 2001, puis durant l’aventure en Irak de 2003. Qu’elle ait lieu, cette enquête ! Et que l’on parle des « boucliers humains »... Terreur, terreur, et encore terreur....

Une dernière remarque : innocents ou « terroristes », civils ou talibans, ce sont toujours les musulmans qui sont à blâmer [1].

Robert Fisk
10 mai 2009
Publié par Contre Info selon The Independent.

Lire aussi :
• 10 mai 2009, Graham E. Fuller, Obama aggrave la situation au Pakistan et en Afghanistan, ContreInfo.
Nous nous disons mener une guerre contre les talibans. En réalité, il s’agit d’une guerre contre les Pachtounes, qui sont 40 millions, à cheval sur la frontière entre Pakistan et Afghanistan, et qui veulent retrouver à Kaboul la voix au chapitre perdue en 2001. Par une ironie de l’histoire, la stratégie du diviser pour régner de l’empire britannique, qui a présidé au tracé de la Ligne Durand, rend vaine toute logique militaire d’affrontement avec les Pachtounes en Afghanistan. C’est l’échec - prévisible - de la confrontation avec les tribus en Afghanistan qui met aujourd’hui le hinterland pachtoune du Pakistan à feu et à sang. L’occupation étrangère a pour résultat d’unifier toutes les tribus, toutes les familles, contre les envahisseurs, menaçant du même coup la cohésion du Pakistan, et renforçant les tendances les plus extrémistes. Quelle est la solution ? A l’inverse de ce que planifie Obama, c’est le départ des forces étrangères, dont la présence enflamme la région, qui est le préalable à toute amélioration de la situation. Le temps est-il venu - enfin - de comprendre que ce ne seront pas les opérations militaires de contre-insurrection et les bombardements meurtriers sur la population civile qui parviendront à promouvoir les droits de la femme à Kaboul ? Analyse de Graham E. Fuller, ancien responsable de la station Afghane de la CIA.

• 11 mai 2009, Chris Hedges, Le piège afghan, la bombe à retardement pakistanaise, ContreInfo.
Chris Hedges a rencontré le docteur Juliette Fournot, ancienne responsable des opérations de MSF durant la guerre afghane contre l’occupation soviétique. Mme Fournot, qui connaît bien l’Afghanistan pour y avoir résidé durant l’adolescence, replace le conflit actuel dans une histoire de longue durée qui fait terriblement défaut ici. Elle rappelle que le soutien américain aux jihadistes durant la dernière guerre, largement instrumentalisé par le Pakistan, n’a jamais eu pour objectif d’aider l’Afghanistan et les afghans, mais uniquement d’affaiblir une union soviétique moribonde. A l’époque, les groupes modérés et laïques étaient ignorés par les USA, tandis que l’Arabie Saoudite exportait ses prêcheurs fondamentalistes, dans l’indifférence de leur allié. Si nous sommes oublieux de ce passé récent, les Afghans eux s’en souviennent fort bien. Quelques remarques. Les forces occidentales ont épuisé leur crédit moral en Afghanistan. Le renforcement du corps expéditionnaire qui affrontera l’offensive de printemps des talibans, la multiplication des attaques aériennes sur le sol pakistanais, feront à coup sûr de nouvelles et nombreuses victimes civiles, qui renforceront la détermination des Pachtounes à ne pas accepter de transiger, ni en Afghanistan, ni au Pakistan. La guerre menée en Afghanistan est une cause perdue. Mais l’enjeu désormais, c’est la stabilité du Pakistan. En poursuivant et en étendant les opérations militaires, le risque de voir se déclencher la « bombe à retardement » pakistanaise est accru d’autant. Faute de prendre conscience collectivement de cette situation - aussi désagréable soit-elle - ce constat nous échappe : avec sa crise économique qui répand la misère dans le monde, ses spéculations sur les matières premières et les grains, ses sanglantes aventures militaires, l’occident est objectivement l’un des facteurs majeurs de déstabilisation de la sécurité mondiale, largement perçu comme tel. Mais nous sommes les seuls à ne pas le voir.

• 14 mai 2009, Carlotta Gall et Taimbor Shah, Les villageois afghans racontent l’horreur du bombardement de Granai, ContreInfo.
• 14 mai 2009, Les services secrets pakistanais et la CIA ont créé les talibans, déclare le président pakistanais (Times of India), ContreInfo.
• Pakistan conflict map, BBC NEWS.
• Afghanistan, Monde en Question.


[1] Voir la version de l'im-Monde : Au Pakistan, l'islam radical se mobilise contre l'offensive dans la vallée de Swat, Le Monde.

15 mai 2009

Amira Hass "en territoire ennemi"



RAMALLAH, le 12 mai 2009 (WAFA) - Reporters sans frontières a appris l’interpellation de la journaliste Amira Hass, correspondante du quotidien israélien Haaretz, au check point d’Erez, à sa sortie de la bande de Gaza.

« Cette arrestation est inquiétante. Amira Hass a certes enfreint la loi israélienne en résidant dans la bande de Gaza pendant quatre mois, mais l’interdiction faite par l’Etat d’Israël à tout citoyen israélien d’entrer dans le Territoire palestinien occupés constitue une entrave au travail des journalistes de ce pays, et une atteinte à la liberté de la presse », a déclaré l’organisation.

Amira Hass a expliqué à Reporters sans frontières avoir été arrêtée par la police israélienne vers 16 heures, le mardi 12 mai, alors qu’elle sortait de la bande de Gaza, « pour être entrée illégalement en territoire ennemi », contrevenant ainsi à l’ordre militaire selon lequel les ressortissants israéliens ont interdiction d’entrer dans les Territoires palestiniens.

Interrogée pendant trois heures, la journaliste s’est contentée de décliner son identité. Les avocats ainsi que le rédacteur en chef adjoint du journal étaient présents. Elle explique avoir été relâchée à condition de ne pas tenter d’entrer à nouveau dans la bande de Gaza, et ce par quelque moyen que ce soit. La journaliste a confié avec ironie à Reporters sans frontières que « l’interdiction ne vaut maintenant que pour trente jours ».

Amira Hass était entrée, il y a quatre mois, dans la bande de Gaza par le passage de Rafah au sud du territoire palestinien. Envoyée par la direction de son journal, elle a écrit de nombreux articles sur les conséquences de l’opération militaire israélienne « Plomb Durci » (27 décembre 2008 – 18 janvier 2009) sur la population de Gaza.

Publié par WAFA - Reporters sans frontières.

Dernier article publié par Amira Hass, dans lequel la journaliste analyse comment l’occupation est indispensable aux profits de secteurs importants de l’industrie et de la société israéliennes.

Depuis 1993, les gouvernements israéliens qui se sont succédés devaient certainement savoir ce qu’ils faisaient, quand ils ne montraient aucune hâte à faire la paix avec les Palestiniens. En tant que représentants de la société israélienne, ces gouvernements avaient compris que la paix signifierait de nuire sérieusement aux intérêts nationaux.

Dommages économiques :

L’industrie de la sécurité est un secteur important de l’exportation – armes, munitions et perfectionnements techniques, testés au quotidien à Gaza et en Cisjordanie. Le processus d’Oslo – négociations qui n’ont jamais voulu signifier en finir avec l’occupation – ont permis à Israël de se débarrasser de son statut de puissance occupante (qui l’oblige à respecter ses responsabilités à l’égard du peuple qu’il occupe) et lui ont permis de traiter les territoires palestiniens comme des entités indépendantes.

Israël a pu à partir de ce moment utiliser armes et munitions contre les Palestiniens, avec une ampleur qui n’était guère possible depuis 1967.

La protection des colonies requiert également le développement constant d’ équipements de sécurité, de surveillance et de dissuasion, comme les murs, les barrages routiers, la surveillance électronique, les cameras et les robots. C’est le fer de lance de la sécurité du monde développé, et cela sert les banques, les entreprises et les quartiers du luxe, qui jouxtent les bidonvilles et les enclaves ethniques.

Cette créativité israélienne dans la sécurité est fécondée par l’état constant de friction entre la plupart des Israéliens et une population par définition hostile, puisqu’occupée. Une situation de lutte contre un petite ou une forte poussée de violence, a l’avantage de réunir toute une variété de tempéraments israéliens : Rambos, génies de l’informatique, gens doués de leurs mains, inventeurs. Dans un état de paix, leurs chances de se rencontrer auraient été largement réduites.

Dommages professionnels :

Le maintien de l’occupation et d’un état de non-paix, donne par ailleurs du travail à des centaines de milliers d’Israéliens. Quelque 70 000 personnes travaillent dans l’industrie de la sécurité. Chaque année, des dizaines de milliers de gens finissent leur service militaire avec des spécialisations particulières ou une activité gratifiante. Pour des milliers d’entre eux cela devient leur profession principale : militaires de carrière, opérateurs du Shin Beth (Ndt : service de renseignements), consultants à l’étranger, mercenaires, négociants en armes. Dés lors, la paix met en danger la carrière et l’avenir professionnel d’une couche prestigieuse d’Israéliens, une couche qui a une influence majeure sur le gouvernement.

Dommage à la qualité de vie :

Un accord de paix exigerait une répartition égale des ressources en eau à travers tout le pays (de la rivière à la mer) entre Juifs et Palestiniens, sans parler de désalinisation de l’eau de mer et de techniques d’économie d’eau. Déjà maintenant, il est difficile pour les Israéliens de s’habituer à économiser l’eau par temps de sécheresse. Il n’est pas difficile d’imaginer quel traumatisme représenterait une réduction de la consommation d’eau, dans le cadre d’une répartition égalitaire de la distribution d’eau entre Israéliens et Palestiniens.

Dommages à la protection sociale :

Comme l’ont démontré les 30 dernières années, les colonies se sont épanouies au fur et a mesure que la protection sociale diminuait. Elles ont offert aux gens ordinaires ce que leurs salaires ne leur auraient pas permis dans l’Etat d’Israël, à l’intérieur des frontières du 4 juin 1967 : des terres bon marché, de grandes maisons, des bénéfices, des subventions, des espaces grand ouverts, un panorama, un super réseau de routes, et une éducation de qualité. Même pour les juifs israéliens qui ne s’y sont pas installés, les colonies illuminent leur horizon comme une option possible pour s’élever socialement et économiquement. Cette option est plus réelle que la promesse vague de progrès pour temps de paix, une situation inconnue.

La paix réduirait aussi, à moins qu’elle ne le détruise complètement, le prétexte sécuritaire à la discrimination contre les israéliens palestiniens, pour l’attribution des terres, le développement des ressources, l’éducation, la santé, l’emploi, les droits civils (comme le mariage et la citoyenneté). Des gens habitués à des privilèges grâce à un système basé sur la discrimination ethnique, regardent l’abrogation de ce système comme une menace à leur bien-être.

Amira Hass
11 mai 2009
Haaretz
Traduit par Carole SANDREL pour CAPJPO-EuroPalestine

Lire aussi :
• Dossier Amira Hass
• Dossier Résistance à la colonisation de la Palestine
• Bibliographie Palestine/Israël

Réflexions sur l'affaire Ilan Halimi

Réflexions sur un fait divers
Ilan Halimi, les « barbares », et la guerre des civilisations


Les faits divers ont facilement la faveur du public ; cette faveur est entretenue par les habitudes de la presse. Trahisons de princesses, malheurs de stars, et crimes crapuleux font utilement vendre du papier. Il est bon pour les dominants de faire spectacle des recoins les plus sombres de l’âme humaine, écartant la réflexion de ceux de la société elle-même.

La terrible histoire du meurtre du jeune Ilan Halimi avait hélas tout pour plaire : un mauvais scénario de film noir, une bande de voyous plus ou moins imbéciles, un beau jeune homme plein de vie, une jeune femme blonde servant d’appât, une demande invraisemblable de rançon, des brutalités atroces et gratuites, une victime laissée pour morte après plus de trois semaines de séquestration et de violences, le nom de « barbares » que se donnaient ces voyous, un présumé « chef de bande » qu’on arrête en Côte d’Ivoire... De quoi alimenter pour un moment les rubriques du voyeurisme médiatique.

[...]

Ce qui sans doute restera le plus longtemps difficile à déterminer de manière un tant soit peu solide, ce sont les mécanismes mentaux - pourtant assurément sommaires - qui ont présidé à la commission de ce crime. C’est pourtant cela qui a transformé un sordide fait divers en affaire d’état, sur laquelle président de la République, premier ministre et autres autorités, politiciens de droite comme de gauche, journalistes et badauds, ont cru devoir s’exprimer comme en connaissance de cause.

Mais il est vrai qu’il y avait dans cette affaire l’allégation d’un élément auquel l’opinion publique est à juste titre particulièrement sensible, et que pour cette raison les faiseurs d’opinion ont pris l’habitude honteuse d’instrumentaliser à chaque fois que l’occasion s’en présente : l’élément « antisémite ».

Le public ne dispose d’aucune information fiable : opinions intuitives, certitudes arbitraires, déclarations de troisième main, voilà ce qui fonde la rumeur. Cela ne signifie pas qu’elle soit fausse ; mais il s’agit là de questions que l’on devrait n’agiter qu’avec mesure. Autant il est essentiel de n’avoir à l’égard du racisme antisémite - pas plus qu’à l’égard de toute autre manifestation de racisme - aucune complaisance, autant il est essentiel d’éviter les amalgames et les à-peu-près explosifs. Il n’est pas certain que l’on n’ait pas, en la circonstance, mordu le trait.

[...]

Ainsi, s’il est clair qu’il faut dénoncer et démonter, critiquer, déconstruire le discours qui essentialise les Juifs ou tout autre groupe humain ; s’il est clair qu’il y a un gros effort politique et idéologique à faire en ce sens ; il est moins clair qu’on aide à la compréhension de ce discours - et qu’on se donne les moyen de juger de manière équitable ceux qui agissent sous son influence - en parlant d’un crime antisémite, comme s’il était le fait de personnes animées par la haine des Juifs. Ce meurtre n’a rien à voir avec une ratonnade ou avec un pogrom. Le qualifier de crime crapuleux n’est en aucun cas l’excuser ou en minimiser la portée : c’est le nommer pour ce qu’il est.

[...]

Ce qui fait de ce fait divers un événement, ce ne sont donc pas ses circonstances propres. Il faudra certes bien s’atteler à la tâche de comprendre un tel fait divers ; de comprendre comment un groupe de jeunes gens a pu en venir à tant de violence criminelle dans l’espoir de gagner quelques sous. Mais après tout l’existence du crime ne date pas d’hier ; et l’histoire des enlèvements avec demande de rançon est totalement déconnectée de l’histoire de l’antisémitisme - on se rappelle l’enlèvement du baron Empain, à qui ses ravisseurs avaient sectionné un doigt.

Il faudra aussi tenter de comprendre comment des préjugés aussi absurdes que celui des Juifs « riches et solidaires » peuvent être tenaces au point, si tel est bien le cas en l’espèce, d’être l’un des éléments d’une entreprise criminelle. Mais pourtant, ce n’est pas cela qui a mobilisé le ban et l’arrière ban de la « classe politico-médiatique ».

S’il n’est pas certain - et si rien à vrai dire ne semble, à ce jour, l’indiquer de manière claire - que l’on a ici affaire à un crime raciste, il est par contre certain que jamais, dans l’histoire récente (et même moins récente) de la société française, un acte raciste n’a suscité autant de réactions que notre fait divers.

Un précédent, toutefois, a failli avoir lieu à l’été 2004. Les terribles circonstances du meurtre de Ilan Halimi n’interdisent pas de garder le souvenir de « l’Affaire » du RER D. On se rappelle en effet que la malheureuse mythomane qui s’était faite l’héroïne d’un fait divers qu’elle avait inventé de toute pièces était soumise aux mêmes stéréotypes que ceux qui pourraient bien être en cause dans ce meurtre. Accusant ses agresseurs imaginaires, « des Arabes et des Noirs », elle leur avait prêté, elle qui n’était pas juive, une attitude antisémite à son égard : ils l’auraient crue juive parce qu’ils l’avaient crue riche, du fait de son adresse dans le 16ème arrondissement de Paris.

Beaucoup de ceux qui s’étaient emballés à dénoncer cette agression comme si elle avait réellement eu lieu s’en étaient ultérieurement justifiés en affirmant qu’il importait peu que l’histoire soit fausse, dès lors qu’elle était croyable ; cela n’était pas arrivé, mais cela aurait pu arriver ; la chose était bien suffisante pour qu’on s’en émeuve. Toute la classe politico-médiatique, déjà, s’y était mise. « Les loups sont entrés dans Paris ! », s’était exclamé le président du conseil régional Île de France, avant de demander en aparté s’il n’y avait pas « un loup » dans toute cette histoire. Pourtant, on n’avait nullement jugé utile, dans les temps qui avaient suivi, de combattre stéréotypes, préjugés, et comportements racistes - même antisémites [1].

[...]

On oublie surtout que l’histoire de la société française est émaillée de très nombreux crimes racistes dont les victimes ont pu être des « Arabes » ou des « Noirs », aux côtés desquels on n’aura garde d’oublier les crimes homophobes ni les dizaines de crimes sexistes qui se commettent chaque année, qui ont parfois ému l’opinion publique, mais n’ont jamais suscité indignation de masse et réplique politique à un niveau comparable à ce qui jusqu’à preuve du contraire reste pourtant, aussi abominable soit-il, un simple crime crapuleux. La dernière fois « qu’ils ont tout cassé », c’est lors des révoltes de novembre 2005 : faut-il comparer le meurtre de Ilan Halimi à la succession des violences policières, des manifestations officielles de mépris, des discriminations et des humiliations dont sont victimes les jeunes des quartiers populaires ?

[...]

Antisémite ou pas, le meurtre de Ilan Halimi semble être le fait d’une bande d’individus hétérogène quant à ses origines, dont l’une des têtes « pensantes » serait un homme d’origine ivoirienne. Est-ce par ce qu’il se prénomme Yousouf qu’on évoque « les Arabes », comme on dirait « les Musulmans » ? Qu’un homme d’origine africaine soit mis en cause fait-il de ce crime un acte « communautaire » ? Toujours est-il qu’au fil des informations égrenées dans les journaux à l’occasion de ce drame, on apprenait, comme si cela avait un rapport avec lui, que « soixante pour cent des bandes ont pour chefs des personnes originaires du Maghreb ou d’Afrique ». Service des renseignements généraux dixit. Or, de quelles « bandes » parle-t-on ? On ne nous le dira pas. S’il s’agit d’associations avérées de malfaiteurs - comme les « barbares » de notre affaire - que ne les arrête-t-on pas plutôt que de nous parler de l’origine supposée de leurs chefs supposés ?

En attendant, on aura propagé une fois de plus cette image fantasmatique d’une « banlieue » sillonnée de « bandes » plus ou moins ethniques, passant leur temps à l’écumer, mêlant dans leurs exactions communautarisme anti-républicain, antisémitisme, et racisme anti-blancs. Réponse, en somme, à des clichés et stéréotypes essentialistes, par d’autres clichés et stéréotypes tout aussi essentialistes. On aura semé une peur sans fondement, et fourni des aliments inespérés aux violences toujours présentes de la société. On aura contribué à la prophétie autoréalisatrice de l’ethnicisation de la société française. On aura, dans le fond favorisé les manifestations qui font du racisme une plaie vivante dans le quotidien de millions de personnes : mépris, discriminations, violences.

[...]

Le problème est que pour une sottise dite, pour un lieu commun idéologique, pour une facilité de langage, pour une filouterie politique, il faut des pages et des pages de démonstrations, d’analyses, de commentaires, etc., à tel point que la partie pourrait à bon droit sembler inégale. Peut-être faut-il alors, comme un repli tactique, limiter son auditoire aux personnes qui ne sont pas par avance sourdes à ce que l’on pourrait dire.

Pour celles là, posons quelques principes et proposons quelques conclusions : Aucune grille d’analyse ethnique ne permet de comprendre la criminalité en général, et l’enlèvement de personnes pour leur extorquer une rançon en particulier. Les clichés et stéréotypes qui essentialisent une population déterminée peuvent conduire au racisme ceux qui y adhèrent ; elle peut également les conduire aux pires exactions. Le fait que Dieudonné soit capable de reprendre à son compte les stéréotypes ethnicistes de l’idéologie dominante quant aux Juifs ne le rend pas responsable de ces stéréotypes comme s’il en était l’auteur.

Il n’est pas le seul à y succomber, et les « barbares » n’avaient sans doute pas besoin de lui pour y succomber eux-mêmes. Rien dans l’appel des Indigènes de la République ne va dans le sens de ces mêmes stéréotypes, ni ne tend à favoriser le repli d’on ne sait quelles communautés sur elles-mêmes. Analyser un fait divers à travers la grille de lecture de la « guerre des civilisations », c’est plus se faire mercenaire de cette guerre qu’aider à élucider ce fait divers. Le meurtre de Ilan Halimi n’a rien à voir avec de quelconques « tensions communautaires ». Ceux qui évoquent, à ce sujet, de telles tensions, instrumentalisent la mort de ce jeune homme pour leur propre - et douteux - combat.

Laurent LÉVY
07/05/2009
Publié par LMSI

Lire aussi :
• Affaire Ilan Halimi, Wikipédia
• Affaire Ilan Halimi, Monde en Question
• Théo Klein, "Que la victime ait été juive a conduit à des développements dont je désire souligner l’incohérence absolue", Monde en Question
• Goel Pinto, Veuillez nous pardonner notre racisme, UJFP
• Une émission télévisée trouble le procès du "gang des barbares", Reuters-Le Monde
L'apparition dans une émission de télévision lundi de deux avocats du procès des 27 membres présumés du "gang des barbares", mis en cause pour l'enlèvement et l'assassinat d'Ilan Halimi en février 2006, a provoqué un nouvel incident au procès ouvert le 7 mai à Paris.

Une vingtaine d'avocats de la défense ont demandé mercredi à la justice de faire respecter le huis clos, sans public et sans presse, ordonné par la cour d'assises conformément à la loi, parce que deux accusés étaient mineurs au moment des faits.

Ils ont déploré le fait que, fait exceptionnel pour un procès en cours, Francis Szpiner, avocat de la famille d'Ilan Halimi, et Emmanuel Ludot, celui du principal accusé Youssouf Fofana, aient débattu de l'affaire lors de l'émission de France 2 "Mots croisés" diffusée lundi soir.

L'audience était alors en cours au palais de justice et Youssouf Fofana n'avait aucun avocat pour le représenter.

Cette émission et toutes les autres publications sur l'affaire depuis le début du procès "portent gravement atteinte à l'indépendance de la justice et à la présomption d'innocence", estiment les avocats des autres accusés dans un communiqué.

Ils parlent de "tentative de pression inadmissibles exercées sur l'opinion et les juges par médias interposés".

L'émission de télévision a eu une première conséquence, la présidente de la cour désignant d'office deux nouveaux avocats pour Youssouf Fofana, afin d'éviter qu'il se retrouve seul, a dit le parquet général.

Elle pourrait en avoir d'autres, la défense s'étonnant que Patrice Ribeiro, syndicaliste policier également invité dans l'émission, ait évoqué l'intervention des services secrets dans l'enquête sur Youssouf Fofana, ce qui ne figure pas au dossier.

La semaine dernière, le procès avait déjà été suspendu pendant une journée en raison d'incidents provoqués par le blocage des prisons par les surveillants. Des accusés avaient été ballottés une partie de la nuit à bord de camions cellulaires, sans pouvoir ni dormir ni manger.

Ce procès est très sensible en raison des accusations d'antisémitisme soutenues par l'accusation contre Youssouf Fofana, accusé d'avoir tué Ilan Halimi après avoir organisé son rapt et sa séquestration émaillée de violents sévices.

L'accusé s'est livré à plusieurs provocations lors des premières audiences, lançant "Allah Akbar!" ("Dieu est grand!") au public, déclarant comme date de sa naissance le jour de la mort d'Ilan Halimi ou menaçant les jurés. Le procès doit en principe se prolonger jusqu'au 10 juillet.



[1] Sur la fausse agression antisémite dans le RER D :
• 14/07/2004, Serge LEFORT, Le racisme ne se divise pas, Monde en Question.
• 18/07/2004, Serge LEFORT, Analyse d’une dérive – Le cas Libération, Monde en Question.

14 mai 2009

Un raciste à Radio France

Philippe Val est un raciste
Démonstration, preuve à l’appui


« Le racisme est une valorisation généralisée et définitive de différences réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de légitimer une agression ou des privilèges. » À la lumière de cette définition d’Albert Memmi [1], nous sommes en mesure de démontrer que Philippe Val, le très médiatique et pontifiant patron-éditorialiste de Charlie Hebdo, est, purement et simplement, un raciste.

Lecteur assidu – de son propre aveu – du grand Spinoza, chansonnier depuis trois bonnes décennies, éditorialiste et écrivain depuis deux décennies, Philippe Val sait peser ses mots, et on est en droit de supposer que lorsqu’il écrit et publie quelque chose – et qu’il ne le renie pas dans les semaines, les mois et les années qui suivent – ses écrits nous livrent le fond de sa pensée. C’est pourquoi on ne peut pas considérer les ahurissants propos qui suivent comme une blague de fin de banquet ni comme du deuxième ou du troisième degré. C’est imprimé, noir sur blanc, dans le Charlie Hebdo le 5 janvier 2005 :
« [Les otages français, Christian Chesnot et George Malbrunot] ont été enlevés par des terroristes islamiques qui adorent égorger les Occidentaux, sauf les Français, parce que la politique arabe de la France a des racines profondes qui s’enfoncent jusqu’au régime de Vichy, dont la politique antijuive était déjà, par défaut, une politique arabe. »

Cette phrase de Philippe Val n’a évidemment aucun sens. Qualifier la politique antijuive de Vichy de politique « arabe » n’a aucun sens puisque aucune influence arabe n’a joué un quelconque rôle dans cette entreprise criminelle. Tout s’est passé entre l’Allemagne nazie et la France de Vichy, point barre.

Pour que cette phrase insensée signifie quelque chose, il faut admettre un postulat raciste : le postulat selon lequel les Arabes, en bloc, sont antisémites par nature. Dans cette hypothèse, même si aucun Arabe n’est ni auteur, ni incitateur ni demandeur d’une politique antijuive, ladite politique n’en est pas moins une « politique arabe » dans la mesure où elle ne peut que remplir de joie cette masse assoiffée de sang juif qu’est « le monde arabe » . En résumé : « politique arabe » ne signifie, chez Philippe Val, rien d’autre que « politique antisémite ». « Arabe » et « antisémite » sont donc synonymes.

En d’autres termes : Philippe Val essentialise « les Arabes », en fait une entité homogène, pour ensuite attribuer à cette essence (« les Arabes ») un caractère infâmant (« antisémite »). Cette manière de penser, conjuguant l’essentialisation l’homogénéisation et le dénigrement, porte un nom : le racisme.

Philippe Val a donc écrit un texte purement et simplement raciste. Et comme il assume ce texte plus de trois ans après sa publication, comme il ne l’a pas renié, on peut donc affirmer, de manière plus concise, qu’il est avéré et démontré que Philippe Val est raciste.

Reste maintenant à se demander pourquoi aucune association n’a jusqu’à présent porté plainte contre lui, ni même publié le moindre communiqué face à des propos racistes caractérisés, tenus dans un grand média – ni SOS Racisme, ni le MRAP ni la LICRA, ni la Ligue des Droits de l’Homme – et pourquoi aucun journaliste n’a jamais interpellé l’écrivain, éditorialiste, chroniqueur, débatteur multimédias qu’est Philippe Val lors d’un de ses innombrables prestations télévisées ou radiodiffusées.

Pierre TEVANIAN
13/05/2009
Publié par LMSI

Lire aussi :
• Biographie Philippe Val
- La République des Lettres
- Wikipédia
• Articles sur Philippe Val
- Acrimed
- Bakchich
- Monde en Question Blogger - WordPress
- Plume de presse
• Charlie Hebdo : la vieillesse est un naufrage, LMSI
• Dossier SINÉ, Monde en Question


[1] Albert Memmi, Le racisme, Folio Gallimard, 2000.

Version policière des «sabotages SNCF» (3)

Coupat, l'ultragauche et la politisation du renseignement
Comment la menace terroriste a été créée de toutes pièces pour répondre aux impératifs politiques d'Alliot-Marie et des ex-RG.
Lire la suite... Rue89

Mouvance autonome libertaire ?
Au début de cette affaire, la presse (y compris de gauche) parlait d'une inquiétante résurgence du terrorisme (l'ultra gauche "déraille " disait Libération). Six mois plus tard, la même presse (y compris de droite) commence à se demander s'il n'y a pas eu "emballement" judiciaire et médiatique. Comment est-on passé d'un dossier "en béton" de la police qui surveillait déjà les suspects (y compris la nuit du sabotage) à l'idée, suggérée ici ou là, que Michèle Alliot-Marie tenterait d'agiter le spectre du terrorisme "anarcho-autonome" pour raviver des réflexes sécuritaires.
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"L’insurrection qui vient"
Julien Coupat est ce "dangereux terroriste" de "l’ultra-gauche" soupçpnné par les services de MAM des attentats contre les lignes électriques du TGV, maintenu en prison préventive faute de preuves, dans l’espoir d’en trouver, et dont les "complices" arrêtés à Tarnac ont tous dûs être libérés, faute de preuve sans espoir d’en trouver.
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D'Hammet à Coupat, un même front du refus
Non. Simplement : dire non. Face aux pressions policières et judiciaires : répéter non. Refuser de répondre et de se prêter au rituel déjà écrit de l’interrogatoire politique. Que ce soit dans l’Amérique anti-communiste de McCarthy ou dans la France d’Alliot-Marie - vent debout contre le prétendu danger "anarcho-autonome" - se dessine ainsi un même front du refus.
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13 mai 2009

Grippe A/H1N1 et théories du complot

Comme simple citoyen, j'ai tenté de savoir s'il y avait oui ou non un réel risque de pandémie du virus A/H1N1.

1) Le discours scientifique à propos de la grippe à virus A(H1N1) reste contradictoire entre les pessimistes, qui prédisent que «deux milliards de personnes pourraient être infectées», et les optimistes, qui relativisent les chiffres de cette épidémie en les comparant à ceux d'une grippe saisonnière [1].

2) Le discours médiatique à propos de la grippe à virus A(H1N1), comparable à celui de la grippe aviaire (virus H5N1), a recours au même scénario catastrophe (moins aujourd'hui que durant les deux premières semaines) : «Le vocabulaire employé pour les titres utilise le registre dramatique du danger, du morbide et de la guerre» [2].

3) Le discours politique à propos de la grippe à virus A(H1N1) est variable d'un pays à l'autre. Beaucoup de gouvernements tiennent des propos qui se veulent rassurants sans toujours convaincre. D'autres, comme la Chine, l'Egypte ou le Mexique, sont plus alarmistes pour justifier des mesures sanitaires (Chine), des politiques de discrimination (Egypte) ou de restriction des libertés (Mexique) [3].

Dans ce climat de peur, rapidement propagée à l'échelle mondiale et alimentée par les contradictions du discours scientifique, les manipulations politiques et la surenchère médiatique, il a circulé beaucoup de rumeurs sur l'origine du virus A(H1N1). Alain Joannes les a classé en trois catégories qui n'en font qu'une "la théorie du complot" [4]. L'auteur néglige la théorie religieuse du complot, qui attribue à la volonté de Dieu tous les malheurs du monde.

La quête d'une explication unique de tous les dysfonctionnements économiques, politiques ou sociaux est aussi vieille que l'humanité. Le récit biblique, matrice de la philosophie occidentale, prétend que les catastrophes naturelles, qui ont frappé l'Egypte à une certaine époque, furent les châtiments infligés par Yahvé pour punir le peuple égyptien adepte d'autres croyances !

Les médias dominants, qui créent un climat de peur face au risque de pandémie du virus A/H1N1, sont aussi très habiles pour détourner les critiques du discours politique et surtout les critiques du discours médiatique en les assimilant aux "théories du complot" [5] alors que les médias recourent aux mêmes théories :
Le quotidien Corriere della Sera analyse de manière idéologique la grippe porcine : "Hier, un observateur officiel a déclaré en plaisantant à peine que les pays arabes ne seraient pas touchés par la grippe porcine car les musulmans ne mangent pas de porc. … Nous pouvons être certains que dans certaines régions de la planète - dans un climat de choc des civilisations - une thèse semblable pourrait fonctionner : Dieu, ou la nature, punit l'homme qui se nourrit de viande issue d'animaux impurs. Un apocalypse alimentaire réussira là où le terrorisme international a échoué jusque là. Une tranche de salami causera la perte de l'Occident. D'un autre côté, … on pourra interpréter l'épidémie de grippe porcine comme un complot anti-occidental. … Cette lecture idéologique de la grippe porcine, même complètement aberrante, pourrait prévaloir au niveau symbolique. … Cela pourrait effectivement être une sanction appropriée aux pays riches, victimes de leur propre avidité. Pour ceux qui croient au choc des civilisations, un complot des 'ennemis' visant à empoisonner un aliment symbolique de notre société serait tout à fait possible."
euro|topics

Serge LEFORT
12/05/2009


[1] Serge LEFORT, La grippe saisonnière tue !, Monde en Question.
[2] Gaëlle BOHÉ, Le traitement de la grippe aviaire dans la presse nationale, Observatoire français des médias.
[3] Serge LEFORT, ¡Ya basta! du A(H1N1), Monde en Question.
[4] Alain JOANNES, La dynamique de désinformation sur les risques de pandémie, Journalistiques.
[5] Sélection d'articles :
• 28/04/09, Audrey Garric, Grippe porcine : panique et conspiration vont bon train sur Internet, Le Monde et repris par Slate et Adminet.
• 29/04/09, La théorie du complot, plus rapide que la grippe porcine, Conspiracy Watch.
• 29/04/09, Grippe : la théorie du complot sur la pandémie envahit la toile, Le Monde Dissident.
• 01/05/09, Grippe A : Et revoilà les théories du complot, 20minutes.fr.
• 07/05/09, GRIPPE A - Rassurez-vous, c'est un complot !, lepetitjournal.
• 08/05/09, Nicolás Alvarado, ¡Es un complot!, El Universal.

11 mai 2009

La nouvelle politique américaine au Proche-Orient

Dialogue avec l’Iran, soutien à un Etat palestinien. Depuis son accession à la Maison Blanche, Barack Obama multiplie les signes d’un engagement de son administration en faveur d’une nouvelle politique au Proche-Orient. Des signes qui commencent à inquiéter les responsables israéliens et leurs plus farouches défenseurs aux Etats-Unis.

Pour l’instant, aucune décision concrète qui puisse étayer leurs craintes. Mais les partisans d’Israël aux Etats-Unis commencent à exprimer ouvertement leur inquiétude. Il faut dire que ces dernières semaines, la nouvelle administration américaine a clairement laissé entendre qu’elle comptait rompre avec la politique suivie par la précédente équipe sur le dossier proche-oriental.
À noter tout d’abord le rappel par Barack Obama à l’occasion d’un discours devant le Parlement turc, début avril, de l’attachement des Etats-Unis à la solution de deux Etats pour deux peuples. Quelques jours plus tard, l’envoyé spécial américain, Georges Mitchell, réaffirmait qu’il s’agit là «de la seule et meilleure solution» pour régler le conflit entre Israéliens et Palestiniens. Cette position américaine tranche avec le refus du nouveau gouvernement israélien d’endosser explicitement cette éventualité. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou n’a eu de cesse durant la campagne électorale d’affirmer qu’il était plus urgent d’améliorer la situation économique des Palestiniens.

Son nouveau ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, n’a pas dit autre chose lors des étapes italienne et française de sa tournée en Europe. Le gouvernement israélien cherche surtout à convaincre ses alliés que le dossier le plus urgent reste celui du nucléaire iranien. Mais là encore, l’approche du gouvernement de Barack Obama sur cette question suscite interrogations et inquiétude, tant chez les responsables israéliens que parmi ses plus farouches partisans aux Etats-Unis

Israël craint pour son statut d’allié privilégié

«Les Etats-Unis vont-ils sacrifier leur plus fidèle allié au Moyen-Orient pour rassurer son pire ennemi ?». Le quotidien conservateur, Washington Times, pose la question dans son éditorial de ce mercredi 6 mai. Deux éléments sont à l’origine de cette crainte exprimée sous forme d’interrogation. Il y a d’abord la volonté réitérée par Barack Obama d’engager un dialogue direct et sans conditions avec les responsables iraniens. En renonçant au préalable d’une suspension par la République islamique d’Iran de son programme d’enrichissement d’uranium pour ouvrir des pourparlers, le président américain fait preuve, pour ses détracteurs, d’une naïveté coupable.

Second point qui inquiète les soutiens d’Israël aux Etats-Unis : les récentes déclarations de la responsable américaine chargée de préparer la conférence mondiale sur le Traité de non-prolifération nucléaire, prévue en mai prochain à New York. Rose Gottemoeller a affirmé qu’ «une adhésion universelle au TNP, y compris par l’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du Nord, demeure un objectif fondamental des Etats-Unis». Cette déclaration semble indiquer une volonté américaine de rompre, concernant l’Etat hébreu, avec la politique dite de l’ambiguïté délibérée, en vigueur depuis les années 1960.

Concrètement, Israël a toujours refusé de reconnaître la possession d’armes nucléaires. Selon la plupart des experts, l’Etat hébreu disposerait de 80 à 200 têtes nucléaires. Une adhésion au Traité de non-prolifération obligerait Israël à y renoncer. Une éventualité que se refuse à envisager tant Israël que ses alliés aux Etats-Unis. Lors de son premier mandat comme chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou avait affirmé au président américain de l’époque, Bill Clinton, que «nous ne signerons pas le TNP, car nous ne voulons pas nous suicider».

«Un parallèle dangereux et naïf»

L’éditorial du Washington Post ne dit pas autre chose, lorsqu’il affirme que «plus que tout autre chose, l’arsenal nucléaire israélien a été un facteur de paix au Proche-Orient. Vouloir établir un parallèle entre Israël et l’Iran sur la question nucléaire est dangereux et naïf. Si Barack Obama est réellement intéressé par l’établissement d’une paix durable au Proche-Orient, il doit poursuivre la politique d’ambiguïté stratégique».

Parallèlement, les adversaires de Barack Obama multiplient les mises en garde envers les projets du président concernant le Proche-Orient. À l’occasion de la réunion annuelle de l’AIPAC, le puissant lobby pro-israélien aux Etats-Unis, Newt Gingrich, l’ancien président de la Chambre des représentants, n’a pas hésité à qualifier de «fantaisiste» le désir de Barack Obama d’ouvrir un dialogue avec l’Iran ajoutant que «l’approche de Barack Obama sur ce dossier est le signe de faiblesse le plus clair depuis Jimmy Carter».

Nul doute que Benyamin Netanyahou, qui est attendu fin mai à Washington pour sa première rencontre avec le président américain, relaiera personnellement les inquiétudes que suscitent les projets de l’administration américaine au Proche-Orient. Mais il sait d’ores et déjà qu’il bénéficiera d’une oreille moins attentive que celle dont disposait jusqu’alors le gouvernement israélien à la Maison Blanche. Les dernières déclarations du vice-président américain sont d’ailleurs venues confirmer cette impression.

«Une solution à deux Etats»

Devant l’AIPAC, Joe Biden a affirmé qu’ «Israël doit œuvrer à une solution à deux Etats. Peut-être n'allez-vous pas aimer ce que je vais dire, mais Israël ne doit plus construire de nouvelles colonies. Il doit démanteler les avant-postes existants, il doit permettre aux Palestiniens d'aller et venir librement et d'avoir accès à des perspectives économiques.»

Devant la même assemblée, le secrétaire général de la Maison Blanche, Rahm Emmanuel, avait déjà souligné qu’une avancée sur le dossier israélo-palestinien permettrait de rallier les pays arabes à une politique de fermeté vis-à-vis des ambitions nucléaires iraniennes. Autant d’indices qui font craindre aux plus farouches partisans d’Israël que le nouveau gouvernement américain ne sacrifie son allié traditionnel pour s’attirer les bonnes grâces des pays arabes.

Rien n’indique pourtant, qu’au-delà d’un discours plus offensif sur le dossier palestinien, les Etats-Unis entendent modifier leur politique. L’aide directe américaine à Israël devrait ainsi rester inchangée à quelque trois milliards de dollars et ce, malgré une crise économique qui a conduit le gouvernement américain à réduire son assistance financière aux pays étrangers. Il n’ya donc pas de rupture en vue entre les deux pays. Tout juste un nouveau ton auquel les dirigeants israéliens n’étaient pas habitués de la part d’un président américain.

Franck WEIL-RABAUD
06/05/2009
RFI

Lire aussi :
• 07/05/2009, BHO est-il sérieux ? Le nucléaire d’Israël ?, Dedefensa
• 09/05/2009, Israël, BHO et le biais nucléaire, Dedefensa
• 10/05/2009, Le Premier ministre israélien à la recherche d'un front anti-Iran, RFI